Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président de Namibie.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et du Docteur Sam NUJOMA, Président de la République de Namibie.

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Windhoek, Namibie, le jeudi 25 juin 1998

LE PRÉSIDENT - En attendant que le premier journaliste pose sa question, je voudrais simplement remercier le Président pour son accueil et lui dire combien j’ai été sensible notamment par l’entretien que nous avons eu ce matin, mais nous parlerons de cela en répondant aux questions.

QUESTION - Le Président de la République française est venu avec une quarantaine de chefs d’entreprise extrêmement divers. Après donc les conversations que les deux chefs d’Etat ont eues, je voudrais savoir dans quels secteurs pensez-vous que la France pourrait investir ou s’installer ici, en Namibie, avec des projets autres que le pont sur le Zambèze, dont vous avez parlé à midi, et je voudrais savoir ce que le Président namibien également en pense ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais dire que d’abord la Namibie est un pays qui a des atouts considérables, des atouts politiques : c’est la stabilité, la démocratie et la bonne administration ; des atouts économiques qui sont ses ressources importantes ; une bonne gestion et une bonne intégration régionale -notamment grâce à la SADC, et enfin, la Namibie est une porte d’entrée naturelle en Afrique australe.

Alors, dans quels secteurs notre coopération peut se développer ? Eh bien ! Dans les secteurs où il y a, à la fois, un besoin en Namibie et une compétence en France. J’ajoute que la France souhaite un vrai partenariat, c’est-à-dire des accords qui permettent une association, une coopération réelle. C’est vrai, dans le domaine de l’énergie, il y a déjà des choses importantes qui ont été faites, mais il y a beaucoup à faire. C’est vrai, dans le domaine de l’eau, parce que l’eau figure parmi les besoins prioritaires de la Namibie et il y a, notamment, dans le domaine du dessalement des projets en cours. C’est vrai, dans le domaine du transport et, bien entendu, de l’industrie plus généralement.

Nous avons donc évoqué ces problèmes avec le Président ce matin. Cela suppose aussi une évolution fondée sur deux idées. La première, que la France a toujours défendu, c’est que l’investissement et le commerce, qui sont très importants, ne sont pas suffisants et que l’aide publique au développement doit être maintenue. Et la deuxième, c’est que l’intégration régionale qui s’exprime en Europe, au travers de l’Union européenne et ici, grâce à la SADC est évidemment nécessaire parce que cela crée des marchés qui sont très larges.

QUESTION - Monsieur le Président, vous êtes dans un pays qui a lutté pour conquérir l’Etat de droit et la paix civile, mais il y a d’autres pays, comme l’Algérie, qui sont encore aux prises avec la violence et on a appris, aujourd’hui, que le chanteur kabyle Lounes MATOUB, avait été assassiné. C’est un assassinat qui soulève beaucoup d’émotion en Algérie, mais aussi en France où il vivait depuis quelques années. Je voudrais avoir votre réaction à ce nouvel acte de violence.

LE PRÉSIDENT - J’ai appris avec consternation et avec une très grande tristesse la nouvelle de l’assassinat de Lounes MATOUB. Ce lâche assassinat suscite l’indignation de tous les gens civilisés. C’était un homme qui portait haut et fort la voix de l’Algérie, une belle voix, une très belle voix et j’espère que cette voix ne se taira pas.

QUESTION - Est-ce que la France a l’intention d’accorder un don à la Namibie et est-ce que vous avez également l’intention de nous aider à prolonger notre ligne ferroviaire vers le Nord ?

LE PRÉSIDENT - Je vous ai dit, tout à l’heure, que l’aide publique au développement était une nécessité et qu’elle représentait la solidarité nationale, ce qui veut dire qu’elle ne créait aucun lien de dépendance, c’est la solidarité. La solidarité doit s’exprimer dans une famille, dans un village, dans une nation sur la planète.

C’est dans cet esprit que la France se bat dans toutes les instances internationales pour défendre l’aide publique au développement. Elle le fait, notamment, dans l’Union européenne et nous préparons actuellement la prochaine édition de l’accord de Lomé, c’est-à-dire la coopération des pays européens avec les pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique. Et là encore, la France sera extrêmement ferme pour maintenir le niveau actuel de cette coopération, ce qui n’est pas facile.

Alors, il y a, en plus, une collaboration bilatérale naturellement. Je rappelle, néanmoins, que pour ce qui concerne le Fonds européen, la France fournit 25

% des sommes qui sont redistribuées au titre de la coopération par le Fonds européen, 25%.

Alors, pour ce qui concerne ensuite l’utilisation de ces aides publiques au développement, c’est au pays concerné de l’affecter, ce n’est pas à nous naturellement, c’est à eux de choisir les projets. Ce sont naturellement des projets qui touchent aux grandes infrastructures, notamment de transport, de santé, d’éducation. Et là, c’est à la Namibie qu’il appartiendra de choisir ce qu’elle veut faire.

QUESTION - Monsieur le Président, j'aimerais saisir cette occasion pour vous demander, grâce aux liens très proches que vous avez avec vos collègues et chefs d'Etat de l'Union européenne, de continuer à faire en sorte que les pays de l'APC, surtout les pays les plus pauvres continuent à recevoir l'aide. Car comme vous le savez, d'ici l'an 2000, une nouvelle série de négociations doit être entamée d'ici la fin de Lomé IV, nous aurons Lomé V et peut-être Lomé VI, je ne sais pas comment nous allons l'appeler, donc nous demandons que la France continue à défendre les pays le splus pauvres et continue à maintenir le traitement préférentiel pour ces pays pendant une période de transition, surtout pour les pays le splus pauvres. Pour que nous puissions continuer à augmenter le niveau de vie des peuples, la Namibie fait partie de ces pays et j'espère que vous continuerez votre travail sur ce chemin car je sais que les liens entre le Nord et le Sud sont des principes qui vous sont chers ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais rajouter une phrase. Tout le monde à juste titre parle de la globalisation ou de la mondialisation. C'est une évolution irrémédiable, inéluctable mais elle ne peut se concevoir qu'à une condition c'est qu'en même temps on renforce la solidarité. Sinon nous aurons une grande fracture entre les riches et les pauvres. Des riches qui deviendront de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus pauvres.

Donc la mondialisation, la libéralisation, la globalisation très bien, c'est même une nécessité mais cela suppose que l'on renforce la solidarité. Et la solidarité s'exprime au niveau de la planète par l'aide publique au développement.

QUESTION - Une question d'actualité sur le Togo. La proclamation des résultat de la présidentielle avant la fin du dépouillement a suscité une appréciation négative des observateurs de l'Union européenne. Quelle est votre réaction ?

LE PRÉSIDENT - La France s'est exprimée ce matin. L'Union européenne aussi et je n'ai pas d'autre commentaire à faire.

QUESTION - Un thème qui est récurant durant toute la journée était cette nouvelle orientation de la France envers l'Afrique depuis un an. Il semble que la France a une nouvelle politique en matière de formation des troupes africaines pour le maintien de la paix. Les propres troupes de la France d'ailleurs sont en baisse en ce qui concerne le nombre en Afrique. Est-ce que vous pensez que ceci est peut-être une réponse à l'augmentation de l'influence américaine ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord dire que contrairement à des polémiques qui se développent il n'y a aucune concurrence entre les Etats-Unis et la France en Afrique, ce serait d'ailleurs absurde.

Deuxièmement, il y a des approches différentes. Les Américains mettent l'accent sur le commerce et l'investissement et nous sur l'aide publique au développement. Les deux étant d'ailleurs nécessaires. Mais nous ne voulons pas que l'on privilégie l'un par rapport à l'autre. Je l'ai dit au titre de la solidarité.

Pour ce qui concerne la politique française, il n'y a pas de nouvelle politique française, il y a une politique qui évolue avec le temps. Si je voulais qualifier la politique française, je la qualifierais par deux mots qui sont : fidélité et ouverture.

Fidélité à ses amitiés traditionnelles qui sont fortes et ouverture sur la partie de l'Afrique que la France connaissait mal et c'est le sens de mon voyage en Afrique australe.

S'agissant enfin des militaires, vous dites d'abord que nous sommes favorables au développement de forces africaines, ensuite nous sommes contre toute intervention qui ne soit pas examinée préalablement par l'OUA ou l'ONU et enfin si le nombre de soldats français en Afrique diminue, ce n'est pas du tout pour des raisons de politique puisque les bases françaises en Afrique sont des bases qui ont été demandées et qui sont voulues par certains pays africains. C'est tout simplement parce qu’en France, nous avons fait la professionnalisation de l'armée, nous avons abandonné l'armée de conscription et nous avons fait une armée de métier et naturellement quand on fait une armée de métier le nombre des soldats diminue. Alors il diminue dans toute la France, il diminue dans les départements français d'Outre-mer et il diminue sur les bases françaises en Afrique. C'est la seule raison, c'est une raison technique et cela ne diminue pas leur efficacité !

QUESTION - Monsieur le Président NUJUMA, un journal français a parlé aujourd'hui de la nationalisation de la terre comme une menace pour la démocratie. Quelle est votre politique ?

M. NUJOMA - Après la libération de notre pays, nous nous sommes rendu compte qu'en fait il y avait 5 % de la population qui détenait 85 % des terres et effectivement il s'agissait principalement des colons de couleur blanche, des Allemands souvent, qui avaient saisi ces terres au moment de la colonisation par les Allemands. Pendant la période de l'apartheid ils ont occupé ces terres pendant 70 ans. Donc effectivement il y avait besoin de réformer le système en ce qui concerne la terre. Il n'était pas possible de continuer de permettre à ce que 5 % de la population détienne 85 % des terres pendant que d'autres étaient sans possibilité d'exploiter ces terres.

Nous avons donc décidé de prendre une approche basée sur le principe d'acheteurs et vendeurs volontaires.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais pour terminer exprimer encore mes remerciements au Président, dire mon estime et ma confiance dans un pays qui a su en très peu de temps, sortant d'une situation dramatique construire la démocratie, rendre la confiance et engager le développement.

De ce point de vue, on peut dire que la Namibie est un exemple. Je peux dire un exemple pour beaucoup de pays africains.

Demain sera meilleur qu'aujourd'hui pour la Namibie. La Namibie de demain je l'ai vue tout à l'heure, un certain nombre d'entre vous aussi. Je l'ai vue dans le Jan Jonker Afrikaner School où nous avons vu le sourire et le regard de ces jeunes Namibiens, ces jeunes étudiants, qui pour la plupart étaient trop jeunes pour ressentir le poids de l'ancien régime.

Ces regards, ces sourires, vous avez pu l'observer cela m'a beaucoup frappé c'étaient des regards et des sourire d'espoir et de confiance. Je crois que ces jeunes ont raison d'avoir, chevillés à l'âme, l'espoir et la confiance.





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