Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Sommet du G8 au Canada.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Sommet du G8 au Canada.

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Calgary, Canada, le jeudi 27 juin 2002

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, voici un sommet qui s'achève, où les relations avec la presse n'ont pas été faciles techniquement, ce qu'on peut regretter, vous peut-être, nous certainement. C'était en réalité la conception- même du sommet qui a conduit la présidence à prendre cette option. La conception du sommet, en dehors de ce problème, a été bonne. C'est un sommet qui a essayé en réalité de revenir un peu à l'esprit initial, c'est-à-dire quelque chose qui soit un peu plus intime. Et il est certain que, de ce point de vue, ça a été réussi.

L'environnement, l'organisation, ont fait en sorte que les contacts entre les chefs d'État et de gouvernement, les contacts entre leurs principaux collaborateurs, et notamment les sherpas, ont été agréables et faciles. Tout à fait déstressés.

C'est un sommet qui a été bien préparé, qui a été ouvert sur le monde puisque pour la première fois nous avons reçu des chefs d'État étrangers. Nous en avions déjà reçu au sommet japonais, mais là c'était en quelque sorte l'Afrique qui, par quatre de ses éminents représentants, était présente pour parler des problèmes de l'ensemble du continent.

C'est un sommet qui avait été préparé, je trouve, avec soin pour ce qui concerne les relations, les contacts avec la société civile. Nous avons donc travaillé agréablement. La présidence a considéré qu'il ne fallait pas faire de communiqué, je crois qu'elle a eu raison là aussi, son idée étant en quelque sorte de simplifier autant que faire se peut l'ensemble de l'organisation.

Sur le fond, vous le savez, mais enfin je vais vous donner un peu mon sentiment, il y a eu la partie consacrée à la lutte contre le terrorisme, qui a été intéressante mais qui avait été bien préparée et où un certain nombre de décisions ont été prises ou confirmées ou renforcées, notamment dans le domaine de la sécurité des transports, transports maritimes ou aériens, sur le financement du terrorisme, pour renforcer la transparence dans ce domaine et la recherche systématique et de plus en plus efficace des fonds de nature à servir le terrorisme, sur les transactions financières, une meilleure supervision des transactions financières internationales. Et, enfin, dans le domaine du contrôle éventuel, de la recherche de contrôle et d'acquisition par les terroristes d'armes ou de ce qui peut se transformer en armes de nature nucléaire, chimique, biologique, radiologique. Dans tous ces domaines, un certain nombre de décisions ont été prises et sont utiles.

Le deuxième point sur lequel nous avons travaillé de façon sérieuse a été tout ce qui touche au développement durable. Je crois que, petit à petit, la plupart et même tous les participants au sommet, qui représentent tout de même une part très importante de la richesse mondiale et donc de la production et de la consommation mondiales, se rendent compte que nous sommes engagés sur une voie où les hommes consomment plus de biens que la planète ne peut en produire en se regénérant. Et qu'il y a là un problème sur lequel tous les scientifiques appellent maintenant très sérieusement notre attention, notamment le dernier rapport du PNUD. Et c'est une chose dont on commence à prendre conscience. On a rappelé un chiffre effrayant, tiré du rapport des Nations Unies sur l'état de l'environnement mondial qui vient d'être publié. Au rythme actuel, 70% de la nature aura disparu dans trente ans. Ce n'est pas une simple affirmation en l'air, c'est le résultat, c'est la conclusion des travaux très approfondis et très sérieux qui ont été conduits, sans être critiqués par quiconque d'autorisé, par les spécialistes, les scientifiques les plus éminents actuellement de notre planète.

Cela nous a conduits, et cela m'a notamment conduit, à intervenir fermement sur la préparation de Johannesburg. C'était le deuxième volet de ces travaux. Disons les choses telles qu'elles sont : la préparation de Johannesburg, jusqu'ici, n'est pas satisfaisante. Et la réunion préparatoire de Bali a été tout à fait, tout à fait décevante et inquiétante. Et donc, j'ai pour ma part beaucoup souhaité que nous nous mobilisions fermement. Et comme nous avions la présence à Kananaskis à la fois, je dirais, de l'organisateur en la personne de Kofi ANNAN, le Secrétaire général des Nations Unies, et du Président du pays hôte, donc particulièrement concerné et intéressé au succès de Johannesburg, le Président d'Afrique du sud, Thabo M'BEKI, nous avons fait en sorte qu'il y ait une sérieuse relance des travaux permettant de faire de Johannesburg, tout de même, un pas dans la bonne direction et une étape sérieuse dans l'élaboration d'une politique de développement durable.

J'ai notamment fait valoir qu'après l'absence, qui a été très mal reçue par les pays pauvres, de la plupart des chefs d'État et de gouvernement des pays riches à la réunion de la FAO à Rome, marquant une espèce de manque d'intérêt pour ces problèmes, il était essentiel que nous soyons tous présents à Johannesburg. Et c'est la décision que nous avons prise collectivement. Je crois que, sur le plan des principes, c'est important. Sur le plan pratique, nous avons décidé d'apporter tout notre soutien et notre aide, par nos techniciens au plus haut niveau, à la présidence sud-africaine et au Secrétaire général de l'ONU, pour relancer les discussions actuelles de préparation de Johannesburg. Il est très important que nous ayons un sommet de Johannesburg qui soit positif et qui soit un pas dans la bonne direction.

Le troisième thème était évidemment le coeur de nos préoccupations et de nos échanges, l'objet-même en réalité de ce sommet, le sujet qui, par conséquent, a mobilisé la quasi totalité de nos échanges, de nos énergies et de notre imagination, c'est celui de l'Afrique. Ce sommet, c'est le sommet de l'Afrique. Et c'est la première fois, naturellement, que les nations riches, au niveau le plus élevé dans le cadre du G8, prennent une position claire, un tournant en quelque sorte, à la fois sur le plan conceptuel et pratique et politique dans le domaine de l'aide au développement, et plus particulièrement de la main tendue à ce continent un peu à la dérive, hélas, qu'est l'Afrique.

Toutes nos conversations en dehors des séances, ou l'essentiel de nos conversations bilatérales ou en groupe, en dehors des séances, ont tourné autour de ces sujets et sur la meilleure façon de changer notre culture, c'est-à-dire de passer d'une culture d'assistance, qui traditionnellement a été à l'origine de toutes les actions des pays riches en direction des pays pauvres, pour la transformer en une culture de partenariat. Je rappelle que c'est à Gênes que ce tournant s'est opéré. C'est ce qui fait que Gênes restera dans l'histoire comme un G8 important, parce que conscience a été prise du problème et conscience a été prise que les Africains étaient décidés à prendre eux-mêmes leurs affaires en main, à assumer eux-mêmes les responsabilités et qu'à partir de là, c'est dans le cadre d'une concertation, d'un dialogue entre nous, que l'on pouvait leur apporter les moyens de s'intégrer dans l'économie de développement et de développement durable.

C'est dans cet esprit que les quatre chefs d'État que vous connaissez sont venus ainsi que le Secrétaire général de l'ONU. Les travaux, qui avaient été bien préparés avant ont commencé par une séance réservée au G8 ce matin, de 8h30 à 10h00, suivie de la réunion à laquelle se sont associés les quatre chefs d'État du Nigeria, d'Algérie, du Sénégal et d'Afrique du sud, en plus du Secrétaire général des Nations Unies. Cette réunion a été également très solide, très positive. Les chefs d'État africains l'avaient vraiment préparée et ont apporté ainsi la confirmation de leur engagement à assumer totalement la responsabilité du développement et la responsabilité des choix économiques, sociaux, mais aussi du jugement porté entre eux, par leurs pairs, sur les politiques conduites dans chacun des pays, sélectionnant ainsi eux-mêmes les pays qui, jouant le jeu, méritaient une priorité dans l'aide et ceux qui, ne le jouant pas, devaient être à ce titre sanctionnés, sanctionnés par eux.

C'est donc un pas considérable qui a été fait dans la bonne direction. Naturellement, ce sujet de l'aide à l'Afrique, le NEPAD comme on dit aujourd'hui, sera l'élément de substance du prochain G8 qui aura lieu, en France, vous le savez, en 2003.

Et je terminerai par là, en vous disant que je n'ai pas indiqué, parce que la décision n'est pas encore prise, quel était l'endroit en France où se réunirait le prochain G8. En revanche, nous avons discuté de la date. Nous en avons discuté essentiellement avec le Président russe, Monsieur POUTINE, parce que nous avons voulu, en quelque sorte, associer les manifestations du troisième centenaire de la création de Pétersbourg, que les Russes veulent particulièrement marquantes, pour indiquer en quelque sorte le retour sur le premier plan de la scène internationale de la Russie. Et, bien entendu, nous souhaitons être associés à cela, si bien qu'ils avaient prévu que, le 31 mai, il y aurait à Saint-Pétersbourg le sommet Union européenne-Russie, en présence de tous les chefs d'État et de gouvernement des quinze pays de l'Union européenne, cela le 31 mai, au matin. Ils ont ensuite invité les autres membres du G8, c'est-à-dire le Président des États-Unis, le Premier ministre du Canada et le Premier ministre du Japon à venir s'associer aux cérémonies du 300e anniversaire, l'après-midi du 31 mai, à Saint-Pétersbourg. Et puis tout le monde repartira le soir, ou le lendemain matin, de façon à ce que le G8 puisse, lui, commencer en France en début d'après-midi, vraisemblablement le 1er juin. Et donc ce sera le 1er, le 2, le 3 juin probablement, le détail n'est pas naturellement fixé, mais les dates, elles, ont été retenues.

Voilà, et je m'efforcerai de construire un G8 un peu dans le même esprit que celui de la présidence canadienne, c'est-à-dire consistant d'une part à avoir un sujet de substance essentielle, et ce sera encore l'Afrique, naturellement, et, deuxièmement, d'avoir un climat facilitant les échanges entre les personnes, je dirai, dans la sérénité et la tranquillité, ce qui est tout à fait essentiel si l'on veut que chacun y mette du sien et même le meilleur du sien pour faire avancer les grands problèmes de l'actualité.

Voilà, maintenant je suis tout prêt naturellement à répondre à quelques questions que vous souhaiteriez peut-être me poser.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que vous avez senti autant d'enthousiasme chez vos partenaires au sujet de l'Afrique, notamment chez votre partenaire américain ? Et est-ce qu'il a accepté facilement le fait que ce soit les Africains eux-mêmes qui décident où va l'aide et comment ?

LE PRÉSIDENT - Écoutez, d'abord j'ai senti tout de même de la part de la plupart de nos partenaires une vraie mobilisation. Au premier rang de ceux-ci, Tony BLAIR, sans aucun doute. Mais, au même titre, les autres Européens. Et j'ai été sensible au fait que le Président du Conseil du gouvernement espagnol, M. AZNAR, qui était présent en sa qualité de Président en exercice de l'Union européenne, ait tenu dans le cadre de ce débat à souligner les problèmes spécifiques de l'Amérique du sud. Je le dis par parenthèse, ce n'était pas le sujet de nos préoccupations, mais comme il a fait une intervention assez brillante sur ce sujet et très utile, nous n'avons pas fait de débat, mais nous l'avons enregistré, notamment les inquiétudes à l'égard des pays en crise et d'abord l'Argentine, mais également la Colombie, le Venezuela et puis le problème du Brésil.

Bon, je ferme cette parenthèse pour dire que les Européens, incontestablement, se sont mobilisés. Et qu'il n'y a pas de commune mesure entre le climat à l'égard de l'Afrique parmi les chefs d'État et de gouvernement européens, il n'y a pas de commune mesure entre ce que l'on voit aujourd'hui et ce que l'on pouvait voir il y a encore deux ans. Le tournant, c'est Gênes. Je l'ai souvent dit mais Gênes, qui a été complètement effacé par les manifestations, a été un véritable tournant dans la prise de conscience de la solidarité internationale vis-à-vis des problèmes spécifiques de l'Afrique, qu'on ne pouvait pas laisser dériver, et de la nécessité d'avoir une conception fondée sur le partenariat et non plus sur l'assistance.

Tout cela, c'est à Gênes que cela a commencé. Alors, donc, voilà pour les Européens, cela ne fait aucun doute. Le Premier ministre canadien, je ne voudrais pas avoir l'air de commenter les positions des uns et des autres, mais le Premier ministre canadien est depuis longtemps un militant actif du développement africain. Donc, il a conduit ces travaux avec beaucoup de détermination et de conviction, et d'intelligence. Alors, vous m'interrogez sur le Président des États-Unis. Il y a mis le meilleur de lui-même, dans cette affaire. Traditionnellement, l'Afrique est loin des États-Unis et l'approche américaine de ce genre de choses n'est pas forcément la même que la nôtre. Mais, enfin, le Président américain s'est associé avec toute la force de ses moyens à cette politique et notamment à une décision qui a été très importante, et qui n'était pas du tout évidente au départ, qui était, vous le savez, fortement portée par la France et par quelques autres, heureusement, et qui était de décider que 50% au moins des moyens nouveaux décidés à Monterrey seraient affectés à l'Afrique dans le cadre du NEPAD. Et nombreux avaient été les observateurs qui s'interrogeaient sur la capacité qu'aurait le sommet à prendre cette décision. Eh bien, il a eu cette capacité. La décision a été prise. Cela montre bien qu'il y a quelque chose de nouveau chez l'ensemble des représentants des pays riches.

QUESTION - C'est au sujet de l'entente sur la destruction des armes de destruction massive. Est-ce qu'elle va assez loin à votre goût ? Je pense, entre autres, au fait qu'on veuille simplement réduire les armes bactériologiques et non pas les éliminer comme les armes chimiques. Et j'essaie de comprendre pourquoi c'était si difficile à négocier cette entente.

LE PRÉSIDENT - Cela dépend de quelles armes on parle. Il est certain que nous pouvons avoir l'ambition, mais ce n'est pas pour demain matin, de supprimer toutes les armes de destruction massive, les autres aussi d'ailleurs, comme les mines antipersonnel. Vous savez, dans la situation actuelle, par exemple, on arriverait seulement à obtenir de la plupart des grands pays producteurs ou utilisateurs de mines la décision d'interdire, comme nous l'avons fait, la production de mines antipersonnels, ce serait déjà un considérable progrès pour l'humanité. Je dirais encore plus important que ce que vous évoquez, parce que les effets sont immédiats, considérables, hélas, et traumatisant au-delà de tout ce que l'on peut imaginer. Alors, pour le reste, nous avons surtout à mettre en oeuvre une politique permettant d'éliminer en tous les cas tout ce qui n'est pas officiellement reconnu dans le domaine des armes nucléaires, chimiques, bactériologiques, radiologiques. Et c'était l'un des sujets de la négociation que nous avons eue, je dirais les Sept avec le Président russe, dans le cadre ce que l'on appelle "10 plus 10 sur 10", c'est-à-dire dix milliards de dollars des Américains, dix milliards de dollars des autres pays, sur dix ans, pour aider la Russie et les anciens pays de l'Union soviétique à neutraliser, notamment, l'armement aujourd'hui un peu obsolète et donc dangereux dont l'Union soviétique s'était pourvue de façon tout à fait naturellement excessive. Alors, nous sommes arrivés là-aussi à un accord. Ce qui est un pas important, je dirais, dans le droit fil de l'accord intervenu entre les États-Unis et la Russie il y a quelques semaines. Nous sommes arrivés à un accord pour aider la Russie et les pays de l'ancienne Union soviétique à neutraliser et à se débarrasser de ces armements à la fois excessifs, dangereux et dans un état préoccupant.

QUESTION - Monsieur le Président, je me demandais, parce qu'en toile de fond de ce sommet, il y avait cette baisse continue du dollar et une hausse donc correspondante de l'euro, si les changes étaient des sujets de discussion au sein du G8 et, deuxièmement, si vous-même vous vous réjouissez ou si vous déplorez ce phénomène de hausse de l'euro.

LE PRÉSIDENT - Nous n'avons pas discuté officiellement de ces problèmes. Ils n'étaient pas à l'ordre du jour. Nous n'avons fait, je dois dire, que les évoquer en aparté sans que l'on puisse en tirer de conclusions. Et, pour ma part, j'ai toujours été convaincu que ce sont des sujets sur lesquels moins les responsables politiques font de commentaires et mieux cela vaut pour tout le monde. C'est une règle en tous les cas que je m'applique depuis longtemps.

QUESTION - Pouvez-vous, Monsieur le Président, parler un peu du sommet de 2003 et quel sera le sujet de substance de ce sommet ? Et une petite question secondaire, quelle est la possibilité d'avoir un sommet en téléconférence ?

LE PRÉSIDENT - Le sommet de 2003, j'ai dit que je n'avais pas encore arrêté les propositions que je ferai à mes partenaires. Ce que vous pouvez déjà savoir, c'est que, je le répète, je l'ai dit tout à l'heure, le sujet de substance sera l'Afrique et le développement du NEPAD. Je suis persuadé que, dans les contacts entre responsables politiques, comme d'ailleurs responsables syndicaux, ou responsables de la société civile, dans les affaires ou dans les organisations non gouvernementales, les contacts via les technologies modernes de communication se développeront inévitablement. Cela coûte moins cher et c'est facile. Cela a néanmoins naturellement des limites. La principale limite, c'est que les hommes sont les hommes. Et qu'on ne parle pas à un écran comme on parle à un ami ou à quelqu'un en face de soi. Et, par conséquent, la vidéo-conférence qui, je le répète, se développera ne peut pas se substituer aux conférences, parce que le contact humain est essentiel. En revanche, on peut très bien l'utiliser en plus. Moi, il m'est arrivé d'avoir des vidéo-conférences avec tel ou tel chef d'État ou de gouvernement européen dans les années récentes. Cela marche très bien. Mais cela marche très bien à condition de faire cela une fois et que, par ailleurs, on se rencontre à dîner trois semaines après. Donc, voilà. Cela se développera mais cela ne se substituera pas.

QUESTION - Monsieur le Président, le G8 a été très optimiste sur la croissance. Est-ce que vous pensez qu'en France, la croissance sera suffisante pour parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2004, en sachant que l'audit des finances publiques a été publié ce matin et montrait des finances publiques extrêmement dégradées ?

LE PRÉSIDENT - Chère madame, votre très jeune âge fait que vous n'avez pas une longue expérience des points de presse avec moi et je vous en félicite. Mais je me suis toujours tenu à une règle dont je ne me suis là aussi jamais départi, c'est de ne pas évoquer les problèmes intérieurs français quand je suis en dehors des frontières nationales. Je ne ferai donc aucun commentaires sur ce point, sauf pour vous dire, sauf pour vous répondre sur la croissance. Nous avons évoqué ces problèmes de croissance. Nous les avons même évoqués de façon assez approfondie. Je veux dire par-là qu'il y a eu un tour de table où chaque participant a donné son point de vue. Ce qui est très important. Il est très intéressant de voir quelle est la réaction des différents responsables. Dans l'ensemble, je dirais même de façon unanime, les responsables du G8 ont marqué un certain optimisme, j'ai fait partie de ceux-là, un certain optimisme en matière de croissance, c'est-à-dire qu'ils ont indiqué qu'à leur avis l'année 2002 devrait se terminer dans un contexte de croissance et que l'année 2003 devrait permettre à la plupart des pays d'avoir une croissance pouvant aller jusqu'à 3%. Je ne parle pas de quelques pays comme le Canada ou la Russie qui ont des croissances supérieures. Voilà, si vous voulez. C'est vrai, le contexte était optimiste et je crois que ce jugement est fondé.

QUESTION - Monsieur le Président, on sait que la France intervient efficacement en Afrique pour l'aide au développement. On se demande quelle sera l'intervention de la France au niveau des investissements privés en Afrique. Peut-elle prendre le modèle du Premier ministre, M. CHRÉTIEN, qui a créé un fonds d'investissement de 500 millions de dollars ?

LE PRÉSIDENT - Alors, tout d'abord, la France, qui a été longtemps après le Japon, le pays qui consacrait un pourcentage de son Produit intérieur brut le plus élevé pour l'Aide publique au développement, a connu depuis quelques années une baisse sensible, si bien que nous étions très loin de l'objectif que l'on avait pu se fixer il y a une dizaine d'années de 0,7%. Alors, première réponse : la France s'est engagée à Monterrey, par ma bouche, et je l'ai confirmé ici, à reprendre le chemin de la croissance de son Aide publique au développement pour atteindre le plus rapidement possible 0,5%. Le plus rapidement, ça veut dire, je l'espère, en cinq ans.

Donc, ça c'est l'Aide publique au développement. Et nous encourageons beaucoup l'Union européenne dans ce sens, comme nous l'avons fait en particulier à Barcelone, et l'Union européenne a pris des décisions de cette nature. J'ajoute que l'Angleterre, depuis deux ans, l'Allemagne, depuis un an, ont cessé de voir leur aide publique baisser pour reprendre également la croissance. Donc on peut espérer que, là encore, il y a une prise de conscience qui a été pour la première fois aussi, je le rappelle, conçue à Gênes.

Je me souviens du temps où, G8 après G8, je faisais ma petite intervention sur les problèmes d'Aide publique au développement dans l'indifférence absolument générale. À Gênes, pour la première fois, on a pu avoir un débat. On l'a eu d'ailleurs, il faut dire les choses, parce que le Président américain, qui y faisait son premier sommet à l'époque, a accepté d'entrer dans la discussion et le jeu. Ce qui n'avait pas été le cas dans les années précédentes.

Donc, voilà. On peut penser qu'après notamment les décisions de Monterrey, il y a une conscience générale pour l'augmentation de l'Aide Publique au Développement et que ça va se faire.

Alors, le Président WADE a beaucoup souligné que le développement ne pouvait pas être exclusivement un développement fondé sur l'aide publique. Que l'aide publique était absolument indispensable pour créer et financer les infrastructures sans lesquelles il n'y a pas de développement économique et surtout social possible. Il faut des hôpitaux, il faut des écoles, il faut des routes. Ca, c'est de l'investissement public pour l'essentiel, bon. Mais l'objectif, c'était de l'investissement privé permettant la création de richesses, de travail, d'emplois, etc., et de développement.

Et donc, c'est l'un des objectifs du NEPAD, c'est un élément de la philosophie qui sous-tend le travail très, très remarquable qui a été fait par les représentants personnels, dont le mandat d'ailleurs a été prolongé jusqu'à l'année prochaine et on verra après, et qui ont fait un travail admirable qui, sous 8 chapitres et 120 ou 130 propositions, s'inspire précisément de ces réflexions. Alors, la décision, dans ce contexte, prise par le Canada est une décision tout à fait respectable, dont je me réjouis. C'est évident qu'il faut aller dans ce sens et, je le répète, toute la conception du NEPAD va dans le sens de faciliter les investissements privés à partir du moment où, par ailleurs, les règles de bonne gouvernance d'une part et l'aide aux infrastructures d'autre part permettront d'envisager un développement normal des investissements privés et donc de la création de richesses et de travail.

QUESTION - Monsieur le Président, nous avons bien noté hier que vous souhaitiez que l'Afrique soit le sujet majeur de ce sommet. Néanmoins, je me permets de revenir sur la question du Proche-Orient. On a noté aussi qu'il y avait les réticences de la France, mais aussi de la Grande-Bretagne, du Canada, sur le point le plus controversé du plan BUSH, c'est-à-dire le sort de Yasser ARAFAT. Est-ce que vous avez eu un échange approfondi avec le Président BUSH à ce sujet et est-ce qu'éventuellement cette divergence pourrait être un handicap pour la réunion d'une éventuelle conférence internationale ?

LE PRÉSIDENT - Oh, je souhaite que non, n'est-ce pas. Nous avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de la déclaration du Président BUSH et je dois dire que, dans l'ensemble, elle a été, par tous les responsables qui étaient réunis à Kananaskis, considérée comme positive. Naturellement, je ne parlerai pas du Président ARAFAT. Nous n'en avons d'ailleurs pas parlé et je rappelle qu'il n'a pas été cité dans la déclaration du Président BUSH et que nous nous en tenons à un principe très simple, que nous avons réaffirmé très clairement sur le plan européen, c'est qu'il appartient aux Palestiniens et à eux seuls de désigner leurs représentants. On ne peut pas leur demander à la fois de voter et de leur dire pour qui il ne faut pas voter ou pour qui il faut voter !

Voilà. Ceci étant, il nous est apparu très nettement, et c'est ce qui a été souligné dans les propos que nous avons tenus en dehors des séances sur ce sujet et aussi à l'occasion du dîner d'hier soir, qu'il était indispensable, qu'on ne ferait rien si on ne réengageait pas la procédure du dialogue politique. Que, donc, tout ce qui était envisagé était très bien à condition qu'il y ait un processus permettant de réengager le dialogue politique sans lequel il est exclu que l'on puisse trouver une solution aux problèmes que connaissent aussi bien les Israéliens que les Palestiniens. D'où la réaffirmation claire, de notre point de vue, de la nécessité de cette conférence internationale. Et donc, nous avons simplement, les Européens en tous les cas, confirmé ce que nous avions dit à Séville, où nous avions dit des choses extrêmement clairement. Peut-être une dernière question ?

QUESTION - J'aurais aimé avoir votre appréciation sur le caractère pacifique des manifestations qui, cette fois, n'ont pas occulté, a priori, les travaux du G8. Est-ce que vous pensez que, sur le fond, c'est parce que le G8 s'est plus préoccupé d'une manière formelle des pays les plus pauvres ou tout simplement parce que, sur la forme, vous étiez à plus de cent kilomètres du commun des mortels ?

LE PRÉSIDENT - Je crois qu'il y a un peu tout. Il y a aussi probablement un troisième élément. Vous avez parlé de la distance, vous avez évoqué les sujets. Il y a un troisième élément, c'est que ce G8 a été mieux que les autres préparés sur le plan du dialogue et des contacts avec la société civile et en particulier des organisations non gouvernementales. Le Premier ministre du Canada a fait un effort important pour tenir informés, associer, discuter avec les représentants, notamment des ONG et plus généralement de la société civile, et ceci, naturellement, je l'imagine, a eu des conséquences positives. On peut très bien comprendre, j'avais eu l'occasion de le dire au moment des manifestations qui ont eu lieu à Gênes, que les Européens, puisque c'était essentiellement des Européens, d'autres aussi, s'inquiètent de ce que représente la mondialisation non maîtrisée et qu'ils le manifestent. Cela a été vrai notamment des importantes manifestations qui ont eu lieu sous l'impulsion des organisations syndicales de travailleurs salariés. videmment, quand il y a des grandes manifestations de cette nature, et dont on peut très bien comprendre à la fois l'objectif et les raisons, se mêlent toujours les casseurs.

C'est inévitable. C'est cela qui, évidemment, risque de dégénérer. Cela, on ne peut que le regretter, naturellement. Mais enfin, pour les raisons que je viens d'évoquer, moi, j'ai l'intention pour le G8 de l'année prochaine d'associer autant que faire se pourra d'une part la société civile et les ONG, de façon très systématique, et, deuxièmement, les représentants sous une forme à déterminer des pays émergents et des pays les plus pauvres. Parce qu'on n'a pas encore trouvé le bon moyen de les associer. Alors, certains disent qu'on aurait pu faire un G20 ou 25, mais comment choisir les 20 ou les 25 et comment s'articuleraient-ils avec le G8 ?

Enfin, tout cela, ce sont des idées à la fois généreuses, qui ont l'air d'aller de soi et qui sont très difficiles à mettre en oeuvre quand on veut le faire. Néanmoins, au niveau de la préparation et des contacts aussi bien avec les ONG pour ce qui concerne les effets sociaux de la mondialisation que pour ce qui concerne les autres pays qui ont tout de même quelque chose à dire sur l'organisation du monde, il y a un effort à faire que, pour ma part, j'ai l'intention de faire. Voilà, je vous remercie.





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