Point de presse conjoint du Président de la République et du Chancelier d'Allemagne à l'issue de leur entretien.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Gerhard SCHROEDER, Chancelier de la République fédérale d'Allemagne à l'issue de leur entretien.

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Palais de l'Elysée, le mardi 9 décembre 2003

LE PRÉSIDENT -

Mesdames, Messieurs, je n'ai pas besoin de dire comme je suis heureux d'accueillir le Chancelier et le Ministre des Affaires étrangères, Joschka FISCHER, à l'occasion d'un déjeuner de travail dans ce que nous appelons "le format Blaesheim", c'est-à-dire cette réunion que nous avons régulièrement, environ une fois tous les mois ou tous les mois et demi, pour évoquer les problèmes communs.

Notre rencontre se situe à trois jours du Conseil européen de Bruxelles. Un Conseil où le sujet central sera de savoir si nous pouvons arriver à un accord sur un nouveau projet de traité constitutionnel, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale.

Le Chancelier et moi-même avons rencontré, séparément et tout récemment, le Président du Conseil européen, M. Silvio BERLUSCONI et nous avons tenu à rendre hommage au travail de la Présidence italienne.

L'Allemagne et la France considèrent que ce qu'a proposé la Convention est un projet à la fois équilibré, ambitieux et un projet qui est tout à fait conforme à l'ambition initiale de l'Europe et à la vision que nous avons de l'Europe de demain. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que ce projet de la Convention soit la base même de nos travaux et que l'on puisse, au total, arriver à un traité constitutionnel aussi proche que possible de la Convention. Voilà notre position commune.

Comme vous le savez, il y a trois sujets délicats qui sont la composition de la Commission, les règles de vote au sein du Conseil et le champ d'application de la majorité qualifiée.

Le Chancelier, comme moi, nous n'accepterons pas un accord à n'importe quel prix, dans n'importe quelles conditions. Nous voulons un accord qui soit dans le droit fil de l'idée que nous nous faisons de l'Europe de demain, conforme à celle, qu'ensemble, nous avons construit.

Pendant notre déjeuner de travail, maintenant, nous examinerons les problèmes internationaux. Mais pas plus que sur les problèmes européens, je vous le dis tout de suite, il n'y a de divergences de vue entre l'Allemagne et la France et c'est maintenant au Chancelier de vous le dire.

M. SCHROËDER - Effectivement, ce vendredi nous allons essayer de doter l'Europe d'une Constitution qui permette à l'Europe d'assumer pleinement son rôle économique et politique dans le monde. Comme le Président l'a fait observer, notre souci est que cette Constitution soit, sinon identique, le plus proche possible de la proposition de la Convention.

Sur les trois points évoqués par le Président, notre souci est que la Constitution fasse clairement apparaître que si les Etats sont égaux, les différences, en terme de population, soient prises en considération comme il est parfaitement légitime dans un système démocratique. Pour que l'Europe puisse être dirigée et conduite dans de bonnes conditions, il faut avoir une Commission qui puisse être pleinement opérationnelle. Et il est important de faire observer que, de par sa fonction, la Commission ne représente pas les intérêts nationaux mais est bien la gardienne de l'idée européenne.

Pour qu'une Europe soit, politiquement, pleinement en possession de ses moyens et puisse jouer son rôle de par le monde, il faut, et c'est ma troisième remarque, que les systèmes de vote soient organisés de telle façon que sur des questions essentielles pour l'Europe, un pays n'ait pas la possibilité, à lui tout seul, de bloquer l'ensemble du processus. Ce qui veut dire qu'il faut, dans un maximum de domaines, la possibilité de prendre des décisions à la majorité qualifiée. Vous savez bien qu'il peut exister telle ou telle sensibilité sur cette question mais ce qui prime ici, c'est le principe.

Comme l'a fait observer le Président, aussi bien sur les questions bilatérales qu'internationales, nous sommes totalement sur la même ligne.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit : "On n'acceptera pas n'importe quel accord". Est-ce que cela veut dire concrètement que si l'Espagne ne modifie pas sa position concernant la pondération des voix, il n'y aura pas d'accord ?

LE PRÉSIDENT - Dans une négociation, surtout avec autant de pays et avec l'ambition de faire une Constitution pour l'ensemble de ces pays, chacun doit faire un geste en direction des autres. On ne peut pas imaginer que un ou deux pays bloquent le progrès de l'ensemble. Je ne veux donc pas croire que nous nous trouvions dans cette situation et j'espère qu'avec l'Espagne comme avec la Pologne, un accord pourra être trouvé. Je n'en suis pas certain.

QUESTION - S'il n'y a pas d'accord, est-ce que la France et l'Allemagne sont décidées à aller plus loin toutes seules ou avec quelques pays ? Et en même temps, quelle est la réalité du débat sur une union, une confédération franco-allemande ?

M. SCHROËDER - Nous sommes l'un et l'autre des optimistes et si nous allons à Bruxelles, ce n'est pas pour nous poser des questions du type : "Que se passerait-il si l'on n'arrivait pas à un accord ?". Nous y allons, résolus à parvenir à un accord et sans vouloir nous livrer à telle ou telle spéculation. Notre objectif, c'est la réussite, c'est le succès.

Quant à la coopération franco-allemande, elle a un niveau de qualité et d'excellence reconnu aujourd'hui. Nous faisons énormément de choses l'un avec l'autre, nous faisons beaucoup de choses l'un pour l'autre et nous sommes parfaitement conscients de notre rôle commun au service de l'idée européenne.

Cette idée de confédération ou d'union à laquelle vous faites allusion traduit effectivement une vision orientée sur un avenir, avenir peut-être lointain, vision certainement intéressante. Il est, en tout état de cause, préférable de s'interroger sur des visions positives plutôt, une fois de plus, que de mettre en avant les ratés du moteur franco-allemand.

LE PRÉSIDENT - Je n'ai rien de plus à ajouter.

QUESTION - Est-ce que l'Italie pourrait proposer un compromis, est-ce qu'il y a des indications qui montrent que l'Italie serait prête à proposer un compromis à Bruxelles ? Et si jamais il n'y a pas de projet de Constitution européenne adopté d'ici le 1er mai 2004, est-ce que l'Europe à vingt-cinq peut quand même fonctionner le 2 mai 2004 ?

M. SCHROËDER - Oui, la présidence fera naturellement une proposition. C'est bien le rôle de la présidence que de formuler des propositions et nous examinerons cette proposition à la lumière des critères que nous venons de rappeler l'un et l'autre. Moi je ne réfléchis pas aux éventuelles conséquences d'une absence d'accord, je ne me place pas dans cette hypothèse. Je vais à Bruxelles avec la volonté de parvenir à un accord, je consacre toute mon énergie à la recherche de cet accord et je n'entends pas gaspiller mon énergie pour réfléchir à ce qui se passerait s'il n'y avait pas d'accord.

LE PRÉSIDENT - Moi, c'est pareil.

QUESTION - Monsieur le Chancelier, Monsieur le Président, vous avez dit que vous souhaitiez, que vous mettiez tout en oeuvre pour que Bruxelles soit un succès, soit une réussite. Le Président et vous-même, Monsieur le Chancelier, avez rencontré un grand nombre de pays membres de l'Union, au cours des dernières semaines. Avez-vous des indices vous permettant de dire que ce Conseil européen sera un succès ? Autrement dit, êtes-vous à 100 % convaincus que ce sera une réussite ?

M. SCHROËDER - Tout comme le Président de la République, j'ai eu également un certain nombre de rencontres avec plusieurs Etats-membres. Vous savez, il y a deux états d'esprit dans lesquels on peut aller à Bruxelles : on peut y aller comme un sceptique optimiste ou dans la peau d'un optimiste sceptique. Moi j'y vais plutôt dans la peau de l'optimiste sceptique.

LE PRÉSIDENT - Moi aussi.

QUESTION - Monsieur le Président, une initiative de paix au Proche-Orient a été lancée, il y a une semaine, à Genève. D'après vous, quelles sont les chances de succès de cette initiative de Genève au Proche-Orient alors qu'il y a un autre plan, qui est la Feuille de route, qui est encore très loin d'être respectée ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, la position de la France et de l'Europe c'est un soutien à la Feuille de route, soutien sans réserve. Et la position prise par l'Europe consiste également à proposer que la conférence internationale prévue dans la Feuille de route au début de la deuxième phase, puisse être immédiatement tenue car il nous paraît urgent que tout le monde revienne autour de la table. Voilà pour ce qui concerne les positions officielles.

Alors il y a eu cette initiative de Genève, je ne vous cache pas que, à titre personnel, j'ai trouvé que c'était une bonne initiative et d'ailleurs, je me suis exprimé à ce sujet pour apporter mon soutien à cette initiative.

M. SCHROËDER - Ma position rejoint pleinement celle qui vient de vous être exposée par le Président.





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