Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président de l'Uruguay.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Julio Maria SANGUINETTI, Président de la République orientale de l'Uruguay.

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Montevideo, Uruguay, le vendredi 14 mars 1997

M. SANGUINETTI - Le Gouvernement de l'Uruguay, notre peuple et moi-même, nous désirons souhaiter la plus chaleureuse bienvenue au Président de la France et à la délégation qui l'accompagne ainsi qu'à la presse française.

Dans ce pays où les racines culturelles et historiques avec la France ont une longue histoire, la présence du Président de la République française est très importante.

Ce pays a reçu, il y a plusieurs années, M. Clemenceau qui nous a laissé une narration historique de Montevideo, un récit de Montevideo et de ses maisons. Un récit curieux mais très intéressant de notre ville.

A partir de ce moment, nous avons eu l'historique visite du général de Gaulle, en 1964, puis de M. le Président Mitterrand et maintenant de Monsieur le Président Chirac qui arrive ici, à un moment très spécial du monde, à un moment de reconstruction et d'espoir.

Monsieur le Président Chirac est l'un des constructeurs de cette nouvelle Europe et de ces nouvelles relations internationales, de ce nouveau monde post-guerre froide que nous sommes en train de construire aujourd'hui en visant l'avenir.

Donc c'est dans cet esprit que nous l'avons reçu en tant que grand leader mondial et en tant que grand ami de l'Uruguay. Je peux dire que nous avons eu une optique, une vision commune et nous voulons donner l'appui à l'idée lancée par Monsieur le Président Chirac d'un sommet de Présidents d'Europe et d'Amérique latine. Cette idée, que Monsieur le Président Chirac a lancée lors de son voyage comme un symbole de ses relations, pourra sans doute marquer un point très important dans ce processus de construction des nouvelles relations internationales. Dans la réunion que nous avons tenue maintenant, nous avons exprimé la position favorable du Gouvernement de l'Uruguay pour travailler, pour développer cette idée si importante.

Pour conclure donc, je voudrais réitérer la bienvenue à la presse française et nous offrons, à cette presse, toutes les possibilités de notre pays pour qu'elle le connaisse mieux, ainsi qu'au Gouvernement de la France et à notre grand ami, Monsieur le Président Chirac .

LE PRÉSIDENT - Juste un mot pour dire au Président Julio Sanguinetti et aux autorités de l'Uruguay toute ma reconnaissance et tout l'intérêt que je porte à ce voyage dans leur pays. Ma reconnaissance pour leur accueil, ma reconnaissance aussi pour l'amitié que le Président Sanguinetti veut bien me porter et qui est réciproque. C'est un homme pour qui j'ai beaucoup de respect et d'estime. C'est un grand démocrate, c'est un grand chef d'Etat, c'est un homme de culture, c'est un homme qui connaît et qui aime l'Europe et en particulier la France.

Il vient, c'est un signe, de donner un témoignage de son affection pour notre pays en reconnaissant au baccalauréat une équivalence dans ce pays. Cela n'est pas une révolution mais c'est un signe fort auquel tous les Français ont été extrêmement sensibles.

Nous avons évoqué tout à l'heure deux grands axes de réflexion. Le premier, ce sont les conclusions à tirer d'une réalité, celle de l'importance que la relation transatlantique doit avoir pour l'Amérique latine en général mais surtout pour un MERCOSUR qui est destiné à s'approfondir et à s'élargir comme l'Union européenne chacun le faisant avec son identité, avec ses méthodes. Mais l'objectif est en réalité le même et n'oublions pas que ce MERCOSUR à Montevideo comme capitale potentielle, un peu comme Bruxelles pour l'Union européenne.

Montevideo et l'Uruguay sont ainsi, pour l'extérieur et notamment pour l'Europe, une porte d'entrée naturelle dans ce très grand marché qu'est le MERCOSUR, qui est déjà la quatrième puissance économique du monde et qui sera très bientôt la troisième.

D'où la nécessité de tirer les conséquences d'une réalité. Cette réalité c'est que quelle que soit l'importance des liens Nord-Sud américains évidents, et que personne naturellement ne conteste, on ne peut pas ignorer que l'Union européenne, à 15 aujourd'hui et encore plus naturellement à 25 et avec 500 millions d'habitants, est déjà le premier partenaire du MERCOSUR sur le plan des achats, sur le plan des ventes, sur le plan des investissements. Et cela c'est une réalité incontournable qui explique et justifie notre idée commune de faire en sorte que la relation de partenariat puisse être très clairement affirmée à l'occasion d'une grande réunion des chefs d'Etat et de Gouvernement, comme nous l'avons fait pour l'Asie, l'année dernière, à Bangkok, et qui a porté très rapidement ses fruits et qui permet de créer, de renforcer un partenariat, qui soit à la fois un partenariat politique, car l'Amérique latine, comme l'Europe, et en particulier le MERCOSUR, sont des acteurs politiques majeurs et rien de ce qui se passe dans le monde ne leur est étranger, un partenariat économique et commercial, financier naturellement, mais aussi et peut-être surtout d'une certaine manière un partenariat dans le domaine de l'éducation pour relever ce grand défi auquel tous les pays du monde aujourd'hui sont confrontés et qui est celui de la capacité de donner à nos jeunes les moyens de s'insérer et de s'épanouir dans la vie de demain.

Voilà ce que nous avons évoqué et ce sur quoi nous avons émis des idées tout à fait convergentes avec le Président Sanguinetti. Ensuite, nous avons parlé naturellement des problèmes bilatéraux mais sur ce point il n'y avait aucune divergence de vues et donc nous avons fait le point de nos intérêts communs.

QUESTION - Monsieur le Président, une question à propos des Indiens Charuas qui ont été emmenés en France au siècle dernier et qui sont morts, je crois que l'Uruguay demande le rapatriement des corps, je pense qu'il y en a un au musée de l'Homme, je voulais savoir si une décision avait été prise ?

LE PRÉSIDENT - J'ai indiqué aux autorités uruguayennes que la France était tout à fait disposée à examiner avec elles l'éventuel retour des squelettes de ses personnalités. Nous en discuterons, cela ne pose pas de problèmes ni de difficultés.

QUESTION - Monsieur le Président, quand vous avez entendu tout à l'heure ces enfants chantaient l'hymne à l'amour, quand vous avez entendu le Président Sanguinetti et tout le Gouvernement chanter la Marseillaise, qu'avez-vous ressenti ?

LE PRÉSIDENT - J'ai naturellement ressenti une émotion profonde mais je vais vous dire quelque chose.

Tout naturellement et dans le cadre du protocole, les autorités uruguayennes avaient prévu au moment de mon arrivée les hymnes nationaux et puis hier après-midi le Président Sanguinetti a dit "mais qui va chanter la Marseillaise ?", alors consternation du protocole qui n'avait pas prévu cela et qui a répondu "et bien personne, on va la jouer" et le Président Sanguinetti a dit "pas du tout, il y a une école à côté, une école publique, qui en plus je crois s'appelle France" il a dit "allez chercher les enfants et faites leur chanter la Marseillaise demain matin". C'est le petit groupe d'enfants qui a chanté si bien notre hymne national. Le protocole a dit "mais ces enfants n'ont pas préparé cela" le Président à répondu : "cela ne fait rien, ils vont très bien le chanter" et ils l'ont chanté très bien.

Pourquoi je souligne cela : c'est parce que s'ils ont chanté "La Marseillaise" aussi bien sans aucune préparation et de façon spontanée, cela veut tout simplement dire qu'ils la connaissaient déjà. C'est cela qui m'a le plus touché.

QUESTION - Bienvenu Monsieur le Président Chirac. Ma question est la suivante : vous parlez d'un monde multipolaire qui apparaît en Amérique latine. Nous nous rendons compte qu'il y a une influence très claire des Etats-Unis d'Amérique au sein des relations entre les pays. Quel est le scénario que vous envisagez vous-même, quel est le scénario qui pourrait être celui du monde après l'an 2000 dans les dix ou quinze premières années de ce troisième millénaire ?

LE PRÉSIDENT - D'abord je veux exclure tout scénario de compétition. Le monde a connu dans le passé suffisamment de difficultés, les guerres, les régimes autoritaires qui conduisent naturellement d'ailleurs aux guerres. Le monde doit aujourd'hui cultiver d'abord et avant tout ce qui permet la paix, c'est-à-dire la démocratie. C'est le meilleur garant de la paix.

Deuxièmement, nous voyons bien aujourd'hui qu'un certain nombre d'organisations régionales se mettent en place. C'est vrai en Asie avec l'ASEAN, l'APEC, c'est vrai en Europe bien sûr avec l'Union européenne qui s'élargit, s'approfondit et va avoir une monnaie unique. C'est vrai en Amérique du Nord avec l'ALENA et ses prolongements naturels. C'est vrai en Amérique latine avec le MERCOSUR. Cela veut dire que le monde de demain sera forcément composé d'un certain nombre de grands ensembles. Cela est inévitable. Mais le problème est que ces grands ensembles vivent et se développent de façon harmonieuse, non pas dans la compétition, mais dans la complémentarité. Il faut que chaque pays y trouve tout naturellement sa place, que personne ne se sente humilié ou exclu ou agressé.

Donc cela suppose que les relations entre ces grands ensembles se fassent de façon naturelle et spontanée et, en ce qui concerne la relation entre deux grands ensembles de demain, le MERCOSUR et plus généralement l'Amérique latine, l'Union européenne et plus généralement l'Europe, soient préparés normalement, tranquillement dans le cadre de cette grande conférence qui sera régulière et qu'ensemble nous proposons. De même que nous le faisons en Europe au niveau du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient, de même que nous le faisons avec l'Asie, de même que, tout naturellement, les Etats-Unis le font dans le cadre de l'ALENA, dans le cadre de l'APEC.

QUESTION - Monsieur le Président, de nombreux pays s'apprêtent à célébrer la semaine prochaine, la semaine de la francophonie, je connais la tradition francophone dans ce pays et je suis sûr que l'Uruguay s'associera de grand coeur avec tous les francophones du monde. Pourriez-vous nous dire votre espérance en la francophonie ?

M. SANGUINETTI - Notre pays a une histoire de francophonie. Je peux dire que mon français n'est pas très bon mais il est étudié seulement dans le lycée public. Comme tout le monde ici, je parle et je lis habituellement le français seulement avec l'éducation que j'ai reçue au lycée public. Cette chose dit tout sur la présence de la culture française en Uruguay.

Sans doute la francophonie sera une permanence éternelle comme la culture latine. Nous autres les Latins en Amérique ce n'est pas seulement une façon de parler. La latinité est une façon de penser. C'est un ensemble de valeurs communes. Elle est une vision de vie, elle est une philosophie, elle est une attitude devant la vie et devant la mort. La latinité, c'est une présence qui sera éternelle.

Dans ce domaine la francophonie comme le langage espagnol, comme l'italien, toutes les langues de vieille racine latine auront sans aucun doute une place dans une culture latine qui reste, qui se développe en permanence. Une culture latine qui est en voie de développement permanent et qui sera sans doute, non seulement une langue, un peu plus, une civilisation.





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