Réunion du G7: Point de presse du Président de la République.

Réunion du G7:Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République.

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Birmingham, Royaume Uni, le vendredi 15 mai 1998

LE PRÉSIDENT - Nous allons donc sortir de la réunion du G7. Vous allez avoir très bientôt le communiqué. Je trouve que la salle de presse est bien. Ceux qui ont eu l'occasion de venir souvent au G7 pourront témoigner du fait, me semble-t-il, que cette réunion fait partie des bonnes, des bien organisées, et l'accès le long de ces canaux est vraiment très joli. Je ne connaissais pas Birmingham, c'est la première fois que je viens dans cette ville, et je ne m'étais pas imaginé que c'était aussi joli. Quelqu'un m'a dit -c'est Bill CLINTON- qu'il y avait, ici, plus de canaux en longueur, en kilométrage, qu'à Venise. C'est très joli.

Nous avons eu, je serai bref parce que vous êtes parfaitement informés, d'abord un rapport sur la situation économique qui a été introduit par le Président des Etats-Unis, et qui, au fond, globalement, a eu pour effet, d'une part d'apporter un plein soutien à l'effort fait par les autorités japonaises pour relancer leur économie et sortir de cette espèce de situation de crise dans laquelle le Japon se trouve et le G7 a voulu envoyer un signal fort, de confiance pour ce qui concerne la situation au Japon. Confiance aussi dans la croissance économique qui, en fonction des pays, semble être maintenant mieux affirmée et constatation que dans le monde tel qu'il est et tel qu'il devient, la croissance dans l'avenir dépendra de la capacité de chacun de nos pays, de tous les pays du monde, bien entendu, notamment de poursuivre ou de mettre en oeuvre les réformes qui s'imposent pour s'adapter au monde d'aujourd'hui.

Nous avons ensuite -cela c'était une communication qui m'avait été demandée- parlé de la nouvelle architecture financière internationale. C'est une priorité, la réforme du système ou le renforcement du système monétaire international, pour la France vous le savez, depuis le G7 de Lyon. Il faut noter que l'on a fait d'importants progrès, d'ailleurs si l'on n'avait pas fait de progrès, nous n'aurions pas pu maîtriser la crise asiatique, comme cela a été fait, parce que nos instruments, essentiellement le Fonds monétaire international et les moyens qui avaient été mis en oeuvre après les décisions de Lyon, ont permis de maîtriser cette crise et donc d'éviter le pire. Nous avons bien souligné, une fois de plus, que le rôle du FMI a été capital et que c'était là la pierre angulaire de l'action.

J'ai fait trois propositions :

Premièrement, un suivi annuel, au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement qui me paraissait utile. Quand on regarde comment se passent ces réunions entre les réunions formelles elles-mêmes et les contacts bi, tri ou quadrilatéraux qui peuvent se faire entre les réunions, on s'aperçoit que ce G8 ou ce G7 pour cette après-midi, est un formidable cercle de réflexions et aussi d'impulsions politiques. On l'a bien vu dans l'affaire monétaire internationale.

Deuxièmement, j'ai demandé que le comité intérimaire du FMI devienne un organe décisionnel, qui soit un organe responsable, de façon à mieux associer les principaux pays du monde qui sont concernés par la gestion du système monétaire international, que ce ne soit pas seulement les Sept ou les Huit qui décident, mais qu'il y ait davantage de gens qui décident. Alors le comité intérimaire du FMI est évidemment une bonne instance.

Troisièmement, j'ai proposé de faire une conférence annuelle, d'ailleurs j'ai posé la candidature de Paris, mais cela peut avoir lieu ailleurs, au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement, pour suivre l'ensemble de ces problèmes. Alors cela a été enregistré, pas encore décidé, mais enfin cette affaire est lancée.

Après, nous avons discuté de l'Ukraine pour dire, si je résume le sentiment général, qu'il y avait une espèce de mode qui était probablement dépourvue de tout fondement, naturellement, et qui consiste à ne voir en Ukraine que ce qui ne va pas. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de choses qui ne vont pas. C'est extrêmement décourageant, notamment pour l'Ukraine et pour les Ukrainiens cette vision pessimiste de ce pays. Chacun a apporté sa réflexion, Helmut Kohl qui connaît bien l'Ukraine, Jean Chrétien qui y va en voyage officiel très prochainement avec beaucoup d'hommes d'affaires, moi-même qui vais aussi en Ukraine bientôt, les autres. Nous nous sommes retrouvés ou rencontrés sur un jugement beaucoup plus confiant et beaucoup moins pessimiste que ce que l'on voit d'habitude, ce que l'on entend.

Nous avons enfin parlé des problèmes liés à la sûreté nucléaire.

Voilà en gros ce qui s'est passé. Ce soir, pendant le dîner, nous aurons les grands problèmes politiques d'actualité. Nous les traiterons à huit, qu'il s'agisse du Kosovo, des problèmes israélo-palestiniens ou israélo-syro-libanais, qu'il s'agisse de l'Inde et des problèmes de la reprise de ses essais nucléaires, qu'il s'agisse du Pakistan, qu'il s'agisse de l'Indonésie et de sa situation politique et économique actuelle. Enfin, bref, les grands problèmes politiques seront traités ce soir.

Voilà, j'aurai l'occasion de vous en reparler donc demain ou après demain à mon prochain point de presse.

QUESTION - M. le Président, à propos de la situation financière en Asie et du rôle du Japon, est-ce que les dirigeants des pays les plus industrialisés ont émis un avis sur la nécessité des réformes de structures économiques ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, je vais vous répondre sur le rôle du Japon dans la crise financière. Je vous cite les chiffres de mémoire, à mon avis, l'ensemble du monde a dû mobiliser quelques 110 ou 120 milliards de dollars pour maîtriser la crise en Asie, cela fait beaucoup d'argent, soit au travers des institutions internationales, soit de façon bilatérale. Sur ces 110 ou 120 milliards de dollars, le Japon doit intervenir pour 45 milliards, entre 45 et 50. Il faut donc bien voir que le Japon a eu un rôle déterminant dans les moyens mis en oeuvre pour lutter contre la crise là-bas. Tout le monde a rendu hommage au Japon dans ce domaine. Chacun a conscience, les Japonais en particulier, de la nécessité de faire aujourd'hui un effort dont je ne suis pas certain qu'il soit forcément un effort de réformes de structure. Ce serait vrai pour un pays occidental. Je ne suis pas sûr que ce soit aussi vrai pour le Japon, sauf pour ce qui concerne une plus grande ouverture de ses marchés à l'égard de l'extérieur. Mais on parle beaucoup, je le lis ici ou là, les experts, les économistes, etc., parlent beaucoup des réformes de structure au Japon. Je ne suis pas certain que ce ne soit pas quelque chose d'un peu éthéré comme réflexion et que cela corresponde véritablement au Japon. En revanche, il y a deux choses pour lesquelles le Japon a été encouragé, c'est d'une part, l'ouverture et je pense que c'est aussi pour le Japon un moyen de redonner une impulsion à son économie, contrairement à la vieille tradition de fermeture japonaise, cela se fait, les progrès sont déjà substantiels depuis un ou deux ans. D'autre part, le plan de relance qui a été imaginé et mis en oeuvre par l'actuel Premier ministre du Japon et dans lequel les membres du G7 ont exprimé leur confiance unanime après une réflexion.

QUESTION - Vous disiez que l'Indonésie n'était pas au menu de la réunion du G7, mais ce sera à l'ordre du G8. Par contre c'était au menu, je crois, de votre rencontre avec M. Clinton. Que vous vous êtes-vous dit sur ce thème ? Est-ce que le sort (entre guillemets) de M. SuHarTO a été évoqué entre vous deux ?

LE PRÉSIDENT - J'avais souhaité rencontrer, faire le point directement avec le Président CLINTON avant le début du Sommet, parce que c'est vrai qu'on se dit mieux les choses, les yeux dans les yeux qu'au téléphone. Je l'avais invité à déjeuner. Nous avons déjeuné ensemble. Nous avons naturellement parlé d'un certain nombre de choses et notamment de tous les problèmes d'actualité y compris celui de l'Indonésie. Mais nous allons en parler à huit ce soir. Permettez-moi de ne pas faire de déclaration prématurée. Je préfère faire mes commentaires quand on en aura parlé à huit. C'est un peu un club, donc il faut en respecter les règles. Ceci étant, je peux vous donner mon sentiment personnel.

Je crois que je suis inquiet parce que sur la seule Indonésie, on a dû mobiliser, je parlais de chiffres tout à l'heure, à mon avis, plus de 40 milliards de dollars. C'est donc très important. Il est manifeste que la situation politique actuelle ne va pas permettre l'application des mesures qui s'imposent et que le FMI a imposé, et qui sont inévitables. Nous sommes très conscients des mesures sociales de ces mesures notamment pour ce qui concerne le réajustement des prix. On peut imaginer de demander à la Banque mondiale à la fois d'accélérer et peut-être d'augmenter son effort pour ce qui concerne les conséquences sociales. Mais si véritablement il ne devait rien se passer en Indonésie, alors, on aurait à craindre très sérieusement une reprise de la crise financière qui aurait des conséquences encore plus graves, économiques mais aussi sociales. Je ne veux pas faire d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Indonésie, ce n'est pas à moi qu'il appartient de dire si c'est au Président SUHARTO ou à un autre de le faire, mais ce que je sais, c'est qu'il est capital de retrouver en Indonésie un pouvoir politique apte à mettre en oeuvre les réformes indispensables pour maîtriser la crise financière.

QUESTION - M. le Président, je voudrais revenir aux trois propositions que vous avez faites concernant le rôle du FMI, d'abord vous ne nous avez pas dit, pour la deuxième proposition que le comité intérimaire du FMI devienne un organe décisionnel, si vos partenaires ont été d'accord ?

LE PRÉSIDENT - C'est très bien parti. Ce n'est pas encore décidé, mais je dirais que c'est très bien parti.

QUESTION - Je voudrais savoir, c'est un début de réflexion. Qu'est-ce qui va se passer par la suite, est-ce qu'il y aura dans d'autres instances ou d'autres G8, est-ce que l'on rediscutera de ce problème, ou est-ce des experts qui vont s'en occuper ? Selon vous, cette nouvelle architecture, elle doit devenir quoi et quand ?

LE PRÉSIDENT - Elle doit essentiellement renforcer notre système monétaire international, il ne s'agit pas de le réformer. Ce qui veut dire, notamment, lui donner plus de transparence. Alors cela suppose un certain nombre d'efforts qui incombent un peu à tout le monde et notamment aux principaux pays. Les choses ont avancées depuis Lyon où nous avons pris les premières décisions concernant les institutions financières internationales. L'effort s'est poursuivi. Nous sommes encore loin d'un résultat satisfaisant. Naturellement les experts travaillent, ce que j'ai proposé, c'est un pas de plus dans la bonne direction. On va continuer.

QUESTION - Que vont dire les dirigeants, ce soir, sur le processus de paix ?

LE PRÉSIDENT - Je crois que tout retard, aujourd'hui, dans le processus de paix -si on peut encore parler de processus de paix- est extrêmement dangereux. Et plus on retarde, plus le danger s'accroît. Je n'ai pas besoin de vous dire que la France est consternée par une situation qui nous fait désespérer de voir repartir le processus de paix. Il y a, actuellement, des discussions. Il y a un plan qui a été présenté par les Américains. Je crois que le Premier ministre, M. NETANYAHOU est en train d'en parler avec Mme ALBRIGHT. Je crois que le plan américain qui a été accepté par le Président ARAFAT est vraiment l'extrême ce qui peut être donné -même sans respecter tous les engagements pris-, aux Palestiniens. Je souhaite que les Américains aient assez de puissance de conviction pour convaincre le Premier ministre M. NETANYAHOU d'accepter vraiment ce qui est un petit minimum, si on compare aux ambitions élevées qui étaient celles de ses prédécesseurs et qui avaient été actées à Madrid, à Oslo et rien à Tabah.

QUESTION - M. le Président, pour poursuivre sur le Moyen-Orient, est-il vrai qu'il y ait des divergences franco-américaines sur l'attitude du gouvernement israélien ?

LE PRÉSIDENT - Je peux vous dire qu'il n'y a aucune divergence entre le gouvernement américain et la France sur ce sujet. Le gouvernement américain, je le répète, a fait une proposition. La France a soutenu cette proposition sans réserve, le Président ARAFAT l'a acceptée, dans son principe, à condition qu'elle ne soit pas modifiée et la position de la France, comme la position des Etats-Unis, c'est une volonté d'appliquer les propositions américaines récentes, strictement.

QUESTION - M. le Président, est-ce que la France condamne les essais nucléaires en Inde et la répression militaire en Indonésie, et d'autre part est-ce que la France vend des armes à l'Indonésie ?

LE PRÉSIDENT - Je ne crois pas que la France vende d'armes à l'Indonésie. Il est vrai que je n'ai pas vérifié en détail ce point, la France ne peut que regretter ce qui se passe en Indonésie, c'est le moins que l'on puisse en dire. La France regrette également la déstabilisation que risque de créer dans cette région la reprise des essais ou les essais effectués par l'Inde. C'est un sujet sur lequel nous nous exprimerons collectivement à l'issue d'un débat qui aura lieu ce soir, je vous l'ai dit.





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