Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Conseil européen de Séville.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Conseil européen de Séville.

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Séville, Espagne, le samedi 22 juin 2002

LE PRÉSIDENT - Mesdames et Messieurs, je vous remercie. Nous venons donc de terminer la partie à Quinze de nos délibérations. Et je voudrais d'abord remercier l'Espagne, et la présidence espagnole, pour son accueil et pour l'organisation des travaux. Cela a été, je dois le dire, tout à fait parfait.

En revanche, j'ai appris, comme tout le monde, les attentats terroristes qui, hier soir et ce matin, je crois, ont frappé certaines parties de ce pays. Je voudrais, une fois de plus, exprimer la honte que, dans mon esprit, les terroristes font peser sur l'ensemble, à la fois de leur pays, de notre région du monde et, tout simplement d'ailleurs, de la nature humaine et condamner sans réserve ces actes à la fois meurtriers et irresponsables.

À l'occasion de ce sommet qui a, comme tous les sommets, permis de faire quelques pas supplémentaires dans la bonne direction, nous avons d'abord évoqué -parce que la présidence espagnole avait donné la priorité à ce sujet-, les problèmes de l'immigration clandestine. Cela correspond à un vrai souci, à de vraies questions de la part des Européens, parce que l'Europe, c'est vrai, ne doit plus être victime de flux migratoires incontrôlés qui, d'une part, créent des problèmes sérieux chez elle, mais aussi créent des problèmes à tous les immigrés en situation régulière et qui voient leur intégration contestée ou rendue plus difficile par ces flux migratoires.

Nous avons donc adopté un plan d'action contre l'immigration clandestine avec des mesures concrètes que vous connaissez -je ne vais donc pas développer-, avec un calendrier pour les textes à adopter, notamment dans le domaine de l'harmonisation de nos politiques d'asile. Et pour ce qui est à faire à court terme, nous avons décidé de faire le bilan et le point au prochain sommet de Copenhague.

S'agissant des relations avec les pays tiers, qui ont donné lieu à une discussion entre nous, je suis heureux que, finalement, on ait adopté une approche à la fois équilibrée et humaine de ce problème, comme la France le souhaitait, une approche fondée sur le dialogue, sur la concertation, sur l'incitation et non pas sur la sanction ou la conditionnalité.

Le deuxième grand thème a été la réforme du Conseil. Et là, nous avons adopté une série de mesures de nature à permettre un meilleur fonctionnement du Conseil européen et du Conseil. Nous avons décidé ce que vous avez vu dans les conclusions. J'ai rappelé, à cette occasion, la nécessité, même si ce n'était pas le débat du jour, de donner plus de visibilité et de direction politique à l'Union européenne en prévoyant, notamment, l'élection d'un président du Conseil européen. C'est une question qui, naturellement, sera examinée dans les tous prochains mois, à la fois par le Conseil et aussi, naturellement, et c'est essentiel, par la Convention.

S'agissant de la Convention, le Conseil européen a entendu le Président GISCARD d'ESTAING qui a fait un exposé -un de ces exposés dont il a le secret-, à la fois court mais parfaitement clair, parfaitement cohérent et exprimant une vision qui est une vision très généralement partagée par les Quinze de ce que doit être l'Europe de demain. Il a été chaleureusement approuvé par l'ensemble des participants et ceci augure bien des résultats de la Convention.

Sur l'élargissement, nous avons constaté que les négociations progressent au rythme prévu par la feuille de route et qu'il n'y avait pas de problème particulier. Le Conseil a ensuite débattu, très brièvement d'ailleurs, puisque le Conseil Ecofin avait réglé les choses, des grandes orientations de politique économique de l'Union européenne. Un accord est intervenu à ce Conseil Ecofin et c'est une bonne chose. Il permettra à la France, dans le cadre naturellement de ses engagements européens, de conduire la politique économique qu'elle a proposée et fait adopter par les Français à l'occasion des récentes consultations électorales.

Pour réussir, en effet, la France considère qu'elle doit ramener ses impôts et ses charges de toute nature au niveau moyen de l'Union européenne et ne plus être l'État le plus handicapé de ce point de vue dans l'Union européenne, ce qui lui permettra d'améliorer sa compétitivité, d'alléger et de simplifier ses réglementations, de réformer son État afin qu'il soit plus efficace et plus économique et, aussi, naturellement, de maîtriser et de réduire les déficits publics. Je répète, de ce point de vue, que, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, ou entendre, la France n'a pas rallié le Pacte de stabilité. La France a adopté le Pacte de stabilité il y a cinq ans et ne l'a naturellement jamais remis en cause. Tout cela forme donc un ensemble cohérent.

Nous avons évoqué les perspectives du sommet de Johannesburg. J'ai exprimé, en prenant ma part de responsabilité, mon regret d'avoir vu les Européens presque totalement absents, en dehors du pays hôte et de la présidence européenne, du sommet de la FAO à Rome. À ce titre, nous ne nous sommes pas grandis et j'ai souhaité que, pour Johannesburg, on ne retrouve pas une situation de cette nature et que, pour Johannesburg, nous soyons tous présents.

Nous avons évoqué les problèmes du développement durable. Je n'y reviendrai pas. Et je suis, entre autres, intervenu sur ce point, sur la nécessité d'apporter un appui fort et concret à la mise en oeuvre du NEPAD qui est en quelque sorte une révolution intellectuelle, culturelle, dans la mesure où l'on va passer, s'agissant de l'Afrique bien sûr qui a tant besoin de se développer, d'une philosophie d'assistance à une culture de partenariat. Et j'ai souhaité notamment, pour ce qui concerne naturellement l'Union européenne, que les moyens importants du FED et de MEDA ne soient plus, comme c'est très souvent le cas, en quelque sorte bloqués, pour des raisons qui me dépassent ou qui m'échappent, mais qu'ils soient mis en oeuvre pour aider, pour donner, prendre leur part à l'impulsion qui, je le souhaite, sera définie très précisément à Kananaskis, dans quelques jours, au Canada, au G8, sur le nouveau développement partenarial de l'Afrique.

Nous avons évoqué les questions de défense européenne. Comme vous le savez, c'est une ambition à laquelle la France est très attachée. Il faut maintenant agir sur le terrain. Nous avons pratiquement, je crois, réglé les problèmes concernant les relations entre l'Union européenne et l'OTAN, il convient maintenant de mettre en oeuvre les décisions que nous avions prises pour ce qui concerne le commandement de la force en Macédoine.

Enfin, nous avons naturellement parlé du Moyen-Orient, non seulement de la situation dramatique que connaît cette région actuellement, mais aussi de la manière de conduire, d'aboutir à une reprise de la négociation politique, car nous sommes unanimes à le penser, en tous les cas au sein de l'Europe des Quinze, il ne peut pas y avoir de politique de sécurité dans la région sans un règlement politique. Et dans une déclaration qui vous a été ou qui va vous être distribuée, nous avons réaffirmé l'objectif aujourd'hui reconnu par tous, en tous les cas chez nous, de deux États d'Israël et de Palestine, vivant côte à côte, et en sécurité. Et nous avons rappelé, pour ce qui concerne l'État de Palestine, qu'il devait être créé sur la base des frontières de 1967. Sur la base, c'est-à-dire éventuellement modifié d'un commun accord. Nous avons par ailleurs soutenu le projet de conférence internationale, avec un calendrier précis, pour traiter du processus politique et de la sécurité.

Voilà ce que nous avons évoqué lors de ce Conseil. Et maintenant nous allons aller rencontrer nos partenaires des pays candidats.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez donc obtenu gain de cause, le mot sanctions ne figure pas dans le communiqué final. Quels ont été vos arguments auprès de la présidence espagnole et auprès de certains de vos partenaires, qui ont été déçus ?

LE PRÉSIDENT - Oh, je n'ai pas observé de déception, chez aucun de nos partenaires. Il y avait eu des interrogations, mais pas de déception, et l'accord a été unanime et spontané. Je crois qu'en règle générale, les problèmes, notamment entre pays riches et pays pauvres, doivent relever du dialogue, de la concertation, et que ce n'est pas en brandissant un sabre, généralement de bois d'ailleurs, que l'on règle les problèmes, c'est en essayant de se comprendre mieux les uns et les autres. Il y a des torts des deux côtés, c'est cela qu'il faut bien comprendre. Et donc je me réjouis des décisions qui ont été prises, qui sont à la fois cohérentes et raisonnables, qui seront efficaces en matière d'immigration clandestine, dans le Conseil d'aujourd'hui.

QUESTION - Vous avez, je crois, Monsieur le Président, abordé le problème des régions ultrapériphériques et de l'outre-mer français également ?

LE PRÉSIDENT - Oui, nous avons, pour les régions ultrapériphériques, un statut particulier et la France, comme d'ailleurs d'autres pays, notamment bien entendu, l'Espagne et le Portugal, est extrêmement attachée à la solution des problèmes qui se posent à ces régions, pour leur développement économique et leur progrès social, notamment en raison de la distance qui les sépare, en général, de leur capitale. C'est pourquoi j'ai souhaité que la Commission soit incitée par un accord unanime du Conseil à trouver des solutions aux problèmes qui existent aujourd'hui. Et, pour la France, il y en a en particulier deux qui sont prioritaires et qui ont été mentionnés dans les décisions d'aujourd'hui. C'est d'une part le problème des transports, il faut diminuer l'impact négatif sur ces régions ultrapériphériques de la distance et donc du coût des transports, qu'il s'agisse du transport des personnes ou du transport des marchandises. Et, deuxièmement, la remise en cause éventuelle de l'octroi de mer qui est, en tous les cas pour les départements d'outre-mer français, un élément essentiel de leur développement, de leurs recettes, de leur indépendance sur le plan fiscal, et donc qui doit être absolument protégé. Et je me réjouis que nous ayons pu être entendus sur ce point.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit, à propos de l'élargissement, qu'il n'y avait pas de problème particulier. Est-ce que la question des aides directes agricoles ne constitue pas, ou ne va-t-elle pas constituer, un problème particulier pour les relations franco-allemandes dans la mesure où, manifestement, les Allemands ont l'intention de chercher à remettre en cause ces aides agricoles dans la mid-term review ?

LE PRÉSIDENT - Oui, vous avez tout à fait raison. C'est un problème. Si vous me permettez une appréciation un peu de circonstance, vous savez à quel point je suis profondément attaché à la solidité du lien franco-allemand - germano-français qui, pour moi, est essentiel à la poursuite, dans de bonnes conditions, de la construction européenne. Je dirais, dans ce domaine, attendons les échéances électorales. L'Allemagne va voter prochainement et on peut comprendre que, dans la période actuelle, ce sont des sujets qu'il est délicat d'évoquer et qu'il convient d'attendre ces échéances pour pouvoir trouver des solutions appropriées. Je ne doute pas un instant du fait que nous les trouverons.

QUESTION - Un nombre croissant d'États mettent en place des quotas d'immigration de travail. Est-ce que cela pourrait faire l'objet d'une approche commune ?

LE PRÉSIDENT - Il n'en a pas été question.

QUESTION - Monsieur le Président, vous allez envoyer votre ministre des Affaires étrangères dans la région et en Égypte. Quel message va-t-il apporter à ces deux régions ? Deuxièmement, que va faire l'Europe pour traduire cette urgence d'action internationale d'ensemble ?

LE PRÉSIDENT - Le voyage prévu du ministre français des Affaires étrangères au Moyen-Orient a pour objet d'apporter l'appui, naturellement, de la France au processus dont on souhaite qu'il s'accélère, notamment par la Conférence internationale de règlement de la situation au Proche-Orient. Règlement qui ne peut se fonder que sur un accord politique condamnant toute action agressive, qu'il s'agisse, naturellement, des honteuses agressions terroristes dont Israël est victime, dont les Israéliens sont victimes, ou des initiatives qui sont prises par Israël sur le plan militaire dans des conditions qui ne sont pas conformes au droit.

Donc, il y a un problème essentiel de désescalade qui ne peut s'affirmer que dans le cadre de l'accord politique. Voilà ce que dira le ministre des Affaires étrangères.

QUESTION - Au Conseil de Barcelone, la France avait fait d'une grande directive sur le service public un préalable avant toute poursuite de l'élargissement de la concurrence dans le domaine de l'énergie. Qu'en est-il exactement, d'autant que les conclusions de Séville invitent à accélérer, d'ici la fin de l'année, l'ouverture à la concurrence ?

LE PRÉSIDENT - Vous n'avez pas encore lu, probablement, le texte définitif. Vous verrez qu'à la demande de la France, nous avons repris mot pour mot le texte de Barcelone. Il n'était pas question pour nous de modifier en quoi que ce soit la position qui avait été celle de Barcelone. C'est celle qui a été retenue par le texte qui vous a été, ou qui va vous être, distribué incessamment.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit, je crois, qu'avait été pratiquement réglé le problème de défense européenne avec l'OTAN. Est-ce que la Grèce a retiré sa réserve sur le problème ?

LE PRÉSIDENT - La Grèce a retiré sa réserve et je pense, et j'espère, que la Turquie va la retirer très rapidement. En tous les cas, l'Union européenne est décidée à aller de l'avant.

Je vous remercie.





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