Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président du gouvernement espagnol.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. José Luis Rodriguez ZAPATERO, Président du gouvernement espagnol.

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Palais de l'Élysée, le jeudi 29 avril 2004

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord vous dire notre joie aujourd'hui d'accueillir le Président José Luis RODRIGUEZ ZAPATERO pour sa première visite officielle et amicale en France et par conséquent je veux d'abord lui souhaiter la plus cordiale des bienvenues. J'ai eu le privilège d'être reçu par M. ZAPATERO dans des circonstances assez dramatiques, lorsque je me suis rendu à Madrid pour la cérémonie d'hommage aux victimes de la barbarie. Mais c'est notre premier entretien approfondi sur l'ensemble des problèmes qui nous concernent et qui touchent à la fois nos relations bilatérales, bien sûr, mais également les problèmes euro-méditerranéens, les problèmes européens, cela va de soi, les problèmes entre l'Europe et l'Amérique latine et également l'ensemble des problèmes touchant à la paix et en particulier, au Moyen-Orient.

Nous aurons tout à l'heure un dîner de travail avec nos ministres, avec nos principaux collaborateurs et qui, en particulier, approfondira notre vision, qui est une vision commune de l'Europe de demain.

Nous avons observé, je dois le dire, avec beaucoup de satisfaction, la volonté clairement exprimée par le Premier ministre espagnol, sa volonté que l'Espagne retrouve toute sa place, la place éminente et active qui doit être la sienne au sein de l'Europe de demain. Avec la volonté claire de surmonter les difficultés qui existent forcément. Entre nous, nous sommes déterminés à aller la main dans la main sur le chemin de l'Europe de demain entre l'Espagne et la France, bien entendu, mais aussi et c'est la conclusion que le Premier ministre a tirée de ses entretiens hier à Berlin, la main dans la main, avec nos amis allemands.

Nous avons enfin noté avec beaucoup de satisfaction la volonté de l'Espagne de prendre toute sa place, là encore éminente, dans l'ensemble euro-méditerranéen et d'être dans cet ensemble, et notamment dans les relations avec le Maghreb, un élément de dynamisme, de paix et de solidarité.

M. ZAPATERO - Bonsoir à tous. Je voudrais tout d'abord remercier le Président CHIRAC de son accueil chaleureux et des paroles aimables qu'il a eues à mon égard. Nous avons effectivement entamé cette réunion de travail en constatant que nous partageons de très nombreux éléments et points de vue en commun, sur toutes les grandes questions qui intéressent nos deux pays : l'Union européenne, la vision du monde et également nos relations bilatérales.

Le Gouvernement espagnol souhaite revenir au coeur de la construction européenne. L'Espagne veut être proche des grands moteurs de cette construction européenne que sont la France et l'Allemagne.

Nous voulons également partager une vision, une mission et une action politique commune dans les relations internationales pour construire un ordre de relation entre les pays qui recherchent le dialogue et la paix et nous voulons y travailler ensemble.

En ce qui concerne nos relations bilatérales, je souhaite que cette étape qui s'ouvre dans notre histoire soit la meilleure époque de relations bilatérales entre la France et l'Espagne. Et il y a à cela une base, un point de départ que je voudrais ici reconnaître publiquement, comme je l'ai déjà dit au Président CHIRAC, il y a un instant, au cours de notre entretien.

Le Gouvernement espagnol et le peuple espagnol ont une profonde reconnaissance envers le Président CHIRAC, envers le Gouvernement français, envers le peuple de France pour la coopération incessante, intense et permanente dans notre lutte contre le terrorisme de l'ETA. La coopération entre la France et l'Espagne dans ce domaine est un bon exemple à suivre dans la lutte contre le terrorisme. C'est la voie dans laquelle nous devons poursuivre.

Je voudrais remercier le Président CHIRAC qui m'a confirmé à l'instant que cette collaboration pleine et entière se poursuivrait entre nos deux pays dans la lutte contre l'ETA. Je voudrais vous exprimer cette reconnaissance profonde que nous ressentons tous, nous, citoyens espagnols, pour cette collaboration que nous a apportée la France dans la lutte contre l'ETA, car celle-ci a permis de sauver de nombreuses vies en Espagne.

LE PRÉSIDENT - J'aurais dû évoquer tout à l'heure ce problème. Mais cela me paraissait tellement évident que je ne l'ai pas mentionné. Il va de soi que la coopération entre l'Espagne et la France dans la lutte contre le terrorisme, toute forme de terrorisme bien sûr, mais en particulier, le terrorisme de l'ETA, cette collaboration est sans réserve et se poursuivra de la façon la plus efficace possible. Tout le monde doit bien comprendre que c'est là une position très ferme qui est celle de la France et du Gouvernement français. J'aurais dû le dire tout à l'heure, mais cela me paraissait tellement évident que je ne l'ai pas dit.

M. ZAPATERO - Je vous réitère mes remerciements et ma reconnaissance Monsieur le Président CHIRAC pour ces paroles.

QUESTION - Une question d'abord pour le Président CHIRAC. Nous savons tous qu'il y a de grandes divergences entre la France et l'Espagne en ce qui concerne le financement de l'Union européenne, puisque l'Espagne souhaite maintenir un financement qui représente 1,18% du PIB, alors que la France souhaiterait le réduire à 1%. Qu'en est-il, en avez-vous parlé ? Une question maintenant pour le Président ZAPATERO. Vous vous êtes fait l'avocat de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, allez-vous maintenir cette position ?

LE PRÉSIDENT - Sur le premier point peut-être d'abord. Je voudrais répéter que l'approche telle que nous l'avons observée de la construction européenne qui a été définie par le Gouvernement espagnol de Monsieur ZAPATERO, cette approche est la même que celle de la majeure partie des pays européens et en particulier, puisqu'on les a cités, de l'Allemagne et de la France. Cela ne veut pas dire, naturellement que nous soyons d'accord sur tout. Mais cela veut dire que lorsque nous avons une divergence de vues, nous sommes déterminés à travailler ensemble pour la réduire. Vous savez, nous avons, je le disais tout à l'heure au Président, de nombreuses divergences de vues avec nos amis allemands. Mais nous les réglons toujours, parce que nous avons, plus fort que les divergences, la volonté de les réduire. Nous avons d'ailleurs décidé d'avoir une coopération constante et journalière entre nos collaborateurs compétents français, allemands et espagnols pour justement traiter de tous les problèmes sur lesquels nous pouvons avoir des divergences de vues.

Alors le problème du financement est l'un ce ces problèmes. L'Espagne a une position qui est conforme, grobalement, à celle de la Commission qui est une position optimale et nous la comprenons très très bien. L'Espagne défend ses intérêts, c'est légitime. L'Allemagne et la France qui sont des contributeurs nets et qui ont des problèmes financiers sont évidemment beaucoup plus réservés sur l'augmentation des dépenses européennes. C'est normal également. Il y a là une divergence de vues. Alors il y a deux solutions. On peut évidemment se disputer ou on peut discuter et chercher une solution commune. C'est la deuxième option que nous avons retenue.

M. ZAPATERO - Je vous remercie de ces questions. Tout d'abord je vous dirais que nous n'avons pas encore abordé la question du financement de l'Union européenne. Nous allons, au cours de notre dialogue, pouvoir constater si nous avons des différences de point de vues ou si nous avons un accord. Mais en tout cas, la question du financement ne doit pas séparer l'Union européenne.

En second lieu, en ce qui concerne la question que vous m'avez posée sur le fait de savoir si je soumettrais ou pas la Constitution européenne au référendum, je dirais que le gouvernement précédent s'était effectivement engagé à organiser un référendum sur la Constitution européenne. Mais le gouvernement sorti des urnes le 14 mars devra dialoguer avec tous les groupes parlementaires qui avaient accepté le principe du référendum et devra voir avec ces groupes parlementaires comment étudier cet engagement pris vis-à-vis des citoyens espagnols. Cela dit, il me semble prématuré pour vous donner une réponse définitive sur cette question.

En ce qui concerne nos relations avec la Turquie, nous souhaitons le rapprochement le plus grand possible entre l'Union européenne et la Turquie pour des raisons évidentes de liens à la fois historiques, culturels, politiques et économiques qu'il faut encore rendre plus étroits, mais bien entendu, cela prendra du temps.

QUESTION - Une question qui s'adresse d'abord au Président du Gouvernement Monsieur ZAPATERO, mais également à vous Monsieur le Président de la République. Monsieur ZAPATERO, considérez-vous comme acceptable la règle de double majorité qui est instaurée par le projet de Convention et si ce n'était pas le cas, quelle formule souhaiteriez-vous proposer ? Même question pour Monsieur le Président CHIRAC. En ce qui concerne le Maghreb, vous nous avez dit que vous en avez parlé. Pour instaurer une plus grande stabilité dans cette région du monde, pensez-vous Monsieur ZAPATERO que l'on pourrait faire accepter au Polisario le principe d'une autonomie très avancée, mais en échange qu'il renonce à l'autodétermination ?

M. ZAPATERO - Le Gouvernement espagnol actuel a accepté la règle de la double majorité. Il y a donc eu là un changement de position de l'Espagne et ce changement de position nous l'avons fait afin de trouver un accord et par adopter la Constitution européenne le plus tôt possible. Nous sommes entrés maintenant dans la phase de dialogue, de discussion pour voir comment se matérialise l'aspiration de l'Espagne quant au pourcentage adopté pour représenter la population. Ce dialogue, comme je le disais, a déjà été entamé et je suis profondément convaincu que nous parviendrons à un accord. En tout cas, l'Espagne n'épargnera aucun effort pour que la Constitution de l'Union européenne soit adoptée au cours du présent semestre.

En ce qui concerne votre question sur le Maghreb et sur le Sahara, la position du Gouvernement espagnol est claire. Pour résoudre la question du Sahara, il faut parvenir à un accord qui soit le plus large possible entre toutes les parties et l'Espagne est prête à apporter sa contribution afin de parvenir à cet accord. Pour que cet accord essentiel soit obtenu, il faut, bien entendu, la volonté à la fois du Maroc et du front Polisario. L'Espagne est prête à apporter toute son action politique, dans le cadre des Nations Unies, afin qu'une solution soit trouvée dans le délai de 6 mois. Nous pensons que c'est possible, qu'il est possible d'harmoniser et d'allier les droits de toutes les parties et l'Espagne est convaincue qu'un accord entre les parties est la seule solution possible.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais simplement dire que je fais une analyse convergente avec celle du Président ZAPATERO et je suis convaincu que l'Espagne peut avoir un rôle très important dans le retour à une situation de paix au Maghreb qui permette le développement nécessaire de l'intégration de ces pays.

QUESTION - Vous avez évoqué les problèmes du Proche-Orient et de l'Iraq. Est-ce que vous partagez les mêmes analyses quant à la nécessité du règlement de ces problèmes ?

M. ZAPATERO - Il est évident que, pour le Gouvernement espagnol, la situation que connaît aujourd'hui l'Iraq n'est pas précisément la meilleure pour parvenir à une stabilité à la fois dans ce pays, dans la région du Golfe et dans tout le Moyen-Orient. Tout le monde sait parfaitement que j'étais en désaccord avec le gouvernement précédent en ce qui concerne l'intervention en Iraq et que j'ai rapatrié les troupes espagnoles qui se trouvaient dans ce pays. Ce matin même, d'ailleurs, nous avons accueilli la brigade Plus Ultra II qui stationnait en Iraq. Nous sommes disposés, au Conseil de sécurité des Nations Unies, à faire tous les efforts, dans le domaine diplomatique, pour que l'Iraq retrouve très rapidement sa souveraineté, son indépendance, la démocratie, la stabilité et la paix.

LE PRÉSIDENT - Je n'ai rien à ajouter sur ce sujet, sauf une réflexion touchant au Conseil de sécurité. Parmi les sujets que nous avons évoqués, au-delà des problèmes européens et d'une concertation permanente sur les problèmes européens, nous avons également souligné l'importance qu'il y avait à ce que nos représentants au Conseil de sécurité, notamment l'Espagne, la France et l'Allemagne qui siègent actuellement au Conseil de sécurité, également nos autres partenaires, bien entendu, que cette concertation sur tous les problèmes allant de ceux du Maghreb que l'on a évoqués à l'instant jusqu'à ceux de l'Iraq en passant par le Moyen-Orient etc··· que cette concertation soit très fortement renforcée.

QUESTION - Pensez-vous que s'il y a un transfert de pouvoir aux Iraquiens le 30 juin, l'Iraq peut récupérer sa souveraineté quand il y a 135 000 GI sur le territoire ?

M. ZAPATERO - Il est évident que pour que l'Iraq retrouve véritablement sa souveraineté, récupère une certaine normalité de sa vie politique, et retrouve également la sécurité, il faudra du temps. Par ailleurs, nous connaissons parfaitement les points de vue exprimés par le Secrétaire général des Nations Unies ainsi que par le Gouvernement américain. Nous pensons que la souveraineté pleine et entière du peuple iraquien prendra du temps.

Nous souhaitons tous bien entendu que l'Iraq retrouve le plus rapidement possible sa souveraineté mais étant donné les circonstances politiques, la situation militaire et les problèmes de sécurité qui se posent aujourd'hui, il est évident que cela prendra un certain temps. Nous espérons que le Conseil de sécurité des Nations Unies pourra réduire ce délai au maximum. La souveraineté retrouvée de l'Iraq, c'est bien entendu quelque chose que nous appelons tous de nos voeux, même si cette souveraineté l'Iraq la retrouve progressivement et dans un premier temps partiellement.

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie et je voudrais simplement que le Premier ministre, à son retour ce soir à Madrid, après les entretiens qu'il a eus à Berlin et à Paris, qu'il aura avec les autres capitales, également, reparte avec le sentiment qu'il y a, à Berlin comme à Paris, une volonté très forte d'avancer la main dans la main avec l'Espagne sur la route européenne, la main dans la main.

Dans le cadre d'une coopération sincère, loyale qui exige que les intérêts de chacun soient pris en considération mais dans un esprit de concertation et de dialogue, plus que dans un esprit d'affrontement dont on ne tire jamais rien de très bon. C'est le sentiment que le Chancelier SCHROËDER et moi-même nous avons retiré de la visite du Premier ministre ZAPATERO. Nous nous en réjouissons et nous souhaitons être ensemble parmi les artisans les plus fidèles d'une Europe à la fois pacifique et démocratique, garante de la paix pour notre avenir et de la démocratie mais également d'une Europe porteuse d'un certain message de développement certes, mais de développement économique et social, forte d'un pacte social qui soit à l'image de ce qu'on peut espérer dans le monde moderne de la solidarité. C'est à cela qu'ensemble nous voulons travailler.

M. ZAPATERO - Je voudrais pour terminer remercier à nouveau le Président CHIRAC pour ce qu'il vient de nous dire, pour la teneur de ses interventions et le remercier également pour son attitude cordiale, je lui en suis vraiment très reconnaissant. Je crois qu'il s'agit là du meilleur point de départ pour retrouver une pleine et entière compréhension et une pleine et entière entente entre nos deux pays. La France et l'Espagne doivent travailler ensemble pour la construction d'une Europe active, dynamique, unie, forte, sans arrière-pensées. L'Espagne aura donc une attitude de coopération et de travail en commun avec Berlin et avec Paris. Une fois encore, merci Président CHIRAC.





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