Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président de Finlande.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Martti AHTISAARI, Président de la République de Finlande.

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Helsinki, Finlande, le lundi 10 mai 1999

M. AHTISAARI - A tous les représentants de la Presse, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à cette conférence de presse. Tout d'abord, je veux présenter tous mes remerciements à Monsieur le Président CHIRAC d'avoir été si disponible, alors que son calendrier était bien chargé. Effectivement, cette période présente beaucoup de défis actuellement. Nous avons très bien démarré nos conversations et nous pourrons les prolonger ce soir à l'occasion du dîner. Alors, quant aux relations entre nos deux pays, évidemment à travers l'Union européenne, ces relations se sont diversifiées et se sont également améliorées. Un exemple, peut-être, de ces projets concrets pourrait être la société de l'information. C'est un domaine qui nous attire tous les deux particulièrement et certainement ici nous pouvons très bien compléter les connaissances de l'un et de l'autre.

Monsieur le Président CHIRAC va parler demain avec notre Premier ministre, M. LIPPONEN, et ils parleront de l'agenda de la Présidence, du calendrier de la Présidence. Je constaterai, très simplement, que la Présidence finlandaise aura pour défi plusieurs questions très centrales.

L'une d'entre elles sera bien sûr, aujourd'hui et dans l'avenir, le Kosovo et naturellement notre conversation est dominée par la question kosovar. Actuellement, nous vivons une période où nous tentons de trouver une solution pacifique sur les bases des principes qui, dans le domaine de l'Union européenne, ont été acceptés comme point de départ. Donc, nous nous y tiendrons strictement et sur cette base nous espérons obtenir un mouvement positif. Le gouvernement finlandais a eu un avis très favorable quant à la décision du groupe G8, nous soutenons donc ces efforts entièrement.

Dans notre conversation, nous avons aussi présenté notre appréciation envers la décision du Président de la Russie, M. EltSine, de nommer le Premier ministre TCHERNOMYRDINE envoyé spécial sur les questions du Kosovo et j'espère avoir l'occasion de m'entretenir avec lui plus tard cette semaine.

Je trouve qu'il est très positif que la Russie essaye de trouver activement une solution à cette question. Nous avons parlé avec Monsieur CHIRAC sur la politique de défense commune et la politique étrangère commune dans sa totalité. Nous nous sommes entretenus sur les questions qui seront devant nous lors du prochain sommet de l'Union européenne. Alors, maintenant, c'est avec plaisir que je donne la parole à Monsieur le Président CHIRAC et ensuite nous écouterons vos questions. Merci.

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais d'abord remercier le Président finlandais et le Gouvernement, les autorités de ce pays, le Maire d'Helsinki et le Président du Conseil qui m'ont accueilli si gentiment tout à l'heure, et redire combien je suis sensible à cet accueil et intéressé par cette visite, même si elle a dû être, d'un commun accord, raccourcie en raison des événements du Kosovo. L'importance que j'y attache tient à la place que la Finlande tient dans le coeur des Français, à la fois par son destin singulier, par le courage de son peuple, par son sens profond de la liberté et par sa pratique exemplaire de la démocratie.

Nos relations sont bonnes, elles se sont très sensiblement développées depuis l'adhésion de la Finlande à l'Union européenne, c'est-à-dire depuis 1995, sur le plan politique, sur le plan économique par une augmentation très sensible de nos échanges commerciaux, sur le plan culturel aussi, et je suis heureux de voir que nombreux sont les jeunes Finlandais qui apprennent le français.

Nous avons avec le Président évoqué bien entendu la présidence européenne qui va être assumée par la Finlande, à partir du deuxième semestre, et j'ai dit au Président, de tout coeur, que nous avions une entière confiance dans la façon dont la Finlande assumera cette haute responsabilité et que nous étions convaincus du succès de cette présidence. La France, en tous les cas, fera tout pour faciliter les choses à la présidence finlandaise, dans les différents domaines, dont nous parlerons peut-être demain, de la responsabilité de cette présidence.

Nous avons évoqué avec le Président les autres problèmes et notamment les problèmes internationaux au premier desquels, naturellement, le problème du Kosovo. Nous avons une grande convergence de vues sur ces problèmes et sur la situation au Kosovo. Même condamnation de la politique d'épuration ethnique conduite par les autorités serbes, même solidarité à l'égard des réfugiés, mais aussi à l'égard des pays qui accueillent les réfugiés, même approche, à ce titre, d'un plan de stabilité, de développement dans les Balkans, même attachement aux cinq conditions pour permettre une solution politique de la crise qui ont été définies par le secrétaire général de l'ONU, même satisfaction des résultats de la dernière réunion, le 6 mai, du G8 à Bonn, même souci d'avoir une Russie totalement associée au règlement de cette crise. Voilà si vous voulez une position qui est tout à fait commune.

Nous avons appris, comme vous, que certains retraits de troupes auraient été décidés par les autorités serbes, au Kosovo. Nous ne ferons pas de commentaires sur ce point, puisque nous n'avons naturellement pas les informations qui nous permettraient d'apprécier cette initiative ou de la commenter. Je rappellerai simplement que la position, que notre position est parfaitement claire et connue, puisqu'elle se résume dans les conditions qui ont été rappelées par le secrétaire général de l'ONU et plus récemment par le G8 de Bonn, auquel je faisais allusion. Voilà les principaux sujets que nous avons évoqués avec le Président. Nous avons encore le temps ce soir de parler et aussi demain, où j'aurais le privilège de rencontrer, également, le Premier ministre M. Lipponen.

QUESTION - A votre avis, le moment du règlement final, ce sera vraisemblablement pendant la présidence finlandaise. Est-ce que vous voyez en cela un avantage ou un désavantage, que ce soit un pays qui ne fait pas partie de l'OTAN ?

LE PRÉSIDENT - Je ne crois pas que le fait de faire partie ou de ne pas faire partie de l'OTAN, représente un avantage ou un désavantage. Mais je suis convaincu que le fait que ce soit la Finlande est un avantage.

QUESTION - Il y a une demi-heure une agence de presse a dit que l'armée yougoslave aurait commencé un retrait partiel du KOSOVO et, selon ces informations, ce retrait aurait déjà débuté hier soir. Alors, est-ce que ceci signifie, selon vous deux, un certain mouvement vers une solution à l'égard de la situation kosovar ?

M. AHTISAARI - Tout comme le Président CHIRAC l'a constaté, il est très difficile de commencer à commenter ce type d'information qui provient d'une agence de presse. Je dirais simplement que ce type d'information soulève dans mon esprit plus de questions que de réponses. Il est très important, et M. CHIRAC y a fait référence, de rappeler que le secrétaire général de l'ONU, avec nous tous, a déclaré ces cinq conditions, ces cinq principes sur la base desquels la solution à la crise du Kosovo devrait être recherchée et nous attendons la réponse à ces questions-là. En ce sens, je ne vois pas de raison de commencer à commenter cet événement, cette mesure. Il est important que les dirigeants politiques de Yougoslavie donnent un signal concret du fait qu'ils acceptent ces conditions posées à une solution pacifique.

QUESTION - Il y a tant de gens maintenant qui ont un rôle de médiateur, il y a M. BILDT, M. Tchernomyrdine, il y a M. AHTISAARI. Quelle est la relation entre tous les gens dans le processus qui est fait actuellement au Kosovo ?

LE PRÉSIDENT - Il est d'abord tout à fait normal que nous ayons tous voulu que la Russie soit associée étroitement à l'évolution des choses. D'où la désignation par le Président ELTSINE d'une personnalité de premier plan chargée de suivre ce dossier pour la Russie et en liaison avec l'Union européenne, les Etats-Unis, les alliés. C'est M. Victor TCHERNOMYRDINE. Deuxièmement, dans une affaire aussi complexe, il est tout à fait légitime que le secrétaire général, bien entendu, comme il l'avait fait au moment des affaires de Bosnie, suive de très près l'ensemble de cette affaire et qu'il puisse avoir à la fois les éléments d'information et d'action lui permettant de tenir sa place diplomatique. D'où la nomination de M. BILDT et de M. KUCAN le ministre des Affaires étrangères slovaque, qui travaille, qui a été désigné comme adjoint de M. Carl BILDT.

Et puis, enfin, il est apparu notamment aux alliés, et aux Russes, ensemble, que parallèlement à l'action de M. TCHERNOMYRDINE, dans le cadre bien entendu de l'action de l'ONU, il serait utile qu'en quelque sorte l'Europe dans la mesure où elle aurait une personnalité particulièrement compétente souhaite également être active et tout naturellement il a été pensé que le Président finlandais, M. AHTISAARI, était l'homme de la situation, compte tenu de sa compétence, de son passé, de sa personnalité. Et tout ceci me semble, en tous les cas, parfaitement cohérent. En tous les cas, ce que je peux dire, c'est que, pour sa part, la France, qui a toujours été très attachée au rôle et à la responsabilité de l'ONU, est tout à fait favorable à une mission du Président finlandais et s'il décide de la faire, et dans les conditions qu'il retiendra pour la faire, la France lui apportera tout son soutien.

QUESTION - Pourrais-je poser une question de continuation. M. Martti AHTISAARI pourrait-il répondre ? Que contiendrait ce rôle d'intermédiaire, de médiateur, justement ?

M. AHTISAARI - A vrai dire, on ne m'a pas proposé une véritable tâche de médiateur. Il nous importe de souligner que depuis mercredi dernier, mon téléphone a beaucoup sonné à différentes heures de la journée. Plusieurs personnes m'ont contacté, aussi bien de la Russie, des Etats-Unis, de Bruxelles, de Bonn. J'ai eu l'occasion aujourd'hui de parler avec Monsieur le Président CHIRAC sur toutes ces questions. Il s'agit de deux choses ici. Mon activité précédente avant que je ne sois Président est effectivement liée à la gestion des crises en Afrique et en Europe. Deuxièmement, la Finlande fait partie actuellement de la troïka de l'Union européenne, nous avons la présidence à partir du 1er juillet. C'est pourquoi, il est très important que nous participions à ces efforts de manière très active. Donc, il ne s'agit pas d'une mesure très spécifique en tant que telle. Alors, quant à s'exprimer sur la progression des événements, sur la progression de la situation, nous espérons pouvoir aboutir au Conseil de sécurité de l'ONU à une résolution qui formerait une base et qui structurerait un tout petit peu cette situation afin qu'elle puisse avancer. Actuellement, ces contacts doivent être vus comme faisant partie d'une conversation dans laquelle on essaie de clarifier la ligne de la communauté internationale, de manière à ce qu'il soit bien clair que nous tous, acceptons ces cinq principes qui ont été énoncés par la communauté internationale. Nous espérons que par ce biais là, nous arriverons à trouver une solution. Mais je souligne le fait que, actuellement, il n'est pas question d'une médiation ou d'un rôle particulier qui m'aurait été confié, non.

Donc, nous avons la Présidence, nous devons porter la responsabilité de l'Union européenne de manière très efficace et ceci est déjà une bonne préparation à ce type de rôle.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais juste ajouter un mot. J'ai eu un entretien téléphonique hier soir avec le Président CLINTON qui m'a dit l'importance qu'il attachait à la mission qu'il souhaite voir confier au Président AHTISAARI, ce que je comprends parfaitement. Je ne crois pas qu'il y ait du tout de double emploi avec la mission de M. TCHERNOMYRDINE, ni avec la mission de l'envoyé du secrétaire général, M. Carl BILDT. Je crois que tout ceci est parfaitement cohérent et que de surcroît la qualité et la sagesse des hommes permettront d'en faire un élément actif de progression vers la solution à ces problèmes.

QUESTION - Monsieur le Président, l'Union européenne devrait bientôt choisir son représentant pour la politique étrangère et de sécurité, "Monsieur PESC". Pensez-vous que cette personne devrait aussi devenir le secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale ? La France a-t-elle déjà un candidat ?

LE PRÉSIDENT - La question est un peu prématurée, car la nomination de "Monsieur PESC" doit être discutée au Sommet de Cologne, au prochain Sommet du Conseil européen à Cologne. Par conséquent, je ne peux pas préjuger ce que sera la position de la France ou des autres pays. En ce qui concerne le poste de secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale, cela dépend de ce que nous ferons comme progrès dans le domaine du rapprochement de l'Union de l'Europe occidentale et de l'Union européenne, dans le cadre en particulier de l'élaboration d'une identité européenne de défense. Là encore, il faudra attendre. Vous savez que les Anglais et les Français, à Saint-Malo, les Allemands, d'autres encore, ont progressé dans la réflexion pour une réforme et pour l'établissement d'une identité européenne de défense. Enfin, nous n'avons pas encore abouti. Il faudra attendre pour savoir quel est le sort que nous ferons au secrétaire général de l'UEO.

QUESTION - Monsieur le Président, n'avez-vous pas été inquiet après les manifestions chinoises qui ont suivi la huitième bavure de l'OTAN et, de façon plus générale, ne craignez-vous pas que les opinions occidentales elles-mêmes commencent à se poser des questions sur ce conflit au Kosovo ?

LE PRÉSIDENT - Je ne peux qu'exprimer de très profonds regrets à la suite de l'accident dont l'Ambassade de Chine à Belgrade a été la victime, de très profonds regrets. Je comprends parfaitement la réaction des Chinois. Je comprends aussi que le Président américain et les autorités de l'OTAN aient présenté des excuses, c'est tout à fait justifié.

Vous avez dit huitième bavure. Je ne reprendrai pas à mon compte ce terme, mais huitième accident sur quelques 6 000 ou 6 500 tirs. Je le dis simplement à la fois pour le regretter, cela va de soi, mais pour tout de même rappeler la réalité des choses. La réalité des choses, c'est de savoir si nous voulons, si nous acceptons de maintenir en Europe, à nos portes ? un régime qui pratique de la façon la plus sauvage l'épuration ethnique, le viol, la torture, la déportation, tout ce que nous croyions avoir disparu. Je vous dis non, nous ne pouvons pas accepter cela. Si nous n'acceptons pas qu'un tel régime puisse exister sur notre terre, alors nous devons faire en sorte que cela n'existe plus, ce qui suppose l'utilisation de moyens militaires pour anéantir les forces de répression qui sont au service de la folie des autorités serbes. A partir du moment où on utilise ces moyens, il faut savoir qu'il y aura des accidents. Alors tout faire pour les éviter bien sûr, tout faire pour épargner en particulier les civils, bien sûr. Mais, hélas, il y aura des accidents. Nous ne pouvons, je le répète, que le regretter profondément. C'est particulièrement vrai dans mon esprit pour ce qui concerne les victimes chinoises de cette affaire.

QUESTION - Il y a trois semaines, j'étais à Belgrade. Que dites-vous M. CHIRAC à propos des victimes civiles ? Que signifient ces victimes civiles pour vous ? Environ 1 000 personnes sont décédées.

LE PRÉSIDENT - Toutes les victimes de guerre sont à plaindre au même titre, parce qu'elles ne sont en réalité que d'innocentes victimes. C'est vrai dans toutes les guerres, en particulier pour les victimes serbes d'aujourd'hui. Vous dites qu'il y en a 1 000, c'est 1 000 de trop. Mais il y a 700 000 personnes qui ont été jetées sur la route, sans rien pouvoir emporter, par les autorités serbes. Ces routes ont été parsemées de charniers dont on découvre aujourd'hui l'existence, dont on a les témoignages, les photos. Les familles ont été séparées, tous les témoignages le montrent. C'est une chose abominable. Il faut tout de même en tenir compte aussi.

C'est une chose si abominable qu'elle justifie pleinement les mesures qui ont été prises pour anéantir la force de répression qui, je le répète, est au service de la folie des autorités serbes et que nous ne pouvons pas maintenir ou laisser se développer. Si bien que vous me dites : que pensez-vous de ces victimes innocentes ? Je vous dirais, vous qui êtes journaliste, vous devriez aussi poser la même question et surtout poser cette question aux autorités serbes et à MILOSEVIC.

QUESTION - M. TCHERNOMYRDINE est maintenant à Pékin, qu'attendez-vous comme résultats de sa visite ?

LE PRÉSIDENT - J'espère que la démarche de M. Viktor TCHERNOMYRDINE permettra de trouver un apaisement ou de créer un apaisement à Pékin de façon à permettre ce qui est aujourd'hui indispensable, c'est-à-dire l'élaboration d'une résolution du Conseil de sécurité sous chapitre 7 et qui sera un pas probablement décisif vers une solution politique. Il ne faudrait pas que la Chine mette son veto.

QUESTION - Vous avez discuté de la politique de sécurité étrangère de l'Union européenne. Je voudrais savoir quelle relation la France et la Grande-Bretagne ont réservé pour la Finlande et les autres pays neutres dans la nouvelle stratégie de la défense européenne ?

LE PRÉSIDENT - En ce qui concerne le projet d'Europe de la sécurité et de la défense, je voudrais rappeler que , dans l'esprit de la déclaration de Saint-Malo, de nos discussions, notamment avec nos partenaires allemands et anglais, tous les membres de l'Union européenne, tous, ont vocation à participer qu'ils appartiennent ou qu'ils n'appartiennent pas à l'OTAN. Ce qui veut dire que la Finlande a toute sa place dans cette affaire et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité pouvoir m'entretenir avec les dirigeants finlandais tout particulièrement de ce problème de l'Europe de la défense.





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