Point de presse conjoint du Président de la République, du Premier ministre et du Haut représentant pour la PESC de l'Union européenne.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, et de M. Javier SOLANA, Haut représentant pour la PESC de l'Union européenne.

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Biarritz, Pyrénées-Atlantiques, le vendredi 13 octobre 2000

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, Ce matin, nous avons donc évoqué la CIG en général et le problème de la majorité qualifiée en particulier. Je ne reviendrai pas dessus puisque les ministres vous ont fait, en fin de matinée, un point de ce qui avait été dit et fait. Nous avons ensuite eu un déjeuner, au niveau des chefs d'État et de Gouvernement, en présence de M. PRODI et de M. SOLANA, avec le ministre français des Affaires étrangères, en tant que Président du Conseil des affaires générales.

Nous avons eu, en premier point de l'ordre du jour de notre propos, la situation au Moyen-Orient qui, évidemment, est présente à la fois au coeur et à l'esprit de tous, des vôtres comme des nôtres. M. SOLANA nous a fait un compte-rendu. Il est arrivé cette nuit de la région. Nous sommes bien entendu tous tenus informés en permanence. Nous avons, au niveau des ministres, préparé un texte. Ce texte a été discuté, une déclaration au sujet du Moyen-Orient a été discutée à l'occasion de ce déjeuner et elle a été adoptée. Ce n'est pas tout à fait le texte qui a fui et qui a fait l'objet de diffusions officieuses avant le déjeuner, il est un peu différent mais, enfin, la substance est la même. Ce texte va vous être distribué ou vous a été distribué, tout à l'heure ou dans les instants qui viennent.

Nous avons voulu marquer, naturellement, notre très profonde inquiétude à l'égard du développement de la violence, notre très ferme volonté de participer à l'effort général tendant à rétablir le dialogue et, bien entendu, espérer que l'acquis de Camp David, qui avait été un acquis substantiel et qui avait permis de se rapprocher sensiblement d'un accord cadre de paix, que cet acquis ne soit pas définitivement perdu et qu'on puisse y revenir. Voilà, et l'Union européenne a fait savoir que, bien entendu, elle était à la disposition des partenaires pour participer par tous les moyens possibles à cet effort de retour à la raison et à la paix, dans un climat bien entendu terriblement passionnel.

Ensuite, nous avons évoqué la situation de la Serbie et l'évolution de la République fédérale de Yougoslavie, à la veille de la venue du Président KOSTUNICA qui vient déjeuner, vous le savez, avec nous demain. Nous nous sommes réjouis de l'évolution des choses. Nous avons indiqué que nous étions prêts à apporter l'aide nécessaire, dans le cadre de la concertation engagée, au nouveau Président de la République fédérale. Le ministre français des Affaires étrangères nous a fait son rapport sur ce point. Les choses se présentent de façon tout à fait positive, nous allons en discuter demain avec le Président KOSTUNICA et, dans le cadre de la préparation de la Conférence de Zagreb, il est entendu que d'une part le ministre français des Affaires étrangères, en tant que Président, et d'autre part M. SOLANA se rendront dans la région. Dans le cadre, je le répète, de la préparation de la Conférence de Zagreb qui va définir un peu ou adapter notre politique à l'égard des Balkans à la situation nouvelle heureusement créée par les derniers événements de Belgrade.

Enfin, nous avons évoqué le troisième problème qui préoccupe beaucoup tous les pays, tous nos concitoyens européens, et d'ailleurs bien au-delà, qui est celui du pétrole. Et je voudrais demander à Monsieur le Premier ministre qui, au-delà des deux sujets que je viens d'évoquer, encore que s'il a des précisions à apporter naturellement elles seront les bienvenues, de nous résumer notre position en ce qui concerne l'affaire du pétrole.

LE PREMIER MINISTRE - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je prolonge donc le propos du Président. Nous avons jugé nécessaire d'avoir cet échange au niveau des chefs d'État et de Gouvernement sur les prix du pétrole. D'une part, parce que le prix trop élevé des cours peut peser sur la croissance mondiale, d'autre part parce que nous avons été confrontés, dans pratiquement tous les pays d'Europe, à des réactions parfois vives de milieux professionnels et de l'opinion face à cette flambée des cours à la pompe.

Nous avons pensé que nous devions agir à court terme et aussi peut-être mieux préparer l'autonomie énergétique de l'Europe à plus long terme. À court terme, la priorité principale est de nouer un dialogue utile entre les pays producteurs et les pays consommateurs, pays consommateurs dont nous sommes, mais aussi pays consommateurs pauvres qui ont souffert plus durement encore que nous de la crise du pétrole, qui, certes, connaît sous l'effet de la tension de ces derniers jours au Proche-Orient, une nouvelle flambée mais qui, en tout état de cause, connaît des problèmes d'ajustement structurel. Et il a été donné mandat par le Conseil européen pour que la Présidence coordonne une expression commune de l'Union européenne lors de la réunion entre pays producteurs et pays consommateurs qui aura lieu en novembre, du 17 au 19 novembre, à Ryad. L'objectif étant, si possible, d'obtenir une déclaration conjointe des pays producteurs et des pays consommateurs, avec pour visée des prix stables et raisonnables. C'est-à-dire prenant en compte à la fois les intérêts des pays producteurs quand les prix tendent à baisser excessivement, et les intérêts des pays consommateurs.

Nous avons évoqué, mais en mesurant que cela posait des problèmes complexes et que l'Europe n'était pas dans la situation des États-Unis, la question des stocks stratégiques, qui doit faire l'objet d'une réflexion plus approfondie, nous avons décidé que les questions fiscales devaient être abordées de façon coordonnée avec notamment les objectifs environnementaux qui sont devant nous et enfin nous devons travailler sur la base de proposition de la Commission, c'est là une dimension de moyen terme, à réduire la vulnérabilité énergétique de l'Europe en travaillant sur les économies d'énergie, des énergies non renouvelables ou le rééquilibrage aussi des modes de transport.

À été aussi évoquée, par plusieurs des intervenants et sur la base là aussi d'une réflexion de la Commission, la question des relations à moyen long terme entre la Russie et l'Europe sur ce terrain, questions qui pourront d'ailleurs trouver une application ou une occasion d'être abordées lors de la rencontre Union européenne-Russie qui aura lieu très prochainement à Paris. Voilà succinctement résumée l'orientation du débat et de nos intentions pour le futur. J'ajoute une chose peut-être, pardonnez-moi Monsieur le Président, c'est que les gouvernements ont envie de tirer ensemble la leçon, en cas de flambée des cours, des situations individuelles dans lesquels ils se sont trouvés, même si toutes ces situations individuelles, il faut bien le dire, avaient des traits communs.

LE PRÉSIDENT - Monsieur SOLANA, qui pourrait nous dire un mot de son retour du Moyen Orient...

M. SOLANA - Merci, M. le Président. Très brièvement et pour vous dire que je viens d'arriver de la région. J'ai eu l'opportunité de partager mes impressions avec les Premiers ministres et les chefs d'État des quinze pays de l'Union. Et je peux vous dire que je me rendrai, encore une fois, dans la région après la fin du Conseil. Nous voulons donner, d'une manière très claire, notre engagement dans la région pour le processus de paix. Nous croyons qu'il y a maintenant une opportunité, une petite opportunité, mais je crois que nous allons profiter de cela pour faire tous les efforts, du côté de l'Europe, pour que le processus de paix continue et que la réunion qui, peut-être, aura lieu demain, saura aboutir à une bonne résolution, un bon processus d'avancement pour la paix.

Ensuite, pour dire qu'il y aura la réunion de Zagreb pour les Balkans, réunion tout à fait fondamentale après les résultats des élections en Serbie, dans la République de Yougoslavie, et que nous sommes prêts à faire tous les efforts pour un succès à l'occasion des réunions du Sommet de Zagreb.

Merci, Monsieur le Président.

QUESTION - Le ministre des Affaires étrangères égyptien, Monsieur le Président, a dit que le climat n'est pas encore propice pour un sommet, que ce n'est pas encore le moment d'avoir un sommet Moyen Orient, et le Président CLINTON dit que, le plut tôt, si un sommet a lieu, pourrait être dimanche. Quels efforts diplomatiques pourriez-vous effectuer pour aider les Israéliens et les Palestiniens à retourner à la table des négociations ?

LE PRÉSIDENT - Nous sommes dans une situation de crise, de crise violente avec un caractère passionnel des deux côtés et des drames humains, avec des morts, des blessés. Hier, deux personnes ont été lynchées. Par conséquent, quels que soient les problèmes politiques que cela peut poser, tout doit être fait pour reprendre le dialogue. Tout. S'il y a un espoir de dialogue, il faut le mettre en oeuvre. Donc, nous sommes bien conscients, là je parle au nom des Quinze, des difficultés que cela peut avoir. Nous pouvons parfaitement comprendre les réserves des uns ou des autres, les exigences des uns ou des autres. Mais nous avons clairement indiqué que nous étions favorables à la reprise du dialogue, et donc à la tenue, dans des conditions indéterminées mais sans mettre trop de conditions, demain, à Charm el Cheikh ou ailleurs, de ce sommet qui a été envisagé. Et nous encourageons les parties à faire un pas dans cette direction.

QUESTION - Les Quinze pensent exactement à quelle forme de sommet et quelle serait leur participation dans ce sommet ?

LE PRÉSIDENT - L'Europe a toujours été un élément de modération, de compréhension, de bonne volonté, de dialogue, de paix. Les circonstances ont fait qu'elle n'a pas été réellement associée jusqu'ici pour parler de paix ou qu'elle a été associée de façon marginale par l'intermédiaire de M. MORATINOS, qui a fait d'ailleurs, jusqu'ici, un travail très remarquable et dont on sous-estime, en général, les véritables effets. Mais, enfin, c'est la situation.

Dans une conjoncture aussi délicate que celle que nous connaissons, dans un moment de tension et de crise, notre objectif, je le répète, c'est le rétablissement du dialogue. Nous n'avons donc pas de condition à mettre. Nous ne disons pas : ce dialogue doit être fait de telle façon, non. Ce que nous voulons, c'est que les deux parties soient face à face autour d'une même table et reprennent le dialogue. Si nous pouvons faire quelque chose pour cela, nous ferons le maximum. Nous interviendrons amicalement auprès des uns et des autres pour faciliter ce processus et si on nous demande d'y participer, nous serons présents. Mais naturellement, nous ne voulons en aucun cas compliquer les choses pour quiconque. Mais notre bonne volonté est totale et notre action, croyez-le bien, est pluri-quotidienne.

QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, on apprend aujourd'hui que le Likoud a invité M. Ariel SHARON à venir en visite à Paris, mardi prochain. Est-ce qu'une visite pareille serait la bienvenue dans les circonstances actuelles où les tensions sont énormes entre les différentes communautés en France ?

LE PREMIER MINISTRE - Madame, nous n'avons pas de confirmation que cette venue s'opère effectivement. Même si nous avons été informés de cette invitation. Nous avons, à cet égard, de façon discrète, fait connaître notre sentiment mais, au moment où nous parlons, il n'est pas certain que M. SHARON vienne en France. Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui.

LE PRÉSIDENT - Une dernière question, nous allons être obligés de reprendre la discussion pour l'examen des coopérations renforcées puis des problèmes de la Commission et de la repondération des voix.

QUESTION - Est-ce qu'il y a une décision concernant l'utilisation des marchés pétroliers des stocks stratégiques pour maîtriser les prix du pétrole brut ? Y aurait-il une coopération avec la Russie ?

LE PREMIER MINISTRE - Non, Monsieur, j'ai, je crois, au contraire, précisé que si cette question devait faire l'objet d'études approfondies, ce n'est pas du tout une décision d'utilisation des stocks stratégiques que nous envisagions de prendre à court terme.

D'ailleurs on peut s'interroger, de façon plus générale, pour savoir si des stocks stratégiques, qui sont fait pour faire face à des situations de crise politique ou diplomatique, sont fait pour peser sur les prix, en tout cas dans la perception européenne. Donc je vous redis ce que je vous ai dit, cette question est examinée, elle sera examinée de façon coordonnée mais il n'y a pas de décision immédiate d'aller dans ce sens.

Quant à la coopération avec la Russie, dont je vous ai dit qu'elle était examinée, qu'elle pourrait être évoquée bilatéralement à l'occasion de la rencontre Union européenne/Russie, à l'évidence, c'est une réflexion qui relève du moyen-long terme car elle porte essentiellement sur des modes d'acheminement si des décisions devaient être prises.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais simplement, en concluant, vous dire une chose. C'est que nous sommes tous, naturellement, les Quinze, traumatisés par l'affaire du Moyen-Orient. Comme chacune et chacun d'entre vous. Traumatisés. Et d'autant plus traumatisés que nous avions le sentiment, il y a quinze jours, qu'on était à deux doigts d'un accord de paix. Non seulement le sentiment mais, peut-être portés par l'optimisme, nous avions la conviction qu'on était à deux doigts de l'accord de paix.

Notre déception a été cruelle. Mais ce que je peux vous dire, c'est que la Présidence, les Quinze, M. PESC, feront tout, je dis bien tout, et au-delà, ce qui est possible, avec notre intelligence des choses, avec notre expérience, avec notre bonne volonté, mais aussi avec notre coeur, tout ce qui peut être fait pour faciliter l'arrêt de la violence, la reprise du dialogue et le retour à une table qui pourrait nous conduire vers un accord de paix. Nous ferons tout pour cela.

Je vous remercie.





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