Conférence de presse du Président de la République à l'issue du sommet des chefs d'État et de Gouvernement du G7-G8 à Cologne.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du sommet des chefs d'État et de Gouvernement du G7-G8 à Cologne.

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Cologne, Allemagne, le dimanche 20 juin 1999

Mesdames, Messieurs,

Nous voilà au terme de cette réunion. Chacun comprendra que je veuille remercier Cologne, ses autorités, ses habitants qui ont supporté les contraintes d’un exercice de cette nature, et que je veuille remercier chaleureusement le Chancelier, et toute son équipe, qui vient de passer une période harassante en conduisant à leur terme les travaux de l’Union européenne et ceux du G8 -ce qui n’était pas facile- et en le faisant très bien, très, très bien grâce à l’impulsion du Chancelier, grâce au travail de ses collaborateurs.

Je crois qu’on peut dire, aujourd’hui, que ce Sommet a été un bon Sommet. Il l’a été par l’intérêt des discussions. Il l’a été par la qualité des relations entre les responsables. Il l’a été par l’importance des résultats.

Je ne reviendrai, naturellement, pas sur tous les points, sauf à répondre à telle ou telle question. J’évoquerai simplement les principaux sujets, et évidemment le Kosovo.

Le G8 est apparu comme une structure utile et efficace. Il faut bien voir qu’après les efforts du Groupe de contact, qui n’ont pas été inutiles bien entendu, et grâce auxquels, d’ailleurs, nous avons pu faire Rambouillet qui a été le premier pas vers une solution du problème du Kosovo, c’est dans le cadre du G8, pour des raisons politiques, et notamment de relations entre les Russes et les alliés, que s’est, petit à petit, jour après jour, organisée la concertation nécessaire pour déboucher sur un résultat.

Et c’est dans le processus G8 que tout ceci a progressé, jusqu’à Helsinki et à l’accord entre Russes et Américains sur la présence russe sur le terrain -la présence militaire sur le terrain-, qui était souhaitable, qui était même nécessaire, de mon point de vue, mais qui n’était pas facile à organiser.

C’est à Helsinki en réalité qu’a été scellé le partenariat entre alliés et Russes. Partenariat pour permettre la paix au Kosovo, la démocratie, je l’espère, et plus largement, je le souhaite et je le pense, dans les Balkans.

Nous sommes, maintenant, Russes et alliés ensemble, sur le terrain, la main dans la main avec la même mission et le même objectif. C’est un grand progrès.

J’ajoute que les accords pris pour le retrait des troupes serbes ont été parfaitement respectés puisque je crois comprendre que la totalité des troupes serbes, avec quelques heures d’avance sur le programme prévu, a quitté le Kosovo, militaires et paramilitaires ou policiers.

Il y a également la signature qui vient d’intervenir entre les responsables de la KFOR et les responsables de l’UCK qui acceptent une démilitarisation de l’UCK dans un délai de trente jours. Ces informations demandent à être confirmées mais je crois que c’est bien la réalité, ce qui est aussi un acquis très important car ce n’est pas avec des armes qu’on garantira la paix au Kosovo ni qu’on implantera la démocratie.

Dans cette affaire, la Russie s’affirme donc comme un partenaire politique majeur et vous savez que la France a toujours eu le souci de voir la Russie prendre tout son rôle dans l’Europe et dans le monde de demain. Nous pensons qu’il n’y a pas de paix, de stabilité, de sécurité, de sérénité, notamment en Europe, sans une intégration et une participation active de la Russie avec toutes ses responsabilités de grande puissance.

Naturellement, la Russie doit également devenir un partenaire économique majeur et, comme vous le savez, nous avons décidé, notamment en formation du G7, de l’y aider.

Au-delà du Kosovo, je ne reviendrai pas sur le renforcement du système financier international qui progresse, un peu lentement à nos yeux, mais, enfin, qui progresse, ni sur les problèmes concernant la dette des pays les plus pauvres, où vous savez parfaitement ce qui a été décidé.

Hier, nous avons évoqué la dimension sociale de la mondialisation. Je voudrais noter que les choses évoluent dans le domaine de l’humanisation de la mondialisation. C’est mon cinquième sommet du G8. Le premier était intervenu tout de suite après mon élection, à Halifax, au Canada. A Halifax, certains d’entre vous, peut-être, se souviennent que j’avais été le seul à souligner la nécessité de s’engager sur une réflexion au sujet de l’humanisation de la mondialisation. Le seul.

Eh bien, aujourd’hui, nous somme unanimes pour reconnaître le bien-fondé de cette exigence, même si nous avons, ici ou là, des approches différentes ou des divergences de vues. Enfin, c’est quand même une grande évolution, en quatre ans.

Cela concerne naturellement les hommes, d’où l’importance attachée, vous le verrez dans le communiqué, à la formation, l’emploi, les conditions de travail, le respect de la dignité humaine dans le travail, notamment s’agissant des enfants et des femmes.

Cela concerne aussi bien sûr les pays pauvres, et, pour parler de la dette, l’accent a été fortement mis sur la dimension sociale des programmes d’ajustement, qui sont nécessaires pour redresser la situation économique des pays les plus pauvres et qui sont aujourd’hui considérés indispensables, aussi bien au FMI qu’à la Banque mondiale ou dans les banques de développement. Cela avait été l’un des thèmes de mon voyage à Washington, récemment, au FMI et à la Banque mondiale.

C’est aussi le cas pour l’aide, également indispensable, au développement des systèmes de protection sociale dans les pays pauvres. L’une des conclusions que l’on peut tirer de la crise asiatique, c’est que l’existence de systèmes de protection sociale est en quelque sorte un amortisseur de crise très important. Et que là où il y a un système de protection sociale, la crise a des effets beaucoup moins graves et, par voie de conséquence, qu’on en sort plus vite et mieux.

Tout cela, c’est l’humanisation de la globalisation. En un mot, il s’agit en réalité de lutter contre l’exclusion. L’exclusion des hommes mais aussi l’exclusion des pays qui est le risque, et le côté négatif, d’une mondialisation qui ne serait pas maîtrisée. La mondialisation a des avantages considérables en termes de création de richesse, en raison de la liberté des échanges, mais elle comporte des risques que je viens d’évoquer, et donc elle doit être maîtrisée.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai également plaidé très fortement sur deux sujets : l’aide que nous devons apporter à l’Afrique, notamment pour suivre ses évolutions économiques, pour essayer de prévoir les crises et pour maintenir une aide au développement, une aide publique au développement qui, hélas, fond actuellement un peu comme neige au soleil.

J’ai rappelé fortement qu’il n’y avait pas de solution exclusivement commerciale au développement dans la mesure où il faut, avant de développer, créer le minimum d’infrastructures indispensables en matière d’instruction, de santé, pour permettre, ensuite, l’entrée dans le système du commerce.

Et le deuxième sujet sur lequel j’ai tenu à insister, c’est la lutte contre le Sida dans les pays pauvres car plus nous allons, plus, de facto, nous sommes dans un système où les malades sont au sud et les médicaments sont au nord, ce qui est évidemment une situation inacceptable sur le plan moral mais également sur le plan politique et même, tout simplement, sur le plan de la sécurité, car chacun comprend bien que les virus, comme les microbes, voyagent sans frontière.

D’où notre proposition que j’avais formulée, la première fois, à Abidjan, il y a quelques années, d’un Fonds thérapeutique, qui n’a pas encore été mis en oeuvre, je le regrette, mais qui, je l’espère, a un peu progressé ici.

Enfin, j’ai développé, mais je crois que vous le savez, ma proposition de création d’un Haut Conseil scientifique pour la sécurité de l’alimentation. Le monde, les peuples ont besoin aujourd’hui d’une initiative forte sur ce sujet majeur et qui les préoccupe de plus en plus. C’est un dossier d’ailleurs que je compte suivre personnellement au cours des prochains mois.

Naturellement, là aussi, il y a des approches différentes. D’abord, c’est un domaine complexe. Ensuite, dès que l’on parle d’examen, de suivi des évolutions technologiques, certains pays -comme les Etats-Unis ou le Canada- imaginent immédiatement que l’on veut revenir au protectionnisme, ce qui est, évidemment, totalement dépourvu de fondement. Ce que nous voulons, c’est une bonne application du principe de précaution. Alors, nous avons décidé la création d’un groupe de travail. C’est ce que nous demandions. Ce groupe de travail va s’exprimer au sein de l’OCDE en vue d’une décision qui devrait intervenir, au plus tard, à l’occasion du prochain Sommet à Okinawa, au Japon. D’ailleurs, je recevrai prochainement M. JOHNSTON, le secrétaire général de l’OCDE.

Voilà, au total, des décisions concrètes, et je vous l’ai dit au début, un bon sommet.

QUESTION -

Monsieur le Président, après le sommet, qu’est-ce que vous allez dire à la Roumanie et aux Roumains qui ont perdu énormément à cause des conflits en Yougoslavie. Deuxième question, est-ce que vous avez convaincu les Américains que l’Europe n’est pas une machine à payer ?

LE PRÉSIDENT -

Personne n’a vocation à être une machine à payer. Mais il y a néanmoins une solidarité qui doit s’exprimer. Lorsque l’Europe est sortie détruite et exsangue de la guerre, il y a cinquante ans, elle a été bien contente que les Américains se transforment en machine à payer et mettent en oeuvre le plan MARSHALL.

Il est évident qu’aujourd’hui nous avons tous intérêt à ce que la région des Balkans, au sens large du terme, connaisse une double évolution : la démocratie et le développement. C’est cette double évolution qui, seule, permettra d’éradiquer les forces de haine ou de guerre dans cette région et d’y implanter des forces de tolérance et de paix. Et cela passe notamment par une aide à la reconstruction ou au développement qui concerne l’ensemble de la région. C’est pourquoi d’ailleurs la présidence allemande a lancé le processus, que nous avons soutenu, de création d’un plan de stabilité et de développement pour les Balkans. D’ailleurs, ce matin même, a été envisagé et même décidé qu’à l’occasion de la réunion de l’OSCE qui se tiendra à Istanbul en novembre, les chefs d’Etats et de Gouvernement du G8, de l’Union européenne, de tous les Etats de la région des Balkans au sens large du terme, y compris la Roumanie naturellement, pourraient se réunir dans l’un des ces pays. Et je ne verrais pour ma part que des avantages que ce soit à Bucarest. Nous avons décidé de nous réunir, précisément, pour affiner et conclure sur le travail actuellement engagé pour permettre la reconstruction. Alors qui paiera ? Mais naturellement l’Europe, et c’est normal, mais pas seulement l’Europe. J’observe que le Japon a pris une position extrêmement positive, comme d’habitude, une position très généreuse et qu’il a décidé d’apporter une contribution importante pour la reconstruction et le développement de la région des Balkans. Je ne doute pas que les Américains, également, apporteront leur contribution. Alors, dans quelle proportion, je n’en sais rien, tout cela va se discuter maintenant. Mais c’est une oeuvre de solidarité mondiale au profit d’une région qui en a besoin. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que c’est une région qui a toujours été difficile et que le seul moyen d’y installer la stabilité et la paix, c’est d’y installer d’abord la démocratie et d’assurer le développement.

QUESTION -

Monsieur le Président, pendant la crise du Kosovo, les relations entre l’Occident et la Russie ont été parfois difficiles. Comment voyez-vous ces relations maintenant, après la crise et après le Sommet ?

LE PRÉSIDENT -

Naturellement, les relations étaient, ont pu être difficiles, et c’est normal. Nous sommes dans une période où les dirigeants russes, et notamment le Président ELTSINE, se sont engagés sur une voie qui est marquée par la démocratie, la paix, la réintégration de la Russie dans la communauté internationale. C’est une voie difficile. Elle progresse, la Russie. Et naturellement cette crise du Kosovo l’a un peu prise de plein fouet, dans la mesure où l’Histoire, la culture, bien des raisons justifiaient en Russie une orientation positive à l’égard de la Serbie, de la part de l’opinion publique, d’une partie importante de l’opinion publique. D’où le fait que la Russie a été prise un peu à contre-pied et qu’il y a eu des difficultés à s’entendre. Je n’exclus pas d’ailleurs qu’il y ait eu du côté des alliés quelques maladresses. Mais, ce qui est important, ce n’est pas tellement de faire l’exégèse de ces difficultés. Ce qui est important, c’est de constater qu’elles ont été surmontées. Et que dans le cadre d’un bonne procédure, celle du G8, nous sommes arrivés à un accord, un accord sans arrière pensées.

C’est une grande victoire. C’est une grande victoire pour la Russie, une victoire sur elle-même, une victoire pour la paix, pour la démocratie, pour les réformes, pour la réintégration dans la communauté internationale et c’est une victoire pour les alliés qui ont surmonté certaines méfiances et accepté de considérer que la Russie était un partenaire politique majeur. Nous pouvons nous en réjouir, en tous les cas moi je m’en réjouis.

Et j’ai été frappé ce matin, puisque nous étions là tous les huit en présence de Boris ELTSINE, hier comme vous le savez, c’était le Premier ministre, M. STEPACHINE, j’ai été frappé de voir le caractère à la fois heureux et détendu de tout le monde. Les sourires et les regards étaient des sourires et des regards qui exprimaient probablement un soulagement, mais également une satisfaction, le sentiment qu’on avait bien travaillé et qu’on était arrivé à un bon résultat, ce qui est vrai. Un bon résultat pour la paix et pour les relations cordiales entre les grands peuples du monde.

QUESTION -

Monsieur le Président, est-ce que vous considérez avec vos partenaires, y compris avec Boris ELTSINE, qu’aujourd’hui le seul obstacle à la normalisation de la situation dans les Balkans soit MILOSEVIC, le seul dernier obstacle ?

LE PRÉSIDENT -

Vous savez, il y aura certainement d’autres obstacles à la normalisation de la situation, si par normalisation vous voulez dire la paix, la tolérance et l’acceptation de chacun de vivre en bonne compagnie avec les autres, même s’ils sont d’origine ethnique ou religieuse différente. Donc, il y aura des obstacles et c’est pourquoi, je le répète, seule la tolérance pourra venir à bout de ces obstacles. Et la tolérance, c’est le résultat de la démocratie et du développement. En attendant d’éliminer ces obstacles, il faut reconnaître qu’il y en a un gros, c’est la présence à la tête des autorités serbes de MILOSEVIC, c’est vrai.

Et la découverte jour après jour de massacres, de charniers dans le Kosovo montre bien à quel point les forces de répression serbes ont obéi probablement à des ordres, en tous les cas à des réflexes inadmissibles, injustifiables et qui ont conduit d’ailleurs le Tribunal pénal international à inculper MILOSEVIC. Maintenant, il appartient aux Serbes d’en tirer les conséquences sur le plan politique. Si vous voulez ma conviction, plus vite ils le feront et mieux ça vaudra pour tout le monde. Et notamment pour la paix dans la région et pour la reconstruction et le développement de la Serbie.

QUESTION -

Monsieur le Président, tous comptes faits et comptes soldés, est-ce que vous pensez que la résolution du conflit du Kosovo permettra à l’Europe de progresser ou qu’elle aura retardé la construction européenne, notamment sur l’élargissement, sur toutes les grandes réformes institutionnelles. En somme, est-ce que c’est aussi une victoire pour l’Europe ?

LE PRÉSIDENT -

C’est indiscutablement une victoire pour l’Europe. Et qui aura donné une impulsion supplémentaire à la construction européenne. C’est une victoire, parce que quel était l’enjeu ? L’enjeu, c’était : les démocraties sont-elles capables de dire non à des actes qu’elles réprouvent profondément, sont-elles capables de dire non à la barbarie et au racisme ? Il faut bien reconnaître que l’Histoire nous enseigne en général que les démocraties sont un peu faibles, un peu hésitantes. En tous les cas, c’est ainsi qu’on les décrit souvent.

Cette fois ci, contrairement probablement à ce que pensait MILOSEVIC, qui a dû jouer sur la faiblesse théorique des démocraties et leurs divisions, cette fois-ci, elles ont fait preuve de détermination et d’unité. C’est donc, je le répète, une grande victoire, parce que c’est une victoire contre la barbarie, contre le racisme.

Alors, est-ce que cela doit permettre une évolution, je crois que oui. Notamment dans deux domaines. Le premier, c’est que cela prouve bien que l’Union européenne a besoin de moyens coordonnés militaires de défense. Et donc cela va donner une impulsion à la mise en oeuvre de l’identité européenne de défense. Et, deuxièmement, parce que s’agissant de l’élargissement, il apparaît bien clairement que le meilleur moyen d’étouffer les conflits internes en Europe, qui sont généralement d’origine ethnique, ou de nationalités, le meilleur moyen c’est d’être intégré dans l’ensemble européen. C’est parce que la Roumanie veut entrer dans l’Europe qu’elle a réglé ses problèmes avec la Hongrie et que vous avez aujourd’hui des Hongrois au Gouvernement roumain. C’est dans le même esprit qu’elle a réglé ses problèmes avec l’Ukraine. Parce que ces pays savent très bien qu’ils ont intérêt à entrer dans l’Union européenne dès que possible, dès que leurs réformes le leur permettront, mais que l’Union européenne ne veut pas importer de conflits potentiels. Et donc, il faut qu’ils règlent préalablement leurs conflits. C’est en cela aussi que la construction européenne est un facteur de paix, est porteuse de paix : c’est parce qu’elle ne veut pas importer de risques de guerre. Et donc, il est évident qu’il y aura une impulsion vers l’accélération de l’élargissement. D’un élargissement qui a vocation à couvrir la totalité des Balkans. Naturellement pas demain, mais à terme, dès qu’ils le pourront.

QUESTION -

Monsieur le Président, quelle est votre évaluation de l’accord concernant la question de Chypre et comment pensez-vous que ceci permettra de faire évoluer la solution du problème ?

LE PRÉSIDENT -

La situation à Chypre est préoccupante. Elle l’est depuis longtemps hélas, et elle nous préoccupe d’autant plus que maintenant Chypre est candidate à l’entrée dans l’Union européenne. Et j’évoquais tout à l’heure la volonté de l’Union européenne de ne pas importer de risques, de tensions ou de difficultés. Nous avons évoqué ces problèmes mais si vous voulez le fond de ma pensée, je ne crois pas que ce soit là un des domaines où nous ayons le plus avancé.

QUESTION -

Monsieur le Président, a-t-il été question de l’Irak ? Et quelles sont les mesures concrètes qui ont été prises pour l’allègement de la dette de la Jordanie ?

LE PRÉSIDENT -

S’agissant de l’allègement de la dette de la Jordanie, théoriquement, le classement de la Jordanie dans les pays moyens ne la faisait pas entrer dans la catégorie des pays qui pouvaient bénéficier d’un allègement de la dette. Le problème était de ne pas créer de précédent. Mais, néanmoins nous sommes plusieurs à avoir considéré, notamment la France, et l’accord a été passé au niveau des ministres des Finances, il y a quelques jours, à considérer la situation très particulière de la Jordanie dans le contexte actuel du Moyen-Orient, et les conséquences exceptionnelles qu’elle a dû assumer du fait de sa position géographique et aussi le courage avec lequel elle a poursuivi une action de paix. Tout cela nous a conduit à faire une exception pour la Jordanie et, après les aménagements extrêmement importants obtenus au Club de Paris, il y a quinze jours ou trois semaines, à prendre des décisions d’annulation de dette très importante. Vous verrez les chiffres dans les papiers qui vont vous être ou qui vous ont été distribués.

Pour ce qui concerne l’Irak, nous n’en n’avons pas à proprement parlé, discuté. Vous savez que la discussion a lieu actuellement au Conseil de sécurité. Il y a une thèse française qui est fondée sur la volonté de rétablir les contrôles sur l’armement irakien mais aussi de permettre un allègement important de l’embargo au bénéfice des conditions de vie de plus en plus difficiles des Irakiens, du peuple irakien. Et puis il y a une position anglo-américaine qui elle, au contraire, est beaucoup plus dure sur le problème de l’embargo. Je dirais que cela n’a pas finalement énormément d’importance, puisque de toute façon l’Irak refuse les deux, l’une et l’autre. Je me suis permis de faire remarquer qu’à partir du moment où de toute façon on est sûr qu’il refuse, ce n’est peut-être pas la peine de se diviser pour discuter, avant, de quelque chose qui de toute façon ne servira à rien. Alors attendons et continuons à faire preuve d’un peu d’imagination diplomatique.

QUESTION -

Il y a une exception allemande qui s’est exprimée pendant ce sommet sur le nucléaire, à propos de l’Ukraine. Alors je souhaiterais savoir comment les choses vont se régler quand on sait que c’est une question quasiment existentielle pour la coalition allemande. Est-ce que l’on peut se passer du financement allemand, et est-ce que vous pensez que le Chancelier SCHROEDER est engagé et lié par l’engagement qu’avait pris le Chancelier KOHL sur cette affaire ?

LE PRÉSIDENT -

Je vais vous dire, cela m’ennuie un peu d’évoquer un problème qui est un problème interne à l’Allemagne. Alors, je vais quand même vous donner mon sentiment sur la façon dont cela pourrait évoluer. Il s’agit du financement de deux centrales nucléaires qui s’appellent K2 et R4 et qui doivent entrer en fonctionnement pour se substituer à Tchernobyl, qui fermerait.

La position de l’Ukraine est de dire : nous ne pouvons pas fermer Tchernobyl, parce que nous manquons d’électricité, tant nous n’aurons pas une substitution. Et tout le monde a admis cela. Et donc tout le monde s’est lancé dans la mise au point des financements nécessaires avec la Banque européenne -la BERD- pour permettre la construction de ces deux usines.

Bon, les choses ont d’abord traîné, c’est bien dommage, d’ailleurs. On a perdu beaucoup de temps en raison de la position de la BERD qui ne voulait pas financer, parce qu’elle considérait que ce n’était pas un investissement rentable.

Maintenant cette affaire est réglée, mais est sorti un deuxième problème, effectivement, c’est une difficulté au sein du Gouvernement allemand, de la part de ceux qui pensent qu’il n’est pas raisonnable de construire deux centrales nucléaires et que l’on pourrait, peut-être, construire d’autres centrales de production d’électricité.

Alors, le Chancelier s’est retrouvé confronté à cela, parce que le financement, qui existe, ne peut être complet qu’à condition que la COFACE allemande, qui s’appelle HERMES, garantisse l’investissement comme l’a garanti la COFACE française pour sa part. Or, pour les raisons que je vous dis, le Gouvernement allemand n’est pas en mesure de demander à HERMES d’assurer cette garantie, bien que cela soit une société privée comme la COFACE.

A partir de là, je crois que la position allemande sera la suivante : le Chancelier considère qu’il y a une première priorité, c’est la fermeture de Tchernobyl. Cela, c’est la priorité des priorités, en raison des dangers que cela comporte. Et, deuxièmement, si on peut le faire, sans créer de centrale nucléaire, cela vaut mieux. Cela, c’est la position du Chancelier, qui va donc prendre contact dans les jours qui viennent, et qui nous a dit que la solution interviendrait dans les deux ou trois semaines à venir, avec le Président ukrainien KOUTCHMA, pour essayer de le convaincre de trouver une solution alternative à la construction des deux centrales.

Entre nous, ma conviction c’est qu’il n’a strictement aucune chance de convaincre le Président KOUTCHMA et qu’il va revenir de ce contact avec le choix à faire. La priorité des priorités ? C’est de fermer Tchernobyl et donc il faut accepter le financement des deux centrales R4 et K2.

Voilà comment se présentent les choses. Je crois que cela se terminera comme cela.

QUESTION -

Monsieur le Président, on a beaucoup parlé de l’importance de la démocratisation de la Serbie. Quels seraient, à votre avis, les moyens les plus efficaces à ce stade d’isoler le Président MILOSEVIC et, éventuellement, faire en sorte qu’il parte ?

LE PRÉSIDENT -

Vous savez, d’abord, il ne nous appartient pas de régler ce problème. C’est aux Serbes de le régler, naturellement. Et je pense qu’aujourd’hui les yeux s’ouvrent en Serbie et que les Serbes comprennent, d’une part les erreurs qui ont été accumulées depuis dix ans par MILOSEVIC, et qui ont coûté très, très cher, dans tous les sens du terme, au peuple serbe, par les sacrifices demandés, par les morts, par l’argent dépensé. Et là, il a atteint les sommets avec l’affaire du Kosovo. La Serbie a passé dix ans épouvantables et elle a perdu énormément.

Ma conviction, c’est que les Serbes vont bien s’apercevoir qu’ils ne peuvent pas rester dans cette situation s’ils veulent réintégrer, normalement, la communauté des nations et bénéficier de l’aide publique sans laquelle ils ne pourront pas reconstruire leur pays et assurer son développement.

QUESTION -

Sur le lien entre reconstruction et démocratisation. Il y a une urgence au Kosovo même avec tous ces villages détruits avant l’arrivée massive des réfugiés. En même temps, les occidentaux disent : pas d’aide sans le départ de MILOSEVIC. N’y a-t-il pas là une contradiction dans laquelle les alliés se sont un petit peu enfermés ?

LE PRÉSIDENT -

Je n’ai peut-être pas tout à fait compris le sens de votre question. Naturellement, le Kosovo va bénéficier de toutes les aides nécessaires à la reconstruction, même s’il se trouve à l’intérieur d’un ensemble dont le Président est MILOSEVIC. Le Kosovo, bien entendu, va faire l’objet, d’abord d’une aide à la reconstruction et d’une aide au développement qui sera, hélas, très importante vu l’état de destructions qu’on y trouve. C’est un premier point.

Deuxièmement, vous auriez pu soulever le problème du Monténégro qui, lui, se trouve aussi à l’intérieur et qui, lui, n’a pas connu de grosses destructions, très peu de destructions, mais qui a besoin aussi de développement. Et je souhaite, pour marquer que le Monténégro est un pays qui appartient à la République fédérale de Yougoslavie, mais qui est une république autonome, pour bien marquer son caractère démocratique, je souhaite que le Monténégro puisse bénéficier de toutes les aides nécessaires au développement. Et d’ailleurs j’ai suggéré que, lorsque nous ferons cette réunion des pays de la région avec les pays du G8 et les pays de l’Union européenne pour le plan de stabilité et de développement de cette région, d’une façon ou d’une autre, même si ce n’est pas juridiquement logique, le Président DJUKANOVIC, Président du Monténégro, soit présent. Cette proposition a été adoptée. Et puis, il y a la Serbie, je dirai stricto sensu, la Serbie et la Voïvodine. Alors, nous avons effectivement un problème et la position qui a été adoptée par le G8, c’est de dire, s’agissant de la Serbie, l’aide humanitaire, naturellement oui, on ne va pas priver les Serbes de l’aide humanitaire, mais l’aide économique, c’est-à-dire l’aide au développement, non, tant que ce pays ne sera pas démocratique. C’est-à-dire l’application d’une règle qui existe dans le monde entier, et depuis fort longtemps, et qui s’applique à tous les pays qui sont sous embargo ou qui n’ont pas de régime démocratique et que les autres n’aident pas, en dehors de l’aide humanitaire.

Alors, la seule question qui se pose c’est de savoir où l’on met exactement le curseur entre l’aide humanitaire et l’aide économique. Cela, nous verrons, nous allons maintenant discuter de tout cela et régler ces problèmes de détails. Enfin, voilà les principes.

Je vous remercie.





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