Conférence de presse du Président de la République à l'occasion de sa visite d'État au Méxique.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République à l'occasion de sa visite d'État au Méxique.

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Mexico, Mexique, le vendredi 13 novembre 1998

Mesdames, Messieurs, bonsoir,

Je voudrais d’abord saluer tous les journalistes mexicains. J’ai pu observer qu’ils avaient beaucoup travaillé et je tiens à les remercier. Et bien entendu les journalistes français qui m’ont accompagné et qui, une fois de plus, ont assumé quelques moments pas toujours commodes, qui sont ceux des voyages officiels.

Je suis content de ce voyage. Je considère qu’il s’est très bien passé. Nous avons été reçus avec des égards que je considère comme exceptionnels et j’en suis particulièrement reconnaissant au Président ZEDILLO et aux autorités mexicaines.

Nous avons eu des échanges de vues sur tous les sujets que vous connaissez. Je ne vais pas développer, si ce n’est en répondant à vos questions, ce que nous avons fait puisque vous le savez. Je voudrais simplement dire que je pense qu’aussi bien pour le Mexique que pour la France, ce voyage aura été un élément de forte relance de la relation entre le Mexique et la France, entre l’Union européenne et l’Amérique latine. Je crois qu’il venait à son temps.

Je suis prêt à répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser.

QUESTION - Monsieur le Président, quel parallèle ou quelle différence faites-vous entre votre visite d’Etat au Mexique et celle qu’avait faite, il y a trente-quatre ans, le Général de Gaulle. Et à ce moment-là, vous étiez, si je ne me trompe, son conseiller ?

LE PRÉSIDENT - Non, je n’étais pas son conseiller, j’étais celui du Premier ministre, de son Premier ministre qui s’appelait Monsieur Georges POMPIDOU.

Il y a au moins un point commun entre le voyage du Général de Gaulle et le mien : c’est que nous avons eu tous les deux le privilège de parler, le privilège rarissime de parler devant les deux Chambres réunies. J’ai bien sûr été extrêmement sensible à ce geste de la part du Parlement du Mexique. Il y a eu une différence importante, c’est que je ne me suis pas exprimé au balcon du Palais national, peut-être sera-ce pour la prochaine fois ? Et si je pouvais formuler un voeu, toujours dans le cadre de cette comparaison, c’est que les effets positifs de la relation entre nos deux pays soient, à la suite de mon voyage, de la même nature que ceux qui avaient été enregistrés au lendemain du voyage du Général de Gaulle.

QUESTION - Monsieur le Président, il y a des organismes et des groupements dans l’Union européenne qui veulent retarder l’accord de libre-échange avec le Mexique car ils considèrent qu’ici on ne respecte pas les Droits de l’Homme : qu’en pensez-vous ?

Deuxième question, Monsieur le Président, l’on connaît la sympathie que Madame MITTERRAND a pour le sous-commandant MARCOS. Je crois que c’est l’impression de la majorité des Français, qui le voient comme le chantre de ceux qui veulent libérer les opprimés ?

LE PRÉSIDENT - D’abord en ce qui concerne l’accord entre l’Union européenne et le Mexique, je voudrais rappeler qu’il s’agit d’un accord de coopération économique, politique et culturelle qui a été engagé sur initiative française en 1994 et qui se déroule tout à fait normalement puisqu’il est maintenant signé depuis 1997 et que les parlements européens sont en train de le ratifier. La loi de ratification a été votée hier par le Sénat français. Par conséquent, il n’y a de ce point de vue aucun problème. Puisque vous avez évoqué les Droits de l’Homme, je vous rappelle que, dans ces accords, il y a une déclaration commune sur le respect des Droits de l’Homme. Donc entre l’Union européenne et le Mexique, au titre de l’accord de coopération, il n’y a strictement aucun problème qui se rattache aux Droits de l’Homme.

En ce qui concerne ce que vous appelez " l’accord de libre-échange ", c’est un autre problème qui est encore plus éloigné des problèmes politiques. Il s’agit d’une perspective d’une zone de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne à laquelle la France est favorable, et dont les discussions ont commencé, il y a trois jours, le 9 novembre à Mexico. Et elles vont se poursuivre. On peut imaginer que dans deux ans, dans trois ans, je ne sais pas exactement les délais qui seront nécessaires aux diplomates pour négocier cet accord, on puisse avoir un accord de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne. Vous noterez que c’est plus facile avec le Mexique qu’avec les pays d’Amérique du Sud parce qu’il n’y a pas de difficultés entre l’Union européenne et le Mexique dans le domaine agricole.

Pour répondre à votre deuxième question, Madame MITTERRAND s’intéresse beaucoup à la question du Chiapas et, d’ailleurs, je l’ai reçue à sa demande juste avant de partir au Mexique. Elle m’a développé son point de vue. Nous connaissons bien cette affaire. Moi je ne suis pas, je crois, suspect d’intolérance à l’égard des peuples premiers. Chacun sait que j’aime et que je respecte leur civilisation. Donc j’essaie de voir les choses avec le maximum de sérénité. Je souhaite que les accords qui ont été passés en 1996 puissent se dérouler normalement, et j’ai cru comprendre que, prochainement, des négociations pourraient conduire à une solution qui soit respectueuse des droits de chacun dans ce problème concernant certaines populations du Chiapas.

QUESTION - Est-ce que le Mexique est une porte d’entrée pour les Etats-Unis, depuis la constitution de l’ALENA ?

LE PRÉSIDENT - La porte d’entrée, ce n’est pas un problème d’ALENA. Il est certain que le Mexique est pour l’Europe une porte d’entrée sur l’ensemble du marché nord-américain et qui peut intéresser beaucoup d’investisseurs, de chefs d’entreprise français ou européens. Ce qui est certain, également, c’est que la France est pour le Mexique une bonne porte d’entrée. Les accords que nous avons passés, assez nombreux, et notamment dans le domaine des investissements, vont dans ce sens. Je crois qu’une forte entente entre le Mexique et la France, que rien ne sépare réellement, eux qui ont du monde la même vision, qui ont des Droits de l’Homme la même vision, qui ont des intérêts communs, notamment sur le plan économique, les conduit à renforcer cette coopération entre eux. C’est exactement ce que nous avons essayé de faire à l’occasion de ce voyage.

QUESTION - Monsieur le Président, en juin 1996, à l’Elysée, vous avez déclaré : " La France est d’Amérique. Elle est d’Amérique par ses trois régions de la Martinique, de la Guyane et de la Guadeloupe ". Pour votre déplacement, ici, au Mexique, et demain au Guatemala, vous avez souhaité avoir auprès de vous deux élus de ces trois régions. Je voudrais donc savoir, Monsieur le Président, si cela veut dire que vous souhaitez que ces trois départements français jouent, ici, plus encore aujourd’hui, le rôle de base avancée de la France et de l’Europe dans cette partie du monde dont la plupart des pays font, d’ailleurs, partie de l’Association des Etats de la Caraïbe comme la France ?

LE PRÉSIDENT - Oui, c’est exactement ce que je pense. Je crois d’une part que ces départements des Antilles et de la Guyane sont effectivement une base avancée de notre pays dans cette région d’Amérique latine ou de la Caraïbe et que nous devons en tenir le plus grand compte. La présence, ici, de deux élus de cette région n’est effectivement pas un hasard. Mais je dirais qu’il y a un deuxième aspect des choses qui me tient à coeur, c’est que ces départements doivent également s’intégrer dans leur contexte régional. Pendant très longtemps, la France avait été un peu frileuse à l’égard de ses départements d’outre-mer. Elle considérait qu’il pouvait être dangereux de trop les intégrer dans l’ensemble régional. Je crois que cette idée a fait son temps et, qu’aujourd’hui, chacun a conscience de l’importance qu’il y a à ce qu’ils soient bien intégrés dans leur région. C’est donc les deux objectifs, si vous le voulez, que je souhaite atteindre pour ce qui concerne nos départements d’outre-mer.

QUESTION - Monsieur le Président, vous vous êtes, avec les chefs d’entreprise français, personnellement impliqué dans la vaste opération d’aide humanitaire aux pays sinistrés de la région. Est-ce là l’expression d’une nouvelle approche, d’une nouvelle philosophie de la politique extérieure de la France ?

LE PRÉSIDENT - La France a toujours participé très activement à l'aide en général et à l'aide humanitaire en particulier. Quand on va dans beaucoup de pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine, et qu'on est Français, on est fier d'entendre parler des "french doctors", qui d'ailleurs sont souvent étrangers. Mais c'est dire que la France s'est engagée depuis longtemps dans l'aide humanitaire.

Dans quelques jours, Xavier EMMANUELLI, qui est ici, va lancer le SAMU international, après avoir lancé le SAMU de Paris et le SAMU national. Les ONG françaises sont extrêmement présentes partout et aujourd'hui même elles le sont dans toute l'Amérique centrale, très actives avec à la fois leurs moyens techniques et l'appel à la générosité qu'elles font et qu'elles savent faire.

Le Gouvernement français a toujours été dans les premiers à réagir de façon positive par des crédits publics dans les cas de drames, de problèmes de la nature de celui de l'ouragan Mitch. Donc je ne peux pas dire que l'on change de politique. Je rappelle d'ailleurs que globalement, je le dis souvent mais c'est important, la France est le deuxième donneur d'aide publique au développement, ce qui est aussi une forme d'aide humanitaire, dans le monde, après le Japon et avant les Etats-Unis. Donc je le répète, c'est une constante de la politique française.

Le drame dont la Méso-Amérique a été la victime est bien connu, notamment grâce aux journalistes qui sont sur place. Car au fond les choses ne touchent que lorsqu'elles sont connues, ce qui est assez normal. Nous sommes maintenant dans un monde où l'information circule très vite. Il y a énormément de journalistes, notamment français, dans ces quatre pays et l'information est très connue.

Je crois donc que le moment est venu peut-être, et c'est ce que je souhaite, de faire prendre conscience que la mondialisation c'est très bien, c'est nécessaire, ça doit être maîtrisé, je n'y reviendrai pas, j'en ai souvent parlé, mais que cela comporte également une solidarité plus importante. D'une façon ou d'une autre, on pourrait imaginer une sorte de sécurité sociale internationale. Ce n'est peut être pas le mot exact qui convient, l'important c'est l'idée : il semblerait légitime et naturel que lorsque des pays, surtout bien entendu les pays les plus pauvres, sont victimes de coups du sort de cette nature, il y ait beaucoup plus automatiquement une prise en compte de leurs souffrances, de leurs douleurs et de leurs besoins de reconstruction. Peut-être que la réaction du monde -et vous aurez observé que la France a été l'un des premiers à réagir- que la réaction du monde qui est extrêmement positive, davantage que ce que l'on a pu observer dans le passé, est un premier pas vers la prise de conscience de la nécessité d'assurer une solidarité internationale, une sorte de sécurité sociale internationale à l'égard de ceux qui sont victimes d'événements de cette nature.

QUESTION - Monsieur le Président, hier, au cours de l'allocution au Congrès, vous avez réitéré que la France et le Mexique pourraient ensemble reconstruire un ordre mondial au plan financier. J'aimerais que vous me disiez comment concrètement le Mexique participerait à la reconstruction de ce nouvel ordre mondial.

LE PRÉSIDENT - La construction d'un nouvel ordre mondial qui assure davantage de stabilité et qui évite les accidents dans le monde monétaire et financier suppose sans aucun doute une initiative forte de la part des principaux pays du monde, ceux qui sont regroupés dans le G7. Mais l'expérience prouve qu'aujourd'hui ce n'est pas suffisant, et que, lorsqu'il y a des désordres, les premières victimes sont les pays émergents plus que les pays industrialisés. Et donc on ne peut pas imaginer de construire un ordre mondial nouveau sans y associer étroitement les pays émergents.

Alors, c'était un peu l'idée qui m'avait guidé lorsque nous avons réuni le G7 à Lyon, où j'avais pris soin avant de lancer les idées qui étaient celles de la France et qui n'ont pas changé, et qui ont petit à petit un peu progressé en ce qui concerne un peu de mise en ordre, de consulter trois ou quatre grands pays émergents. C'était la première fois qu'on le faisait. J'avais notamment consulté le Président du Mexique, j'avais eu tout un échange avec lui, ce qui m'avait permis de prendre en compte son point de vue, qui était d'ailleurs extrêmement intéressant, et d'en rendre compte pendant la réunion du G7 et après la réunion. J'ai pris soin de le tenir informé dans le détail de ce qui se préparait, de ce que l'on avait décidé d'engager et là encore il y a eu un nouveau dialogue et nous avons tenu compte, et nous nous sommes aperçu qu'on était bien inspirés de tenir compte, de l'avis de chefs d'Etat de trois ou quatre grands pays émergents et notamment du Mexique, au premier rang.

Quand il y a eu les autres G7 qui ont suivi, la France n'assumait plus la présidence, mais dans le même esprit j'ai continué. Et maintenant je crois que chacun comprend que l'on ne peut pas reconstruire l'ordre monétaire international exclusivement au sein de sept pays et qu'il est indispensable que les grandes puissances émergentes, qui vont de la Chine au Mexique, soient également présentes dans cet exercice nécessaire.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez eu un déjeuner ce matin avec des chefs d'entreprise mexicains de la communication. J'aimerais savoir si vous envisagez certaines possibilités d'investissement ou des possibilités d'expansion de certains moyens de communication mexicains vers la France ou français vers le Mexique. Comment comptez-vous prendre en compte la différence de langue ?

LE PRÉSIDENT - J'avais depuis longtemps conscience de la force du système médiatique mexicain et c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité rencontrer les principaux acteurs de ce système médiatique. Je n'ai pas été déçu. J'ai trouvé des personnalités extraordinairement allantes, responsables, et qui réussissent remarquablement. Bien entendu, ils se fondent pour leur progression spectaculaire aux Etats-Unis, et plus généralement dans le reste du monde, sur ce véhicule privilégié qui est la langue espagnole. Mais c'est un véhicule qu'ils n'utilisent pas en tant que tel, dans la mesure où il concerne beaucoup de cultures par ailleurs très différentes les unes des autres et dont ils ont su intégrer toutes les caractéristiques. C'est vrai notamment dans le domaine de la musique.

Je constate de façon d'ailleurs croissante que les programmes français, qu'il s'agisse de la musique ou des films, ont une grande importance dans les médias mexicains et je m'en réjouis. Je souhaite que ceux-ci viennent davantage en Europe, de façon également à donner un peu de dynamisme à l'ensemble de notre système médiatique. On ne peut pas se refermer sur nous-mêmes. Avec néanmoins une limite que je leur ai indiquée, c'est que nous sommes tout à fait déterminés à nous battre pour la diversité culturelle du monde, ce qui explique certaines des décisions que nous avons prises récemment, notamment pour l'AMI. Ce qui ne veut pas dire qu'on veut se replier. Ce qui veut dire simplement que nous avons, en tant que pays francophone et au sein d'un espace francophone qui comporte cinquante deux nations, une responsabilité particulière. Je me suis beaucoup réjoui de voir qu'ils étaient tous favorables à l'accord que nous avons signé sur le respect de la diversité culturelle.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit à l'instant que pour faire face à la mondialisation sauvage, il fallait une sorte de sécurité sociale internationale. J'aimerais savoir si vous avez quelque chose de précis en tête. Comptez-vous prendre une initiative pour que ce genre de projet, qui appartient peut-être aussi à d'autres chefs d'Etat, soit coordonné, qu'il y ait quelque chose de concret qui aboutisse et que si c'est un voeu solennel, cela ne soit pas un voeu personnel au Président de la République française.

LE PRÉSIDENT - J'ai fait cette réponse à une question que l'on me posait. J'ai personnellement des idées. Comprenez bien que ce n'est pas simplement en les exprimant qu'on peut faire avancer les choses. Je compte m'en entretenir avec un certain nombre de chefs d'Etat avant de les rendre publiques.

QUESTION - Pour revenir à l'Amérique centrale, je voudrais savoir à propos de la dette bilatérale ce qu'il en est. On dit qu'elle pourrait être annulée pour certains pays et seulement réduite pour d'autres.

LE PRÉSIDENT - Je pars pour le Guatemala demain. Je visiterai les trois autres pays touchés et j'aurai l'occasion de m'exprimer sur l'ensemble des problèmes de l'aide française, que ce soit l'aide publique, l'aide privée, car les entreprises privées ont décidé de faire collectivement un effort très important à l'occasion de ce déplacement, ou l'aide des ONG. Je dirai ce que la France compte faire en matière de dette. Je ne veux pas mélanger les genres, nous sommes ici au Mexique. J'en parlerai demain ou après demain au Guatemala.

QUESTION - Je voulais vous parler de la crise irakienne qui se produit alors que vous visitez ce beau pays qu'est le Mexique. C'est une préoccupation pour la communauté internationale. Une fois de plus, les Etats-Unis d'Amérique, pays voisin, sont prêts nous dit-on à frapper fortement et d'une manière imminente. La France, bien évidemment, est partie prenante dans cette crise en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et alliée des Etats-Unis. Je voudrais savoir à l'heure où nous parlons quelle est exactement la situation telle que vous la connaissez ?

LE PRÉSIDENT - Il y a d'abord une initiative qui a été prise par le Président irakien, que chacun connaît, je parle de l'initiative, qui était une initiative à la fois inexplicable, inacceptable et d'ailleurs inexcusable. Je crois que l'ensemble de la communauté internationale a eu sur ce point la même réaction. A partir de là, un engrenage s'est mis en marche qui ne peut conduire, si rien ne se passe, qu'à une confrontation. Je veux dire une confrontation militaire. Alors, pour le moment, les choses ne sont pas réglées. Il y a une activité intense qui se déploie depuis hier au Conseil de sécurité des Nations Unies. Il y a, semble-t-il, une proposition britannique qui doit être examinée. Nous verrons. Moi, je suis favorable à une solution diplomatique, bien entendu. Mais une solution diplomatique passe d'abord et avant tout par l'Irak. C'est à lui de dire s'il est prêt ou non à remettre, si j'ose dire, le compteur à zéro et à engager un processus diplomatique.

QUESTION - Si vous me le permettez, Monsieur le Président, une question. Le Mexique connaît un problème très grave d'insécurité publique. Vous avez parlé d'un accord d'un milliard de francs qui a été signé en la matière. Pouvez-vous nous expliquer la teneur de cet accord. Est-ce pour de l'armement, de meilleurs équipements ?

Si vous le permettez également, on considère le Mexique comme un pays exportateur de drogue. J'aimerais savoir si ceci constitue pour vous une préoccupation que notre pays ait ce genre de réputation. Quelle est votre position sur la lutte contre la drogue ?

LE PRÉSIDENT - C'est vrai que, comme dans beaucoup de pays malheureusement, il y a au Mexique une insécurité grave. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir bien sûr avec le Président, avec le ministre de l'Intérieur, avec également le chef du gouvernement du district de Mexico. Un accord a été signé, qui est un accord à la fois de coopération et un accord technique. De coopération pour, notamment, la formation de la police ; les autorités mexicaines considèrent qu'elles ont besoin de renforcer la formation de leur personnel de police. Et technique, avec des matériels qui soient tout à fait modernes pour la recherche et l'exploitation de l'information sur les actions criminelles.

Pour la drogue, je ne crois pas qu'on puisse dire que le Mexique est un pays d'exportation. C'est un pays de transit plus que d'exportation. Nous sommes très sensibles en France au problème de la drogue, parce que, comme tous les pays, nous sommes victimes de ce problème. Donc, nous sommes extrêmement attachés à tout ce qui peut lutter contre le trafic et la consommation de la drogue. Mais je me garderai bien d'accuser le Mexique de quoi que ce soit, ni d'ailleurs quiconque d'autre.

Lorsqu'il y a eu, à l'initiative du Mexique, la réunion de l'assemblée générale des Nations Unies sur la drogue, à laquelle je me suis rendu et où j'ai parlé au nom de la France, j'ai surtout souligné que la responsabilité en matière de drogue n'était pas la responsabilité des producteurs. C'est une responsabilité partagée des pays producteurs et des pays consommateurs. S'il n'y avait pas de consommateurs, il n'y aurait pas de producteurs. S'il n'y avait pas de producteurs, il n'y aurait pas de consommateurs, naturellement. Ce qui veut dire que c'est une responsabilité partagée. J'ai eu souvent l'occasion de dire aux responsables américains, qui représentent un pays qui consomme en gros la moitié de la drogue consommée dans le monde, que l'effort essentiel devait porter sur la réduction de la consommation à l'intérieur des pays consommateurs. C'est comme cela que l'on luttera le plus efficacement contre la production. Une production qui peut continuer à se développer un peu partout dans le monde. Donc ne jetons pas d'anathème dans ce domaine mais essayons d'avoir une politique déterminée pour lutter aussi bien contre la consommation que contre la production.

QUESTION - Nous aimerions connaître votre opinion sur le processus de paix au Pays basque espagnol et si ceci pourrait avoir une influence d'une certaine façon sur la région basque française.

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas pour habitude de faire d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Espagne. Vous savez que nous avons une coopération franco-espagnole excellente dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de terrorisme. Si véritablement une solution peut être trouvée et qui convienne aux Espagnols, je m'en réjouirais, j'en serais très heureux. Et j'imagine que cela ne peut pas avoir d'effet négatif sur le Pays basque français.

QUESTION - Monsieur le Président, ce matin vous avez condamné les criminels commettant des crimes contre l'humanité et vous avez appelé la jeunesse mexicaine à ne pas accepter ou ne pas admettre l'impunité. Quelle est votre opinion sur la situation judiciaire du Général Pinochet en Angleterre ? Et que pensez-vous des processus de demandes d'extradition qui existent de la part de la France, de l'Espagne et d'autres pays.

LE PRÉSIDENT - J'ai dit ce que j'avais à dire sur ce sujet ce matin sur le plan des principes. Vous me posez une question concernant Monsieur Pinochet dont le dossier est entre les mains de la justice, ce qui ne m'autorise pas à faire de commentaires à son sujet.

QUESTION - Dans très exactement 48 heures vous serez en mi-mandat, je voudrais savoir si à ce stade vous avez des souhaits et éventuellement des regrets.

LE PRÉSIDENT - J'ai beaucoup de souhaits pour la France, quelques regrets de ce qui ne va pas aussi bien que je le souhaiterais et une grande ambition pour essayer de faire en sorte que ça aille mieux.

QUESTION - Monsieur le Président, hier devant le Congrès mexicain vous avez expliqué, en parlant en général je suppose, que seule l'ONU avait légitimité pour agir. Si les Américains décidaient d'intervenir seuls contre l'Irak, est-ce que vous diriez qu'ils le font hors de toute légitimité.

LE PRÉSIDENT - C'est que la France considère que toute action militaire doit avoir l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Et si par conséquent une action militaire se déroule en dehors de cet aval, elle est en dehors des règles telles que nous les concevons. C'est un fait, et je le déplore.

QUESTION - J'ai aussi une question sur l'Irak, complémentaire : au cas où la solution diplomatique échouerait, est-ce que la France pourrait appuyer les frappes américaines ?

LE PRÉSIDENT - Nous sommes en ce moment en pleine expectative, en pleine étude du dossier. Par conséquent votre question est pour le moins prématurée. Je n'y répondrai pas et même si j'avais déjà arrêté ma position, je ne vous le dirais pas.

QUESTION - J'aimerais Monsieur le Président savoir un point : vous savez que la crise financière touche l'Asie, l'Amérique latine, le Mexique, mais également l'Europe. Et j'aimerais connaître votre point de vue sur les perspectives de développement de cette crise.

Deuxième question : quelle est la contribution de la France dans la recherche de solutions à cette crise mondiale.

LE PRÉSIDENT - La crise existe, personne ne peut le contester. Cela suppose, j'en ai parlé tout à l'heure, que des mesures soient prises dans l'immédiat comme on le fait, et à moyen terme, en reconstruisant un système monétaire international qui soit adapté à la situation de globalisation que connaît le monde.

Vous me dites : qu'est-ce qu'on fait ? Eh bien on vient de faire une chose importante dont je tiens à souligner combien je m'en réjouis. Ce sont les mesures prises en ce qui concerne le Brésil. Vous avez pu entendre que tout à l'heure Monsieur Camdessus avait annoncé les mesures prises par le FMI pour ce qui concerne le Brésil avec, je dirais, un montant financier qui permet de penser, compte tenu notamment des mesures extraordinairement courageuses prises par le Président CARDOSO, que le péril sera tout à fait écarté et avec lui celui qui pouvait être induit dans les autres pays de l'Amérique latine. On fait aussi des choses pour ce qui concerne l'Asie : le Gouvernement japonais a marqué sa volonté très ferme, et encore aujourd'hui, de poursuivre une politique d'assainissement de sa situation bancaire, notamment. Et je tiens, puisque vous être journaliste chinois, à rendre hommage à l'esprit de responsabilité et au courage des autorités chinoises qui, malgré les grandes difficultés auxquelles elles étaient confrontées, ont tenu à ne pas dévaluer leur monnaie pour ne pas augmenter les difficultés de la planète. Et nous devons tous leur en être reconnaissants.

Je vous remercie.





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