Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Chancelier de la République d'Autriche.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Viktor KLIMA, chancelier de la République d'Autriche.

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Vienne, Autriche, le jeudi 12 février 1998

LE PRÉSIDENT - Je voudrais tout d'abord m'associer aux excuses que le Chancelier vient de présenter à la presse pour notre retard et vous dire que nous le regrettons. Il n'y a pas que de mauvaises conséquences puisque cela nous a permis d'approfondir un petit peu plus nos relations sur beaucoup de points.

Le Chancelier a tout dit. Je souscris sans réserve à tout ce qu'il a dit. Je ferais donc trois très courtes observations.

La première, c'est qu’il y a entre l'Autriche et la France, pour ce qui concerne l'Europe et la construction de l'Europe sociale, monétaire, économique, politique ou pour ce qui concerne la sécurité et les impératifs dans ce domaine, il y a une très grande convergence de vues, très grande, qui nous permet de travailler ensemble sans difficulté.

Ma deuxième observation, c'est l'affirmation de la confiance totale de la France dans la Présidence autrichienne. Nous soutiendrons, je l'ai dit au Chancelier et aussi au Vice-Chancelier qui me posait la question, nous soutiendrons sans réserve l'action de la Présidence autrichienne. Nous souhaitons son succès et nous sommes sûrs de ce succès malgré les très grandes difficultés qui ne manqueront pas d'intervenir en raison de l'importance des sujets qui seront traités pendant cette présidence qui sera un peu historique pour l'Europe.

Ma troisième et dernière réflexion, c'est ma conviction que l'Autriche peut apporter quelque chose d'essentiel à l'Europe. L'Autriche d'abord est au coeur de l'Europe de demain, un coeur très fort, compte tenu de sa vocation politique internationale, culturelle. Et aussi, l'Autriche a ce privilège particulier, que tout le monde comprend et ressent, d'être à la fois l'un des petits Européens par la population et l'un des grands Européens par l'importance politique internationale et culturelle. Donc l'Autriche, qui appartient, je dirais, à la fois au camp des petits pays et des grands pays, a une vocation particulière à être un moteur de l'Europe de demain et à trouver les bonnes solutions qui peuvent finalement convenir à tout le monde.

Je voudrais dire que, nous, nous faisons une grande confiance à l'Autriche compte tenu de ses caractéristiques, compte tenu de l'intelligence traditionnelle de l'Autriche, compte tenu du respect et de l'autorité de l'Autriche en Europe et dans le monde, mais en particulier dans l'Europe d'aujourd'hui. Nous faisons une grande confiance à l'Autriche pour jouer un rôle très important, je dirais peut-être déterminant, dans la nouvelle phase qui s'engage dans la construction européenne.

C'est pourquoi j'ai été heureux d'avoir ces entretiens tout à l'heure avec le Président et maintenant avec le Chancelier. Je remercie Viktor KLIMA chaleureusement d'un accueil auquel j'ai été très sensible car l'Autriche est un pays que j'aime depuis longtemps.

QUESTION - Vous avez beaucoup parlé de l'histoire et je voudrais poser une question relative à l'histoire.

Dans votre point de presse de tout à l'heure avec le Président KLESTIL, vous avez dit qu'en ce qui concerne l'Irak vous êtes plus proche de la Chine et de la Russie que de Tony BLAIR et de la Grande-Bretagne. Historiquement ce serait une catastrophe si la crédibilité des Etats-Unis arrivait à être comparable à la crédibilité de CHAMBERLAIN et DALADIER vis-à-vis de HITLER ?

LE PRÉSIDENT - Cher Monsieur, je crois que pendant mon point de presse précédent vous avez dû être pris d'un moment d'assoupissement, ou alors vous avez mal compris, ou alors vous voulez me faire un procès d'intention.

Dans les trois hypothèses, permettez-moi de vous dire que je ne reconnais pas du tout ma position dans ce que vous avez dit.

Je n'ai jamais dit naturellement que j'étais plus proche des uns ou des autres. J'ai dit que j'étais plus proche de la paix et que la France militait pour une solution pacifique dans le respect intégral des résolutions des Nations Unies. C'est d'ailleurs, je crois, la position aussi de l'Autriche.

Alors ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Ce serait une mauvaise manipulation.

QUESTION - Monsieur le Président n'avez-vous pas le sentiment que quoi que puissent faire leurs alliés, dont la France fait partie, les Américains sont déterminés à en découdre militairement et aveuglément avec Saddam HUSSEIN ?

LE PRÉSIDENT - J'ai dit ce que j'avais à dire dans ce domaine, je ne le répéterai pas. Nous avons une position d'ailleurs qui est très largement commune, qui est une position pacifique, autant que faire ce peut naturellement, et dans le respect intégral des résolutions des Nations Unies.

Je préférerais que nous évoquions maintenant les problèmes soit européens, soit bilatéraux entre l'Autriche et la France.

QUESTION - Monsieur KLIMA, quelle est la position de l'Autriche vis-à-vis de la crise en Irak et est-ce que vous vous efforcez activement, peut-être en secret, de lutter contre cette crise ?

M. KLIMA - Comme le Président CHIRAC l'a déjà dit, moi aussi je préférerais que l'on parle de questions relatives à l'Europe ou aux relations franco-autrichiennes. Mais en fait je n'ai rien à ajouter à ce qui a déjà été dit. Nos positions sont très proches, et l'Autriche pense également que les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies doivent être respectées et, en deuxième lieu, toutes les possibilités politiques doivent être exploitées à fond avant que de telles actions n’interviennent.

Nous espérons que les efforts entrepris, de façon très engagée par la France conjointement à d'autres pays, avec Kofi ANNAN aussi, mènent à une solution pacifique.

QUESTION - Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez au sujet des négociations avec Chypre en rapport avec son adhésion à l'Union européenne et aussi en ce qui concerne les négociations avec la Turquie ?

LE PRÉSIDENT - Voilà encore un domaine où les positions de l'Autriche et de la France sont extrêmement proches.

Nous souhaitons une relation très forte entre l'Union européenne et la Turquie. Nous avons conscience des problèmes, mais nous pensons qu'il n'y a pas de problème sans solution. En particulier nous souhaitons vivement que la Turquie participe, si elle l'accepte, à la Conférence européenne qui est la réunion de la famille européenne, qui n'est pas destinée à discuter de l'adhésion, c'est vrai, mais qui est destinée à parler de l'ensemble des problèmes de la famille européenne.

Nous souhaitons que la Turquie accepte de participer à cette conférence.

Pour ce qui concerne Chypre j'ai eu l'occasion déjà de m'exprimer. Les engagements ont été pris, les négociations peuvent et doivent commencer. Je souhaite naturellement qu'il apparaisse clairement que les négociations seront conduites avec une délégation mixte, comprenant des membres des deux parties qui assument la direction de l'île, ça c'est mon point de vue.

QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier, tout va très bien entre la France et l'Autriche sauf quelques petits points de discussion, les institutions et la réforme des institutions européennes.

Alors, Monsieur le Président, vous avez assuré à plusieurs reprises qu’on va trouver une solution. Est-ce que c'est l'Autriche qui doit convaincre les petits pays ? Est-ce que c'est l'Autriche qui doit vous convaincre et convaincre en même temps l'Allemagne, dans quelle direction vous pensez que la négociation ira ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez nous avons la nécessité de faire une réforme si nous voulons qu'après l'élargissement, quand nous serons 18, 19, 20, notre Europe puisse fonctionner.

Cela pose aujourd'hui deux problèmes.

Le problème de la composition de la Commission. Le Chancelier m'a indiqué sa position qui consiste à ce que chaque pays ait un commissaire. Je lui ai répondu que, même si j'avais évoqué une solution techniquement différente, naturellement il n'y avait pas pour nous de problème pour négocier une autre solution en ce qui concerne la Commission. Donc sur ce point il n'y a pas de difficulté.

La pondération des voix, c'est un problème un peu différent, je le reconnais, et, je le répète pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure, je pense que l'Autriche peut apporter un élément très important dans la réflexion commune en essayant de faire une synthèse permettant à chacun de conserver ses intérêts et à l'ensemble de fonctionner.

Je le répète, vous savez, ces sujets sont souvent un peu délicats. Il convient de les discuter et de les approfondir d'abord, je dirais, dans le secret du cabinet avant d'ouvrir des débats. Nous en avons pour plusieurs années encore, enfin au moins deux ou trois ans, avant que le problème ne se pose concrètement et bien donnons-nous sereinement le temps de la réflexion. Je le répète dans cette réflexion commune je crois que l'Autriche peut avoir un rôle déterminant.

QUESTION - C'est peut-être un peu désagréable mais je voudrais quand même revenir à l'Irak et poser la question au Président CHIRAC. La France souligne toujours qu'il faut trouver une solution diplomatique, mais est-ce que la France ne souhaite pas plutôt préserver l'intérêt économique, tout comme la Russie, plutôt que d'imposer le respect des résolutions des Nations Unies ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, compte tenu de la situation de l'Irak, les intérêts de la France, comme d'ailleurs de tout le monde en Irak, sont tout à fait modestes, pour ne pas dire inexistants. Ce n'est pas le problème. La difficulté est de savoir si pour régler un problème politique indiscutable, et qui doit l'être selon les décisions du Conseil de Sécurité, on doit tuer des gens ou s'il vaut mieux essayer de l'éviter. C'est ça le problème. Moi, je n'ai jamais été favorable au fait de tuer des gens, quels qu'ils soient. Ce n'est pas un problème d'intérêt économique, c'est un problème humain, moral. De même, je vous le dis, que je ne suis pas favorable en règle générale aux techniques d'embargo parce que ce sont toujours les plus pauvres, les plus faibles, qui en souffrent, qui périssent, ce ne sont jamais les chefs.

Alors voilà, j'ai une approche qui est peut-être différente de celles d'autres pays. Je ne conteste pas la nécessité d'imposer à Saddam HUSSEIN le respect de toutes les décisions du Conseil de Sécurité, je dis simplement que si on peut le faire en évitant d'envoyer des bombes et de tuer des femmes et des enfants, il vaut mieux, c'est tout.

QUESTION - Quelle est la limite de la patience d’attente de la France pour une solution diplomatique à la crise en Irak ?

LE PRÉSIDENT - Dès qu'il s'agit d'humanitaire, la patience de la France est sans limite.

Merci beaucoup.





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