Point de presse conjoint du Président de la République et du Premier ministre du Portugal à l'occasion de la tournée des pays membres de l'Union européenne.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Antonio Manuel DE OLIVEIRA GUTERRES, Premier ministre du Portugal à l'occasion de la tournée des pays membres de l'Union européenne.

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Lisbonne, Portugal, le jeudi 30 novembre 2000

M. DE OLIVEIRA GUTERRES - Merci d'être présents. Je voudrais remercier le Président CHIRAC, je voudrais remercier la présidence française, pour son action, je pense notamment au dernier sommet de Zagreb. Pour la première fois, nous avons pu réunir les pays les plus problématiques de l'Europe, les faire dialoguer avec les pays de l'Union et se mettre d'accord sur un destin commun qui passera par des étapes successives et demandera des efforts collectifs importants. Mais je pense que la réussite de Zagreb est une des plus grandes réussites de la présidence française ainsi que de l'histoire de l'Union européenne.

Nous avons évoqué la Conférence intergouvernementale de Nice, dialogue très franc, très ouvert et je pense que nous sommes sur la bonne voie. La présidence a émis le souhait de trouver les solutions les meilleures pour l'Europe et nous partageons tout à fait cette préoccupation. La réussite de Nice dépendra de la capacité de chaque pays, de chaque État membre, quels que soient ses intérêts, de la capacité de s'entendre sur un cadre commun, à savoir sur une Europe plus forte, plus unie, une Europe dont les institutions soient plus efficaces et une Europe qui sache s'affirmer toujours plus dans le monde, qui soit dotée d'une voix beaucoup plus forte que dans le passé. Et nous devrons résoudre certains problèmes qui suscitent encore quelques divergences comme sur l'extension du vote à la majorité qualifiée afin de renforcer la capacité d'action du Conseil mais aussi les coopérations renforcées qui permettront un fonctionnement d'une Europe élargie et, enfin, une repondération des voix au sein du Conseil afin de parvenir à un fonctionnement plus juste et plus représentatif des États membres.

J'aimerais une fois de plus remercier la France pour la conduite des travaux que nous avons eus ce matin. La France qui fait tout pour que ces travaux soient les plus constructifs possible. La France qui a su également écouter les inquiétudes et les problèmes portugais.

Le Portugal soutient toujours la France inconditionnellement sur deux questions : la sécurité alimentaire et la défense. Cela touche au plus près les citoyens et, de ce fait, cela mérite toute notre attention et notre soutien. Le Portugal soutiendra toujours la France dans ce sens aussi bien à Nice que lors des travaux en cours. J'aimerais également dire que nous sommes satisfaits de voir que tous les travaux dont nous avons eu la charge au moment de la présidence portugaise avancent, connaissent des concrétisations importantes, notamment pour ce qui est du volet social. Je pense que l'articulation entre les deux présidences, entre les deux pays a très bien fonctionné, je pense que c'est là une fierté pour le Portugal.

Président CHIRAC , soyez bienvenu au Portugal, c'est toujours un plaisir pour nous de vous recevoir, aussi bien en tant que Président de la République française que Président de l'Union.

LE PRÉSIDENT - Le Premier ministre a parfaitement défini, à la fois sur le fond et pour l'ambiance, les conversations que nous avons eues ce matin, sur les principaux sujets de la CIG et sur les problèmes qui intéressent plus particulièrement nos concitoyens européens, problèmes, je dirai, de société. Aujourd'hui, je suis ici en tant que Président de l'Union, une présidence qui s'inscrit dans le droit fil de la présidence portugaise dans tous les domaines. La présidence portugaise a été une grande présidence qui a marqué l'histoire moderne de l'Europe sur un certain nombre de sujets très importants.

Tout à l'heure, M. GUTERRES a rappelé le Sommet de Zagreb, en disant que cela avait été une réussite, ce qui est vrai. Ce qu'il n'a pas dit, c'est que la stratégie concernant les Balkans avait été élaborée par la présidence portugaise et décidée au sommet de Lisbonne. De la même façon, tout ce que nous avons fait et tout ce que nous poursuivons dans des domaines aussi essentiels que la société de l'innovation et de la connaissance, qui conditionnera la vie des Européens de demain, a été initié, voulu par la présidence portugaise et nous suivons la ligne ainsi tracée.

Je pourrais multiplier les exemples de cette nature. De la même façon, c'est à Feira qu'a été lancée la première réflexion sur la Conférence intergouvernementale. Je souligne cela parce qu'il est important de voir que les présidences ne sont pas simplement des successions de volontés politiques. Il y a, à partir du moment où les présidences sont dans tous les cas réussies et où elles comptent, il y a une continuité qui se fait. C'est tout à fait caractéristique dans nos réflexions actuellement. Les racines de la réflexion de la présidence française sont à Lisbonne et à Feira.

Je voudrais faire deux réflexions d'ordre général pour éclairer un peu le débat. Je les ai faites tout à l'heure. Lorsqu'on entend les commentaires des observateurs, qu'ils soient politiques ou médiatiques, on s'aperçoit qu'il y a une sorte de débat récurrent qui est les petits pays et les grands pays. Je ne crois pas à ce débat, je l'ai dit très souvent. Dans la conception de l'Europe d'aujourd'hui, ce n'est pas le vrai débat et ceux qui s'y réfèrent, ce qui arrive souvent, regardent le passé, ils ne regardent pas l'actualité et encore moins l'avenir.

Le vrai partage dans l'Europe d'aujourd'hui, et ce sera encore plus vrai demain dans l'Europe élargie, ce n'est pas entre les petits et les grands pays, c'est entre les pays qui ont une culture européenne commune enracinée et les pays qui, pour des raisons qui tiennent à l'histoire ou à la géographie, ont une culture européenne beaucoup plus superficielle, ce qui n'est pas une critique, ce qui est une constatation. Et c'est cela la vraie différence. Et de ce point de vue des cultures, des réactions, d'approches des problèmes, il y a des pays petits et grands qui ont la même culture et des pays petits et grands qui ont une culture moins avancée. C'est cela le vrai partage, et toute autre appréciation est une appréciation d'observateurs qui regardent non pas devant eux, mais dans le rétroviseur, avec une culture obsolète.

En revanche, il y a des points, des réflexions d'avenir qui sont les mêmes entre le Portugal et la France. J'ai été frappé de voir dans les propos du Premier ministre deux réflexions que je partage totalement. La première, c'est que, dans l'Europe telle que nous la voulons, il y a deux réalités qui sont incontournables et qui existent en elles-mêmes. C'est d'une part les États, et d'autre part, les citoyens. Là, je cite M. GUTERRES, mais j'aurais pu dire la même chose. Il faut tirer les conséquences en termes institutionnels de cette réalité. Moi, j'ai exprimé cela d'une autre manière, mais qui veut dire la même chose. J'ai dit que ce que nous voulons faire, ce n'est pas les États-Unis d'Europe, c'est l'Europe unie des États. C'est une autre manière de dire la même chose. Cela, c'est une réalité dont il faut tenir compte.

Et la troisième réflexion, qui va exactement dans le sens de ce que dit M. GUTERRES, c'est l'élargissement, qui par ailleurs est nécessaire, qui par ailleurs correspond à notre vision de l'Europe, qui est une vision d'une Europe démocratique et pacifique. Nous voulons enraciner la démocratie et la paix et donc, cela concerne toute l'Europe. Cet élargissement, pour des raisons qui tiennent non pas, naturellement, à la taille des pays mais pour des raisons qui tiennent à leur culture, doit avoir un impact beaucoup plus important qu'on ne le pense. Nous ne savons pas exactement quelle sera la nature de cet impact et donc il faut à la fois le prévoir et se garder de préjugés.

Il y aura un impact fort, dont nous ne connaissons pas très bien la nature, ce qui suppose une certaine modestie dans l'affirmation des visions de l'avenir. Cela suppose qu'on ait une vision de l'avenir. Mais qu'elle tienne compte du fait que, comme toute vision, elle peut être contredite dans certains domaines par des réalités. Et vous voyez, sur ces points, qui sont des points essentiels, que nous avons la même approche. Et ça, c'est un problème de culture, ce n'est pas un problème de taille des États. Alors, à partir de là, naturellement, nous avons à discuter, à négocier en tenant compte de nos convictions, en tenant compte des réalités politiques de chacun des pays concernés. Toute la démarche de la présidence française, c'est d'écouter, d'enregistrer, d'enregistrer d'autant mieux qu'on a compris en écoutant attentivement et, ensuite, d'essayer de trouver ce qui est à la fois conforme à l'ambition qui est d'avoir une Europe qui fonctionne, une Europe élargie qui fonctionne, et à la réalité, qui est de ne pas demander à tel ou tel pays des choses qui sont politiquement inacceptables pour lui. Et c'est cela l'art difficile de l'élaboration d'un compromis efficace.

Donc je n'ai rien de plus à dire, si ce n'est que j'aurai beaucoup appris aujourd'hui. Je savais quelle était la position du Portugal, naturellement, mais la chaleur et l'amitié de nos échanges permettent toujours de mieux se comprendre. Quand on s'entend bien, on a une façon plus directe de dire les choses, et donc elles sont plus faciles à comprendre et je remercie chaleureusement le Premier ministre de ces entretiens qui m'ont rappelé la visite d'État que j'avais faite en février 1999, et dont j'avais gardé un très bon souvenir, tant il est vrai qu'entre le Portugal et la France, il y a toujours quelque chose de fraternel.

QUESTION - J'ai deux questions à vous poser, une pour M. GUTERRES une autre pour le Président français.

Pour le Premier ministre portugais, il y a eu des tensions à Biarritz entre la France et le Portugal, les journalistes ont pu le remarquer. La question que j'aimerais vous poser est la suivante : y a-t-il une démission de la France sur ses positions ou bien du Portugal sur les siennes ?

Pour le Président CHIRAC, je poserai la question suivante : la France, en temps que présidente, est-elle prête à accepter une différence de voix, donc de la pondération des votes avec l'Allemagne ?

M. DE OLIVEIRA GUTERRES - Je le répète, à Biarritz, il n'y a eu aucune tension entre nous. Nous avons parlé franchement, il n'y a pas eu à proprement parler de tensions. Il est évident que nous devons marcher ensemble, et notre objectif à tous est de parvenir à une approche structurée et, pour cela, il nous faut trouver des solutions de compromis, des solutions équilibrées. C'est là notre travail en cours, c'est de parvenir à de tels compromis. On ne peut pas anticiper et dire ce qu'il adviendra à Nice, mais il est clair que le Portugal a une attitude constructive. Nous négocions car nous estimons que Nice doit être une réussite. Car la réussite de la CIG est par définition la réussite de l'Europe, à une époque où la crédibilité de l'Europe est en jeu, notamment du point de vue monétaire, et aussi pour la crédibilité de l'Union européenne, dans la perspective de l'élargissement. C'est pourquoi j'estime que nous travaillons de façon très sérieuse et recherchons sans cesse les compromis possibles, même s'il est vrai qu'au départ, les positions respectives étaient un peu différentes, afin de pouvoir les réconcilier à la fin.

LE PRÉSIDENT - Sur cette première question, bien que n'ayant pas été interrogé, je voudrais dire que je partage tout à fait le sentiment exprimé par M. GUTERRRES.

Sur la deuxième question, vous connaissez les positions de la France, je les ai rappelées à plusieurs reprises, et notamment hier. Je veux simplement, sur ce point, souligner, comme le Chancelier SCHROEDER et moi-même ne cessons de le dire, que, le moment venu, cette question ne posera pas de problème entre la France et l'Allemagne. Il n'en posera pas. Nous l'avons dit depuis longtemps avec le Chancelier, nous continuons à le répéter, tout simplement parce que c'est la réalité.

QUESTION - Je voudrais savoir si, vous deux, Messieurs, avez évoqué la notion de plafonnement concernant le nombre de commissaires et si vous avez évoqué cette question à terme, et si cette question sera résolue, évoquée dès le mois prochain à Nice.

M. DE OLIVEIRA GUTERRES - Je pense que c'est une différence fondamentale dans l'approche portugaise et l'approche française. Bien évidemment, nous avons évoqué cette question et c'est là une des questions dont nous discutons à l'heure actuelle. Tout le monde connaît nos positions respectives au départ. Mais on connaît évidemment notre volonté de parvenir à un accord à Nice. A l'heure actuelle, il serait un peu prématuré de vouloir anticiper, même inutile de répéter nos positions respectives. Mais je tiens ici à rappeler que les discussions qui ont eu trait à cette question, ce matin, se sont faites dans un cadre de grande ouverture d'esprit. Et nous sommes décidés à trouver une solution acceptable par tous les pays de l'Union afin de parvenir à un équilibre juste et respectable entre nous tous.

LE PRÉSIDENT - Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire le Premier ministre, naturellement. Vous savez, ce n'est pas seulement la position du Portugal que de refuser de mettre en cause le principe " un pays un Commissaire ". Il y a plusieurs pays qui sont dans cette situation et le Portugal n'est pas tout seul. Alors, c'est un problème important. Il faut rechercher une solution qui soit acceptable par tous les pays, et qui soit réellement efficace dans la gestion de l'Europe de demain. Et sur cela, comme c'est un des sujets, il faut bien le dire, politiquement le plus sensible pour presque tous les pays, un accord ne pourra intervenir que tout à fait à la dernière minute. Ce sera le point final d'un accord complet, naturellement. Donc on ne peut pas préjuger vraiment la solution définitive. Mais j'ai bien enregistré la position du Portugal comme celle des autres. Je vous remercie.





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