Point presse conjoint du Président de la République et du Premier ministre du Royaume-Uni.

Point presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume-Uni.

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Palais de l'Elysée, le mercredi 11 juin 1997

LE PRÉSIDENT -

Mesdames, Messieurs, je suis très heureux naturellement d’accueillir le Premier ministre britannique, Monsieur Tony BLAIR, pour son premier voyage en France, son premier voyage en sa qualité de Premier ministre.

Depuis deux ans, nous avons développé des relations confiantes et amicales, ce qui d’ailleurs est excellent pour la relation entre l’Angleterre et la France. Nous avons évoqué naturellement le sommet d’Amsterdam et la conférence intergouvernementale, et nous voulons, tous les deux, que ce sommet soit réussi. Je me suis réjoui de la volonté britannique d’avoir dorénavant une Europe plus sociale, qui correspond bien aux désirs, développés depuis deux ans, par la France, notamment lorsqu’elle a déposé son mémorandum sur le modèle social européen, il y a un an et demi.

Nous nous sommes également réjouis de la bonne nature de nos relations bilatérales, dans le domaine en particulier de l’économie, dans le domaine également de la défense, et enfin de notre excellente coopération sur le plan des grands dossiers internationaux, et nous avons notamment évoqué naturellement la nécessité de la relance du processus de paix au Moyen-Orient et les problèmes que connaissent aujourd’hui certaines régions d’Afrique.

M. BLAIR -

: Merci beaucoup, Monsieur le Président. Permettez-moi de dire que c’est un vrai plaisir pour moi d’être ici de rencontrer le Président CHIRAC et de parler des questions qui intéressent nos deux pays.

Comme vient de le dire le Président, nous avons établi de bonnes relations personnelles ces deux dernières années et je suis heureux d’être venu les enraciner plus encore. Bien entendu, il est absolument essentiel que les relations entre nos deux pays soient bonnes et nous avons discuté en détail des principaux dossiers du jour, à savoir évidemment le tout proche sommet d’Amsterdam et les grands problèmes internationaux auxquels tous nos pays sont confrontés aujourd’hui.

J’ajouterai, en particulier, que nous sommes convenus qu’il est très important que l’Europe, au fur et à mesure de son développement, se concentre sur les sujets économiques et sociaux dont tout dépend aujourd’hui, à commencer par la façon dont nous pouvons assurer à nos concitoyens plus d’emplois, plus de sécurité et la fin de la multiplication des différentes formes d’exclusion sociale.

Donc, je l’ai dit, je suis enchanté d’être ici, d’être venu parler des points d’accord qui sont importants pour nos deux pays. Je me réjouis beaucoup de pouvoir renforcer et approfondir encore nos liens au cours des prochaines années.

QUESTION -

Monsieur le Président, vous parlez du succès du sommet d’Amsterdam, est-ce que vous considérez qu’à Amsterdam le Pacte de stabilité et de croissance pourra être signé, en tenant compte des demandes et des ajouts de la France ?

LE PRÉSIDENT -

Je le souhaite et je l’espère. Pour tout dire, je le pense.

QUESTION -

Est-ce que la France parle d’une seule voix dans ce dossier ?

LE PRÉSIDENT -

Comment pouvez-vous imaginer le contraire ?

QUESTION -

Monsieur le Premier ministre, avez-vous pu convaincre le Président d’appuyer votre demande, à savoir que des contrôles indépendants soient maintenus à la frontière britannique, et que ce soit inscrit dans le traité d’Amsterdam ?

M. BLAIR -

Évidemment, nous en avons parlé. Il est excessivement important que la Grande-Bretagne joue un rôle constructif et, je l’espère, de premier plan dans la construction de l’Europe. Mais il faut que nous soyons certains que nos intérêts nationaux, en particulier notre politique en matière d’immigration, de droit d’asile et de frontières, soit maintenue. Bien entendu donc, il en a été question, parmi d’autres sujets. Je reste confiant, bien qu’il y ait sans doute des négociations serrées en vue, mais nous obtiendrons cela à Amsterdam, car, bien entendu c’est important pour nous.

QUESTION -

Le Président va-t-il vous soutenir ?

M. BLAIR -

Eh bien, attendons le résultat d’Amsterdam.

QUESTION -

Monsieur le Président, je voudrais savoir quelle solution vous souhaitez sur le Pacte de stabilité. Seriez-vous satisfait d’un rajout au Pacte de stabilité ou croyez-vous qu’il est nécessaire d’aller plus loin que cela ?

LE PRÉSIDENT -

Le Pacte de stabilité et de croissance, tel qu’il a été adopté après une très difficile négociation à Dublin, s’impose si l’on veut avoir une monnaie unique stable, et sans que personne ne soit pénalisé par des gestes inconsidérés d’autres. Mais il n’en reste pas moins, je le dis depuis deux ans, et le Gouvernement français aujourd’hui le dit à juste titre, que l’Europe n’est pas seulement un problème financier, monétaire, ce n’est pas seulement une monnaie, même si celle-ci est capitale, notamment pour pouvoir faire face à la force du dollar. L’Europe, c’est aussi des hommes, des femmes, qui ont besoin d’être considérés, mais qui font face à des problèmes difficiles, dans le domaine de l’emploi, dans le domaine du mode ou du niveau de vie. Et cela, il faut en tenir compte, d’où la nécessité d’avoir un modèle social européen. C’était l’esprit de ce que j’avais déposé comme proposition, c’était au mois de mars, je crois, 1996, et je n’ai pas changé d’avis. Je suis donc tout à fait d’accord avec les demandes actuelles du Gouvernement français.

D’autre part, il faut bien qu’il y ait aussi une coordination des politiques économiques, et sur ce point également nous devons faire un progrès. Alors, je pense qu’une discussion sur les solutions qui pourraient être apportées à ces deux problèmes s’impose, et je souhaite qu’elle puisse avoir lieu avant la conclusion de la conférence d’Amsterdam.

QUESTION -

Monsieur BLAIR, quand vous entendez M. CHIRAC et M. JOSPIN, avez-vous l’impression que c’est exactement le même langage ?

M. BLAIR -

Je suis certain que tous les deux ont les intérêts de la France à coeur, comme on peut s’y attendre de la part de deux représentants de leur nation aussi qualifiés.

QUESTION -

Ne cherchez-vous pas la confrontation, comme le faisaient les conservateurs, en insistant sur ce droit au contrôle des frontières ? Aujourd’hui, vous avez seulement le point de vue du Président, mais c’est M. JOSPIN qui négociera pour la France.

M. BLAIR -

Il faut que vous sachiez que le nouveau ministre des Affaires étrangères était présent et qu’avec le Président, il a adopté une position parfaitement univoque. Mais je voudrais vous dire ceci, au sujet des contrôles aux frontières : la Grande-Bretagne va jouer un rôle constructif et moteur en Europe. Cela veut dire qu’elle va la modeler, qu’elle fixera un ordre du jour qui touche de près tous ses citoyens sur des sujets comme l’emploi ou l’industrie de demain, et aussi qu’elle a des intérêts nationaux, réels et vitaux, comme de protéger sa politique spécifique de l’immigration, du droit d’asile et des frontières, parce qu’elle est dans une situation différente de celle des pays du continent européen. Nous allons protéger nos intérêts exactement de la même façon que la France protégera les siens là où ils sont en jeu, et l’Allemagne de même.

Il est certain que nous ne provoquerons pas des conflits pour le plaisir. Nous voulons avoir une relation constructive avec l’Europe, qui nous permette de formuler l’ordre du jour et de protéger nos intérêts nationaux, tout en sachant que notre intérêt national est aussi d’être positifs et engagés aux côtés de nos partenaires, parce que l’avenir de la Grande-Bretagne est d’être un acteur européen de premier plan.

QUESTION -

C’est un peu différent ici parce que vous insistez sur ce droit à conserver les contrôles aux frontières ?

M. BLAIR -

Mais il le faut. Nous pensons que c’est parfaitement compatible d’une part avec la nécessité de faire respecter nos intérêts nationaux, et d’autre part, sur toute une gamme d’autres sujets, avec la nécessité de développer l’Europe dans un sens qui corresponde aux besoins des Européens. Et lorsque les intérêts des uns et des autres divergent, il faut évidemment trouver une voie médiane, et je crois que c’est ce qui se produira à Amsterdam.

QUESTION -

Avez-vous parlé de la prolongation de la concession d’Eurotunnel ? Vous êtes-vous mis d’accord sur ce point ?

M. BLAIR -

Nous aurons évidemment d’autres discussions à ce sujet et je suis certain qu’il en sera question. Mais naturellement c’est un dossier qu’il faudra étudier en tenant compte des propositions spécifiques qui pourront nous être soumises.





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