Point de presse conjoint du Président de la République et du Président d'Angola.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. José Eduardo DOS SANTOS, Président de la République d'Angola.

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Palais de Futungo de Belas, Luanda, Angola, le mardi 30 juin 1998

M. DOS SANTOS - Monsieur le Président de la République française, Messieurs les membres de la délégation française, Messieurs et Mesdames les journalistes,

Avant de vous donner la parole pour que vous posiez vos questions, j'aimerais saisir cette occasion pour une fois de plus remercier le Président Jacques CHIRAC d'avoir si aimablement accepté mon invitation pour se rendre en Angola.

Nous avons eu des discussions très fructueuses. Nous avons analysé ensemble des questions politiques et économiques ainsi que les problèmes qui concernent la situation dans la région d'Afrique australe et d'Afrique centrale. Je peux vous dire que nous avons facilement trouvé une entente dans nos analyses de ces questions.

La principale préoccupation des Angolais, actuellement, et je pense qu'il s'agit aussi de la principale préoccupation de la communauté internationale, en ce qui concerne mon pays, c’est la consolidation de la paix en Angola.

Le Président de la République française et moi-même sommes arrivés à la même conclusion, c'est-à-dire que le pas le plus important dans ce sens serait l'intégration de Monsieur SAVIMBI, Président de l'UNITA, dans les institutions de l'Etat et l'acceptation de sa part du jeu politique, qu'il accepte aussi d'occuper l'espace qui revient à l'UNITA sur la scène politique angolaise.

Par ailleurs et encore en ce qui concerne la consolidation de la paix, j'ai demandé au Président de la République française d'utiliser son influence et son prestige en menant une action discrète et complémentaire qui permette de favoriser la détente de la situation en Angola et qui nous permette aussi d'aboutir plus rapidement à la conclusion du processus de paix.

En ce qui concerne les questions économiques, j'ai dit au Président de la République française que le Gouvernement angolais met son marché national à la disposition des hommes d'affaires français. Ce marché est en effet ouvert et nous pensons qu'un pas important pour la construction d'une économie de marché en Angola est fait actuellement.

Nous soulignons que nous aimerions beaucoup voir des entreprises françaises participer à l'économie de notre pays en nous présentant des offres compétitives avec des partenaires angolais ou autres et donc de voir des entreprises françaises participer à l'aventure de la reconstruction de l'économie nationale.

En ce qui concerne encore l'économie de notre pays, j'ai demandé au Président de la République française qu'il intercède auprès du FMI afin que le FMI traite notre pays avec compréhension et souplesse et qu'il tienne compte des conditions particulières d'un pays qui vient de sortir d'une longue guerre.

Nous avons senti de la part du Président CHIRAC une forte compréhension. Le Président CHIRAC a eu des mots et des gestes de soutien vis-à-vis de nous et nous lui demandons de transmettre au peuple français les sentiments d'amitié et de sympathie du peuple angolais ainsi que nos souhaits de renforcer les liens entre nos deux pays.

LE PRÉSIDENT - Le Président de l'Angola a dit tout ce qui devait être dit et je souscris tout à fait à son propos. Si bien que, avant de répondre aux questions, je n'ajouterai qu'une seule phrase pour remercier chaleureusement, du fond du coeur, en mon nom et au nom de la délégation, le Président DOS SANTOS et l'ensemble des autorités angolaises pour l'accueil qu'ils nous ont réservé et pour la qualité des contacts que nous avons pu avoir.

QUESTION - Ma question s'adresse au Président DOS SANTOS. Monsieur le Président vous avez parlé de l'intégration de Monsieur SAVIMBI dans les institutions de l'Etat, quel est le statut que vous pensez lui réserver ?

M. DOS SANTOS - Au fond, j'ai déjà répondu à cette question il y a quelques temps. Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a déjà approuvé un statut spécial qui définit l'intervention de Monsieur SAVIMBI dans tous les secteurs de la vie de la société angolaise, en tant que Président de l'UNITA. Je pense donc que j'avais déjà répondu à cette question auparavant et que vous connaissiez déjà la réponse.

QUESTION - Monsieur le Président DOS SANTOS, vous nous parlez d'une consolidation de la paix. En réalité nous, de l'extérieur, nous voyons plutôt un grave blocage du processus de paix tant sur le plan du désarmement que sur la restitution des territoires. D'autre part, Maître Blondin BEYE, si nous avions bien compris, était en Afrique de l'Ouest? au Togo notamment, pour tenter de sauver ce qui pouvait l'être.

Mes questions sur ce blocage du processus de paix sont celles-ci : jusqu'où ira votre patience si le processus de paix restait bloqué ? Comment réagirez-vous si le blocage persistait ? Et, au fond, finalement? craignez-vous quelque part un regain de violence et une reprise d'une guerre bien plus ouverte entre votre pouvoir et l'UNITA ?

M. DOS SANTOS - En ce qui concerne la recherche et la consolidation de la paix, je peux vous dire que ma patience n'a pas de limite. Je considère qu'il est de mon devoir, en tant que Président de ce pays, de chercher des solutions au conflit. Il est de mon devoir en situation de crise de trouver des solutions qui me permettront de conduire l'Angola à la réconciliation.

Il est évident que la situation actuelle est caractérisée par des actions militaires isolées dans certaines parties du territoire national mais aussi bien la police que nos forces armées suivent de très près l'évolution des événements. Par moment, elles ont dû prendre des mesures ponctuelles pour rétablir l'ordre. A d'autres moments, elles ont eu recours au mécanisme de la commission conjointe mais ce qui est un fait, c'est qu'elles essayent de trouver des solutions pour normaliser la situation dans la crise.

Il y aura peut-être un aiguisement de la situation dans un avenir proche. Nous ne le savons pas encore mais ce qui est un fait, c'est que nous devons rester optimistes.

En tant que dirigeant de ce pays nous devons étudier les mesures qui permettent que la crise ne s'aggrave pas et qu'on ne s'enfonce pas dans cette situation à partir de maintenant. C'est dans ce cadre que Maître BEYE s'est rendu au Gabon et au Togo et, comme vous le savez, il allait se rendre en Côte d'Ivoire.

J'ouvre là une parenthèse pour vous dire à quel point nous avons été touchés par sa mort, à quel point nous éprouvons de la douleur face à ce décès inattendu.

Mais ce qui est un fait, c'est que Maître BEYE nous a montré le chemin que nous devions suivre : le chemin du dialogue et de la recherche de solutions. Nous continuerons donc à travailler avec la commission conjointe, avec le Conseil de sécurité de l'ONU et, dans le cadre de la troïka, dans la recherche du dialogue afin d'aboutir à la paix.

Le travail de reconstruction nationale sera très long. Notre pays a été dévasté par des guerres depuis trente ans déjà. Ses infrastructures sont donc très abîmées, et souvent même complètement détruites.

Or les conditions, pour que ces processus de reconstruction puissent commencer et se développer, sont qu’il y a un soutien massif de la communauté internationale à l’Angola. Je lance donc un appel aux journalistes, ici présents, pour qu’ils nous aident en donnant l’image réelle de notre pays, afin de sensibiliser les institutions financières internationales pour qu’elles traitent l’Angola avec compréhension.

Si nous bénéficions du soutien financier et de l’aide technique qui nous est nécessaire, je suis sûr que, très rapidement, toute la population pourra sentir des améliorations dans sa vie de tous les jours et que tout un chacun pourra sentir ces bénéfices.

QUESTION - Monsieur le Président CHIRAC, le Président DOS SANTOS vous a parlé de ses préoccupations en ce qui concerne le FMI. J’aimerais savoir quelle est, à votre avis, la façon dont l’Angola pourrait être traité par le FMI et, à court terme, étant donné que vous souscrivez à ce que le Président DOS SANTOS nous a dit au début de la conférence de presse, quels sont les effets de votre action dans votre domaine ?

En ce qui concerne, maintenant, ce que la France pourrait faire de plus par rapport à l’UNITA, afin que l’UNITA respecte les accords de paix et j’insiste sur l’expression : " ce que la France peut faire de plus ", étant donné que des sanctions ont déjà été prises par le Conseil de sécurité, que d’autres sanctions seront prises demain, j’aimerais savoir ce que la France peut faire de plus pour mener l’UNITA à respecter les accords de paix ?

LE PRÉSIDENT - Tout d’abord, en ce qui concerne le Fonds monétaire international, la France considère que, chaque fois qu’il y a crise ou difficulté, il est bon d’avoir un accord avec le Fonds monétaire international. Cela impose, naturellement, quelques contraintes, mais c’est le meilleur moyen de résoudre les problèmes. L’Europe elle-même, avec son Traité de Maastricht, s’est imposée des disciplines qui sont de la même nature que celles du Fonds monétaire international.

Alors, je crois qu’un accord peut intervenir entre l’Angola et le Fonds, chacun faisant preuve d’un peu de flexibilité, comme le disait, très justement, le Président DOS SANTOS.

Je me propose, en tous les cas, de plaider la situation de l’Angola et la nécessité d’un accord, d’un accord, je le répète, équilibré parce qu’il faut tenir compte de la situation particulière de l’Angola, du fait qu’il se trouve dans une situation post-conflit. Je me propose donc de soutenir cette thèse auprès du Fonds monétaire international, moi-même et, naturellement, les représentants français au Fonds monétaire.

En ce qui concerne les accords de Lusaka, vous savez parfaitement que la France est favorable au respect intégral de ces accords. Elle s’est associée, elle a même milité pour que des décisions fermes soient prises à l’ONU, afin que les accords soient respectés. Elle pense que, en toute hypothèse, la réconciliation nationale et la paix vont ensemble, l’un n’ira pas sans l’autre.

Je voudrais dire que la sagesse c’est, naturellement, de travailler ensemble pour l’Angola de demain. C’est cela la vraie sortie de la crise que connait encore l’Angola. Et je pense que les hommes, auxquels vous avez fait allusion, doivent se retrouver pour sortir l’Angola de la difficulté et lui donner toutes ces chances dans l’avenir, des chances qui sont grandes ; j’ai dit ma confiance dans l’Angola, parce que l’Angola est un pays riche et un peuple capable d’assumer un développement important dans cette partie de l’Afrique.

QUESTION - Ma question s’adresse au Président CHIRAC. D’ailleurs, j’ai deux questions. La première concerne la façon dont la France voit actuellement le processus de paix en Angola à la suite du décès de Maître BEYE. Comment va évoluer le processus à partir de maintenant ?

Ma deuxième question concerne ceci : le Président DOS SANTOS a évoqué une certaine compréhension de la part du FMI vis-à-vis de l’Angola, je me demande si la France fait preuve de la même compréhension vis-à-vis de la dette de notre pays par rapport à la France, et qu’elle est la situation actuelle de cette dette.

LE PRÉSIDENT - Nous avons été tous extrêmement frappés et malheureux de l’accident tragique qui a coûté la vie à Monsieur Blondin BEYE, mais la vie continue et je souhaite que le nouveau représentant du Secrétaire général des Nations Unies puisse reprendre la mission de son prédécesseur et poursuivre jusqu’à atteindre l’objectif, c’est-à-dire la réconciliation. Il n’y a pas aujourd’hui de raison en Angola de se disputer. Il y a des institutions, ces institutions fonctionnent. Demain, il y aura des élections et les institutions continueront de fonctionner. Par conséquent, tout justifie et milite pour que la réconciliation intervienne et que les mouvements politiques de l’Angola se mettent ensemble pour traiter les problèmes et les résoudre.

Je vous parlais de la dette, il n’y a pas de problème particulier entre l’Angola et la France, mais il y a une dette générale de l’Angola qui est trop importante et qui doit être réduite, réduite par l’annulation d’une partie de cette dette au titre de la solidarité internationale et la France, vous le savez, est un militant de la mise en oeuvre de la réduction des dettes au titre de la solidarité internationale.

Bien sûr, pour le faire, il faut trouver un accord avec le FMI. C’est ce que nous avons dit tout à l’heure et chacun dans cette affaire doit faire preuve de la souplesse nécessaire. Le jour où cet accord interviendra au sein du Club de Paris, la France sera, sans aucun doute, au côté de l’Angola pour défendre les intérêts de ce pays et tout faire pour que le poids de la dette soit très sensiblement diminué.





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