Conférence de presse du Président de la République lors du sommet de l'Alliance atlantique.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du sommet de l'Alliance atlantique.

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Madrid, Espagne, le mardi 8 juillet 1997

Mesdames, Messieurs,

Une fois de plus, merci d’être venus si nombreux pour suivre cette réunion de l’OTAN qui, dans un monde où les choses sont de plus en plus complexes et les réunions de plus en plus nombreuses, s’est, au total, bien passée.

Je crois qu’il faut inscrire cette réunion dans une évolution qui, tout de même, depuis dix ans, était très impressionnante et extraordinairement rapide pour ce qui concerne le monde en général et l’Europe en particulier et qui a été jalonnée, pour prendre simplement la dernière étape, par l’Acte fondateur signé le 27 mai 1997 à Paris. Qui aurait pu imaginer, il y a encore peu d’années, qu’il y aurait un accord de cette nature entre l’OTAN et la Russie ?

C’était aussi un préalable à la réunion d’aujourd’hui qui avait deux objectifs dans les détails desquels je n’entrerai pas parce que vous les connaissez : d’une part, la réforme de l’Organisation et d’autre part, l’élargissement. La réforme, dans notre esprit doit être marquée par un accroissement des responsabilités des Européens dans l’ensemble de l’Organisation et un pas non négligeable a été confirmé aujourd’hui.

Un pas dont les principes avaient été arrêtés à Berlin et qui consiste pour l’Europe - cela aussi il y a trois ou quatre ans eut été tout à fait inimaginable - à pouvoir disposer des moyens militaires de l’OTAN sous commandement de l’Union de l’Europe occidentale pour des conflits auxquels les Américains estimeraient ne pas devoir directement participer.

Pour ce faire, une chaîne de commandement particulière a été instituée. Le principe, je le répète, en avait été arrêté à Berlin, les modalités et la décision définitives sont intervenues, aujourd’hui, officiellement. Je le répète encore, c’est un pas important, mais surtout c’est un pas que l’on n'aurait pas imaginé, il y a seulement deux ou trois ans. Il y a donc le rééquilibrage interne, qui, aux yeux de la France, ne va jamais assez vite et assez loin et qui n’est pas encore achevé, mais qui est tout de même bien engagé, c’est cela la vérité.

Ensuite, il y a eu le problème de l’élargissement. Chacun sait qu’il y avait une divergence de vues sur les conditions de l’élargissement. Il y avait ceux qui souhaitaient pour toutes sortes de raisons et notamment financières, limiter l’élargissement à trois pays : la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. La France, vous le savez, était naturellement très favorable à cet élargissement. Nous avions néanmoins mis comme condition - il y a dix-huit mois - qu’un accord préalable soit passé avec la Russie, car nous ne voulions pas, nous ne pouvions pas accepter, que la Russie dans cette affaire ait le sentiment d’être soit agressée, soit humiliée. D’où l’importance que nous avons attachée, l’énergie que nous avons déployée pour que cet accord puisse être signé à Paris le 27 mai dernier.

Mais à partir du moment où cela était fait, nous étions naturellement favorables à l’entrée de ces trois pays. Mais, nous souhaitions beaucoup soutenir la candidature de la Roumanie mais aussi celle de la Slovénie. Concernant la Roumanie, vous connaissez nos arguments, c’est un pays qui a fait un effort considérable d’affirmation de la démocratie, de l’enracinement de la démocratie, de développement économique dans des conditions pas faciles et qui a su - décision historique -, régler un conflit ancestral avec l’Ukraine et un autre avec la Hongrie, marquant ainsi sa volonté déterminée d’être un peuple de paix et de sérénité. La Roumanie souhaitant avoir des perspectives d’entrée, nous avons soutenu très activement sa candidature et, avec nos amis italiens, celle de la Slovénie.

Nous avons eu quelques difficultés, mais finalement nous avons pu obtenir qu’une perspective claire soit tracée, puisque dans un paragraphe - un paragraphe isolé - il est prévu une date, c'est-à-dire 1999, ce que nous souhaitions, et deux noms, les seuls cités parmi les neuf candidats, en dehors des trois qui sont aujourd’hui acquis : deux noms cités, la Roumanie et la Slovénie, à côté d’une date, 1999, et dans un paragraphe spécifique. Il s’agit donc d’une perspective claire pour ces deux pays qui le méritent et qui, je crois le comprendre, sont assez satisfaits de cette solution. Je vais d’ailleurs rencontrer le Président Constantinescu dans quelques minutes après vous avoir quittés, je pense qu’il doit être relativement satisfait. Pour le reste, vous connaissez aussi bien que moi les détails.

J’ai eu par ailleurs un entretien bilatéral avec le Président CLINTON, en présence naturellement de nos deux ministres des Affaires étrangères. Le ministre français, M. VEDRINE, qui a eu bien du mal et du mérite à affronter un certain nombre de ses collègues pendant deux heures pour arriver à une solution convenable - ils ont même, je crois, quasiment sauté leur déjeuner, pour ce qui concerne l’affaire de la Roumanie et de la Slovénie - ; et puis Mme ALBRIGHT, un entretien au cours duquel nous avons parlé essentiellement du Moyen-Orient et de notre inquiétude dans ce domaine, enfin deux ou trois autres sujets, en particulier le problème du financement des centrales nucléaires qui devront se substituer en temps voulu, à la fermeture de Tchernobyl en Ukraine.

Voilà, je suis maintenant prêt à répondre à deux ou trois questions.

QUESTION - Est-ce que vous avez abordé, avec le Président CLINTON, la question d'une éventuelle reprise des discussions franco-américaines sur le commandement sud ?

LE PRÉSIDENT - Ces discussions n'ont pas été interrompues ; elles l'ont été provisoirement et matériellement pendant la formation du gouvernement. Je le répète, une fois de plus, la France a un objectif qui consiste à tout faire pour permettre le développement d'une défense européenne. Bien entendu, il y a une contradiction entre un isolement par rapport à l'OTAN et le développement d'une défense européenne. Donc, ou l'OTAN devient une véritable organisation parfaitement équilibrée où l'Europe a toute sa place et où les commandements sont réellement partagés - et à ce moment-là, nous sommes tous prêts à continuer à discuter et à voir dans quelles conditions devraient s'organiser les relations entre l'OTAN et la France, au-delà d'une décision de rééquilibrage total -, ou bien nous en restons là où nous en sommes aujourd'hui, à ce moment-là, nous ne sommes pas disposés à changer notre position.

C'est la position que j'avais prise, il y a un an et demi, c'est celle du ministre, M. VEDRINE et du Gouvernement, et j'ai bien indiqué au Président CLINTON depuis un an et demi, qu'il ne s'agissait pas là d'un conflit entre les Etats-Unis et la France, en aucun cas, mais qu'il s'agissait d'un problème de rapport entre l'OTAN et la France, problème qui se réglera aujourd'hui, demain, quand les conditions seront réunies, elles ne le sont pas aujourd'hui.

QUESTION - Monsieur le Président, dans les deux années qui viennent, envisagez-vous un partenariat spécial avec la Roumanie pour l'aider non seulement avec l'OTAN, mais aussi pour la réforme économique ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, je ne peux pas parler au nom de l'OTAN, naturellement ; mais l'Union européenne ainsi que la France sont très attachées à leur coopération avec la Roumanie. C'est un grand pays européen qui, je le disais tout à l'heure, a fait des efforts considérables pour sa modernisation, pour sa démocratisation. La France souhaite effectivement un partenariat particulier entre l'Union européenne et la Roumanie, qui a vocation naturellement à entrer, le moment venu, dans l'Union européenne comme elle a vocation pour entrer dans l'OTAN. Puis, de façon plus bilatérale, nous avons engagé entre la Roumanie et la France une action très soutenue de relations renforcées, sur le plan politique, économique, mais aussi sur le plan culturel.

QUESTION - Je voudrais vous poser une question sur la rénovation de l'OTAN. Vous avez cité comme acquis de cette réforme une chaîne de commandement européenne particulière au sein de l'OTAN. La France va-t-elle y participer et comment, dans la mesure où la réintégration, où l'intégration de la France dans l'OTAN, en voie de rénovation, n'est pas acquise ?

LE PRÉSIDENT - Non, la France ne participera pas à cette chaîne de commandement, puisque la France n'est pas à l'intérieur de l'Organisation militaire intégrée. Mais la France se réjouit et a milité pour que l'Europe ait une chaîne de commandement, ait la capacité de mettre en oeuvre les moyens de l'OTAN en cas de conflit hors Etats-Unis. La France, le cas échéant, aura sa part naturellement, comme elle l'a en Bosnie, dans le cadre d'opérations menées par l'Union de l'Europe occidentale avec les moyens de l'UEO.

QUESTION - Doit-on considérer au travers de vos propos que les dossiers d'adhésion roumain et slovène seront traités en 1999 de façon prioritaire ?

LE PRÉSIDENT - Oui, je crois qu'on peut dire cela, dans la mesure où il n'y aurait pas d'évolution dans ces pays, ni qu'ils ne s'éloigneraient pas des critères politiques qui sont retenus pour l'adhésion à l'OTAN, mais je crois qu'on peut dire cela. La France sera aux côtés de la Roumanie et de la Slovénie dans cette affaire.

QUESTION - Quelle est votre opinion sur ce Sommet de Madrid ?

LE PRÉSIDENT - Je tiens à exprimer ma reconnaissance et mes félicitations aux autorités espagnoles qui l'ont organisé, ce qui n'était pas évident, c'était parfait, en particulier, l'hospitalité d'hier soir.

J'ai trouvé que c'était un pas supplémentaire dans la bonne direction, c'est-à-dire dans la construction d'une architecture européenne de sécurité, je pars satisfait.

QUESTION - Concernant le Moyen-Orient, vous avez rencontré M. Bill CLINTON, avez-vous seulement fait un état des lieux ou avez-vous décidé de relancer une initiative commune franco-américaine ou européo-américaine ?

LE PRÉSIDENT - J'ai indiqué au Président CLINTON l'inquiétude des Européens et la mienne à l'égard du blocage du processus de paix. Je lui ai dit que nous courions de grands risques dans ce domaine et que nous devions l'Europe et les Etats-Unis, associer nos efforts pour relancer autant que faire se peut le processus de paix.

QUESTION - Je voudrais savoir si le fait que le Président CLINTON dise et redise, comme il l'a fait hier soir, qu'attribuer à un Européen le commandement sud de l'Europe est exclu, ce n'est pas une fin de non-recevoir quant au rééquilibrage des responsabilités euro-américaines ?

LE PRÉSIDENT - Dans l'état actuel des choses, oui. Vous avez raison, cela ne vous a pas échappé, à moi non plus. Mais les choses évoluent, vous le voyez bien, vous savez la France, pour le moment et jusqu'ici, n'a rien concédé, pas une seule fois. En revanche, un certain nombre de choses ont été améliorées dans le sens que nous souhaitions. Nous ne sommes pas têtus, nous sommes naturellement des gens responsables, nous savons très bien qu'une négociation doit être équilibrée. Je le répète, la France n'a rien concédé, elle a obtenu un certain nombre d'avancées. Elle attendra que les choses changent, et que la position des Américains, et surtout de l'OTAN, évolue dans le sens que nous souhaitons.

Je vous remercie.





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