Point de presse conjoint du Président de la République et du Premier ministre d'Israël.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Ehud BARAK, Premier ministre de l'Etat d'Israël.

Imprimer

Palais de l'Élysée, le mercredi 22 septembre 1999

LE PRÉSIDENT - - Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d'abord dire ma joie, la joie des autorités françaises, la joie plus généralement de tous les Français à l'occasion de la venue du Premier ministre Ehud BARAK, qui est à la fois pour nous un ami et le Premier ministre d'un pays ami.

Nous avons naturellement évoqué les problèmes du processus de paix, que le Premier ministre d'Israël entend relancer avec confiance et avec vigueur. Nous avons évoqué à la fois le volet palestinien et le volet syro-libanais et le Premier ministre a bien voulu me faire part de son point de vue. Je lui ai donné le mien et j'ai été, je dois le dire, très impressionné, le mot n'est pas trop fort, par la volonté très clairement affirmée par le Premier ministre d'aboutir à un résultat positif, c'est-à-dire à la paix, dans un délai aussi bref que possible, c'est-à-dire dans un délai d'un an.

Nous avons évoqué également les problèmes bilatéraux, notre coopération politique, économique, culturelle, qui est excellente et que nous souhaitons l'un et l'autre renforcer encore dans un climat de confiance renouvelée. Et, pour conclure, je dirai qu'après mon entretien avec le Premier ministre je suis nettement plus optimiste qu'avant.

M. BARAK - Je suis heureux d'être ici à l'Elysée, aujourd'hui, en tant qu'invité du Président CHIRAC. La discussion a été, pour nous aussi, profonde, enrichissante et très, très fertile. La discussion avec le Président CHIRAC a tourné bien entendu autour des trois volets : le volet palestinien, avec évidemment les accords de Charm el Cheikh. Nous avons évoqué le volet syrien, où nous recherchons la formule qui permettrait un renouveau des négociations, et évidemment le volet libanais qui, comme nous le savons, est très cher au coeur des Français, traditionnellement et historiquement.

Dans ma discussion avec le Président, j'ai bien sûr souligné notre désir profond de renforcer évidemment la sécurité d'Israël. J'ai souligné l'importance que nous accordions à la sécurité pour un équilibre dans la région, pour arriver à un accord de paix avec tous les voisins d'Israël, arriver à un accord de paix de bonne volonté, avec évidemment des négociations directes parallèles entre les trois volets qui nous concernent. Je suis absolument convaincu qu'il s'agit ici, aujourd'hui, d'une occasion historique, d'une occasion importante d'arriver à la paix au Proche-Orient, d'arriver à la paix des braves, d'arriver à la fin du conflit entre Israël et ses voisins immédiats.

J'ai trouvé auprès du Président CHIRAC un partenaire, j'ai trouvé auprès de lui une personne qui connaissait profondément la situation, qui connaissait très bien et comprenait parfaitement la situation de la région, qui comprenait les problèmes de la région, qui comprenait comment on pouvait essayer d'arriver à une solution et qui connaissait parfaitement les personnalités concernées dans ce conflit. La France a des liens historiques et a une présence historique dans la région, la France est un partenaire dans tous les rapports et les processus multilatéraux entre nous et nos voisins, la France a joué un rôle important au moment de la Conférence des donateurs avec les Palestiniens, la France a beaucoup fait dans ce processus et je pense qu'au fil du processus qui va se poursuivre, la France a encore un rôle à jouer. Et je suis persuadé que la France pourra jouer un rôle, avoir une influence par sa bonne volonté dans ce processus de paix.

Bien sûr, nous avons discuté avec le Président des relations bilatérales franco-israéliennes, j'ai bien entendu dit au Président que je désirais voir l'accord d'association avec l'Union européenne se réaliser et je voudrais que les relations économiques, culturelles, scientifiques entre Israël et la France continuent à se développer, à se renforcer, pour le bien d'Israël et de la France.

Je voudrais remercier le Président de la République pour l'accueil chaleureux et amical qui m'a été réservé ici. Je suis sûr que cette visite renforcera encore et approfondira les liens d'amitié et de confiance entre Israël et la France.

Merci beaucoup.

QUESTION - Monsieur le Président, avez-vous offert au Premier ministre l'hospitalité de la France pour les négociations entre Israël, la Syrie et le Liban ?

LE PRÉSIDENT - Vous voulez dire l'hospitalité matérielle ? Non, c'est un sujet qui n'a pas été évoqué.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, avez-vous été satisfait du message que le Président CHIRAC vous a transmis de la part du Président ASSAD ?

M. BARAK - Je ne peux pas dire qu'il y ait eu vraiment un message, mais j'ai été très impressionné par l'étendue du tour d'horizon sur des perspectives du processus de paix en ce qui concerne le volet syro-libanais tel que je l'ai entendu de la bouche du Président CHIRAC.

LE PRÉSIDENT - Si vous me permettez, je n'étais porteur d'aucun message du Président ASSAD. J'ai des relations avec le Président ASSAD, je n'étais naturellement porteur d'aucun message.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit que vous étiez nettement optimiste après ce long entretien avec M. BARAK. Est-ce que l'on va assister dans les jours prochains à un rôle plus important de la France, de l'Europe, dans le processus de paix, sur les deux volets syrien et libanais après une certaine absence.

LE PRÉSIDENT - Vous avez observé, d'abord, que l'Europe n'était pas absente puisque l'Ambassadeur MORATINOS était présent, d'accord de tout le monde, pour les accords de Charm el Cheikh. La France ne demande rien de particulier, naturellement, mais elle est toujours prête à répondre aux demandes de ses amis, surtout quand il s'agit de la paix. Il n'y a jamais excès de bonne volonté lorsqu'il s'agit de mettre fin à un conflit.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre BARAK, est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez entendu quelque chose de nouveau de la part du Président CHIRAC sur les intentions syriennes, et dans quelle mesure la France pourrait aider ?

M. BARAK - Une discussion avec le Président de la République m'enrichit toujours dans la compréhension des nuances du passé et du présent du Moyen-Orient. J'ai vraiment apprécié mon échange de vues avec le Président. Comme le Président l'a dit lui-même, il n'était pas porteur d'un message du Président ASSAD et nous devons encore attendre pour qu'une formule pour la reprise de la négociation soit trouvée et définie. Je suis tout à fait optimiste. Nous traitons avec les Syriens depuis sept ans. La Syrie du Président Assad a traité avec le Premier ministre Shamir, elle a eu des discussions très étroites avec le Premier ministre RABIN et le Premier ministre PERES, et même indirectement avec le Premier ministre NETANYAHU. Donc, c'est pour moi pratiquement inconcevable, avec cette opportunité en or, que nous ne trouvions pas un moyen de reprendre les négociations. Alors, bien sûr, il faudra s'attaquer aux vrais problèmes. Ce ne sera pas simple. Si c'était aussi simple que ça, les problèmes seraient derrière nous depuis longtemps. Mais je pense qu'il y a un besoin stratégique pour Israël et aussi pour la Syrie de trouver une solution afin de mettre un terme à notre conflit d'une manière qui respecte notre dignité et les intérêts des deux parties. Et je suis persuadé que c'est possible.

QUESTION - Traditionnellement, la France a été plus proche des Palestiniens dans tout ce qui concerne le processus de paix avec les Israéliens. Est-ce que maintenant, avec M. BARAK, ça vous a un peu changé les idées et, avec votre permission, une question en hébreu pour notre Premier ministre M. BARAK : est-ce que vous avez personnellement reçu un message d'ASSAD par l'intermédiaire du Président CHIRAC ?

LE PRÉSIDENT - Je vous laisse, chère Madame, votre appréciation en ce qui concerne la position de la France à l'égard, respectivement, d'Israël et des Palestiniens. Ce que je peux vous dire en tous les cas, sans entrer dans un débat et a fortiori dans une polémique, c'est que la France souhaite ardemment une paix juste et globale dans cette région. Elle le souhaite de tout son coeur. Elle apportera sa contribution si cela s'avère nécessaire ou utile, et elle aujourd'hui confiance dans la volonté et la capacité du Premier ministre d'Israël pour conduire à cette paix avec ses partenaires, d'une part palestiniens, et d'autre part syro-libanais.

M. BARAK - Pour répondre, tout d'abord, comme l'a dit M. le Président CHIRAC, je n'ai pas reçu de message du Président ASSAD. Mais je tiens à signaler que j'ai beaucoup apprécié et estimé le dialogue profond que j'ai pu avoir avec le Président CHIRAC sur le volet syrien et libanais, en envisageant diverses possibilités. Les Français en général et le Président CHIRAC en particulier ont un lien tout particulier avec le Liban et connaissent très bien la Syrie et donc ce dialogue est absolument enrichissant et très profond.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, la Syrie demande que les négociations avec Israël reprennent là où elles se sont arrêtées en 96. Quelles sont vos intentions à ce propos ?

M. BARAK - Je pense que les négociations avec la Syrie ne se renouvelleront certainement pas devant les caméras, que ce n'est pas devant les caméras que l'on pourra reprendre des négociations avec la Syrie. Je suis absolument persuadé qu'en fait il faut que les deux parties aient le désir formel et profond d'arriver à un accord. Si on peut arriver à un accord, la formule n'aura peut-être pas vraiment d'importance et si on n'arrive pas à un accord, aucune formule au monde ne pourra être une solution.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, vous dites que n'avez reçu aucun message de la part du Président ASSAD par l'intermédiaire du Président CHIRAC. Nous sommes prêts à vous croire, c'est certainement vrai. Mais comment expliquez-vous -enfin nous aimerions savoir-, vous venez de discuter pendant deux heures en tête-à-tête, en laissant vos conseillers dehors -nous sommes évidemment très tendus-, nous aimerions savoir : est-ce que vous avez, vous, peut-être, transmis un message par l'intermédiaire du Président CHIRAC au Président ASSAD, quelque chose ? Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose ?

M. BARAK - Non, moi non plus, je n'ai pas transmis de message au Président ASSAD par l'intermédiaire du Président CHIRAC. Et si nous avons passé, évidemment près de deux heures en tête-à-tête, eh bien, c'est parce que nous avons tous deux beaucoup d'intérêt à une discussion. M. le Président CHIRAC est très au courant de la situation au Proche-Orient, de la situation internationale et j'ai beaucoup d'estime pour l'intérêt du Président CHIRAC à l'égard de la situation au Proche-Orient et pour ses connaissances. Je suis persuadé que la France et l'Union européenne peuvent beaucoup apporter à une reprise des négociations et des pourparlers pour la paix, et je pense que cela pourrait aider à une reprise d'un dialogue réel. Un dialogue réel entre nous et nos voisins pour arriver à une paix véritable.

QUESTION - Vous vous êtes fixé un délai d'un an pour arriver à un accord de paix avec la Syrie. Quel délai vous vous fixez pour arriver à une première rencontre officielle avec un représentant du Gouvernement syrien ? Et est-ce qu'il y a, ou non, des contacts officieux entre vous et les Syriens, sachant que vous-même, quand vous étiez, je crois, à l'état-major, aviez déjà rencontré, à l'époque du Gouvernement RABIN, des officiers syriens. Donc vous connaissez vos interlocuteurs en Syrie ? Est-ce qu'il y a, ou non -on peut en parler aujourd'hui-, des contacts officieux ?

M. BARAK - Eh bien, nous n'avons pas de contacts officieux avec la Syrie. Par contre, il y a des tentatives qui sont faites pour essayer de nouer et d'arriver à un dialogue pour renouveler des négociations et des discussions, pour remettre en place un processus de paix et surtout pour arriver à un résultat. En ce qui me concerne, il est clair à mes yeux que nous devons, que nous pouvons trouver le moyen de renforcer Israël par des accords de paix. En ce qui concerne les douze à quinze mois, oui, j'en suis convaincu, Israël peut arriver à un accord avec la Syrie dans les douze à quinze mois à venir. Evidemment l'application de cet accord peut prendre plus longtemps, mais un accord en tant que tel peut être obtenu dans les douze à quinze mois à venir.

En ce qui concerne le Liban, j'ai dit qu'en juillet de l'an 2000, nous nous retirerions sur la frontière internationale. Je le maintiens. Les forces armées israéliennes continueront à assurer la sécurité d'Israël et la sécurité des civils du sud-Liban à partir de la frontière internationale. Je sais que c'est un programme ambitieux. Je pense que c'est un programme réaliste. Et nous sommes ici, à Paris. Eh bien, ici, à Paris, il me semble que j'avais environ douze ans lorsque Pierre MENDES-FRANCE disait qu'il se donnait un an pour arriver à une brèche dans le processus avec l'Indochine. Je me souviens de cela. A l'époque, tout le monde avait levé les sourcils, tout le monde se disait que c'était impossible. Eh bien, je pense que l'ambition du projet en vaut la peine.

QUESTION - Est-ce que vous avez conscience, l'un et l'autre, que la disponibilité de la France et des Européens peut être utile dans la mesure où la diplomatie américaine, par exemple, connaîtrait ses propres limites dans cette élaboration du processus de paix au Proche-Orient ?

LE PRÉSIDENT - Nous allons répondre tous les deux. Je vous l'ai dit, il n'y a jamais trop de bonnes volontés lorsqu'il s'agit de faire la paix. Mais, à la base de tout, il y a la volonté exprimée par les parties concernées, directement concernées. Alors il y a un processus qui est engagé, il va de soi que la France, l'Europe et d'autres apporteront leur contribution si cela s'avère utile et le feront, naturellement, de grand coeur.

Mais moi, je voudrais simplement, pour terminer, avant de laisser le dernier mot au Premier ministre, dire qu'en quelques jours, j'ai pu faire un tour d'horizon avec le Président libanais, que j'ai rencontré à Moncton ; avoir un contact par intermédiaire interposé avec le Président syrien, tout récemment ; aujourd'hui avec le Premier ministre de l'Etat d'Israël, et, samedi, je reçois Yasser ARAFAT. Eh bien, je vais simplement vous dire une chose, que je ne vous aurais pas dite il y a trois mois, il y a six mois ou il y a un an : " de mon point de vue, il y a aujourd'hui une opportunité historique qui doit être saisie par tous les hommes et par toutes les femmes de bonne volonté et qui permet de dire que la paix est à nouveau en perspective ". Mais cela peut ne pas durer. Donc, la sagesse conduit à ce que tout le monde fasse aujourd'hui l'effort nécessaire pour arriver définitivement à la paix et je crois que l'idée de se fixer une limite de temps est une bonne idée.

M. BARAK - Je suis donc prêt, si vous me promettez de ne rien dire et de ne rien publier, je veux bien vous dire qu'en fait, nous préférons dialoguer directement avec nos partenaires et ceci sans intermédiaire. Nous préférons négocier directement avec les Palestiniens, avec les Syriens, avec les Libanais et c'est toujours plus valable et plus intéressant de pouvoir négocier directement avec ses partenaires.

Dans ces négociations, il est vrai qu'avec l'accord des parties concernées, les Etats-Unis jouent un rôle qui est important. Ceci c'est très bien. Mais je pense que la France et l'Europe auront aussi, et pourront aussi jouer un rôle important. Elles jouent déjà un rôle important dans les discussions multilatérales, en ce qui concerne les donateurs, en ce qui concerne l'économie palestinienne, la commission de contrôle des accords au sud-Liban. Tout ceci est un rôle de l'Europe et de la France.

Les choses, effectivement, dans l'avenir, peuvent devenir plus complexes que jusqu'à présent. L'environnement du Proche-Orient est un environnement difficile. Et, en fait, je pense que si nous avons l'occasion d'avoir des aides de bonne volonté, et il est possible que dans l'avenir nous demanderons ces aides de bonne volonté, nous le ferons si c'est pour renforcer le processus de paix, si cela peut nous permettre d'arriver à des accords de paix dans la région.

Et, ici, je voudrais profiter de l'occasion pour dire au Président CHIRAC combien j'apprécie tout ce qui a été dit. Le Président CHIRAC connaît fort bien le Proche-Orient. Il connaît le Proche-Orient, il comprend profondément la situation et mène avec tous un dialogue, un dialogue qui permet de restaurer une atmosphère de proximité, de compréhension. En fait, le Président CHIRAC et l'Europe peuvent avoir ce rôle, peut-être, de cette espèce de filet de sécurité que l'on peut avoir pour tous les acteurs du Proche-Orient qui veulent aller vers la paix, vers une floraison de la région dans un respect mutuel. Et, pour tout cela, je tiens, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement d'Israël, à remercier le Président CHIRAC.

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2005-01-25 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité