Point de presse du Président de la République à l’issue du sommet Afrique Europe.

Point de presse de Monsieur Jacques CHIRAC Président de la République à l'issue du sommet Afrique Europe

Le Caire (Égypte), le 4 avril 2000

Le Président - Mesdames, messieurs, je voudrais d'abord remercier les journalistes égyptiens, africains et naturellement français qui sont venus à l'occasion de ce Sommet.

Je voudrais remercier les autorités égyptiennes et le Président Moubarak pour un Sommet qui a été parfaitement organisé. Ce n'était pas facile de rassembler 67 délégations, 67 pays et que tout se passe le mieux possible. Cela prouve une grande maîtrise des choses et cela mérite d'être souligné.
J'ajoute qu'il m'a semblé que les Egyptiens eux-mêmes supportaient sans trop de difficultés toutes les contraintes et les inconvénients qu'impose à la population ce genre de Sommet.

Ce Sommet était à la fois utile et réussi. Naturellement on peut dire : " rassembler 67 pays un jour et demi pour faire un texte commun, est-ce que ce n'est pas superficiel ? " C'est une analyse. Mais il y a un autre aspect des choses, c'est que, dans la vie internationale, les signes tels qu'ils sont reçus par les opinions publiques mais, surtout, les contacts tels qu'ils se développent entre les responsables politiques sont extrêmement importants.

Et là, nous avons eu pendant ces deux jours -y compris la première journée au niveau des ministres- un très grand nombre de contacts qui ont permis à des gens qui ne se connaissent pas, ou qui ne se connaissaient pas, de se rencontrer, de parler, d'échanger des points de vues et, au total, de mieux se connaître et se comprendre.

Et cela, c'est une part imperceptible, impalpable d'un Sommet qui, à mes yeux, a une place considérable dans le bilan que l'on peut faire et même, probablement, une place essentielle.

Je pense en particulier à un certain nombre de nos partenaires européens connaissant mal l'Afrique et qui, certainement, repartiront aujourd'hui –certains me l'ont dit- avec une idée beaucoup plus claire de ce qu'est ce continent. Et, réciproquement, beaucoup de chefs d'Etat ou de Gouvernement africains n'ont eu que peu de contacts avec l'Europe. C'était pour eux, là aussi, une occasion exceptionnelle d'entendre et de rencontrer les responsables européens. Ne sous-estimons pas l'aspect très positif de ce contact.

Alors, ce Sommet je n'y reviendrai pas. Vous savez quels étaient les grands sujets, les trois grands sujets : la mondialisation, les questions politiques liées au progrès de la démocratie, les questions de développement et de réduction de la pauvreté. C'est sur ces sujets que, pour ma part, je suis intervenu hier, notamment sur la conception de la France en ce qui concerne la mondialisation et aussi les propositions françaises et la position de la France à l'égard de la dette pour les pays les plus endettés.

De ce point de vue, le débat était intéressant et, incontestablement, une sorte de convergence européenne s'est dessinée derrière une position, je dirai, à la fois généreuse et réaliste, dans l'intérêt en réalité de tous, aussi bien des débiteurs que des créanciers, le tout de façon assez positive.

La déclaration finale et le plan d'action seront connus en fin de journée ou cet après-midi. En vérité, ils sont pratiquement terminés et pour ce qui me concerne -pour ce qui nous concerne-, nous estimons que ce sont deux textes de qualité.

En bref, c'est, de notre point de vue, un geste positif qui a été fait dans le cadre d'une approche euro-africaine du monde, comme nous avons une approche euro-asiatique et euro-latino-américaine. La Commission, représentée ici par son Président, M. Romano Prodi, a estimé que le résultat était également, de son point de vue, extrêmement positif, ce dont je me suis réjoui d'autant que la Commission avait investi beaucoup d'intelligence et d'initiative à l'occasion de ce Sommet et que son Président pour lequel, vous le savez, nous avons estime et respect, peut être satisfait du résultat de ces initiatives pour le Sommet.
Voilà, s'il y a des questions, naturellement, je suis tout prêt.

Question - Monsieur le Président, partagez-vous entièrement la position développée par la présidence de l'OUA sur la question du partenariat ? Première question. La deuxième, si vous le permettez, se rapporte au traitement de la dette des pays à revenus intermédiaires. On a trop parlé des pays les plus pauvres, il y a presque un consensus sur cette question, mais on a occulté un petit peu cette question des pays intermédiaires.

Le Président - S'agissant de la présidence de l'OUA, je tiens, comme je l'ai fait pour la présidence de la Commission, à lui rendre un hommage particulier. Chacun sait que l'élaboration de ce Sommet n'était pas facile et qu'il y avait un certain nombre de problèmes à régler, de toute nature, y compris matériels. Des problèmes qui relevaient, bien entendu, de la compétence de l'OUA et de la présidence de l'OUA, c'est-à-dire en clair du Président Bouteflika.

Je considère que, depuis deux ou trois mois, la présidence a fait un parcours, je dirai, tout à fait exemplaire qui a permis un résultat positif, celui que ce Sommet se tienne dans une convivialité et dans une amitié tout à fait exemplaires. Donc, effectivement, je rends hommage à la présidence de l'OUA et surtout je l'en remercie chaleureusement.

Je rends hommage aussi à la présidence de l'Union européenne qui a apporté sa contribution, naturellement, à cette affaire grâce à la détermination dont les Portugais ont fait preuve sans se décourager pour que les choses puissent avoir lieu.

Alors, c'est vrai qu'il y a un problème pour les pays intermédiaires en ce qui concerne la dette. La France a toujours été sensible à ce problème de la dette, considérant que la dette en elle-même, -je ne voudrais pas entrer dans les détails techniques-, était au total un frein au développement. Et que ce frein s'exerçait au détriment à la fois des pays débiteurs et des pays créanciers, comme tout frein. Par conséquent, il fallait essayer de trouver des sorties à ce problème.

Naturellement, la logique et la générosité supposent que l'on donne la priorité aux pays les plus pauvres et les plus endettés, cela va de soi. De ce point de vue, d'étape en étape, avec les Sommets du G7 de Lyon et de Cologne, on a fait des progrès. Je crois que l'on peut dire que nous arrivons pratiquement au terme de ce problème avec, notamment, la proposition française concernant l'annulation de 100% de la dette des pays pauvres très endettés. Position qui a été, vous l'avez vu, reprise par nos amis Allemands et, en réalité, certainement, je n'en doute pas, par l'ensemble de l'Union européenne. Donc, ce problème peut être considéré comme en voie de règlement rapide.

Pour ce qui concerne les pays intermédiaires, il y a d'autres procédures qui s'appliquent naturellement et le problème n'est pas tout à fait le même parce que les pays qui ont des moyens de remboursement doivent assumer au moins une part de ce remboursement. Donc, ce sont des problèmes que nous étudions, pour le moment, au cas par cas.

Question - Monsieur le Président, le Président Moubarak, au cours de l'inauguration du Sommet, a parlé d'une zone exempte d'armes nucléaires au Proche-Orient. On a su que les Européens, principalement les Allemands, avaient refusé de discuter de cette question. Peut-on savoir pourquoi ?

Le Président - Je crois que vous auriez plutôt intérêt à le demander au Chancelier Schroeder ou à ses collaborateurs. Moi, je n'ai pas assisté à cette demande, ni à ce refus de la part de nos amis Allemands. Donc, je ne peux pas vous faire connaître les raisons qui justifient la position allemande.

Question - Une question de la télévision d'Abou Dhabi. Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que ce nouveau cadre de coopération puisse aboutir à un plan Marshall pour l'Afrique ? Et, deuxième question, si vous le permettez, est-ce que vous ne pensez pas que ce cadre de coopération est contradictoire avec les sommets de la Francophonie, pour la France ?

Le Président - Sur le deuxième point, je pense que vous faites allusion non pas aux sommets de la Francophonie mais aux sommets Afrique-France. Les sommets de la Francophonie sont des sommets qui rassemblent une cinquantaine de pays qui sont répartis dans le monde entier et qui continueront tout naturellement à se tenir dans la mesure où ils se tiennent à partir d'une idée, la défense d'une langue et d'une culture communes. Donc, il n'y a naturellement pas de compétition.

Alors, je pense que vous faites plutôt allusion aux sommets qui se tiennent tous les deux ans, dont le prochain doit se tenir au Cameroun l'année prochaine, Afrique-France. Le dernier s'est tenu il n'y a pas loin de deux ans, à Paris, et pratiquement tous les pays africains étaient représentés.

A l'origine, le Sommet Afrique-France était un sommet qui rassemblé les pays francophones d'Afrique et la France. Petit à petit, ce sommet s'est élargi. Et, à l'occasion de ces dernières années, tous les pays africains ont demandé à être invités et tous y ont participé pratiquement.

Notre intention, et l'intention de nos partenaires africains, est de continuer le sommet Afrique-France et de considérer qu'une chose est la relation Afrique-France, une autre chose est la relation euro-africaine. Je ne sais pas quel sera le rythme qui sera définitivement adopté pour le sommet euro-africain mais, les choses étant ce qu'elles sont, cela ne changera pas les habitudes de rencontres entre la France et les pays africains.

Question - Je voudrais savoir votre opinion sur la question de Kadhafi. Croyez-vous que le dialogue avec la Libye peut continuer ? Croyez-vous que les Italiens, -hier, notre Président du Conseil d'Alema a rencontré Kadhafi-, croyez-vous qu'ils soient allés trop loin dans la relation avec la Libye ?

Le Président - Cher Monsieur, je n'ai pas du tout l'intention, naturellement, de faire de l'ingérence dans les affaires italiennes et encore moins d'approuver, je n'ai aucun titre pour cela ou de critiquer, encore moins naturellement, le Président du Conseil italien, M. d'Alema. Je n'ai donc pas de commentaire à faire sur la nature des relations entre la Libye et l'Italie.

Question - Qu'en est-il des relations avec l'Europe et avec la France ?

Le Président - Ah, cela ce sont des choses différentes ! En ce qui concerne la Libye et l'Europe, vous avez vu que la Libye, dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité, dans le cadre de la position de l'ONU, était présente ici, naturellement, à sa place et a participé au débat, ce qui était tout à fait naturel et personne ne l'a contesté.

Quant à la France, elle s'est inscrite dans ce cadre général. Sa politique à l'égard de la Libye s'inscrit dans ce cadre général et je n'ai pas d'autres commentaires particuliers à faire sur ce point.

Question - Il est temps que les Européens aident les Africains à sortir du cycle de dépendance. Quel est le rôle de la France pour éviter la marginalisation qui menace le continent africain dans le contexte international complexe de la globalisation ?

Le Président - Avant de répondre, je m'aperçois que j'ai oublié de répondre à la question sur le plan Marshall. Naturellement, le plan Marshall correspondait à une époque et à une situation économique particulières avec des pays européens qui avaient un potentiel considérable mais dont les moyens étaient anéantis et qui avaient été ravagés par la guerre. Donc une situation tout à fait différente.

On ne peut pas parler de plan Marshall pour l'Afrique. Je le dis d'autant plus que j'ai très souvent utilisé moi-même ce terme, mais c'était une image, si vous voulez et, non pas, naturellement, une inspiration d'une technique qui avait porté ses fruits au lendemain de la guerre. Moi, je crois que nous sommes aujourd'hui dans un monde où la solidarité est une nécessité à la fois économique et éthique. Et je crois que la stabilité du monde qui se globalise de plus en plus, suppose que les choses pour tout le monde évoluent, je ne dirai pas de la même façon, mais en tous les cas de façon positive. Et que le pire qui puisse arriver c'est que la globalisation, la mondialisation ait pour effet de faire qu'il y ait un nombre de plus en plus restreint de pays riches qui s'enrichissent de plus en plus, et un nombre croissant de pays pauvres qui s'appauvrissent de plus en plus. Cela, c'est un danger immense pour tout le monde, aussi bien pour les pays riches que pour les pays pauvres, car au-delà même du fait que c'est profondément immoral, contraire à l'éthique qui doit être celle d'un humanisme que beaucoup d'entre nous prétendent assumer, au-delà, c'est la stabilité-même du monde qui est en cause. Car on ne peut pas imaginer que cela dure très longtemps sans créer des réactions, des mouvements qui seraient de nature à menacer à la fois la paix et le développement. Donc, il faut trouver les moyens permettant de maîtriser les effets nocifs d'une globalisation qui, par ailleurs, a des effets extrêmement positifs.

Cela suppose que l'on trouve la possibilité, c'est là où on peut revenir à l'idée du plan Marshall sous une forme moderne correspondant aux besoins actuels, c'est là où l'on revient à cette idée d'un transfert de richesses aux pays qui en ont besoin, notamment pour faciliter le développement. C'est la raison pour laquelle je m'étais fortement insurgé contre la déclaration qui avait été celle du Président américain, il n'est pas revenu dessus d'ailleurs, quand il avait dit " trade not aid ", parce que je considérais que c'était une contre-vérité majeure et inacceptable, et j'avais répondu : pas du tout, mais " aid for trade ", ce qui est évidemment différent. Car il n'y a pas de possibilité de faire du commerce si l'on ne donne pas d'abord l'aide nécessaire à un certain nombre de pays pour avoir les équipements et les structures sociales, économiques, éducatives, etc, qui leur permettent de participer au développement et ensuite, naturellement, de défendre leur position dans le monde.

Question - Il y a un mois, Lionel Jospin était dans la région. Un voyage qui a connu les incidents que tout le monde connaît, on ne va pas revenir sur la polémique, évidemment. A l'époque, dans les pays arabes notamment, on s'était posé des questions sur la lisibilité de la politique de la France dans la région. Est-ce que vous en avez parlé avec certains de vos interlocuteurs arabes, je pense au Président Moubarak, et si oui, est-ce que pour eux c'est une affaire classée ?

Le Président - Vous savez toute l'estime que je vous porte, et je vous vois arriver, à la limite, à la question d'ordre intérieur que, par vocation, je ne traite pas quand je suis à l'étranger. Alors, je vous dirai simplement que ce problème n'a absolument pas été évoqué. J'ai rencontré plusieurs interlocuteurs, chefs d'Etat arabes, cette question n'a absolument pas été posée et n'est pas venue dans la conversation.

Question - Monsieur le Président, le processus de paix au Proche-orient était au coeur de vos entretiens avec le Président Moubarak. Après l'échec de Genève, est-ce qu'il y a des propositions américaines pour relancer le processus de paix et est-ce que vous partagez l'inquiétude des Libanais quant au retrait israélien unilatéral du sud Liban.

Le Président - D'abord, effectivement, c'est le sujet que nous avons évoqué avec le Président Moubarak, celui du processus de paix, d'une part avec la Syrie et le Liban, et d'autre part avec les Palestiniens. Je ne sais pas s'il y a un nouveau projet d'initiative américaine –je n'en suis pas informé- je souhaite, en tous les cas, que d'une façon ou d'une autre –et c'est également l'avis du Président Moubarak- on trouve le moyen, par une initiative adaptée que je ne suis pas en mesure de vous suggérer ou de vous soumettre, de renouer les liens. Car je pense que plus vite on ira vers une discussion permettant d'aboutir à un accord de paix et mieux cela vaudra pour tout le monde. Et ma conviction est que les hommes qui restent dans l'Histoire -le monde étant aujourd'hui ce qu'il est- ce sont les hommes qui ont fait la paix.

S'agissant de l'inquiétude des Libanais, je la comprends parfaitement parce que si le retrait israélien se fait dans le cadre d'un accord minimum alors je dirai, tant mieux, cela fait très longtemps qu'on le souhaite. Si cela devait se faire sans aucun accord, alors il est certain qu'il y a des incertitudes sur les conséquences que cela peut comporter et je comprends que nos amis Libanais soient inquiets face à ces incertitudes. J'ajoute qu'ils ont un autre sujet d'inquiétude, dont je m'étonne toujours qu'on ne parle pratiquement pas, c'est, comment va se passer dans l'avenir la présence des Palestiniens qui sont plus de 200 000 certainement au Liban, et qui posent un vrai problème pour tout le monde.

Question - Monsieur le Président, quels sont les efforts que la France compte entreprendre justement pour relancer les efforts de paix après le piétinement de cette paix et les raids israéliens au sud Liban. Malgré les efforts de la Ligue Arabe, de la France, de la communauté internationale, nous sommes très pessimistes. Y-a-t-il un moyen de relancer une initiative franco-egyptienne ou cette initiative est-elle morte ?

Le Président - D'abord, il ne faut jamais être pessimiste. Le pire n'est jamais certain. D'abord, il faut être optimiste, il faut toujours regarder l'avenir avec optimisme. Je reconnais que, pour le moment, nous n'avons pas de raison majeure d'être très optimiste, ça je veux bien l'admettre. J'espère que, peut-être notamment avec la participation d'une coopération très étroite et ancienne entre l'Egypte et la France, deux pays qui partagent la même vision de la paix, de l'avenir, qui ont déjà pris un certain nombre d'initiatives ensemble, peut-être que nous pourrons essayer d'avancer.

Dans l'état actuel des choses, il faut reconnaître que le système paraît bloqué, mais c'est quand un système paraît bloqué qu'il se débloque, n'est-ce pas ?
Espérons que ce sera le cas.

Question - Monsieur le Président, un conflit régional déchire actuellement le coeur du continent africain, la RDC. Certains s'attendaient à une condamnation de l'agression des pays voisins. Pourquoi l'Europe ne s'exprime pas clairement sur cette question ?

Le Président - D'abord, l'Europe s'est exprimée à plusieurs reprises clairement sur cette question, en soutenant les efforts de paix et l'accord qui est intervenu, en déplorant et en condamnant le fait qu'il n'ait pas été suivi d'effet concrètement. Par conséquent, la position de l'Europe a été tout à fait claire : elle condamne ceux qui ne respectent pas l'accord qui a été signé. Elle les condamne, cela ne veut pas dire naturellement qu'elle va au-delà, enfin, elle les condamne.

Alors, ce n'était pas aujourd'hui, -il y avait tout le continent africain et l'Union européenne-, le moment de régler des problèmes particuliers. Donc, cela a été évidemment évoqué par un certain nombre d'intervenants, mais ce n'était pas l'objet de cette conférence que de rechercher une solution à ces problèmes et encore moins de répéter ou de réitérer des condamnations. Et vous connaissez par ailleurs la position de la France, qui déplore très fortement cette situation.

Question - Monsieur le Président, est-ce qu'à plus ou moins longue échéance, vous vous attendez à ce que vos territoires d'outre-mer accèdent à l'indépendance ? Est-ce que vous vous y attendez et est-ce que vous vous y êtes préparé ?

Le Président - Voilà une curieuse question. Je voudrais simplement vous dire deux choses. La première, c'est que la France, par définition, reconnaît le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est clair. C'est-à-dire que si tel ou tel territoire ou département d'outre mer, à l'issue d'un vote, décidait de quitter la France, naturellement cela se ferait sans drame ni difficulté. Deuxième réflexion, c'est une hypothèse, pour le moment en tous les cas, tout à fait d'école. Nous ne connaissons pas actuellement de mise en cause sérieuse de l'appartenance à la France en provenance des départements d'outre-mer, ou même des territoires d'outre-mer. Donc, la question, si vous voulez, ne se pose pas.

Question - Monsieur le Président permettez-moi de revenir sur l'Afrique. La France, le pays le plus proche des Africains, est la mieux placée en Europe pour connaître l'Afrique et ses maux. Comment peut-elle juger aujourd'hui les efforts déployés par les Africains pour réaliser leur unité à la lumière de l'adoption par les chefs d'Etat africains d'une déclaration sur l'union africaine ? Deuxième question, que peut attendre réellement l'Afrique de cette conférence ?

Le Président - Tout d'abord, quelle est en réalité l'évolution de l'Afrique ? Il y a eu une école, en quelque sorte, qui s'est développée ces derniers temps en Europe ou ailleurs, qu'on appelait les afro-pessimistes. Je n'ai jamais fait partie de cette école et je considère que ceux qui en faisait partie étaient tout simplement des gens qui se trompaient et qui ne voyaient pas la réalité et pour lesquels l'arbre qui les intéressait cachait la forêt.
Qu'est-ce que l'on voit depuis 10, 15 ans en Afrique ? On voit que l'Afrique va dans le bon sens. Depuis 10, 15 ans, l'Afrique connaît en gros une croissance économique de 5% par an. L'Europe serait très heureuse d'avoir connu la même situation. C'est-à-dire que, pour la première fois, je crois qu'on peut le dire, de son histoire, l'Afrique connaît une croissance économique supérieure à sa croissance démographique. Ca, c'est quelque chose qui doit donner confiance. Et ceux qui sont les afro-pessimistes ne se rendent pas compte qu'ils font du mal à l'Afrique parce qu'ils développent un climat de méfiance à l'égard d'une zone qui devrait inspirer confiance, notamment aux investisseurs.

Deuxièmement, on voit au total qu'il y a tout de même un progrès de la démocratie, avec toutes sortes d'accidents, mais un progrès de la démocratie. L'Europe n'a pas accédé à la démocratie en 15 jours. Je prendrai pour exemple ce qui vient de se passer au Sénégal. Et, troisièmement, il y a globalement -et l'ancien et très remarquable directeur général du Fonds monétaire international, M. Camdessus, l'a souligné à plusieurs reprises, de façon très intéressante- au total, un vrai progrès dans ce que l'on appelle la bonne gouvernance. Je me situe là, globalement, dans un avis global. Alors, évidemment, en face de cette évolution générale et masquant cette évolution, parce que l'on ne parle que de cela, il y a un certain nombre de zones d'ombre, à la fois économiques et politiques qui vont à l'encontre de ce que je viens de dire et qui font beaucoup de mal à l'Afrique. Cela est vrai. Et donc, tout ceci devra être petit à petit corrigé, mais ce sera corrigé dans la mesure où l'on rétablira un climat de confiance.

Moi, je suis frappé, quand je parle avec des investisseurs, de voir combien ils ignorent l'Afrique et combien le discours afro-pessimiste les conditionne. Et je vois des gens qui vont faire en Europe de l'est des investissements beaucoup moins rentables que ceux qu'ils pourraient faire en Afrique, simplement parce qu'ils ne connaissent pas la situation réelle en Afrique.

Donc, voilà ce que je voulais vous dire sur l'évolution générale.

Question - Qu'est ce que peut attendre l'Afrique également de cette conférence ?

Le Président - Tout simplement une meilleure compréhension de la part des Européens et, au-delà, de la part des pays occidentaux. Je prends un exemple. Moi, j'ai écouté aussi attentivement que possible les interventions. Certaines étaient tout à fait excellentes, d'autres étaient moins intéressantes, et j'ai l'intention de relire un certain nombre de ces interventions avant d'aller au G7-G8 d'Okinawa. Et là, j'ai l'intention, puisque nous parlerons à nouveau de la dette, de m'inspirer d'un certain nombre de choses que j'ai entendues ici, agréables ou moins agréables d'ailleurs, pour les pays occidentaux et pour l'Europe, car je n'ai pas entendu que des choses agréables, et c'est normal. Je m'en inspirerai et je ferai référence à cette conférence lorsque je serai à Okinawa pour le sommet du G7-G8.

Question - Monsieur le Président, David Levy est aujourd'hui à Genève avec M. Kofi Annan pour parler de la 425. Est-ce que vous pensez que le Conseil de sécurité doit commencer tout de suite et immédiatement à discuter des arrangements de sécurité pour le retrait d'Israël du Liban sud ? Et, pour la question des réfugiés palestiniens au Liban, vous aviez proposé, il y a quelque temps, une concertation internationale. Est-ce que vous pensez qu'à cette étape, maintenant, cette concertation devrait commencer ?

Le Président - Sur le deuxième point, je ne sais pas s'il faut une concertation internationale, mais c'est là un problème qui doit être présent à l'esprit de tous ceux qui assument une part de responsabilité. Le pire serait de passer ce problème par pertes et profits dans le cadre d'un agrément global car il risquerait fort d'exploser au lendemain de cet agrément. Donc, c'est là un vrai problème. La France s'efforce de rappeler chaque fois que ce problème existe. Et quand il y a un problème, il faut essayer de lui trouver une solution.

S'agissant de la 425, il est tout à fait évident que ce n'est pas la France ou l'Union européenne ou quiconque d'ailleurs qui peut apporter un commentaire sur la 425. La 425 est une résolution des Nations Unies. Si quelqu'un peut l'adapter cela ne peut être naturellement que le Conseil de sécurité, en liaison étroite avec le Secrétaire général. Et donc je me réjouis des entretiens que M. Kofi Annan a aujourd'hui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'est pas là, parce que normalement il devrait être ici, il était prévu ici, seuls ces événements l'ont empêché de venir ici, mais il s'est fait représenter. Je suis content de savoir qu'il est en train de se préoccuper de ce que doit faire le Conseil de sécurité dans l'hypothèse où les Israéliens se retireraient sans un accord.

Question - 10% des peuples du monde habitent en Afrique. Après ce Sommet, est-ce qu'il y aura de nouveau des investissements français en Afrique ?

Le Président - Vous savez, la France est un des principaux, peut-être le principal investisseur en Afrique, et j'espère que l'on continuera à investir. Si tous les pays dits avancés investissaient en Afrique autant que la France, la situation africaine serait évidemment bien meilleure.

Alors, moi je suis un de ceux qui plaident auprès des investisseurs chaque fois que j'en ai l'occasion pour leur dire : allez en Afrique, voyez ce qui s'y passe, jugez par vous-même et vous verrez que bien des investissements rentables peuvent être faits, et même plus rentables que ceux que vous allez faire ailleurs.
Je vous remercie.






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