Conférence de presse du Président de la République à l'occasion du Sommet du Millénaire.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du Sommet du Millénaire.

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New York, États-Unis d'Amérique, le jeudi 7 septembre 2000

Mesdames, Messieurs,

Un petit point de presse aux trois quarts du parcours pour vous dire mon sentiment sur cette réunion des Nations Unies. Un sentiment très positif qui me confirme qu'à l'heure de la mondialisation, c'est dans ce cadre essentiellement que nous pouvons adopter les règles nécessaires pour maîtriser et pour humaniser cette mondialisation, dont chacun connaît les aspects positifs, inéluctables, mais aussi les dangers.

Le Sommet a été bien organisé, 189 pays, ce n'était pas facile, et cela est dû pour une large part à la qualité de l'action menée par le Secrétaire général. La déclaration du millénaire qui sera adoptée à l'issue du Sommet fait plaisir à la France, puisqu'elle reprend très exactement les sept principes, rassemblés en six d'ailleurs, parce que deux ont été fusionnés, que j'avais eu l'occasion de proposer comme conclusion de ce Sommet en janvier 1999, en m'adressant au Corps diplomatique étranger à Paris. En outre, cette déclaration fixe des objectifs, réaffirme des engagements en ce qui concerne le désarmement, le développement, la protection de l'environnement, les droits de l'Homme, la réforme des Nations Unies et, pour la première fois, plus que dans le passé, beaucoup plus, la prise de conscience d'une nécessité impérieuse de revoir dans le sens de l'efficacité et de la générosité l'aide internationale au développement de l'Afrique.

Cet après-midi, à la séance du Conseil de sécurité, nous lancerons la réforme des opérations du maintien de la paix, à partir des conclusions du rapport de M. BRAHIMI, qui est un excellent rapport que la France soutient sans réserve, mais elle n'est pas la seule, ce rapport a pratiquement fait l'unanimité.

Par ailleurs, il y a eu un certain nombre de concertations utiles qui nous ont permis en quelque sorte de prendre le pouls de l'ensemble de la communauté internationale.

Tout à l'heure, nous avons eu une table ronde. Vous savez qu'il y en a quatre et, à l'occasion de cette table ronde, j'ai exposé l'urgence qu'il y avait à se mobiliser en faveur des pays africains, en disant qu'on ne pouvait pas continuer à accepter que la mondialisation ait pour conséquence néfaste l'exclusion d'un nombre croissant de gens dans le monde, et d'un nombre croissant de pays.

Hier, nous avons eu une réunion intéressante sur la Francophonie qui a été le seul moment -mais ce n'est pas une critique, naturellement, c'est le système, l'organisation qui veut cela-, de liberté de parole. L'objet était de parler justement des opérations de maintien de la paix. M. BRAHIMI était venu nous exposer les grandes lignes de son analyse et de ses conclusions. Un débat a suivi, alors cette fois-ci non pas conventionnel, comme ils le sont obligatoirement dans les autres instances de ce Sommet, pour des raisons d'organisation, mais un débat très libre ou beaucoup de chefs d'Etat se sont exprimés sans lire un papier, sans avoir préparé quelque chose, mais simplement, spontanément. J'ai observé d'ailleurs que la totalité de ces représentants de ces pays qui font partis de la Francophonie ont approuvé sans réserve le rapport et les conclusions de M. BRAHIMI.

Je note aussi, d'ailleurs, à l'occasion de cette réunion d'hier, l'utile présence et l'utile réflexion exprimée par le Président BOUTEFLIKA, qui n'était pas là pour affirmer son adhésion aux structures de la Francophonie, puisque comme vous le savez, l'Algérie ne fait pas partie des structures de la Francophonie, mais pour marquer l'importance qu'il attachait à une réflexion des pays francophones sur les problèmes d'observation de l'évolution politique, notamment en Afrique, des dangers qui peuvent tout d'un coup apparaître et de la nécessité d'essayer de se mobiliser. Nous avons d'ailleurs demandé, sur son initiative, au Président sénégalais, M. WADE de nous faire des propositions dans ce domaine.

Et puis, bien entendu, j'ai eu un certain nombre de contacts avec des présidents. Moins que je ne l'aurais souhaité. Dans ces réunions, tout le monde essaie de profiter de l'occasion pour voir tout le monde et, naturellement, cela ne marche pas, compte tenu de l'emploi du temps. J'avais une soixantaine de demandes de rendez-vous, j'ai pu en honorer dix ou quinze, et encore, pas tout à fait.

De tout ceci, pour conclure, je voudrais retenir quatre enseignements. Le premier, c'est qu'il est possible, et de plus en plus possible, de travailler ensemble à l'ONU pour identifier et pour mettre en oeuvre les règles d'une mondialisation maîtrisée.

Ma deuxième conclusion, c'est que ceci, naturellement, suppose un effort de solidarité, facilité par la croissance que connaît le monde, et solidarité en particulier à l'égard des pays qui en ont le plus besoin, et en priorité notamment à ceux qui sont bien gouvernés. Ce qui veut dire une aide publique au développement accrue si l'on veut sortir de la misère les centaines et les centaines de millions d'hommes et d'enfants et éviter qu'une cinquantaine de pays du monde soient de plus en plus exclus de facto de la société internationale.

Ma troisième réflexion, c'est que l'ONU doit accélérer la réforme de ses structures et de ses méthodes. Elle l'a engagée avec détermination. Je crois qu'on peut dire avec intelligence et efficacité. Mais elle doit accélérer cette réforme, pour reprendre la place qui lui revient au service du développement. Ceci à côté et en liaison avec les institutions de Brettons Woods.

Ma quatrième et dernière observation concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et je suis de plus en plus persuadé que deux actions s'imposent aux Nations Unies, la réforme du Conseil de sécurité qui, vous le savez, piétine et qui pourtant est nécessaire, et la réforme des opérations de maintien de la paix, qui elle me paraît bien engagée, grâce au rapport Brahimi, et à l'accord qui lui sera donné, sans aucun doute, par le Conseil de sécurité.

QUESTION - La hausse du prix du pétrole provoque des tensions dans certains pays, notamment le nôtre. Ici, à New York, les représentants de tous les pays étaient là, notamment ceux des pays producteurs, au plus haut niveau. Est-ce qu'il en a été question, est-ce que vous avez eu ou est-ce que les Américains ou les Européens ont eu des échanges avec les représentants des pays producteurs pour une demande de stabilisation ou de baisse de ces prix ? Et, plus largement, qu'est-ce que vous pensez des risques que peuvent entraîner ces augmentations de prix ?

LE PRÉSIDENT - Il y a deux questions. Depuis un certain nombre de mois maintenant, le prix du pétrole a augmenté de façon très importante, et même massive. Cela pose naturellement des problèmes à tous les pays, et notamment à tous les pays consommateurs et notamment à la France, à ses entreprises, à nos concitoyens dans leur vie quotidienne. Et cette situation, naturellement, me préoccupe beaucoup. Je souhaite, cela va de soi, que des solutions soient rapidement trouvées. Mais vous comprendrez que je ne veuille pas ici, à l'étranger, commenter précisément la situation de la France sur ce problème.

En revanche, s'il n'y avait aucune discussion officielle prévue, il y avait naturellement, dans les couloirs et dans les contacts bilatéraux, un certain nombre de discussions et de rencontres, en particulier pour souligner qu'une hausse excessive du coût du pétrole pourrait avoir sur la croissance des conséquences qui, au total, seraient mauvaises, à la fois pour les pays consommateurs et pour les pays producteurs, qui, je crois, commencent à en prendre conscience.

QUESTION - Ma question fait référence à la puissance coloniale française d'autrefois. Je pense que la France aurait dû restreindre les génocides qui ont été commis dans les anciennes colonies françaises, le Cambodge par exemple. Ne pensez-vous pas que vous aviez une obligation de protéger ces anciennes colonies contre les anciennes colonies anglophones qui commencent aujourd'hui à dépeupler les anciennes colonies françaises comme ceci a été fait au Cambodge et au Laos. En tant que Français, en tant que deuxième puissance du monde, vous avez une responsabilité, vous devez protéger et mettre un terme à ces génocides au Rwanda, en Ouganda, où l'on voit que les Hutus sont déplacés. Je crois que la France a toujours une obligation morale de protéger ces francophones contre les anglophones d'Afrique...

LE PRÉSIDENT - Nous n'avons aucune intention de faire la guerre avec les anglophones, naturellement, et nous avons même des liens qui se renforcent et qui seront nécessaires si l'on veut essayer de participer à l'éradication de la guerre. Et nous faisons pour cela le maximum.

QUESTION - Le Proche-Orient a été au coeur de vos entretiens avec M. BARAK et M. ARAFAT. Pensez-vous qu'il y a des chances sérieuses pour parvenir à un accord ?

LE PRÉSIDENT - Je crois qu'il y a des chances sérieuses de parvenir à un accord. Je crois que, pour la première fois, lors des entretiens récents de Camp David, tous les sujets ont été abordés. Les tabous, en quelque sorte, sont tombés, et chacun, des deux côtés, a été nettement au-delà de sa position traditionnelle, ce qui naturellement a permis de rapprocher les points de vue et peut-être aussi de parler plus librement. Et je pense qu'il y a ce que les diplomates appellent une fenêtre d'opportunité qui est ouverte pour les prochaines semaines, je dirais probablement quatre, cinq semaines, au cours desquelles tout est possible.

Quand je dis tout est possible, cela veut dire le meilleur et le pire. Le meilleur, c'est d'arriver à un accord cadre qui permettrait de régler le contentieux traditionnel et qui, aujourd'hui, au-delà des problèmes, à mon avis solubles, concernant les territoires, les garanties de sécurité, les réfugiés, se concentrent sur la situation de Jérusalem et plus précisément des Lieux Saints, et sur la nécessité de trouver un équilibre entre les souverainetés israélienne et palestinienne qui s'exerceront sur ce secteur. C'est là le coeur du problème. Donc le meilleur, c'est d'arriver à une solution, laquelle, s'agissant des Lieux Saints, suppose naturellement l'accord de M. ARAFAT pour ce qui concerne les Palestiniens, mais également un accord de principe, un consensus de la part des populations des pays arabes et musulmans qui, d'une certaine façon, sont concernés puisqu'il s'agit des Lieux Saints de l'Islam, comme il y a les Lieux Saints du Judaïsme et d'ailleurs aussi les Lieux Saints chrétiens.

Et quand je dis qu'on peut en attendre le meilleur, on peut aussi en attendre le pire. J'ai le sentiment que si le mouvement vers la paix qui s'est manifestement engagé devait arrêter, si l'on devait échouer, alors de part et d'autre les réactions risqueraient d'être rudes et d'avoir des conséquences sérieuses et même peut-être graves. C'est la raison pour laquelle tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, peuvent apporter leur contribution à l'imagination, à la réflexion, à la bonne volonté, le font et, parmi ceux qui participent à cet effort, la France est dans les premiers.

QUESTION - On va vous présenter le rapport des trois sages sur l'Autriche, autant que je sache, demain, à Paris. Pourriez-nous nous indiquer la procédure qui sera suivie après que vous ayez lu ce rapport, et que ferez-vous si le rapport est globalement positif sur l'Autriche, et que ferez-vous dans les quelques jours qui viendront ?

LE PRÉSIDENT - Je ne peux malheureusement pas répondre à cette question. Comme vous l'avez indiqué, ce rapport va m'être remis prochainement en tant que Président de l'Union. Je n'ai aucune idée de ce qu'il contient, aucune. A juste titre, les trois personnalités responsables de ce rapport ont tenu à ce qu'il n'y ait pas de fuites, donc je n'ai aucune idée, donc je ne peux pas vous donner de sentiment. Je vais commencer par le lire. Ensuite, avec les autorités gouvernementales françaises, nous allons l'étudier. Et puis en tant que Président de l'Union, je vais en évoquer les conclusions avec les treize autres membres de l'Union qui se sont associés dans une même position politique, et ce n'est qu'après que je serai en mesure de vous dire les conclusions que nous en tirerons.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez évoqué la nécessaire réforme des institutions du Conseil de sécurité. Quelle position la France défendra, et défendrez-vous l'élargissement ? Quels sont les pays du nord et du sud qui, à votre avis, ont vocation à intégrer le groupe des membres permanents du Conseil de sécurité ? Et de quel statut disposeront-ils ? En particulier, selon vous, doivent-ils disposer du droit de veto comme les cinq membres permanents actuels ?

LE PRÉSIDENT - La France a pris position depuis longtemps pour l'élargissement de façon à ce que le Conseil de sécurité soit plus représentatif qu'il ne l'est aujourd'hui de la communauté internationale. Dans cet esprit, la France a déjà dit qu'elle était favorable à l'entrée comme membres permanents de l'Allemagne et du Japon. Et elle a ajouté qu'elle pensait qu'il faudrait qu'il y ait trois pays du sud qui soient également présents au Conseil de sécurité. Elle ne les a pas naturellement désignés, puisqu'il faut une concertation internationale, notamment entre ces pays du sud, avant que l'on puisse en discuter.

La France a ajouté qu'en principe ces pays devraient avoir le droit de veto, ceux qui seraient parmi les permanents. Mais elle a dit également que le rééquilibrage devait concerner les pays non permanents. C'est-à-dire les dix pays qui sont élus pour deux ans. Il faudrait également élargir le nombre de ces pays, nous n'avons pas fixé de chiffre, mais l'élargir sensiblement dans le cadre de ce rééquilibrage d'ensemble et, là, ce seront alors des non-permanents. Voilà la réforme du Conseil de sécurité telle que nous l'avons souhaitée.

QUESTION - Monsieur le Président, selon le New York Times d'aujourd'hui, la CIA aurait publié un rapport déclarant que le Président Sadam Hussein aurait donné toute une série de contrats à la France, à la Russie, à la Chine, en échange de la fin de l'embargo imposé par les Nations Unies. Avez-vous un commentaire à faire là-dessus ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai aucun commentaire. Pour une raison simple, c'est que je n'ai aucune information de cette nature qui permette de confirmer ces assertions.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que les représentants des pays producteurs de pétrole que vous avez rencontrés, comme le Prince Abdallah d'Arabie Saoudite ou le Président algérien BOUTEFLIKA, qui appartiennent à deux catégories, l'un riche, l'autre plus pauvre, vous ont semblé disposés à vouloir augmenter la production de pétrole et aussi à baisser les prix du pétrole ?

LE PRÉSIDENT - Je ne saurais me prononcer au nom des pays producteurs qui vont d'ailleurs se réunir très prochainement. J'ai eu le sentiment qu'ils avaient conscience qu'il y avait un problème qui, je le répète, est un problème qui touche à la croissance mondiale qui, si elle devait être mise en cause par un prix de l'énergie trop élevé, se traduirait naturellement par des conséquences négatives également pour eux.

QUESTION - La mondialisation constitue un phénomène paradoxal. D'un côté on a vu l'OMC diabolisée à Seattle, d'un autre côté on se rend compte que tout le monde est d'accord pour établir des garde-fous. Pensez-vous qu'une organisation comme les Nations Unies est un cadre favorable au rétablissement d'un dialogue entre les différents acteurs de la mondialisation, je pense notamment aux revendications de la société civile.

LE PRÉSIDENT - Ma réponse est tout à fait positive. Oui, je crois que les Nations Unies, ce ne sont pas le seul cadre, mais elles sont un cadre privilégié. Parce que là, tout le monde se rencontre et discute sur un pied d'égalité. Alors, vous soulignez à juste titre l'importance croissante dans le monde de ce qu'on appelle la société civile qui comprend notamment les ONG, les entreprises, toutes sortes d'associations qui s'affirment de plus en plus et qui ne peuvent donc pas être ignorées. Alors, vous aurez remarqué que depuis deux ou trois ans et notamment sous l'impulsion du Secrétaire général, M. Kofi ANNAN, il y a de plus en plus d'association d'ONG, de la société civile, au travail de l'ONU. Il y a toutes sortes de rencontres qui sont organisées dans ce domaine et je crois que c'est une très bonne évolution parce que cela confirme la vocation de l'ONU à être le vrai forum où l'on peut, je le répète, maîtriser et humaniser la mondialisation.

QUESTION - J'aurais aimé savoir si, en marge du Sommet, vous avez pu rencontrer le Président chinois JIANG ZEMIN et si vous pouvez nous dire aujourd'hui avec certitude que vous irez en Chine malgré le très vif mécontentement de Pékin puisque nous vendons un satellite à Taiwan qui pose un gros problème.

LE PRÉSIDENT - Alors, premièrement, j'irai à Pékin, notamment parce qu'il s'y tient le Sommet Europe-Chine et, cette fois-ci, il a lieu en Chine, à Pékin et que par définition, en tant que Président, je l'assume. Donc sur le fait que j'irai à Pékin, il n'y a aucun doute.

Deuxièmement, je peux vous dire que nos relations avec la Chine sont excellentes et, d'autre part, que le Président JIANG ZEMIN, je ne l'ai pas vu. Mais je le vois cet après-midi. J'ai parlé un peu avec lui à l'occasion du déjeuner d'hier parce que nous étions à la même table. Mais enfin notre entretien a lieu cet après-midi.

QUESTION - Monsieur le Président, lors de votre rencontre avec M. BARAK, avez-vous eu l'occasion de discuter de la relance des pourparlers de paix avec la Syrie et le Liban ?

LE PRÉSIDENT - Nous avons également évoqué ce problème. M. BARAK m'a confirmé la position officielle d'Israël, c'est-à-dire sa disponibilité à reprendre les discussions avec la Syrie et le Liban. Mais nous n'en avons pas longuement parlé. Premièrement parce que le problème n'est pas strictement d'actualité, et deuxièmement parce que nous avons surtout parlé de la partie du processus de paix qui concerne la Palestine.

QUESTION - Quel point de vue portez-vous sur la situation des Comores avec ce cas très spécifique de cette petite île d'Anjouan qui souhaite être rattachée à la France ?

LE PRÉSIDENT - Je regrette la situation politique des Comores. Je souhaite ardemment que le peuple comorien retrouve un équilibre de vie auquel il a droit, avec des institutions qui soient incontestables. Et, naturellement, la France n'est pas favorable au découpage des Comores.

QUESTION - Monsieur le Président, juste pour revenir sur la question palestinienne. Je voulais savoir quelle serait votre position, ou la position de la France, au cas où Yasser ARAFAT déclarerait un Etat palestinien ? Et, surtout, quelle est votre position quant à l'application de la résolution 242 puisque manifestement les Palestiniens semblent trop s'accrocher aujourd'hui à l'application de cette résolution.

LE PRÉSIDENT - L'Union européenne a pris une position que vous connaissez, à Berlin. Dans sa déclaration, il ressortait que le jour venu l'Etat palestinien déclaré devrait être reconnu. Et ça c'est le principe.

Deuxièmement, s'agissant de la France, en tant que Présidente de l'Union, elle ne peut pas agir seule, naturellement, et devra se concerter avec ses partenaires.

Et, troisièmement, je ne suis pas certain que le problème soit immédiatement d'actualité, compte tenu de ce que j'évoquais tout à l'heure et des espoirs que l'on peut avoir actuellement et qui ne devraient, dans cette hypothèse, pas être perturbés par une initiative qui n'en est pas à quelques semaines près.

QUESTION - Monsieur le Président, le mois prochain on entend parler d'une réunion qui va discuter de l'avenir de la FINUL, les forces des Nations Unies au Sud-Liban. Quelle est la position de la France sur l'avenir de la FINUL au Sud-Liban et est-ce que vous croyez que les élections au Liban vont avoir un impact sur l'avenir de cette FINUL ?

LE PRÉSIDENT - Alors, sur la FINUL, la France fait partie de la FINUL, comme vous le savez, depuis l'origine. La FINUL a été un élément de calme et de stabilité à l'occasion du retrait israélien du Sud-Liban et je crois qu'on peut rendre hommage à cette force des Nations Unies. Il va y avoir une rediscussion sur ce sujet. La France assumera dans ce domaine ses responsabilités sans réserve.

Quant au résultat des élections au Liban, il ne m'appartient pas de faire une ingérence politique dans les affaires intérieures du Liban. J'attendrai que le Parlement libanais se réunisse et désigne le Premier ministre qu'il souhaitera, qu'ainsi le Gouvernement soit mis en place, pour faire un commentaire.

QUESTION - Monsieur le Président, je crois que vous avez vu le Président CLINTON ce matin. Est-ce que vous avez évoqué le problème de la liste des produits européens surtaxés qu'on avait un peu évoquée hier et qui visiblement va être publié dans les jours qui viennent.

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas encore vu le Président CLINTON. Je l'ai vu un peu hier mais notre entretien a lieu cet après-midi, après la réunion du P5. Mais j'ai entendu parler de ce que vous évoquez et notamment des informations qui ont été données par le Wall Street Journal. Vous savez, moi je suis tout à fait, tout à fait hostile à ces méthodes américaines qui émanent du Congrès, qu'on appelle dans le cas particulier le Carrousel et qui s'apparentent beaucoup plus à la politique de la canonnière qu'à la diplomatie du XXIe siècle. Je ne peux naturellement que condamner ces mesures et ces décisions qui, dans le cas particulier, semblent devoir concerner notamment les eaux minérales, je parle de la France, parce qu'il y a d'autres produits pour les autres pays européens, et les sacs Vuitton.

Il va de soi que ce serait vraiment dommage qu'à quelque temps du sommet Union européenne-Etats-Unis, on alourdisse le climat des relations transatlantiques, qui par ailleurs est un bon climat, par des initiatives qui sont d'ailleurs clairement contraires à l'OMC. Je souligne en particulier que ce contentieux-là concerne la banane et les hormones. Or vous savez que c'est un sujet qui pour nous est sensible et sur lequel nous n'avons pas du tout l'intention de céder. La banane, parce que nous avons des intérêts dans nos départements d'outre-mer qui touchent à la vie de dizaines de milliers d'hommes et de femmes et aussi parce que nous entendons respecter nos responsabilités à l'égard des pays ACP, des pays africains. Vous savez combien nous sommes attachés à essayer d'aider l'Afrique, ce n'est pas le moment naturellement de lui donner un coup de bâton supplémentaire.

Alors, la Commission, actuellement, sur ces problèmes de la banane, est en train d'examiner les solutions possibles dans le respect des règles de l'OMC. Eh bien, je souhaite que ces solutions puissent être trouvées. Je serai sur ce point sans aucun doute très ferme pour affirmer la position européenne et la position française auprès du Président CLINTON.

QUESTION - Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la délégation française que vous avez envoyée en Irak. Est-ce que c'est en contradiction avec les sanctions des Nations Unies ?

LE PRÉSIDENT - Nous n'avons jamais été en contradiction avec les sanctions des Nations Unies, même si nous considérons que cette politique de sanctions est à la fois dangereuse, inhumaine et inadaptée.

QUESTION - Cet après-midi, le Conseil de sécurité approuvera un rapport sur le renforcement des opérations de maintien de la paix. Est-ce que c'est vraiment réaliste alors que le plus grand contributeur n'est pas en accord et ne respecte pas ses obligations, alors même que les Etats-Unis demandent de réduire encore leur contribution aux opérations de maintien de la paix ?

LE PRÉSIDENT - Si je ne m'abuse, l'Union européenne doit représenter près de 40 %, 36 ou 37 %, des contributions pour les opérations de maintien de la paix à elle toute seule. Je regrette la position américaine, vous le savez, sur ces contributions aux Nations Unies, contributions générales ou contributions au maintien de la paix, parce que je considère que chaque pays doit apporter en fonction de ses propres ressources, de sa propre richesse nationale, sa contribution à essayer de régler les problèmes en général, ceux qui concernent la paix en particulier, et donc je ne peux que déplorer cette position américaine.

QUESTION - Monsieur le Président, hier, le Président cubain Fidel CASTRO et Bill CLINTON se sont serré la main, c'est une première depuis quarante ans. Est-ce que vous pensez que c'est une réelle décrispation ? Quelle est la position de l'Union européenne ?

LE PRÉSIDENT - L'Union européenne, les responsables de l'Union européenne ont, je crois, à peu près tous serré la main de M. Fidel CASTRO quand ils en ont eu l'occasion.

QUESTION - Monsieur le Président, reparlons des opérations de maintien de la paix. Hier, vous avez rencontré les pays, les chefs de délégations de pays qui ont en partage la langue française et cet après-midi aura eu lieu la réunion du Conseil de sécurité au niveau des chefs d'Etat. Et la question que je voudrais simplement vous poser est de savoir quelle contribution particulière pensez-vous que les pays d'expression française ou francophone apporteraient à l'ONU sur les questions de maintien de la paix ?

LE PRÉSIDENT - J'ai répondu tout à l'heure à cette question. Je crois que les francophones qui partagent, c'est vrai, une culture commune sur le plan linguistique avec le Français, tout en ayant chacun leur identité de langage, partagent aussi, très largement en tous les cas et de plus en plus, un certain nombre de valeurs communes. Et en particulier une vraie volonté de participer au maintien de la paix. D'où l'idée qui s'est dégagée dans notre débat d'hier de nous organiser pour être d'abord plus vigilants, d'observer les choses, d'essayer de pouvoir prévenir avant de guérir et je pense que de ce point de vue nous pouvons effectivement apporter des solutions ou tout au moins participer aux solutions. C'est-à-dire que des gens de bonne volonté regroupés ensemble peuvent dire attention, et se saisir le cas échéant des problèmes, lorsqu'ils sont à leur mesure, ou saisir la Communauté internationale, notamment via l'ONU, lorsque ces problèmes dépassent leur compétence.

Je voudrais simplement, en terminant, revenir sur ces affaires de mondialisation. C'est un grand, grand problème. C'est à la fois un grand espoir et, je l'ai dit tout à l'heure, un grand danger. Ce matin, j'ai essayé de le souligner devant la table ronde à laquelle je participais, dans laquelle j'avais été inscrit, pour dire à chacun, attention, nous ne pouvons pas laisser se développer sans le maîtriser un système où, à l'évidence, les pays riches deviennent de plus en plus riches et les pays pauvres de plus en plus pauvres. On ne peut pas. Cela comporte des inconvénients d'ordre moral, mais aussi d'ordre politique, considérables, et donc nous devons non seulement en prendre conscience, mais ensemble, et cela ne peut être en réalité qu'à l'ONU, en tous les cas, c'est là que c'est le plus naturel et le plus facile, nous devons ensemble mettre au point les règles de vie qui permettent d'éviter ces dérives fâcheuses. Le XXe siècle a été le siècle des indépendances retrouvées, eh bien, je crois qu'il faut que nous fassions en sorte que le XXIe siècle soit le siècle de la dignité retrouvée et de la prospérité partagée.





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