Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Sommet du Pacte de stabilité.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Sommet du Pacte de stabilité.

Imprimer

Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, le vendredi 30 juillet 1999

LE PRÉSIDENT - -

Mesdames, Messieurs,

Nous venons donc de terminer un exercice fort en symbole. Je n'ai pas besoin de souligner ce que représente pour le début et pour la fin de siècle Sarajevo. Mais, au-delà, de cette symbolique, je voudrais souligner l'importance psychologique que peut avoir une réunion de cette nature, ici, pour le peuple de Bosnie-Herzégovine qui, peut-être, avait l'impression d'être un peu oublié et qui tout d'un coup réapparaît au premier plan sur la scène internationale. Je suis sûr que c'est une bonne chose.

Je n'étais pas venu ici depuis un certain temps. Depuis 1998. On voit naturellement des changements positifs, une amélioration. Mais, on sent également combien la misère, la pauvreté sont présentes ici. J'imagine plus encore dans les campagnes que dans les villes.

Certes, il y a eu des problèmes résolus. Certes, la paix garantie par les troupes de la SFOR est à peu près assurée, même s'il y a du terrorisme.

Mais on voit tout de même les difficultés auxquelles cette région, notamment ce pays, est confrontée. Qu'il s'agisse, il faut dire les choses, du blocage encore trop fort des institutions. Qu'il s'agisse de la corruption, de l'effet mafieux qui est encore trop développé ici. Qu'il s'agisse de la division.

Donc, on voit bien combien de progrès sont encore à faire dans le domaine de l'Etat de droit, dans le domaine de la démocratisation, dans le domaine économique, des privatisations, de la garantie des investissements, du développement. Bref, combien il faut encore faire des choses dans le domaine de la réconciliation. Car c'est cela, au fond, qui est à l'origine de tous les maux : l'intolérance. On voit bien que la tolérance n'est pas encore aujourd'hui la qualité de chacun. Je crois que c'est là le fond du problème. Si, semble-t-il, les jeunes le comprennent, les jeunes l'admettent, il y a encore trop de pesanteurs dans les partis politiques, dans les structures, dans les esprits, notamment des anciens, qui ont du mal à comprendre que sans la tolérance, ils ne sortiront pas et on ne sortira pas des difficultés.

Ce que l'on peut dire ici, à Sarajevo, de la Bosnie, on peut le dire de la même façon pour l'ensemble de la région, à l'occasion de la réunion de ce Pacte de stabilité qui marque quand même, pour la première fois dans l'histoire du monde, une volonté clairement affirmée par un grand nombre de nations d'Europe et d'ailleurs de donner la main à ces peuples.

Là, nous nous trouvons devant un autre problème qui est celui, au lendemain de la guerre du Kosovo, du régime serbe. Il est évidemment absurde de constater que la Serbie, grande nation, grand peuple, n'est pas présente ici. Qu'elle a dû subir une guerre qu'on n'a pas faite à un peuple, naturellement, mais qu'on a faite à un régime inacceptable, un régime qui incarne ce que le passé peut avoir de plus horrible, de plus inadmissible.

Donc, c'est aussi l'occasion de faire un appel au peuple serbe, un appel humain, moral. Ce n'est pas un appel qui pourrait être qualifié d'ingérence, c'est un appel que l'on doit considérer comme de solidarité. Le peuple serbe fait partie des peuples européens. Il fait partie de la famille européenne. Il a sa place parmi nous. Je voudrais lui dire amicalement, qu'il doit être des nôtres. Que l'Europe a pour vocation de rassembler tous les peuples qui la composent. Dès qu'il sera possible à chacun d'accepter les contraintes économiques et les exigences politiques de la construction européenne, chacun doit se retrouver avec nous. C'est cela l'ambition.

Tout à l'heure, le Président IZETBEGOVIC terminait son propos en clôture de la séance, juste avant M. Martti AHTISAARI, en évoquant la prévision du général de GAULLE de l'Europe de l'Atlantique à l'Oural. Mais c'est vers cela, c'est vers cela que nous allons, une Europe solidaire, pacifique, démocratique, prospère. C'est à cela que le peuple serbe aussi a droit. Mais pour cela, je lui dis : abandonnez les idéologies funestes du passé qui sous-tendent encore le régime en sursis qui est le vôtre. Vous le devez à votre histoire glorieuse. Vous le devez à une histoire qui a beaucoup apporté à l'Europe, mais qui a été ternie dans le passé récent. Vous devez, en quelque sorte, fermer une sombre parenthèse qui a été ouverte. Vous le devez à vos enfants, qui sont des futurs citoyens de l'Europe que j'évoquais tout à l'heure et qui, eux, n'ont rien à faire avec ces querelles du passé et qui ne se sentent certainement pas concernés par l'intolérance de ceux qui, hélas, les gouvernent aujourd'hui.

Autrement dit, tout le problème de cette région des Balkans, quelle que soit l'approche que l'on prend pour l'aborder, c'est un problème de réconciliation. Nous avons connu cela dans beaucoup d'endroits dans le monde. Nous l'avons nous-mêmes, Français, connu avec l'Allemagne. Nous avons surmonté cela. Nous sommes donc fondés à parler, à donner un conseil, un conseil amical. Donc, voilà un peu le sens que je donne, pour ma part, à ce Sommet.

La volonté claire d'affirmer le respect d'un certain nombre de valeurs et de terminer le siècle sur cette affirmation. La volonté claire d'une solidarité à l'égard d'une région que l'Histoire a fortement traumatisée et qui subit encore les conséquences et les séquelles de cette Histoire. Et la volonté de l'Union européenne de rassembler tous les peuples qui feront l'effort d'accepter les minima de discipline nécessaires pour constituer un ensemble européen qui soit un élément essentiel du monde multipolaire, aujourd'hui, pour demain.

Voilà. Alors, s'il y a quelques questions, naturellement, je serais très heureux d'y répondre.

QUESTION - Monsieur le Président, vous venez tout de suite de souligner l'importance de l'Union européenne. Vous l'avez fait aussi dans votre intervention. Mais est-ce que ce nouveau Pacte de stabilité, cette nouvelle structure, ne pose pas des problèmes par rapport aux actions spécifiques de l'Union et, notamment, par rapport au processus d'élargissement ? Est-ce qu'il ne va se poser des problèmes budgétaires, des problèmes d'articulation de toute nature ?

LE PRÉSIDENT - Je ne crois pas. L'élargissement est un processus engagé. Nous allons faire un pas de plus au Sommet d'Helsinki, sous présidence finlandaise, dans quelques mois, dans les procédures mises en oeuvre avec un certain nombre de pays qui sont candidats, et nous allons définir les conditions pour ceux qui voudraient l'être. Alors, il y a quelques problèmes à régler, bien entendu. Il va de soi que les pays des Balkans seront un jour candidats, enfin, pour le moment, chacun comprend que c'est prématuré. Donc, il y a l'effort lié à l'élargissement, qui comporte d'ailleurs, effectivement, sur le plan financier, et nous l'avons vu dans l'Agenda 2000, des limites qui ont été dressées. Et puis, il y a l'effort de solidarité qui doit être engagé, là, par l'ensemble de la communauté internationale pour la région des Balkans, et qui est effectivement engagé. Il n'y a pas à cela de contradiction.

0Ce que je voudrais, en tous les cas, c'est que les choses se passent assez vite pour voir une Europe réellement organisée, unie et moderne le plus vite possible, et comprenant tous les pays, notamment ceux des Balkans pour définitivement cicatriser les blessures que l'Histoire a infligées à cette région, et qui sont, Dieu sait, profondes et douloureuses. Il faut le plus vite possible que ces pays soient en mesure d'entrer dans un système, par définition stable et convivial.

QUESTION - Monsieur le Président, que pensez-vous des critiques qui ont été émises contre l'administration civile au Kosovo. Est-ce que vous avez ressenti à cet égard une quelconque tension, notamment avec les Etats-Unis, pendant le Sommet ?

LE PRÉSIDENT - Je ne sais pas très bien à quelles critiques vous faites allusion, mais je n'ai senti strictement aucune tension. Mais, vraiment, ce qui s'appelle aucune. Je me suis entretenu avec le Président CLINTON, puisque vous parlez des Etats-Unis, je n'ai absolument pas ressenti la moindre tension. Je sais que M. KOUCHNER a été vivement félicité, si j'ai bien compris, par Mme ALBRIGHT.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que cet appel au peuple serbe est partagé par l'ensemble des pays qui ont participé à ce Pacte de Stabilité, ou c'est un appel de la France particulièrement ?

LE PRÉSIDENT - C'est un appel que j'ai voulu faire. Je l'ai proposé à la présidence finlandaise. L'Union européenne en a discuté, a accepté le principe de le faire sien. Il y a donc eu un appel de l'Union européenne au peuple de la République fédérale de Yougoslavie, qui ne comporte pas que les Serbes, il y a aussi les Kosovars, les Monténégrins. Cet appel des Quinze de l'Union européenne, donc, vient d'être adopté sur proposition française et vient d'être diffusé, et moi, ayant été un peu à l'origine de cette idée, j'ai conforté l'appel européen par mon propre appel.

QUESTION - Monsieur le Président, avez-vous des projets de visite au Kosovo, s'il vous plait ?

LE PRÉSIDENT - Pas pour le moment.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2007-01-22 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité