Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président du Mozambique.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Joachim Alberto CHISSANO, Président de la République du Mozambique.

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Jardins de la Présidence, Maputo, Mozambique, le lundi 29 juin 1998

M. CHISSANO - Pour commencer cette conférence de presse, permettez-moi de vous dire que c’est pour nous un honneur de recevoir, au Mozambique, le Président CHIRAC.

Nous avons eu, jusqu’à présent, des conversations fructueuses qui ont commencé à l’aéroport étant donné qu’il s’agit d’un court séjour parmi nous. Ces conversations se sont déroulées dans une ambiance d’amitié et de sympathie.

Nous nous connaissons depuis un moment déjà, mais il s’agit de la première visite du Président CHIRAC dans notre pays. Nous avons l’impression au fond qu’il se sent, ici, comme s’il connaissait déjà notre pays, tellement il est à l’aise parmi nous.

Nous avons discuté de la coopération entre nos deux pays. Nous sommes d’accord pour la poursuivre, pour l’améliorer et pour l’intensifier. Cette coopération est déjà excellente, mais nous avons l’intention de l’augmenter.

Le Président français a manifesté l’intérêt de son pays pour trouver une solution à la dette des pays du tiers-monde et, notamment, pour la dette du Mozambique. Nous sommes donc très satisfaits de cette position de la France, en ce qui concerne le traitement de la dette des pays pauvres et, surtout, en ce qui concerne la dette de notre pays.

Nous sommes aussi très satisfaits de la politique de la France en ce qui concerne l’Afrique et, notamment, son souhait de diversifier sa politique africaine. La France s’est concentrée, jusqu’à présent, en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, et elle s’ouvre maintenant à l’Afrique australe, notamment au Mozambique. Nous en sommes donc très satisfaits.

Il y a aussi d’autres secteurs que nous avons abordés pendant nos discussions, notamment, ce qui concerne la situation internationale. Nous avons parlé de la situation dans les Grands Lacs et du conflit donc dans cette région, et aussi de la Guinée Bissau qui est pour nous une source de grandes préoccupations et de la République démocratique du Congo. Nous aimerions et nous avons exprimé le souhait que la situation s’améliore dans ce pays, en ce qui concerne une stabilisation sociale, un plus grand respect des droits de l’homme et le développement du processus démocratique. Nos deux pays sont prêts à soutenir la République démocratique du Congo pour qu’elle atteigne ses objectifs et nous avons aussi parlé de l’Angola qui est un pays, aussi, qui nous préoccupe.

LE PRÉSIDENT - Le Président CHISSANO a dit l’essentiel de nos entretiens. Je n’ai donc rien à ajouter, si ce n’est ma reconnaissance pour son accueil, l’accueil qu’il a bien voulu réserver à la délégation française et pour lui dire combien notre détermination à développer notre coopération entre nos deux pays et à faciliter le développement économique par, notamment, des investissements, des actions concernant la réduction de la dette, cette détermination est très grande. Alors je voudrais remercier le Président CHISSANO et bien entendu répondre aux questions que vous souhaiteriez nous poser.

QUESTION - Cette question est adressée au Président de la République française. L'appui financier dépend de compromis avec la démocratie, cette base a été établie pendant l'administration Mitterrand. Est-ce que maintenant cette politique, c'est la vôtre ?

LE PRÉSIDENT - Cette position qui a été exprimée par mon prédécesseur, Monsieur MITTERRAND, à La Baule, et qui avait pour objet de lier, le mot est peut être un peu fort, mais de privilégier les pays qui avaient engagé un processus démocratique pour ce qui concerne la coopération et l'aide publique au développement, est toujours la position de la France. Bien entendu, elle doit être appréciée, au cas par cas, et il faut tenir compte aussi des besoins de chaque pays, mais la position de la France n'a pas changé.

QUESTION - Monsieur Jacques CHIRAC, que pensez-vous de la situation en Guinée Bissau et est-ce que la France peut intervenir dans la situation ? Les militaires accusent la France d'être engagée aux côtés du Président VIEIRA.

LE PRÉSIDENT - La France n'a aucune raison et aucune intention d'intervenir en Guinée Bissau. La France n'a pas d'accord particulier avec la Guinée Bissau dans le domaine de la défense, elle en a, par exemple, avec le Sénégal, avec d'autres pays, mais pas avec la Guinée Bissau. Et par conséquent, la France n'a pas à intervenir dans cette affaire, sauf naturellement si on lui demande quelque chose sur le plan diplomatique et, pour prendre un exemple, j'ai indiqué au Président Abdou DIOUF qu'il me semblait que la CEDEAO devait assumer ses responsabilités dans une crise comme celle-là. De la même façon, lorsque le Premier ministre portugais nous a indiqué son désir d'envoyer une mission de bons offices composée du ministre portugais et du ministre angolais des Affaires étrangères, bien entendu nous avons beaucoup apprécié et soutenu cette position.

QUESTION - Monsieur le Président, je suis de la radio Mozambique, j'ai trois questions à vous poser.

Vous avez parlé hier de la position géostratégique exceptionnelle du Mozambique notamment dans la région australe de l'Afrique. J'aimerais savoir si l'intérêt de la France pour notre pays réside dans cette situation ?

Ma deuxième question concerne la politique intérieure du Mozambique. Mais j'aimerais, quand même, connaître votre avis là-dessus. Comme vous le savez, demain il y aura des élections municipales dans notre pays. Dans la plupart des municipalités le FRELIMO se présente, car il n'y a pratiquement pas de candidat de l'opposition. Il n'y a que quelques indépendants. J'aimerais donc connaître votre avis là-dessus, il y a d'autres partenaires internationaux qui se sont déjà manifestés. Quelle est votre position ?

Ma troisième question concerne la crise dans les Comores, quelle est votre position sur cette question ?

LE PRÉSIDENT - S'agissant des raisons qui justifient l'importance que la France attache à la relation franco-mozambicaine, il y en a beaucoup de ces raisons. A commencer par la volonté de la France de s'ouvrir à l'Afrique australe. Hier ou avant hier, une de vos consoeurs, en Afrique du Sud, me disait : " mais est-ce que la France veut élargir sa sphère d'influence en Afrique australe ? " J'ai dit : " pas du tout ". Mais l'influence c'est le passé, mais certainement pas l'avenir. Mais en revanche, elle veut élargir sa sphère d'amitié. C'est la première raison. Il y a aussi la position géostratégique. La France est très présente dans l'océan Indien. Elle l'est par ses départements d'Outre-mer, la Réunion, elle l'est par Mayotte, elle l'est également par les relations très anciennes, très spéciales, très amicales qu'elle a avec plusieurs pays francophones de la zone, Madagascar, les Seychelles, l'île Maurice, les Comores et par conséquent, elle est présente également par les forces maritimes françaises du Sud océan Indien qui sont importantes. Par conséquent, la France a un intérêt naturel pour cette région, et donc pour le Mozambique, et c'est pourquoi nous voulons développer ici nos relations d'amitié, de partenariat et apporter notre contribution pour ce qui concerne le développement économique de la jeune démocratie mozambicaine.

Je ne ferai aucun commentaire sur la deuxième question, n'ayant aucune compétence pour le faire. Vous l'imaginez bien que je n'ai pas l'intention de faire d'ingérence dans les affaires intérieures du Mozambique. Le Président CHISSANO a fait un voyage officiel en France très particulièrement réussi, je ne l'ai pas entendu porter des jugements sur la politique intérieure française.

Le dernier point : sur les Comores, notre position est très simple, nous souhaitons naturellement le règlement pacifique de la crise qui a eu lieu là bas et nous sommes complètement alignés sur la position de l'Organisation de l'Unité africaine et sur le plan diplomatique nous soutenons, sans réserve, la position de l'Organisation de l'Unité africaine.

QUESTION - Monsieur le Président de la République, vous nous avez dit que la France avait fait un gros effort pour annuler une partie de la dette du Mozambique. Est-ce que dans votre esprit il doit y avoir un lien entre cette solidarité vis-à-vis d'un gouvernement comme celui du Mozambique et l'aide de ce même gouvernement pour permettre à des entreprises françaises ou à des investissements français de venir ici.

LE PRÉSIDENT - Non, ce sont deux choses différentes. La réduction et l'annulation des dettes des pays les plus pauvres et les plus endettés est un problème de principe qui touche à la solidarité internationale et à l'idée que nous nous en faisons. Et donc c'est un problème de politique, ce n'est pas le Mozambique, c'est un problème de principe. Et la France a une position constante de militant de cette idée et l'exprime dans toutes les instances internationales compétentes. Alors en revanche naturellement, il y a coopération bilatérale entre nos deux pays et dans le cadre de cette coopération bilatérale, il va de soi que chacun soutient ses propres intérêts. Le Président du Mozambique soutient les siens, quand il me parle, par exemple, de la réhabilitation des 77 derniers kilomètres du corridor d'Akala pour rejoindre le réseau du Malawi. Il défend ses intérêts et moi je défends ceux des entreprises françaises en lui disant que naturellement s'il veut vraiment être satisfait, il vaut mieux prendre une entreprise française parce que ce sont les meilleures n'est ce pas, mais ce sont deux domaines différents.

QUESTION - Parce que ce sont les meilleures, les entreprises françaises ?

LE PRÉSIDENT - Vous voyez, je ne vous le fais pas dire.

QUESTION - La dernière question, c'est une question pour le Président CHISSANO. Je voudrais savoir quelle est son appréciation du rôle de l'organe de sécurité défense, enfin des questions politiques également, de la SADC, quel rôle pourrait-elle jouer effectivement dans la région ? Est-ce qu'il souhaite aussi qu'il y ait des apports de pays extérieurs à la région, à la France en particulier, pour le renforcement de certaines de ses structures, notamment de défense ?

M. CHISSANO - L' organe de défense et de sécurité de la SADC est un organe politique. Il traite de questions politiques, son rôle est très important surtout en ce qui concerne la prévention, il doit empêcher les conflits, les conflits entre pays ou à l'intérieur des pays de la région. Cela a été fait au Lesotho où l'on n'a pas eu besoin de recourir aux armes pour faire taire un conflit qui avait déjà éclaté. En Zambie aussi, nous avons pu grâce à l'intervention de cet organe empêcher que la violence éclate. Et, il y a aussi d'autres questions bilatérales qui sont traitées actuellement par cet organe que je ne vais pas citer étant donné que nous essayons tout d'abord de tout traiter à l'intérieur sans qu'on sache à l'extérieur ce qui se passe. Je ne citerai donc pas ces conflits qui risqueraient d'éclater, qui sont actuellement traités par cet organe. Nous aimerions encore en réponse à votre question, qu'il y ait un concours extérieur pour renforcer la SADC, pour renforcer aussi les capacités de défense des pays membres de la SADC, et afin que nos forces armées puissent jouer pleinement leur rôle de prévention des conflits. Que nos forces armées ne nous servent pas à faire la guerre mais plutôt à empêcher les conflits.





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