Point de presse du Président de la République lors de sa visite d'État en Tunisie.

Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de sa visite d'État en Tunisie.

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Tunis, Tunisie, le mercredi 3 décembre 2003

LE PRÉSIDENT - Je remercie la presse, la presse française uniquement je crois, enfin il y a peut-être quelques extensions. En tous les cas, je remercie chacune et chacun d'entre vous d'être passés ce soir et je répondrai volontiers à quelques questions.

Ce voyage a pour moi une double importance ou un double intérêt. D'une part, il s'inscrit dans le cadre des relations, vous le savez, excellentes entre la Tunisie et la France, relations politiques, économiques, culturelles. De ce point de vue, je tenais beaucoup à ce que l'année ne se termine pas, après être allé au Maroc et en Algérie, sans être également allé en Tunisie. Et je suis très reconnaissant au Président BEN ALI et aux autorités tunisiennes, au peuple tunisien de me recevoir, de nous recevoir à l'occasion de ce voyage.

Le deuxième centre d'intérêt, c'est évidemment le " 5+5 ", comme disent les diplomates. C'est-à-dire la réunion, pour la première fois, des cinq pays méditerranéens de l'Europe, enfin les quatre européens plus Malte et les cinq, en tous les cas les quatre pays méditerranéens de l'Afrique du Nord. Une réunion tendant à apporter une prise de conscience affirmée, globale, de l'importance que représentent non seulement l'Union au Nord comme au Sud de la Méditerranée mais surtout la relation entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. Que la Méditerranée puisse être, comme je l'ai lu ici ou là, un pont et non pas une fracture entre nos pays qui ont beaucoup en commun, tant en ce qui concerne l'Histoire que la culture et les intérêts.

Voilà dans quel esprit je suis ici et je répondrai volontiers à une ou deux questions, si vous le souhaitez.

QUESTION - Monsieur le Président, pardonnez-moi de vous poser une question qui ne concerne pas directement la Tunisie mais, en fait, la Libye. On vient de recevoir le communiqué des familles des victimes dans lequel on en appelle à vous afin d'intervenir auprès du dirigeant libyen pour trouver une solution à cette question. Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu avec M. KADHAFI et est-ce que vous comptez faire quelque chose pour aider les familles ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, d'abord, qu'il s'agit d'une négociation dans laquelle ne se trouve pas l'Etat français, et ni d'ailleurs l'Etat libyen puisque c'est une négociation entre la Fondation KADHAFI que préside M. SAYF AL-ISLAM et les représentants des familles. Il est vrai que j'avais, après les décisions prises en faveur de la partie américaine pour l'autre attentat, eu l'occasion d'intervenir auprès du Président libyen pour soutenir les demandes fondées sur ce précédent, et exprimées par les représentants des familles françaises, enfin des familles du vol UTA.

A partir de là, une négociation a repris ; pour dire la vérité, je pense, qu'elle a connu des hauts et des bas, comme toujours dans ce type de négociations. Je soutiens bien entendu la partie française. Je pense que nous arriverons et que les deux parties arriveront à un accord. Je le souhaite vivement et j'ai déjà eu l'occasion de le faire savoir au Président KADHAFI. Je dois dire d'ailleurs que le Président BEN ALI est lui-même intervenu pour trouver une solution, pour permettre de dégager une solution honorable pour chacun dans cette affaire. Je souhaite qu'on y arrive et je pense qu'on y arrivera.

QUESTION - Monsieur le Président, on a vu qu'en Tunisie, il y a un développement important de la classe moyenne, de près de 60 %, une grande majorité de la population est cultivée. Est-ce qu'on pourrait imaginer une immigration en France de cette classe dont on pourrait éventuellement avoir besoin pour certains secteurs en France ?

LE PRÉSIDENT - Il est certain que la Tunisie, parmi les pays émergents, a une situation particulièrement brillante. Dans les pays émergents, c'est le seul qui ait, depuis une quinzaine d'années, mis en oeuvre une politique permettant, d'une part, d'assurer un développement important, puisqu'en en moyenne, la Tunisie a connu dans cette période une croissance de l'ordre de 5%, ce qui est tout à fait remarquable et pratiquement unique dans les pays en développement ou émergents.

Deuxièmement, elle a su gérer cette croissance en développant une classe moyenne qui n'existe dans aucun autre pays émergent. Ce qui d'ailleurs explique à la fois la stabilité de la société tunisienne et son développement. J'observe que cela se poursuit. Alors, comme l'a fait hier encore M. Colin POWELL, je ne peux que féliciter, admirer l'étonnante croissance et répartition de la croissance qui a caractérisé la Tunisie.

Mais sur la deuxième partie de votre question, à savoir est-ce que tout d'un coup, il devrait y avoir une partie de cette classe moyenne tunisienne qui vienne en France, nous en serions certainement contents. Mais je n'imagine pas qu'elle n'ait ni intérêt, ni désir parce qu'il y a ici tous les éléments d'un développement que l'on voit sous ses yeux, qui est un développement tout à fait exceptionnel, qui n'existe dans aucun autre pays de cette nature. Je pense donc que les Tunisiens sont en réalité satisfaits d'être chez eux, d'y travailler et de s'y développer. Ceci étant, ils sont toujours les bienvenus en France, bien entendu, mais je ne crois pas que beaucoup le souhaitent.

QUESTION - Monsieur le Président, on salue le miracle économique tunisien. On admire cette croissance. On voit l'évolution du statut de la femme, l'éradication du terrorisme. Est-ce que la contrepartie de tout cela, n'est pas la situation, toujours mauvaise, des droits de l'Homme ?

LE PRÉSIDENT - Je ne suis pas, je crois, suspect de négliger les droits de l'Homme ou de contester leur importance. Le premier des droits de l'Homme, c'est de manger, d'être soigné, de recevoir une éducation et d'avoir un habitat. Cela, c'est le premier des droits de l'Homme. Et, de ce point de vue, il faut bien reconnaître que la Tunisie est très en avance sur beaucoup, beaucoup de pays. Il faut le souligner.

Naturellement, nous avons chacun nos critères d'appréciation et je souhaite que le caractère libéral, respectueux des libertés, soit de plus en plus affirmé, ce dont je ne doute pas, d'ailleurs, en Tunisie. Mais, je constate que de ce point de vue même, la Tunisie ne se situe pas dans une situation contestable. Car, je le répète, c'est un des pays où la création de richesse, la croissance et la répartition de la richesse s'est faite de la façon la plus conforme aux exigences des droits de l'Homme.

QUESTION - Monsieur le Président, c'est également le pays où une avocate effectue une grève de la faim depuis plusieurs jours déjà, et est dans une situation critique.

LE PRÉSIDENT - Je connais, je comprends cette histoire. Nous en avons parlé avec le Président Ben Ali. J'espère que cette affaire trouvera rapidement une issue. Nous avons aussi eu un certain nombre de gens en France qui font la grève de la faim, qui ont fait la grève de la faim et qui feront probablement, un jour ou un autre, pour une raison ou une autre, la grève de la faim.

QUESTION - Monsieur le Président, quel regard portez-vous sur cette mini-concurrence franco-américaine dans cette zone d'influence française, en Méditerranée ?

LE PRÉSIDENT - Pour dire tout à fait la vérité, je ne vois pas de concurrence. Nous avons, nous, une vision complémentaire des relations entre l'Europe et le Maghreb. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à tout ce qui va dans le sens de la réunion du Maghreb et nous essayons d'apporter, nous, Européens, et en particulier, nous, Français, notre contribution pour essayer de limiter les difficultés, les problèmes et de promouvoir l'intégration maghrébine, parce que, comme pour l'Europe, cela nous paraît être une nécessité pour le Maghreb et pour les relations euro-méditerranéennes.

Alors, voilà, nous avons ce souci. Si nos amis américains apportent une contribution et s'intéressent à cette région, je dirai : " tant mieux " car le développement des relations économiques entre les pays du Maghreb et le reste du monde en général, et les Etats-Unis en particulier, est quelque chose de très important qui va dans le sens du développement du Maghreb, c'est-à-dire notre objectif. Donc, je ne vois, pour ma part, strictement aucune espèce de concurrence ou quelque chose de malsain, mais une complémentarité. Je souhaite que les Américains s'intéressent et apportent leur contribution au développement du Maghreb.

QUESTION - Au moment où le Maghreb semble de plus en plus fragilisé par la poussée de l'intégrisme islamique, par les menaces terroristes, on voit que l'Algérie est toujours touchée au quotidien par le terrorisme. Le Maroc l'a été. La Tunisie aussi. Est-ce que des mesures encore plus fortes vont être prises par la France et ses partenaires de l'Afrique du Nord, du Maghreb ?

LE PRÉSIDENT - Les pays du Maghreb ont engagé une politique résolue et courageuse de lutte contre le terrorisme et ceci suppose, naturellement, dans le monde d'aujourd'hui, une coopération internationale. Cette coopération pour les pays du Maghreb, qu'il s'agisse de la coopération avec la France, avec l'Europe, avec les Etats-Unis, s'est beaucoup développée, beaucoup approfondie, elle reste un élément décisif de la stabilité dans cette région du monde. Nous considérons, pour ce qui nous concerne, que les relations de toute nature : judiciaire, policière, militaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, sont aussi bonnes qu'elles peuvent l'être et, en tous les cas, aussi confiantes qu'elles peuvent l'être.





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