Point de presse conjoint du Président de la République et du Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères d'Israël.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Shimon PERES, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de l'État d'Israël.

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Palais de l'Elysée, le mardi 26 février 2002

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, j'ai été très heureux de recevoir ce matin le vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, M. Shimon PÉRÈS, qui est également pour moi un ami de longue date.

Dans les circonstances dramatiques que connaît le Proche-Orient, notre entretien a porté sur les moyens d'enrayer l'escalade, une escalade meurtrière à laquelle nous assistons et qui s'est encore aggravée depuis deux semaines.

J'ai dit à M. Shimon PÉRÈS la tristesse et l'angoisse de tous les Français devant le piège de la violence, du terrorisme, des représailles, dans lequel sont enfermés les peuples israélien et palestinien. Je lui ai dit aussi notre conviction, une conviction qu'il partage, je le sais, qu'au Proche-Orient, la paix ne se fera pas par les armes. La lutte contre le terrorisme est absolument nécessaire. Elle doit être menée avec une détermination sans faille mais elle ne peut à elle seule apporter la sécurité. L'absence de perspectives politiques conduit aujourd'hui Israéliens et Palestiniens à s'enfoncer ou à risquer de s'enfoncer dans la guerre. La violence et le terrorisme se nourrissent, on le voit bien, de l'occupation et du dénuement économique. Le recours à la force n'offre aucune perspective, pour aucune des parties.

J'ai souligné devant M. Shimon PÉRÈS notre espoir, qui est celui de toute la communauté internationale, espoir de voir Israéliens et Palestiniens renouer avec le processus de négociations, un processus qu'il y a dix ans, aux côtés de M. Yitzhak RABIN et de M. Yasser ARAFAT, M. PÉRÈS avait courageusement soutenu. Il en avait posé les bases.

Aujourd'hui comme hier, la France est convaincue que la paix est possible. Et j'ai évoqué avec M. Shimon PÉRÈS les idées françaises à ce sujet. Mais tous les efforts, aussi déterminés soient-ils, resteront vains en l'absence d'une volonté claire des parties de restaurer le dialogue et la confiance.

C'est pourquoi la France soutient aujourd'hui fermement, et l'Union européenne aussi, les propositions que M. Shimon PÉRÈS a faites, conjointement avec le Président du Conseil législatif palestinien ABOU ALA. C'est avec raison que le plan PÉRÈS-ABOU ALA fonde la reprise des négociations sur la reconnaissance mutuelle de l'État d'Israël et d'un État de Palestine.

Nous sommes aujourd'hui dans une situation d'urgence. Il faut impérativement casser l'engrenage pernicieux de la violence. Tout doit être fait pour tracer un horizon politique, pour rendre l'espoir, pour reconstruire la confiance.

Chacun voit bien dans le contexte d'incompréhension et de violence actuel la force symbolique que pourrait avoir une rencontre directe, sans préalable, des représentants légitimes des peuples israélien et palestinien, c'est-à-dire du Premier ministre, M. Ariel SHARON, et du Président Yasser ARAFAT.

C'est en ayant le courage du dialogue, dans l'honneur et dans la dignité, qu'ils répondront à l'aspiration profonde de leur propre peuple à vivre en paix, ce à quoi les peuples ont, d'abord et avant tout, droit.

Et pour les aider à retrouver le chemin de la table des négociations, il faut aussi un engagement résolu des États-Unis et de l'Europe. Je l'ai dit samedi longuement au Président BUSH. Les principes d'un règlement juste et durable sont sur la table : la terre contre la paix. Et je dois dire que les dernières suggestions faites par le Prince héritier d'Arabie Saoudite vont également dans ce sens et confortent l'espoir que nous pouvons avoir.

Je laisse la parole à M. Shimon PÉRÈS.

M. PÉRÈS - Je vous remercie, Monsieur le Président. Notre entretien était à mon avis très positif, avec beaucoup de compréhension de la part du Président. Aussi, quand il y peut y avoir quelque nuance diplomatique entre la France et Israël, il y a toujours une amitié profonde et historique de nos pays et, pour nous, c'est quelque chose d'extrêmement important. Et nous allons garder ces rapports spéciaux et historiques.

Après les remarques qui ont été faites par le Président, je voudrais ajouter qu'Israël cherche la paix, que nous ne pensons pas qu'il y a une solution militaire mais seulement une solution politique.

J'ai dit au Président que moi-même je ne cherche pas la paix, je cherche une majorité pour la paix. Parce que la paix, c'est quelque chose de politique. La majorité pour la paix, c'est quelque chose de politique. Et malgré la situation actuelle qui est extrêmement compliquée, il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une bonne chance de dialogue entre les Palestiniens et nous-mêmes, ABOU ALA et moi-même.

Je pense aussi que les propositions de l'Arabie Saoudite, c'est à mon avis un développement positif. L'intérêt qui est montré par l'Union européenne et par la France est d'une importance extraordinaire.

Il faut encourager aussi, dans une situation complexe comme la situation d'aujourd'hui, il faut encourager tous les signes de la paix, tous les efforts pour faire la paix. A mon avis, aujourd'hui, c'est vraiment un jour, un moment très important pour les Palestiniens et nous-mêmes. D'un côté, la crise en est au point le plus dangereux que je connaisse, d'un autre côté il y a une chance extraordinaire pour arriver à un cessez-le-feu et pour rénover le processus de la paix même.

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre soutien, pour votre intérêt continu. Vous connaissez la situation profondément, historiquement, et je pense que vous pouvez contribuer au processus de la paix dans le Moyen-Orient.

QUESTION - De vives tensions sont apparues dernièrement entre Paris et Jérusalem à cause des accusations de Jérusalem concernant la montée de l'antisémitisme en France. Votre ministre des Affaires étrangères a même qualifié d'odieux les propos d'Ariel SHARON à ce sujet. Avez-vous discuté ce point avec M. PÉRÈS et comprenez-vous mieux maintenant l'inquiétude de l'État hébreu sur ce sujet ?

LE PRÉSIDENT - Je ne vais naturellement pas polémiquer. Je voudrais dire simplement que j'ai été profondément choqué, et je dirais meurtri, par les propos qui ont été tenus sur le développement de l'antisémitisme en France. Je condamne profondément toute action qui peut ou pourrait être conduite contre la sécurité et contre la dignité de la communauté juive de France. Et je considère que ces actions doivent être sanctionnées, que les auteurs de ces actions doivent être sanctionnés de la façon la plus sévère. Et c'est ce que nous faisons, naturellement.

C'est la raison pour laquelle je n'ai pas compris ce qu'était cette campagne, quelles étaient ses origines, pourquoi on avait voulu la faire. Mais je tiens à dire clairement qu'il n'y a pas de poussée d'antisémitisme en France, que rien ne permet d'étayer ces affirmations et que la France et toutes ses autorités restent très vigilantes dans ce domaine et extrêmement sévères pour réprimer toutes les manifestations d'antisémitisme, quelles qu'elles soient.

M. PÉRÈS - Je suis sûr que la France n'est pas antisémite. Ni historiquement, ni actuellement. Je suis convaincu que le "leadership" français fait une lutte sérieuse et déterminée contre l'antisémitisme en France. J'ai déjeuné ce matin avec les leaders de la communauté juive. Leur sentiment est le même : la France n'est pas antisémite. Il y a des incidents antisémites. Si le Gouvernement français prend tous les moyens contre ces incidents ? À mon avis, on a pris tous les moyens contre ces incidents. À mon avis, c'est la vraie politique. Nous n'avons pas une politique déclarée, officielle, différente des positions que j'ai données, il y a quelques minutes.

QUESTION - Vous avez évoqué à l'instant le fait que vous avez discuté des idées saoudiennes. Pensez-vous qu'il y a un moyen de coordonner ces idées avec les idées françaises et européennes ?

M. PÉRÈS - Les idées pour la paix sont les mêmes, finalement. Il y a quelques nuances. Si je peux expliquer : d'abord, je pense que les déclarations du Prince ABDALLAH ont une importance extraordinaire, parce que l'Arabie Saoudite, pour la première fois, prend le côté du processus de paix au Moyen-Orient, ouvertement. Parce que c'est un appel pour tout le monde arabe à reconnaître l'État juif et à établir les rapports formels. Parce que, à mon avis, c'est un peu aider aussi M. ARAFAT à faire les choix sur quelques points très importants et parce que cela crée un climat positif. C'est pour cela que le soutien français, européen et américain a une grande importance.

Où est la différence ? C'est la différence aussi entre nous et les Palestiniens et c'est sur les définitions des frontières permanentes entre nous et les Palestiniens. Les positions israéliennes, c'est que les prochaines frontières doivent être basées sur les résolutions des Nations Unies 242 et 338. Les Palestiniens demandaient les frontières de 1967 avec quelques modifications et aussi avec la possibilité d'échange territorial. À mon avis, tout le monde, c'est-à-dire les Nations Unies, la Conférence de Madrid, les positions officielles européennes et américaines, était d'avis qu'il faut commencer les négociations sur les résolutions 242 et 338.

Dans le document entre ABOU ALA et moi-même, nous avons mentionné les résolutions des Nations Unies. Et je pense que, finalement, il faut commencer avec une formule qui peut recueillir l'accord des deux côtés. Parce qu'il n'existe pas une paix unilatérale. La paix, c'est toujours un accord basé sur un compromis nécessaire pour vraiment trouver les possibilités que les deux côtés soutiennent. Les mots, pas seulement les cartes.

LE PRÉSIDENT - Je partage entièrement le sentiment exprimé par M. Shimon PÉRÈS. Il y a eu des idées françaises exprimées, nous en avons parlé. Il y a les idées, qui sont fortes et courageuses, du Prince ABDALLAH d'Arabie Saoudite. Et nous nous sommes réjouis, comme l'ensemble de la communauté internationale, de ces idées. Et puis il y a, je dirais, le plan Shimon PÉRÈS-ABOU ALA. Ce plan est soutenu, sans réserves, par la France et par l'Union européenne. J'ai compris d'ailleurs, dans mes entretiens avec le Président BUSH et avec le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi ANNAN, j'ai cru comprendre qu'ils étaient aussi tout à fait favorables aux idées de dialogue politique sous-tendant ce plan, progressif et raisonnable.

QUESTION - Monsieur le Ministre, comment pouvez-vous envisager une reprise sérieuse des négociations avec l'Autorité palestinienne alors que son Président, Yasser ARAFAT, est assigné par votre gouvernement à résidence à Ramallah depuis maintenant près de trois mois ?

M. PÉRÈS - Il n'était pas prisonnier à Ramallah. C'est vrai qu'Israël fait des pressions sur ARAFAT pour arrêter les cinq assassins de notre ministre du Tourisme, avec le résultat que vous savez, c'est-à-dire que quatre assassins ont été arrêtés et sont dans les prisons des Palestiniens. Il faut trouver le cinquième.

Les résolutions de notre Cabinet étaient de terminer le cloisonnement autour d'ARAFAT. Les règles étaient toujours que si ARAFAT voulait voyager de Cisjordanie à Gaza, ou en dehors du pays, il ait besoin d'une permission. C'étaient les règles traditionnelles, il n'y a eu aucun changement. Le seul changement qu'ARAFAT n'aimait pas, je le comprends, c'est la procédure que nous avons lancée pour la permission. Mais il n'est pas aujourd'hui de mesures d'isolement autour d'ARAFAT et de son état-major.

QUESTION - On connaît les relations privilégiées que vous avez avec les responsables saoudiens, la France et l'Arabie Saoudite ont des relations très privilégiées. Les Israéliens, suite à la déclaration du Prince héritier, ont réagi en disant qu'ils étaient prêts à recevoir le Prince, à nouer des contacts. Est-ce que la France est prête à jouer le rôle de médiateur entre les Israéliens et les Saoudiens ?

LE PRÉSIDENT - La France n'a pas à jouer le rôle de médiateur. La France entretient d'excellentes relations avec l'un et l'autre pays et n'a pas à jouer les médiateurs. Il y a une idée forte, courageuse, je le répète, qui a été très bien reçue dans le monde, qui a été à l'instant approuvée dans son principe par M. Shimon PÉRÈS. La France souhaite que ce soit un élément qui, avec le plan PÉRÈS-ABOU ALA, permette de sortir de l'impasse actuelle.





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