Point de presse conjoint du Président de la République et du Président d'Afrique du sud.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Thabo MBEKI, Président de la République d'Afrique du sud.

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Palais de l'Élysée, le lundi 17 novembre 2003

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, Je n'ai pas besoin de dire ma joie d'accueillir le Président Thane MBEKI ; ce n'est pas une formule de nature diplomatique, c'est l'expression d'une amitié très ancienne qui me lie à son prédécesseur et à lui-même. C'est la quatrième visite, cette année, du Président Thabo MBEKI en France. Je lui ai fait remarquer qu'il était grand temps, d'ailleurs, qu'il m'invite !

Je voudrais saluer l'évolution exceptionnelle de l'Afrique du Sud depuis dix ans. Ce pays connaît le succès de la transition pacifique, la stabilité politique, une modernisation considérable de l'économie. C'est un pays qui vivait sur des ressources agricoles et minières et qui, désormais, voit les deux tiers de son Produit Intérieur Brut provenir des services. Un pays qui a, aujourd'hui, une influence déterminante dans la politique internationale au niveau du continent africain ou au niveau des grands problèmes internationaux, je pense en particulier au Moyen-Orient, au sens le plus large du terme.

Vous me permettrez de saluer la figure politique du Président MBEKI qui est l'architecte de la modernisation de son pays, de son économie et de la société sud-africaine.

Nos relations bilatérales sont parfaites, elles se développent de façon constante sur le plan économique, dans nos échanges et nos coopérations, et sur le plan politique. Nous avons, en particulier, une vision de l'Afrique et une coopération dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et contre les accidents politiques, hélas, trop souvent fréquents sur le continent africain. Nous avons, pour ne prendre que cet exemple mais c'est tout de même quelque chose d'important, été ensemble, Sud-Africains et Français, par nos soldats dans l'opération Artémis en Ituri. Ce partenariat que nous avons face à tous les problèmes africains, naturellement avec un leadership sud-africain incontesté, se prolonge également sur le plan international puisque nous partageons, l'Afrique du Sud et la France, la même vision, la même conception du monde et de la planète. Nous défendons l'importance du droit dans les relations internationales et la sauvegarde du multilatéralisme sur la scène mondiale.

Bref, la relation entre nos deux pays est fondée sur un respect mutuel et sur une amitié forte. L'Union sud-africaine est aujourd'hui une démocratie enracinée. Elle est une puissance économique montante. Elle est une source considérable de création culturelle, comme en témoignent notamment les six Prix Nobel qu'elle a eu dans la période récente, comme en témoigne aussi l'expression artistique exceptionnelle de ce pays qui a, par ailleurs, une vieille et ancienne tradition dans ce domaine. Reste naturellement à faire quelque chose d'essentiel, préoccupation constante du Président MBEKI, pour la réduction des inégalités qui sont héritées du passé et qui se perpétuent encore. Il y a là la grande ambition de l'Afrique du Sud d'aujourd'hui et c'est dans cet esprit que nous avons eu nos entretiens. J'ai reçu avec beaucoup de joie le Président MBEKI à qui je donne maintenant la parole.

M. MBEKI - Monsieur le Président je vous remercie, je dois dire que nous sommes ravis d'être de retour en France, cette fois non pas pour participer à une réunion, mais pour discuter directement avec vous, Monsieur le Président et avec votre gouvernement. Je suis vraiment ravi d'être ici.

Nous accordons une très grande valeur aux relations entre l'Afrique du Sud et la France. Relations que vous avez, d'ailleurs, très bien décrites, Monsieur le Président. La raison pour laquelle nous y accordons une très grande valeur, c'est que pour nous c'est un élément essentiel pour relever les défis en Afrique du Sud mais également les défis sur l'ensemble du continent africain.

Cette visite en France nous permet de vous rendre hommage, Monsieur le Président, pour tout ce que vous avez fait afin de renforcer les relations bilatérales entre la France et l'Afrique du Sud sur le plan économique et également sur le plan politique. Cela me permet ainsi de vous remercier pour tout ce que vous avez fait afin de nous aider à relever ces défis du continent africain.

Le leadership au sein du G8 a permis d'aborder les questions de l'Afrique, du développement africain du soutien à apporter au NEPAD. C'est maintenant une attitude très ferme au sein du G8 et au moment de passer la présidence du G8 à Monsieur BUSH, je pense que cet engagement du G8 est très ferme pour aider le continent africain à relever tous ces défis. Je souhaiterais vous remercier pour ce que vous avez fait dans ce domaine.

Et je suis sûr que, d'ici notre départ, nous aurons encore fait un pas en avant pour renforcer les relations déjà excellentes qui existent entre nos deux pays. Merci beaucoup.

QUESTION - Je voudrais poser une question sur la recrudescence de l'antisémitisme.

LE PRÉSIDENT - J'y répondrai bien volontiers, mais peut-être d'abord il y a des questions qui s'adressent à nous deux. Tout de suite après je vous répondrai, si vous le voulez bien.

QUESTION - Messieurs les Présidents, votre rencontre se tient alors que le Président BUSH vient d'amorcer un changement stratégique sur l'Iraq. Quelle analyse faites-vous l'un et l'autre de cette situation nouvelle ?

M. MBEKI - Je pense que nous avons tous deux le même point de vue sur cette question. Je pense que le plus tôt les affaires de l'Iraq seront entre les mains de l'Iraq, mieux cela sera et ce qu'a dit Monsieur BUSH en la matière est très important. Mais je pense que nous allons continuer à avoir une implication continue sur cette question car nous souhaitons tous arriver à une situation où le gouvernement iraquien dirigera son pays et à une situation de paix et de développement pour l'ensemble du pays. Le message est vraiment que plus tôt les affaires de l'Iraq seront dans les mains de l'Iraq lui-même et bien, mieux cela sera.

LE PRÉSIDENT - Nous avons tout à fait la même analyse, nous avons d'ailleurs la même analyse depuis le début de ce conflit. Je crois, en effet, que seul un transfert rapide de la souveraineté au peuple iraquien et aussi, naturellement, des responsabilités que cela implique, permettra une solution à ce problème. Et il faut que ce ne soit pas trop tard.

QUESTION - J'aurais voulu avoir votre point de vue à tous deux sur la Côte d'Ivoire, Messieurs les Présidents, parce qu'apparemment cela s'enlise et on ne le dit pas très clairement.

LE PRÉSIDENT - Nous avons longuement parlé de la Côte d'Ivoire car la crise que connaît ce pays est suivie avec beaucoup d'attention par le Président MBEKI. Il a, au niveau de l'Union africaine, une responsabilité qu'il a assumée, notamment dans l'accord qui a été donné à la France pour son intervention, à la demande qui a été formulée à la France. Et il continue à suivre de près le problème. Je pense qu'il n'y a pas de solution en dehors d'une mise en oeuvre rapide et complète des accords de Marcoussis. C'est le sens, d'ailleurs, de la réunion qui s'est tenue à Accra, ces derniers jours, avec sept chefs d'Etat africains et j'espère que les autorités ivoiriennes nous comprendront.

M. MBEKI - Eh bien, je ne peux que répéter ce que vient de dire le Président CHIRAC. C'est pour nous une très grande préoccupation et nous avons beaucoup compté sur la CEDEAO pour faire avancer les choses. Nous ferons tout pour qu'il y ait une véritable mise en oeuvre de ce processus. Nous allons continuer à exercer des pressions pour une mise en oeuvre pleine et entière des accords de Marcoussis, afin de relever tous les défis qui nous permettront de régler tous les problèmes qui sont abordés par les accords de Marcoussis, comme par exemple le sujet des nationalités. Nous allons donc continuer à exercer des pressions pour que la situation évolue en Côte d'Ivoire et je pense que c'est ce que tout à chacun souhaite.

QUESTION - Monsieur le Président MBEKI, beaucoup de personnes en Afrique du Sud vont certainement se demander si vous avez abordé la question du football, aujourd'hui, avec M. le Président CHIRAC. Est-ce que ce fut le cas ?

LE PRÉSIDENT - Oui, ce fut le cas. Et c'est même l'une des premières choses qu'avec beaucoup d'amitié, le Président MBEKI m'a dite. Et je n'ai pas besoin de vous dire que je tiendrai le plus grand compte de l'avis amical mais pressant qu'il a formulé à ce sujet.

M. MBEKI - Oui, le Président a très bien répondu à cette question, je crois.

QUESTION - Est-ce qu'il a aussi été évoqué la question du siège au Conseil de sécurité des Nations Unies puisque l'Afrique du Sud entend, un jour, avoir un siège au Conseil de sécurité ? Est-ce que la France va clairement soutenir cette demande ?

M. MBEKI - En fait, nous n'avons pas abordé cette question parce que tout ce qui tourne autour de la restructuration des Nations Unies et du Conseil de Sécurité sont des discussions qui ne sont pas terminées. Et il y a également des discussions à ce sujet en interne sur le continent africain et bientôt, il y aura une position commune pour le continent africain. Mais pour l'instant, il y a encore plusieurs propositions. Quant à savoir combien de sièges permanents il y aura, est-ce qu'il s'agira d'un siège permanent ou de deux sièges permanents avec une rotation pour le continent africain en tous cas, ce que je peux dire, c'est que ces discussions sur le continent africain ne sont pas terminées et que les discussions qui suivront dépendront de cette position commune des pays africains. C'est pourquoi nous n'avons pas abordé cette question aujourd'hui lors de notre entretien.

LE PRÉSIDENT - En effet. Cela ne me dispense pas de vous donner la position de la France : la France est pour la réforme des Nations Unies, l'élargissement du Conseil de Sécurité et l'augmentation du nombre des membres permanents. C'est ainsi qu'elle soutient en particulier la présence de l'Allemagne et du Japon au Conseil de Sécurité et aussi l'augmentation du nombre des membres non-permanents du Conseil de Sécurité.

S'agissant de l'Afrique, comme l'a dit très justement le Président MBEKI, c'est à nos partenaires africains de définir leurs priorités et d'éventuelles modalités de représentation. Mais il est tout à fait clair que, d'une façon ou d'une autre, l'Afrique doit être mieux représentée au Conseil de Sécurité, parmi les membres permanents et parmi les membres non-permanents. Ceci étant, ce serait pour nous un privilège que de siéger au côté de l'Afrique du Sud au Conseil de Sécurité, notamment parmi les membres permanents.

Nous allons nous arrêter là, et je demande au Président MBEKI de bien vouloir accepter que je prenne, bien qu'elle ne soit pas dans le cadre de nos discussions d'aujourd'hui, une question qu'a posée Monsieur HAZIZA à l'instant et qui est liée à un problème d'actualité.

QUESTION - Je voudrais savoir si vous avez un message particulier à adresser à la nation et également à la communauté juive qui est inquiète pour son avenir en France. Et d'autre part, je voudrais savoir si vu le contexte actuel, vous estimez qu'il est judicieux pour votre Ministre de l'intérieur de débattre jeudi avec Tariq RAMADAN, sur France 2 ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais dire que je condamne solennellement au nom de la Nation tout acte d'antisémitisme, tout acte aussi qui n'est pas conforme aux exigences naturelles de la République. A travers les actes d'antisémitisme, c'est en effet chaque citoyen qui est atteint dans ses droits fondamentaux, le droit au respect de ses croyances, le droit au respect de ses convictions. Quand on s'attaque, en France, à un Juif, il faut bien comprendre que c'est à la France tout entière que l'on s'attaque.

A l'occasion du conseil restreint que j'ai réuni cet après-midi, j'ai demandé la plus grande vigilance dans la prévention, la plus grande fermeté dans la poursuite, la plus grande sévérité et la plus grande rapidité dans la sanction des actes antisémites.

Le Gouvernement va demander à tous les Préfets de réunir les responsables de la communauté juive pour arrêter, sur le terrain, avec les services de sécurité, les dispositions à prendre afin de renforcer la protection notamment des lieux de culte et des établissements scolaires.

Dans le même temps, le Garde des Sceaux demandera aux procureurs d'identifier et de signaler toutes les procédures dans lesquelles sont en cause des actes d'antisémitisme afin de requérir des sanctions exemplaires contre leurs auteurs. Je dis bien des sanctions exemplaires.

Enfin, j'ai demandé au ministre de l'Education Nationale de renforcer l'apprentissage de la citoyenneté dans nos écoles afin d'éduquer chaque enfant au respect de l'autre, au dialogue et à la tolérance.

Depuis des siècles et des siècles, nos compatriotes juifs sont en France chez eux comme chacun de nos compatriotes. L'antisémitisme est contraire à toutes les valeurs de la France. Et je compte sur la vigilance de chacun pour s'y opposer avec la plus grande fermeté.





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