Conférence de presse du Président de la République au Palais des Nations à Alger.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, au Palais des Nations.

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Alger, Algérie, le lundi 3 mars 2003

LE PRÉSIDENT - Bien, je voudrais saluer et remercier l'ensemble des journalistes présents, les journalistes algériens, bien sûr, les journalistes français, les journalistes étrangers, et leur dire que c'est avec émotion, c'est vrai, le mot n'est pas trop fort, que je m'adresse à vous aujourd'hui pour évoquer le premier moment, la première journée, de ma visite d'Etat en Algérie, la première d'un Président français, vous le savez, depuis l'indépendance.

Il s'agit en fait de réconciliation, de refondation, il s'agit de rencontre entre deux peuples. En tout cas, c'est ainsi que j'ai ressenti cette journée d'hier et d'aujourd'hui. Et je voudrais tout d'abord rendre hommage au Président BOUTEFLIKA, dont la visite d'Etat à Paris en juin 2000 avait engagé ce processus de compréhension, d'amitié, d'espoir, de retrouvailles trop longtemps différées. Et c'est au cours d'un certain nombre d'entretiens que nous avons pu avoir à cette occasion, et ensuite, en nous rencontrant ou en nous téléphonant, que nous avons voulu ensemble bâtir entre l'Algérie et la France une relation à la fois forte, ambitieuse et sereine.

Je voudrais également dire combien, chacun le comprendra, j'ai été touché par l'accueil qui nous a été réservé et qui, à travers moi, a été réservé à la France par la population d'Alger. Et là, j'ai mesuré une fois encore, comme j'avais pu le faire lorsque je m'étais rendu en décembre 2001 à Bab el Oued à la suite des drames qui s'y étaient déroulés, j'ai pu mesurer qu'entre le peuple algérien et le peuple français, il y avait en réalité quelque chose de fort et qui ne demandait qu'à s'exprimer, à condition naturellement que, dans le respect mutuel, on fasse en sorte que chacun puisse le faire, puisse s'exprimer avec son intelligence, avec son coeur, avec sa sensibilité.

Je suis venu à Alger pour affirmer solennellement l'engagement de la France à sceller avec l'Algérie un véritable pacte de solidarité pour l'avenir, pacte naturel de solidarité pour l'avenir.

Le Président BOUTEFLIKA et moi avons préparé une déclaration solennelle politique commune. Une déclaration qui prévoit des échanges réguliers entre nous, qui définit les grands échanges que nous pouvons mettre en oeuvre, qui définit notre coopération dans les secteurs stratégiques de l'économie, de la coopération technique, de l'éducation, de la culture, de la circulation des personnes, naturellement, avec la perspective d'un Traité que nous engageons, de façon à ce que tout ceci soit ratifié par les opinions publiques, par les Parlements, par les peuples, et que cela marque notre volonté de construire un partenariat d'exception. Ce qui, je le répète, entre nos deux peuples et entre nos deux pays, est un mouvement tout à fait naturel.

Alors, nous ne devons pas pour autant oublier le passé. Nous devons au contraire l'assumer pleinement. Et, à cet égard, je remercie les autorités algériennes, notamment, d'avoir bien voulu coopérer pour la préservation des sépultures françaises en Algérie, comme j'ai pu m'en rendre compte ce matin au cimetière de Saint-Eugène, pour lesquelles nous avons élaboré un plan d'action, de même que j'ai remercié le Président d'avoir bien voulu faire en sorte que la duplication de nos documents d'état civil restés en Algérie puisse être réalisée pour ceux ou celles qui, rentrés en France, voulaient connaître la situation civile de leur famille.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que m'ont dit les autorités algériennes pour ce qui concerne les douloureuses épreuves que l'Algérie a connues dans la décennie 1990-2000, avec le terrorisme dans ce qu'il a de plus atroce et de plus inacceptable. Et le Président BOUTEFLIKA a évoqué longuement avec moi la politique de concorde et de paix civile qu'il met en oeuvre pour sortir de cette période difficile et douloureuse.

Par ailleurs, je me réjouis que nos échanges économiques se développent avec beaucoup de succès. Ils ont doublé en trois ans. Et les discussions que nous avons pu avoir, les accords que nous avons pu signer, permettent dans ce domaine, comme d'ailleurs dans celui de l'éducation, dans celui de la recherche, dans celui de la formation des cadres, d'évoquer les perspectives les plus positives.

Au-delà de notre relation bilatérale, nous avons également bien sûr évoqué les problèmes internationaux. Et, d'abord, celui qui est le plus angoissant aujourd'hui, c'est-à-dire la situation en Iraq. Nous sommes parvenus à un moment, je dirai, décisif. La France, vous le savez, je l'ai rappelé au Président BOUTEFLIKA, n'a qu'un seul objectif, c'est le désarmement. Mais un désarmement dans le cadre de la résolution 1441, qui a été votée à l'unanimité par le Conseil de sécurité. Et nous estimons pour notre part que le temps est encore aux inspections, que ces inspections produisent des résultats, qu'elles doivent être poursuivies avec des moyens renforcés et selon des calendriers de désarmement programme par programme, calendriers mis au point, naturellement, par les inspecteurs.

La guerre ne saurait être considérée comme une solution ni bonne ni morale, dans une situation où, à l'évidence, nous sommes loin d'avoir épuisé les ressources permettant d'atteindre notre objectif de destruction et d'élimination des armes de destruction massive par des voies pacifiques et par les inspections. C'est la raison pour laquelle j'ai eu l'occasion de dire au Président BOUTEFLIKA que nous sommes opposés à une résolution qui autoriserait d'une façon ou d'une autre le recours à la force et que nous nous en tenons au cadre qui a été défini par le Conseil de sécurité, seul habilité pour ce qui nous concerne, de notre point de vue, à arrêter des décisions dans ce domaine.

J'aimerais évoquer, bien entendu, le problème israélo-palestinien. Je n'ai plus à répéter l'espoir qui nous habite, malgré l'inquiétude très grande qui est la nôtre devant la situation actuelle, l'espoir d'aboutir à la négociation politique, à une solution respectueuse des intérêts des deux parties dans le cadre de deux Etats se respectant mutuellement et se garantissant la paix et la sécurité.

Enfin, nous avons longuement évoqué l'Afrique. Vous savez que le Président BOUTEFLIKA est un militant du développement africain, notamment dans le cadre de l'initiative NEPAD, c'est-à-dire une initiative tendant à substituer à la traditionnelle politique d'assistance une politique de partenariat et de responsabilité. C'est ce que nous avions évoqué à Gênes puis à Kananaskis, à l'occasion des deux derniers G8, et qui figurera au premier rang des préoccupations du prochain G8 sous présidence française, le 1er et le 2 juin à Evian. Nous voulons à ce titre mettre comme priorité notre préoccupation concernant le développement et la paix en Afrique.

Voilà les principales réflexions que m'inspire la première partie de ce voyage. Et je suis tout prêt à répondre à vos questions.

QUESTION - Monsieur le Président, peut-on revenir s'il vous plaît sur le point 4 de la déclaration d'Alger, qui concerne la circulation des personnes et qui dit que Paris et Alger s'engagent à favoriser la circulation des ressortissants algériens en France et des ressortissants français en Algérie ? C'est un peu vague. Et, plus concrètement, qu'est-ce que ça signifie sur le nombre de visas et qu'est-ce que ça signifie également pour la communauté des Algériens qui, à l'époque de la guerre d'Algérie, avaient fait le choix de la France quant à leurs désirs de revenir en Algérie ?

LE PRÉSIDENT - Alors, s'agissant des visas, comme vous le savez, pour des raisons liées aux circonstances, nous avions fermé nos consulats, ce qui avait eu pour conséquence de rendre longue et difficile l'attribution des visas. Nous avons déjà depuis un an, un an et demi, beaucoup évolué. Nous sommes en train de remettre en place notre système consulaire en Algérie, comme vous le savez. Nous transférons de Nantes, nous allons transférer de Nantes dans les consulats, ou retourner dans les consulats, les dossiers de demandes de visas, ce qui nous a déjà permis d'augmenter considérablement ce nombre.

L'Algérie est le pays vers lequel la France, dans le monde, donne le plus de visas, déjà. Ce que nous voulons, c'est mettre en place un système qui nous permette d'être plus rapides, d'être, je dirais, plus confortables pour les demandeurs de visas, notamment en ce qui concerne les démarches qu'ils doivent faire, et de donner davantage de satisfaction par là-même aux Algériens qui veulent se rendre en France.

Quant aux Français qui veulent se rendre en Algérie, quelle que soit leur origine, là aussi nous avons l'intention d'améliorer sensiblement les possibilités pour eux de se rendre en Algérie. Et, déjà, le nombre de Français d'origine algérienne notamment, et pas seulement d'origine algérienne, qui viennent en Algérie est important. Je pense que là-aussi les facilités seront plus grandes. C'est le sens de la partie de la déclaration à laquelle vous faites allusion.

QUESTION - Monsieur le Président, dans votre discours, aujourd'hui, devant le Parlement algérien, vous avez affirmé que l'intégration du Maghreb suppose le renforcement du dialogue entre Alger et Rabat, dialogue dont vous avez salué le développement récent. Ma question est la suivante : peut-on en savoir plus sur ces développements récents ? Et, deuxièmement, où en est-on avec votre démarche en vue d'une rencontre au sommet entre le Président BOUTEFLIKA et le Roi MOHAMED VI ?

LE PRÉSIDENT - Il est évident que l'intégration, au sens politique du terme, naturellement, pas au sens juridique, des pays du Maghreb est une voie naturelle pour l'avenir de ces pays. Comme l'Europe est une voie naturelle. Mon souhait le plus cher étant que, dans le même mouvement, se renforcent les liens et la solidarité entre le Maghreb et l'Europe.

Bien entendu, cela suppose notamment que toutes les divergences de vue qui peuvent exister entre les pays de l'Union du Maghreb arabe soient réglées. En particulier celles qui peuvent exister entre le Maroc et l'Algérie.

J'ai observé effectivement, comme vous, simplement par la lecture de la presse ou par les observations qui ont pu m'être faites par les chefs d'Etat, qu'il y avait de ce point de vue une volonté commune d'améliorer le dialogue, une bonne volonté commune. Alors, vous évoquez une rencontre, vous avez l'air de m'imputer une responsabilité quelconque dans ce domaine. Je n'ai pas pour vocation de faire d'ingérence, ni dans les affaires marocaines, ni dans les affaires algériennes, ni dans les affaires algéro-marocaines. Et permettez-moi de vous dire qu'aussi bien sa Majesté que le Président BOUTEFLIKA sont tout à fait en mesure de prendre toutes initiatives et qu'ils n'ont pas besoin de quelqu'un pour cela.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé aujourd'hui dans votre discours du soutien de l'Algérie pour la lutte anti-terroriste. Je voudrais savoir, à ce propos, le type d'aide que la France va offrir à l'Algérie pour lutter contre le terrorisme international. Je voudrais connaître aussi votre position, puisqu'on connaît votre position sur l'Iraq, sur le Proche-orient, la position de la France concernant le règlement de la crise au Sahara occidental ? Merci, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT - S'agissant de la lutte contre le terrorisme, l'Algérie et la France, avec beaucoup d'autres pays, sont tout à fait déterminées à conjuguer leurs efforts pour lutter contre et éradiquer le terrorisme. Ce qui est une grande ambition mais aussi une nécessité. Cela se fait notamment par une coopération dans le domaine du renseignement. Et je peux vous dire que, pour ce qui nous concerne, notre volonté de participer à cette lutte contre le terrorisme partout, et notamment là où il se manifeste, est une volonté sans faille. Et nous avons une excellente coordination de ce point de vue.

S'agissant du problème que vous évoquez, problème politique que vous évoquez et qui existe entre le Maroc et l'Algérie, je dirai que ça, c'est vraiment un problème qui concerne les deux pays. Les Nations Unies ont engagé un processus de médiation sous l'autorité de M. BAKER, qui a fait encore récemment des propositions sans aucun doute intéressantes, en tous les cas qui ont été jugées telles par les parties concernées. Je souhaite naturellement que ces difficultés puissent être apaisées et notamment que les propositions de M. BAKER puissent être étudiées le plus sérieusement du monde.

QUESTION - Monsieur le Président, tenant compte du fait que vous avez bien connu l'Algérie dans votre jeunesse, quelles pouvaient être vos réflexions aujourd'hui, lors de votre long passage au cimetière de Saint-Eugène ?

LE PRÉSIDENT - Evidemment l'émotion. D'autant que j'ai vu quelques tombes appartenant à des familles que je connaissais ou que j'avais connues, dans le premier cimetière et dans le cimetière juif. Emotion aussi de voir qu'après les atteintes portées à ces cimetières dans les années passées, voire les destructions qui y avaient été opérées au mépris du respect que l'on doit à ceux qui nous ont quittés, un effort important avait été fait pour réhabiliter ces cimetières. Nous avons pu le voir tous ce matin. Effort engagé déjà depuis quelque temps, notamment sous l'impulsion, naturellement, du gouvernement mais aussi, pratiquement, de la Préfecture compétente. Et cela m'a fait chaud au coeur.

Nous avons fait un accord avec les autorités algériennes, qui nous permet de mettre en oeuvre un plan d'action de réhabilitation non seulement du cimetière de Saint-Eugène, mais de tous les cimetières français en Algérie. Plan d'action qui a été totalement approuvé par les autorités algériennes, ce qui nous permettra de réhabiliter ce moment d'histoire, qui est un moment qui appartient à l'Algérie et aussi à la France, et qui doit être respecté.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que vous êtes franchement déçu de la position arabe sur l'Iraq et qu'est-ce que vous attendez des pays arabes lors de leur prochaine rencontre au sommet ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai absolument pas de raison d'exprimer une déception quelconque à l'égard des décisions prises par les pays arabes. J'ai observé, lors de la dernière réunion qui s'est tenue samedi, que les pays arabes avaient adopté à l'unanimité une position qui était une position qui m'est apparue comme très proche de celle de la France, c'est-à-dire une position refusant la guerre, dans toute la mesure où elle n'était pas indispensable et où elle ne s'imposait pas. C'est d'ailleurs très exactement la position qu'avait prise, également il y a une quinzaine de jours, l'Union africaine et la même position qui avait été adoptée aussi à l'occasion du sommet Afrique-France qui a eu lieu à Paris la semaine dernière. Donc je n'ai pas à exprimer la moindre déception.

QUESTION - Monsieur le Président, vous vous êtes incliné hier devant la stèle de Naâmane Saïd, un geste symbolique d'importance, très fort, mais qui, pour les Algériens de ma génération, reste quelque part insuffisant, je pense notamment à l'exemple franco-allemand. Alors, pensez-vous que le moment n'est pas encore venu de faire de même avec l'Algérie ?

LE PRÉSIDENT - De faire quoi ?

QUESTION - Vous vous êtes incliné, de faire le pardon···

LE PRÉSIDENT - Je me suis incliné avec respect et je veux bien aller m'incliner une deuxième fois si ça peut vous rassurer tout à fait.

QUESTION - Monsieur le Président, permettez-moi de revenir un instant sur la question iraquienne. Les Etats-Unis prennent dans le Golfe une posture de plus en plus agressive et militaire. Pensez-vous vraiment qu'il y a encore un moyen d'éviter la guerre en Iraq ?

LE PRÉSIDENT - La guerre a tellement de conséquences, généralement désastreuses, qu'il faut toujours considérer qu'il y a encore un moyen, même si les apparences ne sont pas très favorables. Je veux donc espérer que, grâce à une meilleure coopération de l'Iraq, grâce au renforcement de l'action des inspecteurs dans le cadre des propositions que j'évoquais tout à l'heure, nous arriverons de façon notoire et indiscutable à une élimination des armes de destruction massive, à partir de laquelle on ne voit plus très bien ce qui justifierait la guerre. Et j'ai eu l'occasion de dire que, lorsqu'on regarde les choses, on voit bien que la coopération de l'Iraq est probablement liée à l'importance de la pression faite par les Américains et donc que, de ce point de vue, les Américains ont probablement atteint l'objectif qu'ils s'étaient fixé. Il ne m'apparaît pas nécessaire aujourd'hui de considérer qu'il faut aller au-delà dans le domaine guerrier.

QUESTION - La France a pris les devants en ouvrant le dossier du NEPAD lors du dernier sommet France-Afrique à Paris. Mais l'Afrique, c'est à peine 2 % des échanges mondiaux. Alors, disons, comment concevez-vous ce partenariat et, surtout, comment faire pour l'impulser, sachant que les IDE, les investissements directs étrangers, boudent largement encore l'Afrique ?

LE PRÉSIDENT - Chère Madame, vous me lancez là sur un sujet qui me tient à coeur et, si je voulais répondre à votre question, il nous faudrait une bonne heure ! Donc j'opterai pour la réponse brève.

Il n'est, ni moralement, ni humainement, ni politiquement possible de laisser le continent africain dériver comme il dérive actuellement, avec toutes les conséquences que cela comporte sur le plan des populations et aussi sur le plan de la sécurité. Car il ne faut pas s'y tromper, il y a un lien, également, entre l'insécurité et la misère. Il est donc de la responsabilité morale et de l'intérêt politique des pays qui ont les moyens d'assumer le développement de faire un effort important pour remettre l'Afrique sur la voie du développement. Alors, il y a pour cela, naturellement, bien des initiatives à prendre. Je n'entrerai pas dans le détail, si ce n'est pour dire que, sous l'impulsion notamment du Président BOUTEFLIKA, du Président OBASANJO, du Président M'BEKI, du Président WADE, du Président MOUBARAK, qui sont les cinq promoteurs de l'idée du NEPAD, l'idée d'impliquer davantage la responsabilité des Etats africains dans le développement et l'aide au développement est une idée saine. Passer, je le disais tout à l'heure, d'une conception d'assistance à une conception de partenariat correspond aux exigences de notre temps. Ceci sera au premier plan de l'agenda d'Evian et je souhaite qu'après Gênes, après Kananaskis, on puisse faire un pas important dans cette direction à l'occasion du sommet d'Evian.

QUESTION - Monsieur le Président, hier, des délégués du mouvement citoyen de Kabylie ont tenté de vous remettre une lettre d'interpellation mais ils n'ont pas pu le faire. Mais, auparavant, ils ont pu remettre l'interpellation en question à l'Ambassade de France à Alger. Ma question est de savoir si vous avez déjà eu vent ou lu le contenu de cette interpellation ? Et ma seconde question est : auriez-vous un commentaire ou une réponse à apporter à ce mouvement citoyen ? Merci.

LE PRÉSIDENT - Vous avez vu mon emploi du temps d'hier et je crois que chacun comprendra qu'il m'était difficile de recevoir quelque délégation que ce soit, je veux dire matériellement. Alors, en revanche, effectivement, ce mouvement a remis à l'Ambassade, ce qui était la voie la plus sage pour que je puisse en prendre connaissance, son document, que je n'ai pas encore vu. Je rappelle que je suis rentré tard hier soir, j'ai recommencé tôt ce matin, mais je le verrai avant la fin de la journée, sans aucun doute. Je ne ferai pas de commentaire sur un document que je n'ai pas vu, naturellement, mais je le lirai avec attention.

QUESTION - Monsieur le Président, actuellement il y a l'année de l'Algérie en France et donc c'est une question simple et culturelle : est-ce que vous allez envisager, ou avec le Président BOUTEFLIKA, de faire l'année de la France en Algérie ? Voilà, merci.

LE PRÉSIDENT - Lorsque le Président BOUTEFLIKA et moi nous avons lancé l'idée de l'année de l'Algérie en France, nous manifestions une grande ambition. Nous étions déterminés à réussir mais, pour dire la vérité, nous étions très, très, très loin d'imaginer le succès que cette année pourrait appeler et qui a dépassé toutes nos espérances.

Si j'insiste sur ce point, ce n'est pas pour nous réjouir du succès d'une initiative. C'est pour dire qu'à partir du moment où, dans plus de 200 villes françaises, dans toutes les régions de France, le succès a été confirmé, la participation ayant été beaucoup plus importante qu'on l'avait imaginée, la critique que certains craignaient ne s'étant pas manifestée, cela veut dire que cela a touché le coeur des Français, qu'il y a eu un mouvement d'intérêt, d'estime, d'amitié, d'affection, spontané.

Je disais hier qu'il est bien évident que dans ces centaines, ces centaines, ces milliers de spectacles, tous n'étaient probablement pas du plus haut niveau, par définition. Il y en avait d'excellents, de moins bons, probablement. Et tous ont eu le même succès. Ce qui prouve qu'au-delà de la curiosité, au-delà de l'intérêt porté à la diversité de l'expression culturelle algérienne, il y avait une autre chose : l'expression du coeur, la satisfaction de venir entendre l'expression de la diversité culturelle algérienne et de l'approuver. Et cela, c'est très important. Cela veut dire qu'il y a, entre nos deux peuples, ce dont j'ai toujours été convaincu, quelque chose qui dépasse largement la politique, la gestion quotidienne des affaires, qui est du ressort de l'affectif et que, dès qu'on le libère, il se manifeste et se manifeste fortement. C'est donc sur ce point que je fonde tous mes espoirs pour ce nouveau partenariat algéro-français auquel je faisais allusion.

QUESTION - Monsieur le Président, permettez-moi de revenir sur la résolution 1441. Semble-t-il, elle était déjà conçue pour désarmer l'Iraq mais de plus en plus on entend des dirigeants, y compris arabes, des responsables américains, qui demandent maintenant clairement la fin du régime de Bagdad. Quelle est la position française à ce propos ? Merci.

LE PRÉSIDENT - La position française est tout à fait simple : elle ne reconnaît qu'un seul objectif, qui est l'élimination des armes de destruction massive en Iraq. C'est le seul objectif dont elle reconnaît la validité. Elle estime que cet objectif peut être atteint par le système des inspections, à condition que la coopération iraquienne se renforce, et à partir de là elle ne voit aucune raison de changer l'esprit de la résolution 1441.

QUESTION - De récents témoignages de militaires comme de religieux ont apporté de nouveaux éléments sur l'enlèvement et la mort des sept moines français à Tibehrine. Où en sont les enquêtes en France et en Algérie et y aurait-il matière à les rouvrir ?

LE PRÉSIDENT - Cette douloureuse affaire, s'il en est, fut l'objet, effectivement, d'enquêtes. Les informations auxquelles vous faites allusion n'ont, pour le moment, aucune crédibilité juridique. Et, par conséquent, nous sommes tous déterminés à poursuivre et, le cas échéant, à tirer des conséquences dans la mesure où nous trouverions les responsabilités.

QUESTION - Monsieur le Président, ce matin vous assuriez une nouvelle fois l'intérêt des grandes entreprises françaises à investir en Algérie, une assurance répétée au moins depuis presque trois ans. En même temps, la COFACE parle toujours du risque Algérie élevé. Alors, n'y a-t-il pas une contradiction entre ces deux discours ? Ma deuxième question est la suivante : Monsieur le Président, l'accord de Marcoussis a été contesté par une partie de la population ivoirienne. Face à une crise qui s'installe, quelle issue possible aujourd'hui en Côte d'Ivoire ? Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT - S'agissant des investissements français, j'observe qu'ils ont considérablement augmenté au cours de ces toutes dernières années. Cela suppose la confiance. L'investissement suppose la confiance. Confiance politique, c'est vrai qu'elle a été ébranlée pendant la période dramatique du terrorisme. C'est vrai qu'elle revient. Et la participation d'un grand nombre de grands chefs d'entreprise français à mon voyage en porte témoignage. Et j'ai su aujourd'hui, en rencontrant les Ministres français et algériens à l'occasion d'un déjeuner donné par le Président, que les perspectives s'avéraient très, très positives, plus encore que les Ministres français et algériens ne l'imaginaient.

Deuxièmement, cela est lié aussi, naturellement, aux efforts réalisés par l'Algérie. Le Président BOUTEFLIKA et son gouvernement ont lancé des réformes. Les réformes, c'est toujours très difficile à faire. Nous le savons bien, nous, en France, notamment dans la période actuelle. Mais c'est indispensable, c'est inévitable. Et ces réformes permettent notamment de garantir une certaine stabilité, un certain ordre juridique et fiscal aux entreprises, stabilité qui leur inspire confiance. Et c'est la voie qu'a empruntée l'Algérie. Et cela facilitera à nouveau les investissements français. En tous les cas, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a incontestablement chez les chefs d'entreprise français, aujourd'hui, confiance et envie. Confiance dans l'Algérie et envie de s'y installer ou d'y investir.

Vous avez évoqué l'accord de Marcoussis. Vous dites qu'il a été contesté. Bien entendu, quand il y a une guerre civile, il y a toujours quelqu'un qui conteste quelque chose, par définition. Je voudrais rappeler que ces accords ont été approuvés par l'ensemble des autorités, à commencer par le Président de la République de Côte d'Ivoire, lors de la réunion de Paris. Que ces accords sont soutenus sans réserve par les Nations Unies -résolution unanime du Conseil de sécurité- par l'Union africaine -unanimité aussi à l'Union africaine pour soutenir ces accords de Marcoussis, ces accords de Paris. Unanimité de la CEDEAO, c'est-à-dire de l'Organisation régionale, qui hier, sous la présidence du Président WADE, aujourd'hui sous la présidence du Président KUFUOR du Ghana, a approuvé sans réserve cette solution.

Aujourd'hui, le Président GBAGBO a engagé un processus de formation du gouvernement avec le Premier ministre qu'il a lui-même désigné après l'accord de Paris. Je souhaite que chacun respecte ses engagements. Je souhaite que ce gouvernement soit formé le plus rapidement possible et je souhaite que ce pays puisse ainsi retrouver la réconciliation et la paix.

QUESTION - Monsieur le Président, avant votre départ, une délégation de familles de disparus algériens avait été reçue à l'Elysée par l'un de vos collaborateurs. Elle souhaitait que les disparus ne soient pas les oubliés de ce voyage. Est-ce que c'est une question que vous avez évoquée avec le Président BOUTEFLIKA et qu'est-ce qu'il vous a dit sur ce point ?

LE PRÉSIDENT - Cette association, qui représentait un collectif de familles de disparus, a été reçue à Paris par l'un de mes collaborateurs. C'est une question évidemment douloureuse et je l'ai effectivement abordée avec le Président BOUTEFLIKA.

QUESTION - Vous avez annoncé tout à l'heure que les pays européens veulent travailler pour sortir le Proche-Orient de la crise. Est-ce que cela veut dire que vous êtes désespéré de la politique de deux poids et deux mesures appliquée par les Etats-Unis ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas du tout l'intention de porter le moindre jugement sur la politique des uns ou des autres. Je constate simplement qu'au Moyen-Orient, dans le conflit israélo-palestinien, on s'est enfermé dans un processus de haine, d'attentats, d'humiliation, qui engendre la peur, qui est toujours la pire des conseillères. Et que cette situation ne peut pas durer. Ce n'est l'intérêt de personne. D'où le désir de voir revenir un dialogue politique, je l'ai évoqué tout à l'heure.

QUESTION - Ma question est simple. Quel est le sens de serrer la main aujourd'hui, ce matin, à des grandes personnalités historiques algériennes du FLN ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, le Général de GAULLE a été le premier à parler de la paix des braves. Pour faire la paix, lorsqu'on s'est combattu, eh bien, il faut y mettre chacun du sien. Et il faut le faire, non pas pour nous, mais pour les générations qui nous suivent. C'est un peu aussi le message que j'ai voulu transmettre à l'occasion de ce voyage en Algérie.

QUESTION - Le dernier sommet France-Afrique a été l'occasion de présenter le nouveau visage de la politique africaine de la France. Dans ce cadre-là, quel rôle peut-elle jouer dans la résolution des différents conflits qui secouent le continent, je pense notamment à la Côte d'Ivoire mais aussi à la Centrafrique ?

LE PRÉSIDENT - L'écho de ces conflits aujourd'hui requiert d'abord une approche régionale. Le temps est passé où un pays intervenait à son gré, à sa guise. Aujourd'hui, un pays peut intervenir mais sous la responsabilité d'une organisation régionale, ou continentale ou internationale. Je vous l'ai dit tout à l'heure, si vous prenez aussi bien les problèmes de la Côte d'Ivoire que ceux de la Centrafrique, c'est à l'initiative et à la demande de la CEDEAO, en Côte d'Ivoire, ou de la CEMAC, en Centrafrique, que la France est intervenue. Et c'est en liaison étroite avec ces organisations régionales que se fait son intervention. Mais c'est aussi en liaison avec ce qui est indispensable. L'Union africaine pour l'ensemble des deux crises ou pour celles qui affectent d'autres pays, et dans lesquelles nous sommes moins engagés, et aussi le Conseil de sécurité de l'O.N.U. car tous ces problèmes doivent aujourd'hui être appréciés de façon collective, de façon à limiter au maximum les erreurs.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé de la perspective d'un traité avec l'Algérie. Est-ce que l'on peut connaître la nature et le contenu de ce futur traité ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, l'Algérie a déjà des traités avec deux ou trois pays européens, je crois l'Italie, l'Espagne, aussi me semble-t-il. Nous avons voulu marquer tout de suite une volonté politique forte et c'est la raison pour laquelle, un traité étant toujours plus long à élaborer et devant être discuté et approuvé par les Parlements, nous avons choisi une déclaration politique. Et c'est ce que nous avons approuvé et signé hier, le Président BOUTEFLIKA et moi. Mais, comme je vous l'ai dit, ceci est un préalable à un traité.

Et c'est un traité dont je voudrais qu'il soit profondément enraciné, non seulement dans les intérêts politiques et économiques de nos deux peuples, mais dans le coeur des hommes et des femmes d'Algérie et de France. Je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est un peu une rencontre entre deux peuples que, selon moi, ce traité devrait manifester. Il a donc une grande ambition.





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