Conférence de presse du Président de la République à l'issue de sa visite en Arabie Saoudite.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue de sa visite en Arabie Saoudite.

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Riyad, Arabie Saoudite, le mercredi 14 novembre 2001

Mesdames, Messieurs,

Nous voici au terme de notre voyage dans la région et je voudrais remercier très chaleureusement pour leur accueil Sa Majesté le Roi Fahd, bien entendu, le Prince Héritier, le Prince Abdallah, et l'ensemble des autorités du Royaume. Je voudrais dire qu'il m'a été agréable de féliciter le Roi, qui entre dans l'année commémorant le vingtième anniversaire de son règne. J'ai eu plaisir à lui dire, à cet égard, mes félicitations.

Nous avons évoqué, bien entendu, la situation en Afghanistan, compte tenu notamment de l'évolution qui s'est accélérée depuis hier dans le domaine militaire. Je voudrais noter à ce sujet que notre détermination a été payante et qu'il faut donc poursuivre, et que, d'autre part, notre objectif essentiel n'est pas seulement la défaite des Taleban, c'est également l'éradication du terrorisme et d'AI Qaida, et de ceux qui les protègent.

Ceci implique, bien entendu, une accélération de la recherche d'une solution politique qui soit à la fois équilibrée et permette d'assurer la stabilité en Afghanistan. Cette solution politique passe naturellement par l'ONU et je me réjouis et je salue la décision qui a été prise par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi ANNAN, et par son Envoyé spécial, M. BRAHIMI, d'envoyer immédiatement -je crois qu'il est déjà parti- M. VENDRELL à Kaboul, parce qu'il faut que les Nations Unies affirment immédiatement leur présence à Kaboul.

Je note d'ailleurs que la nécessité de cette affirmation immédiate des Nations Unies à Kaboul est tout à fait conforme au plan proposé à la fois par l'Arabie Saoudite et le Pakistan, après leurs discussions ensemble, plan qui, d'ailleurs, avait reçu l'approbation d'un certain nombre des grands partenaires de la coalition, et notamment des États-Unis et de la France.

Je note également, enfin, que les Nations Unies viennent de décider de convoquer les représentants des différentes factions afghanes, c'est-à-dire des différentes forces politiques, ethniques, tribales afghanes, de façon à discuter ensemble et à mettre au point le cadre qui permettra d'élaborer un gouvernement de transition. L'accélération des choses sur le plan militaire implique une accélération sur le plan politique et nous sommes maintenant dans l'urgence de l'élaboration d'un gouvernement de transition.

Je voudrais enfin me réjouir qu'hier, une résolution ait été adoptée à l'ONU, à l'unanimité, par le Conseil de sécurité pour réaffirmer l'importance capitale qu'il y a à lutter contre le terrorisme. Dans tous ces domaines, le Royaume et la France partagent le même point de vue.

Nous avons également évoqué, naturellement, avec les autorités saoudiennes notre inquiétude commune à l'égard de la situation au Proche-Orient. Il est certain que nos amis saoudiens, et nous-mêmes, comme d'ailleurs l'ont exprimé récemment, à l'occasion d'un récent Conseil des Affaires générales, l'ensemble des ministres des Affaires étrangères des Quinze de l'Union européenne, nous sommes de plus en plus préoccupés par les tensions et les affrontements qui existent au Moyen-Orient, par les conditions dans lesquelles ce conflit israélo-palestinien se développe et par les conséquences inévitables qu'il ne manquera pas d'avoir, si l'on ne se calme pas, sur la solidité de la coalition au moment même où il est essentiel que cette solidité soit sans faille. Sur ce point également, le Royaume et la France ont la même analyse.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez annoncé précédemment que la lutte anti-terroriste et les efforts de paix pour une solution au Proche-Orient sont deux questions qui n'ont pas de lien entre elles. Ce n'est pas tout à fait la vision de l'Arabie saoudite ni de l'Égypte, qui pensent qu'il faut que les deux questions soient menées de front. Est-ce que cela constitue un différend entre vous, entre les Arabes et la France, sur ce plan ?

LE PRÉSIDENT - Je crois qu'ou bien je me suis mal exprimé, ou bien vous m'avez mal compris. Ce que j'ai dit, c'était qu'il n'y avait pas de lien direct entre la situation au Proche-Orient et le terrorisme international. J'ai précisé que j'étais convaincu qu'AI Qaida n'attachait en réalité aucune espèce d'importance au sort des Palestiniens. En revanche, il est évident, et je l'ai également souligné, que ce conflit a pour effet de provoquer dans le monde arabe et musulman des réactions de révolte, de colère, d'humiliation, qui ne peuvent pas manquer de nourrir des actions extrémistes et de remettre en cause la coalition telle que nous la souhaitons, solide pour lutter efficacement contre le terrorisme international. Voilà ce que j'ai dit. Dans ce domaine, il n'y a aucune divergence de vues entre le Royaume, pas plus que l'Égypte ou les Émirats, et la France.

QUESTION - Monsieur le Président, une question sur les opérations militaires en Afghanistan. Compte tenu des informations dont vous disposez, peut-on conclure ce soir à un effondrement des Taleban ?

LE PRÉSIDENT - Je me garderai bien de porter un jugement. D'abord, parce que nos informations ne sont pas suffisantes, beaucoup s'en faut, et ensuite, parce que les Taleban ont encore le contrôle d'un certain nombre de régions. Mais je regardais tout à l'heure, par hasard -j'ai eu un quart d'heure de disponible-, la télévision. C'était CNN qui était sur l'écran. On passait là un film qui, si j'ai compris, était fait dans l'instant, pratiquement en temps réel, de Kaboul. Je voyais une ville en liesse. J'en tirais donc, sous réserve naturellement de ce témoignage très partiel dont je disposais, la conclusion, qui ne m'étonne pas du tout, que le régime des Taleban n'a pas su, c'est le moins qu'on puisse dire, acquérir le respect ou l'amitié des Afghans et donc, en toute hypothèse, il ne durera pas longtemps.

QUESTION - Vous avez évoqué les sentiments de colère que suscite le conflit arabo-israélien et, justement, chaque fois qu'il y a une victime israélienne qui tombe dans ce conflit, on voit aussitôt un tollé de protestations, de réactions en chaîne qui dénoncent une telle tragédie. En même temps, on voit les innocents palestiniens tomber sous le feu de l'armée israélienne tous les jours, les maisons détruites, les villes complètement ravagées par les incursions israéliennes et on ne voit aucune réaction à cela. Et permettez-moi de compléter par une deuxième question : suggérez-vous, pour ce qui est de Kaboul, des forces internationales de maintien de la paix à l'heure actuelle ?

LE PRÉSIDENT - Sur la première question, je peux vous dire que, pour moi et pour la France, nous l'avons toujours dit, un mort est un mort de trop quelle que soit sa nationalité. Et nous sommes extrêmement inquiets de ces déchaînements de violence de part et d'autre.

En ce qui concerne une présence permettant d'une façon ou d'une autre d'assurer la démilitarisation de Kaboul, car c'est cela le problème en attendant la création du gouvernement de transition dont je parlais, je crois qu'on pourrait très bien imaginer une force de cette nature. C'est d'ailleurs une proposition qui a été faite par le Royaume en accord avec le Pakistan, proposition que j'évoquais tout à l'heure. Et j'y serais pour ma part favorable, sous la seule réserve qu'il s'agît là vraiment d'une décision du Secrétaire général des Nations Unies. Les choses sont déjà suffisamment compliquées, je ne veux pas lui donner des soucis supplémentaires, mais s'il adoptait cette thèse, je la soutiendrais volontiers.

QUESTION - Est-ce que vous craignez que le volet militaire, qui visiblement a supplanté le volet politique, remette en cause une esquisse de solution politique rapide ?

LE PRÉSIDENT - Non, je n'ai pas cette crainte. Je dirais presque au contraire que l'accélération de la situation militaire va conduire à une accélération de la situation politique, ce qui est en toute hypothèse extrêmement souhaitable.

QUESTION - Vous parliez, il y a quelques jours, de menaces de catastrophe humanitaire en Afghanistan. Est-ce que vous demandez toujours la convocation d'une conférence sur la situation humanitaire en Afghanistan et est-ce que vous n'êtes pas inquiet des rumeurs d'exactions de la part des forces de l'Alliance du nord en Afghanistan, aujourd'hui ?

LE PRÉSIDENT - Sur l'aspect humanitaire, je suis toujours aussi inquiet. En fait, l'évolution militaire va faciliter l'action humanitaire dans la mesure où, notamment, deux aérodromes très importants, Kaboul et Mazar-e-Sharif, vont être disponibles ainsi que des axes de communication qui n'existaient pas. Donc, cela s'améliore. Il n'en reste pas moins que les réfugiés, notamment dans le sud, et l'ensemble de la population sont dans une situation extraordinairement critique. Et donc je maintiens, et j'observe que cela évolue de façon positive, les propositions que j'ai faites au Secrétaire général des Nations Unies et au Président américain.

En ce qui concerne les rumeurs d'exactions, naturellement on ne peut être qu'inquiet devant des rumeurs d'exactions. Encore faudrait-il que nous ayions des certitudes, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Si d'aventure cela s'avérait exact, je n'ai pas besoin de vous dire que la France les condamnerait avec toute la vigueur nécessaire.

QUESTION - Comment voyez-vous le prochain gouvernement afghan après l'entrée à Kaboul de l'Alliance du Nord qui est alliée aux États-Unis ? Que pensez-vous par ailleurs, ainsi que la coalition internationale de l'avenir de la lutte anti-terroriste à la lumière de tout ce à quoi nous assistons au Proche-Orient, à savoir la violence continue de la part des Israéliens contre les Palestiniens, la répression quotidienne, l'occupations des territoires ? Est-ce que cela ne met pas la région toute entière sur un volcan ?

LE PRÉSIDENT - Sur le prochain gouvernement, le gouvernement de transition que j'évoquais tout à l'heure, il est nécessaire qu'il soit parfaitement équilibré, c'est à dire que tous les représentants de toutes les différentes ethnies, groupes, de l'Afghanistan y soient représentés à peu près conformément à ce qu'ils représentent dans la population. Et c'est bien l'objectif recherché et c'est celui qui sera atteint, je n'ai pas d'inquiétude à ce sujet. C'est d'ailleurs conforme aux propositions du plan proposé par l'Arabie Saoudite et le Pakistan que j'évoquais tout à l'heure et que j'approuve sans réserve.

En ce qui concerne le Proche-Orient, je crois que j'ai répondu à maintes reprises à cette question, je n'ai rien de plus à ajouter.

QUESTION - J'aurais deux questions, si vous le permettez, Monsieur le Président. Tout d'abord, vous avez dit, lors de cette conférence de presse, que le but n'était pas autre que de mettre un terme aux Taleban et à AI Qaida et à tous ceux qui les protègent. Mais est-ce qu'une fois que ce but sera atteint, la campagne s'arrêtera ou bien sera-t-elle étendue pour inclure d'autres pays ?

LE PRÉSIDENT - La France a pris clairement position dans ce domaine. Nous sommes solidaires d'une action militaire conduite en Afghanistan. Nous considérons qu'il n'y a, aujourd'hui, aucune espèce de raison d'élargir le champ de l'action militaire au-delà de l'Afghanistan.

QUESTION - Avez-vous aussi discuté, Monsieur le Président, avec les autorités politiques saoudiennes des relations bilatérales ? Et quelles sont les perspectives de développement de ces relations ?

LE PRÉSIDENT - Les relations bilatérales entre le Royaume et la France sont excellentes, elles ne posent aucun problème. Nous en avons naturellement discuté mais, je dois dire, assez rapidement, parce que ce n'était pas l'objet essentiel de mon voyage. D'autant, je le répète, que nous n'avons pas de problème particulier.

QUESTION - Pour conclure, j'aurais voulu vous poser deux questions. La première concerne les unités auxquelles vous avez rendu visite aujourd'hui, à midi. J'aurais voulu savoir si vous pouviez nous donner quelques détails sur ces unités françaises. La deuxième question concerne les négociations à l'OMC. J'aurais voulu connaître votre opinion, notamment sur ce qui concerne les questions agricoles.

LE PRÉSIDENT - Pour ce qui concerne ma visite, ce matin, aux aviateurs français à Abou Dabi, vous savez que nous avons, dans le cadre de notre accord militaire, des échanges permanents de personnels et de matériels entre nos deux pays. C'est dans ce contexte et dans ce cadre que nous avons actuellement de l'ordre de 140, je crois, aviateurs français à Abou Dabi. En raison de leur présence, je considérais qu'il était légitime, en tant que chef des Armées, que j'aille les saluer. C'est ce que j'ai fait avec beaucoup de plaisir et, naturellement, j'en ai profité pour aller saluer les Émiratis, les aviateurs émiratis, qui étaient tout à côté, sur la même base. Et j'ai eu beaucoup de plaisir à le faire en présence du ministre de la Défense et du chef d'État-major des Émirats.

En ce qui concerne la réunion de Doha et l'OMC, je ne peux pas vous en dire beaucoup, parce que ce n'est pas terminé et que je n'ai pas toutes les informations. J'espère, naturellement, que nous parviendrons à un accord. Je le souhaite vraiment. Mais d'après les dernières informations dont je dispose, et sous toutes réserves, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, notamment sur le problème agricole où la position de la France en ce qui concerne en particulier les subventions ou les restitutions à l'exportation, qui est légitime, a été clairement réaffirmée.

Je vous remercie.





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