Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Premier ministre à l'issue du Conseil européen informel des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, à l'issue du Conseil européen informel des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne.

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Bruxelles, Belgique, le mercredi 14 avril 1999

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs,

Nous venons d’avoir une réunion intéressante, dont je tirerai quelques enseignements. Le premier est qu’il y avait une unanimité qui s’est dégagée autour de la table, que d’autre part la présence du secrétaire général de l’ONU a naturellement enrichi la discussion. Enfin, que la présidence allemande a conduit ces travaux avec beaucoup d’efficacité et a fait adopter un texte qui est un relevé, non pas de décisions puisque ce n’était pas exactement l’objet, mais de l’ensemble de la discussion. Et je voudrais également souligner, parce que c’est un fait nouveau, l’importante participation de l’Allemagne, qui est engagée pour la première fois dans une opération militaire de cette nature et nous avons tenu pour ce qui nous concerne à saluer et remercier cette action allemande.

Sur les différents points évoqués, il y a d’abord eu l’action militaire. Nous avons souligné la solidarité des Européens dans le cadre d’une solidarité très forte de l’ensemble des alliés. D’autre part, la conclusion, je dirai, de tous les participants sur le fait qu’il faut une grande détermination à poursuivre l’action militaire jusqu’à ce qu’elle atteigne l’objectif qu’elle s’est donné, c’est-à-dire la destruction des moyens de répression dont disposent les autorités serbes et une constatation générale qu’au fil des jours ces moyens se réduisent et l’étau se resserre sur les moyens militaires serbes.

Dans le domaine de l’action humanitaire, nous avons également constaté une convergence de vues complète, avec d’abord la constatation de l’aide très importante fournie par les Quinze. Les Quinze de l’Union européenne fournissent l’essentiel de l’aide, il faut le souligner.

Deuxième point qui nous a occupés et préoccupés, la situation des personnes déplacées qui se trouvent actuellement au Kosovo et l’affirmation que tout devait être fait pour trouver les moyens pour leur apporter l’aide nécessaire à leur survie dans des conditions difficiles, alors que tout nous permet de penser, même si nous avons des difficultés à avoir des informations, que beaucoup sont en situation très précaire. Pour ma part, je profite de cette occasion pour souligner à nouveau à quel point la générosité des Français s’exprime aujourd’hui de façon tout à fait exemplaire.

Dernier point : l’action politique et diplomatique. L’ensemble des participants soutiennent les propositions du secrétaire général, M. Kofi ANNAN. Il s’agit, vous le savez, de deux étapes. La première étape devrait consister, nous le souhaitons, à reprendre ses propositions dans une résolution adoptée en vertu du chapitre 7 de la Charte afin, en quelque sorte et en termes plus clairs, de leur donner une valeur contraignante. Donc, adoption des propositions du secrétaire général et valeur contraignante donnée par une résolution sous chapitre 7. Ceci, naturellement, suppose l’accord des Russes. Celui-ci n’est pas encore acquis et nous en concluons qu’il faut poursuivre avec ténacité et ouverture d’esprit le dialogue avec les Russes de façon à avoir une approche et une conclusion communes sur ces problèmes.

Deuxième étape : l’administration provisoire du Kosovo. Nous avons proposé que l’Union européenne soit chargée par le Conseil de sécurité d’assumer cette administration provisoire. Nous avons indiqué que l’Union européenne devait être disponible, disposée à assumer cette charge, naturellement nous n’en sommes pas encore là, chacun le comprend, mais le jour où l’accord politique interviendra, il faudra être prêt à intervenir de façon à permettre le retour des réfugiés, la reconstruction de la province, la mise en place d’une vie politique démocratique sur la base des principes de Rambouillet, bref, la gestion de cet ensemble. Et il nous semble que l’Union européenne a la vocation et la capacité de jouer ce rôle qui serait je le répète confié par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette idée a été acceptée par l’ensemble de nos partenaires, elle figure donc dans les conclusions, cette initiative française figure donc dans les conclusions de nos travaux.

A plus long terme, nous avons tous adopté la proposition de la présidence allemande portant, dans des conditions à préciser, sur une conférence sur la stabilité des Balkans, en soulignant que tous les pays de cette zone avaient une vocation à se rapprocher de plus en plus de l’Union européenne.

En conclusion, on peut dire que ce Conseil a marqué d’une part une totale solidarité pour des valeurs que nous défendons en commun, qui sont : les valeurs des Droits de l’Homme, de la démocratie et de la dignité humaine et une prise de conscience de ce que peut et doit faire l'Union européenne. Lorsqu'il s'agit naturellement de l'action militaire, nous sommes avec nos alliés au sein de l'OTAN qui est l'instrument militaire d'intervention, mais lorsqu'il s'agit ensuite de la gestion politique d'un accord ou d'une situation nouvelle, l'Union européenne doit se retrouver au premier rang des responsabilités et assumer ces responsabilités.

Voilà les conclusions que je tire de cette réunion. Je pense que Monsieur le Premier ministre a peut-être quelques compléments à donner avant que nous répondions à vos questions.

LE PREMIER MINISTRE - J'ai peu de choses, Mesdames et Messieurs, à ajouter. Je crois que dans la palette des nuances dont vous savez qu'elles existent entre les pays européens et à travers cette discussion, ce qui frappait, comme vient de le dire le Président de la République, c’est la profonde unité en réalité d'approche des Quinze sur la crise du Kosovo.

C'était la première fois, à ma connaissance, que le secrétaire général des Nations Unies venait devant les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne. C'est un précédent historique et il était symbolique. Il était évidemment assez logique que cela se produisit à l'occasion d'une crise.

Et, je crois, que la rencontre d'aujourd'hui a été l'occasion pour l'Union européenne d'affirmer son rôle politique et sa responsabilité dans des enjeux humanitaires certes mais, aussi, dans des enjeux de sécurité.

A cet égard, ce qui m'a frappé aussi, et l'intervention du Président de la République, au nom de la France, y a, je crois, contribué, c'était la volonté d'être capable d'agir dans le court terme et, en même temps, de proposer et définir une stratégie à long terme et, c'est peut-être un apport original de l'Union européenne. A court terme, nous avons rappelé que nous ne faisions pas la guerre aux Serbes, mais que nous voulions frapper, affaiblir et finalement rendre inefficace l'appareil de répression d'un régime qui est le dernier en Europe à bafouer les Droits de l'Homme et les valeurs essentielles de la démocratie.

Dans ce sens, nous avons rappelé la détermination à poursuivre les actions militaires dont le but, naturellement, est de déboucher sur une issue politique à laquelle la diplomatie française travaille et sur lequel le Président SCHROEDER, aux côtés du secrétaire général des Nations Unies, dit en ce moment à vos autres collègues journalistes dans quel sens nous nous sommes orientés.

Cette capacité à montrer notre détermination et, en même temps, cette volonté à offrir une perspective à long terme dans une Europe démocratique, c'est, je crois, le lien étroit qu'il faut faire et qui donne la logique de ce que nous sommes obligés de faire et ce que nous voulons, en même temps, entreprendre et proposer pour l'Europe et, donc aussi, pour les Serbes.

Enfin, je voudrais simplement dire que, naturellement, nous nous sommes réunis face à cette crise. Nous nous sommes aussi réunis pour que l'Europe démocratique, l'Europe pacifique, l'Europe des Quinze règle ces problèmes et donc, dans la deuxième partie de cette rencontre, nous allons discuter avec le Président, proposé par les chefs d'Etat et de Gouvernement, de la future Commission, Monsieur Romano PRODI, notamment des grandes orientations pour la réforme de la Commission et pour nos travaux futurs.

QUESTION - L'Allemagne a proposé que, s'il y avait un début de retrait des forces du Président MILOSEVIC, l'OTAN puisse arrêter ses frappes pendant vingt-quatre heures et que ce retrait se poursuive. Qu'est-ce que la France pense de cette proposition ?

LE PRÉSIDENT - Le plan auquel vous faites allusion, et qui a été initié par le Gouvernement allemand et repris très largement par la presse, est un plan qui n'a pas été discuté cet après-midi autour de la table. Tout simplement parce que ce n'était pas à l'ordre du jour et qu'il entrait dans un certain nombre de détails qui méritent une étude approfondie.

Ce que je peux vous dire en revanche, c'est que ce plan, tel que nous le connaissons, ces propositions telles que nous les connaissons recueillent tout à fait notre avis favorable.

QUESTION - Deux questions : d'abord, est-ce que l'erreur commise aujourd'hui par l'OTAN ne vient pas encore un peu plus compliquer le règlement de la crise ? Et que pensez-vous de l'idée proposée par M. SCHROEDER, ce matin, d'un plan MARSHALL pour les Balkans ?

LE PRÉSIDENT - S'agissant de l'erreur, comme vous dites, de l'OTAN, nous en avons été informés tout récemment. On nous a indiqué qu'une enquête était en cours, que nous n'avions, en ce moment, aucun élément sérieux d'appréciation et vous comprendrez donc que nous ne souhaitions pas faire de commentaires faute d'une information suffisante pour les faire.

Pour ce qui concerne l'aide aux Balkans et, plus précisément, aux pays d'accueil des réfugiés, la France, le Gouvernement français, à plusieurs reprises déjà, a indiqué sa disponibilité pour une action d'envergure tendant à aider, dans le cadre de la solidarité de la communauté internationale, notamment les pays d'accueil pour leur permettre d'assumer les responsabilités qui sont, aujourd'hui, les leurs. Mais, peut-être que là, le Premier ministre....

LE PREMIER MINISTRE - Vous savez que la France, au plan bilatéral, a dégagé des sommes qui ne vont pas simplement à la réponse pour l'aide aux réfugiés en Macédoine ou en Albanie, mais qui peuvent aller aussi à une aide économique directe à ces pays, notamment à la Macédoine, je l'ai écrit au Premier ministre de ce pays.

Par ailleurs, nous nous sommes adressés, par la bouche du ministre de l'Economie et des Finances, au FMI pour qu'il traite les problèmes de la dette des pays concernés et, aussi, à la Banque mondiale pour qu'elle prépare les problèmes de reconstruction. Un groupe des Balkans, à cet égard, doit être constitué.

Le Président SANTER de la Commission, qui était avec nous ce soir, nous a rappelé qu'il n'y avait pas moins de huit initiatives qui, au cours des dernières années, avaient été, à partir de l'Union européenne, prises en direction de l'Europe du Sud-Est. Simplement ces initiatives, indépendamment de leurs mérites particuliers, manquent certainement de lisibilité et c'est dans le cadre d'une vision globale qu’a proposée le Président de la République, au nom de la France, qui va faire l’objet des études de la Commission et de l’Union européenne, que nous entendons aller plus loin.

Donc, action bilatérale, action européenne dès maintenant, mais qui peut se déployer plus fortement quel que soit le nom que l’on utilise, on n’est pas obligé d’utiliser le nom d’un général américain. Surtout, cela se réfère à une période historique dans laquelle nous ne voulons pas entrer.

Donc, travail au niveau de l’Union européenne, stimulation des grandes organisations internationales, je crois que nous sommes prêts, effectivement, à faire des efforts considérables pour cette partie de l’Europe.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais juste ajouter une chose, la France fait un effort considérable, je ne parle pas de la reconstruction des Balkans, mais dès maintenant, je voudrais tout de même rappeler que, sur le plan de l’aide humanitaire, la France est un des tout premiers contributeurs. L’aide apportée sur le plan humanitaire depuis le début des interventions représente 500 millions de francs et 500 personnels militaires qui participent sur le terrain, essentiellement en Albanie, mais aussi en Macédoine, à l’organisation de l’aide humanitaire.

Et, je voudrais rappeler que sur le plan des moyens militaires mis en oeuvre, la France est le deuxième contributeur avec 58 avions, 7 bâtiments de la Marine, dont le porte-avions Foch, 7 000 hommes. Tout ceci représente des moyens importants au service, bien entendu, d’une cause à laquelle nous croyons profondément, et que nous soutenons sans réserve et qui est tout simplement la cause des Droits de l’Homme.

QUESTION - Je voulais savoir si les Quinze étaient d’accord pour confier le leadership de la future force internationale de paix au Kosovo à l’OTAN ou si, au contraire, il y avait un débat là-dessus ?

LE PRÉSIDENT - Il y a forcément un débat, c’est un des éléments qui devrait être débattu dans le cadre d’un accord politique.

Nous vous remercions.





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