Point de presse conjoint du Président de la République et du Président du Mali.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Amadou TOUMANI TOURÉ, Président de la République du Mali.

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Tombouctou, Mali, le vendredi 24 octobre 2003

M. TOURE - Mesdames et Messieurs, il y a un adage malien qui dit : "mieux vaut répéter cent fois une bonne parole que dire une seule mauvaise parole". C'est pour dire au Président Jacques CHIRAC, -je voulais te dire Jacques- : merci d'être venu au Mali. Nous en sommes particulièrement fiers, pour l'amitié que nous avons pour la France et pour sa personne.

Jacques, j'ai tenu à te recevoir ici à Tombouctou. Comme je disais : il n'y a pas meilleure cité pour ce que cette ville a connu au Moyen-Age, ce qu'elle représente comme patrimoine de l'Humanité et du Mali. René CAILLE, ici appelé Abdallah, s'est glissé sans autorisation, sans visa, et il a écrit un très bon livre sur Tombouctou. Il a certainement été le premier citoyen français qui est entré à Tombouctou et qui en est ressorti.

Monsieur le Président, j'ai tenu ici à vous parler de l'eau, à vous parler de l'environnement, à vous parler de l'ensablement du fleuve Niger, à vous parler de l'avancée du désert.

Monsieur le Président, non, nous ne sommes pas venus pour vous demander quelque chose. Hampâte BA qui disait : "la main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit". Non, on ne vous demandera rien ici. Vous nous avez tout donné, Monsieur le Président, en venant au Mali. Ce que nous avons demandé, nous l'avons obtenu. Nous n'avons rien d'autre à demander.

Cependant, nous avons voulu ici, à la porte du désert, vous dire que nous approuvons hautement les discours que vous tenez et dans lesquels nous nous reconnaissons. Vous parlez en notre nom, dans des lieux où nous ne sommes pas, et vous le dites avec beaucoup de conviction et avec connaissance. Donc, c'est un témoignage de votre lutte dans le cadre de l'eau, l'environnement, la fracture numérique. Tout cela, Monsieur le Président nous a amené à vous recevoir et vous avez accepté de commencer votre visite par à Tombouctou. C'est la première fois qu'un chef d'Etat ami, en visite officielle, accepte comme porte d'entrée une ville de légende. Et Tombouctou le mérite.

LE PRÉSIDENT - Vous comprendrez que je voudrais d'abord exprimer au Président de la République du Mali à la fois ma joie d'être ici et notamment à Tombouctou, qui était une très, très bonne idée comme porte d'entrée. L'histoire, la culture, le prestige s'allient ici à la beauté. Nous avons eu des entretiens, qu'a évoqué à l'instant le Président, qui ne sont d'ailleurs pas finis. Nous avons évoqué les problèmes du Mali. Un Mali qui, sous l'impulsion du Président TOURE, a su s'engager de façon, on peut probablement le dire aujourd'hui, irréversible sur les voies de la démocratie. Et ce n'était pas si facile pour un pays pauvre, peu aidé et, de surcroît, composé d'un nombre de populations qui n'étaient pas forcément homogènes. Il a fallu au Président TOURE, comme à son prédécesseur le Président KONARE, beaucoup, beaucoup de conviction dans la démocratie et dans l'aptitude de la démocratie à résoudre les problèmes des pays en développement, notamment africains aujourd'hui. Il a fallu beaucoup de foi et beaucoup de détermination pour conduire ce pays là où il est, c'est-à-dire dans une phase terminale d'implantation définitive de la démocratie. Cela, on le doit pour une très large part à un homme de vision et de conviction, c'est-à-dire le Président TOURE.

Je tenais à lui en rendre témoignage. Ceci étant, nous avons évoqué l'ensemble des problèmes économiques, écologiques car le développement durable et le respect de l'environnement sont sans cesse mis au premier plan de ces préoccupations par le Président du Mali. Nous avons évoqué les problèmes spécifiques au secteur du coton, aux producteurs de coton, à la suite de l'échec provisoire des négociations de Cancun. Nous avons évoqué les moyens nécessaires pour rendre espoir et je dirais, tout simplement, justice aux producteurs de coton du Mali et à ceux, d'ailleurs, des trois autres pays producteurs de coton qui l'entourent.

Nous avons bien sûr évoqué les problèmes de l'eau, et notamment le bassin du Niger avec la nécessité -dans l'esprit qui a été évoqué hier avec le Président du Niger et qui a été évoqué par les deux Présidents dans la Déclaration de Niamey-, d'avoir une vision commune de la gestion du fleuve Niger, de façon à permettre l'utilisation de ses ressources au mieux, dans l'intérêt de la population.

Nous avons plus généralement évoqué l'accès à l'eau par les programmes de barrages, et souvent de petits barrages, du type de ce qui a été fait par le roi HASSAN II au bénéfice du Maroc et on doit lui en rendre hommage et le prendre en exemple.

Bref, nous avons abordé l'ensemble de ces problèmes. Nous avons bien sûr évoqué les relations financières entre nos deux pays. Elles sont bonnes et saines. Et le Président a raison de dire que nous ne sommes pas du tout dans l'esprit où celui qui donne a la main au-dessus de celui qui reçoit. Ce n'est pas du tout l'esprit des relations entre nos deux pays. Mais en revanche, la gestion financière rigoureuse du Mali, approuvée par les institutions financières internationales, va permettre aux procédures internationales d'arriver à leur terme, notamment en matière d'annulation de la dette. Nous ne pouvons que nous en réjouir, nous et les autorités maliennes. Cela va de soi.

Nous avons également évoqué les problèmes internationaux, ceux de la région en particulier, et notamment ceux qui nous préoccupent particulièrement. Je pense, bien sûr, à la Côte d'Ivoire et à l'ensemble de l'Afrique de l'ouest. Le Président, très gentiment, m'a fait ses condoléances affectueuses à la suite de l'assassinat d'un journaliste français, M. Jean HELENE, à Abidjan. Puis, nous avons évoqué plus largement les problèmes internationaux et notre vision commune, c'est-à-dire une vision conforme à la Charte des Nations Unies, pour ce qui concerne la direction du monde de demain.

Voilà les principaux sujets que nous avons abordés, mais nous avons encore deux autres entretiens à suivre ce qui nous permettra de vous en dire davantage, un peu plus tard.

QUESTION - Tout à l'heure, lors de votre intervention au niveau de la place de l'Indépendance, vous avez parlé de la bonne coopération entre la France et le Mali. Vous avez dit que votre ambition est de donner plus de force à cette coopération, dans un partenariat renouvelé. Peut-on savoir quels seront les contours de ce nouveau partenariat ?

LE PRÉSIDENT - Brièvement, parce que je ne veux pas être long. La nature des relations économiques entre, je dirais, les pays africains et les pays occidentaux -je pense à ceux du G8- a longtemps été un rapport d'assistance, au sens noble du terme, ce n'était pas péjoratif, et cela se traduisait par ce qu'on appelait l'aide au développement considérée comme légitime et, d'ailleurs, insuffisante. Les choses ont évolué. Et les Africains ont recherché une modernisation de ce concept et ils l'ont trouvée sous la forme de ce que l'on appelle le NEPAD.

Le NEPAD, c'est une philosophie qui, au lieu de s'appuyer sur l'assistance, s'appuie sur le partenariat et c'est, évidemment, une conception plus moderne des choses. Et c'est cette conception que nous voulons retenir. Alors naturellement, il y a une phase de transition. Et la France, avec la plupart de ses partenaires africains, milite pour le développement du NEPAD. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, après le G8, sous présidence canadienne à Kananaskis, la France avait mis le NEPAD, c'est-à-dire le partenariat occidento-africain, comme priorité du G8 d'Evian.

Nous souhaitons que nos amis américains fassent de même et nous faisons une amicale et forte pression sur eux, pour leur présidence du G8, l'année prochaine. Nous savons déjà que nos partenaires britanniques, l'année suivante, ont décidé d'avoir le NEPAD comme objet central. Dans ce contexte, nous pensons que c'est une nouvelle philosophie qui sera plus prometteuse pour l'ensemble des peuples d'Afrique et pour les relations entre l'occident et l'Afrique.

Vous savez, je dirais simplement un mot, sur ce que nous disions, tout à l'heure, avec le Président TOURE, et j'avais fait la même remarque à Niamey hier : nous voyons aujourd'hui, à Tombouctou, tous ces enfants, tous ces jeunes, je dirais, ceux qui ont entre 5, 10 et 12 ans, et qui sont là, joyeux, heureux, plein d'enthousiasme avec certainement un potentiel intellectuel considérable. C'est cela l'avenir de l'Afrique, c'est cela l'espoir de l'Afrique de demain. C'est par là qu'elle pourra assumer ses responsabilités et devenir un pôle de développement important du monde de demain, à condition que l'on apporte à ces jeunes le minimum de ce dont ils ont besoin pour s'épanouir.

Sinon, en fait d'espoir, cela peut être un grand danger. Car si cette jeunesse est rejetée, et cela, c'est la responsabilité de la communauté internationale, alors elle sera excessivement dangereuse. Donc, nous avons une grande responsabilité, aujourd'hui, à l'égard de la jeunesse africaine.

M. TOURE - Monsieur le Président, je vais répondre à une question qui n'a pas été posée...

LE PRÉSIDENT - ...Le général de GAULLE avait un grand talent pour faire cela.

M. TOURE - Je voudrais, Monsieur le Président, faire un témoignage -comme vous avez su très bien le faire-, en rappelant les condoléances que je vous ai présentées, face à ce que nous considérons aujourd'hui comme un assassinat inutile.

Monsieur le Président, il y a quelques années, Jean HELENE, aussi bien que moi, parcourions l'Afrique centrale, cela devait être au Congo ou au Gabon. Jean HELENE est resté longtemps après une réunion, il voulait une petite interview. Je suis sorti, pas frais. Il m'a dit : "Monsieur le Président, vous semblez fatigué. On remet à demain". J'ai rencontré un homme courtois, mais professionnellement aguerri, Monsieur le Président. Et, tout de suite, je lui ai demandé : "mais au fond, vous connaissez mon pays, le Mali ?". Jean HELENE : "j'ai visité Tombouctou". J'ai dit : "vous connaissez le pays dogon ?" Il dit : "non". J'ai dit : " eh bien, la prochaine fois, je vous invite au pays dogon".

Monsieur le Président, malheureusement, je ne pourrai pas tenir cette promesse. C'est un regret de dire, Monsieur le Président, que je connaissais un homme chaleureux, professionnel. Nous regrettons et nous condamnons énergiquement cet acte. A vous-même, Monsieur le Président, à la France, à sa famille et à ses collègues, nous vous disons vraiment toute notre sympathie.

LE PRÉSIDENT - Merci.





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