Conférence de presse du Président de la République à Vnoukovo II.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à Vnoukovo II.

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Moscou, Russie, le dimanche 2 février 1997

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Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie d'être venus au moment où je repars à Paris après les entretiens que j'ai eus avec le Président Eltsine. Je voudrais dire d'abord que j'ai passé un moment à la fois très utile, très agréable. Je repars très heureux de cette journée à Moscou.

Pour éviter à quiconque de me poser la question, je vous dirai que j'ai été, connaissant bien et depuis longtemps le Président Eltsine, très impressionné par la rapidité de son rétablissement. Et je l'ai trouvé, comme toujours, extraordinairement clair sur tous les problèmes du monde que nous avons ensemble évoqués et extrêmement offensif dans la défense des intérêts de la Russie, ce qui est tout à fait légitime.

L'essentiel de nos conversations, qui ont duré plus de trois heures, a porté sur la sécurité en Europe, et notamment sur les problèmes liés à l'élargissement de l'OTAN. Mais avant, nous avons évoqué les problèmes bilatéraux, pour constater que la relation russo-française était, à tous égards et dans tous les domaines, excellente.

Sur le plan économique, la commission mixte russo-française, coprésidée par les Premiers ministres Tchernomyrdine et Juppé, s'est réunie deux fois et les problèmes sont résolus de la meilleure façon possible et les relations intensifiées.

Sur le plan politique, nos relations sont également excellentes et j'ai accepté bien volontiers l'invitation que m'a faite le Président Eltsine de me rendre en voyage officiel à Moscou du 25 au 27 septembre prochain. Enfin, j'ai été heureux de remercier le Président Eltsine d'avoir bien voulu régler, en accord avec M. Loujkov, le maire de Moscou, un problème qui me tenait beaucoup à coeur et qui tenait beaucoup à coeur à la communauté française en Russie à Moscou, et aussi à la France, qui concerne le lycée français de Moscou. Le lycée français, aujourd'hui trop petit et inadapté, va donc s'installer au coeur historique de Moscou, dans un bâtiment tout à côté de l'Eglise Saint-Louis des Français, marquant ainsi le place de la France dans le domaine culturel à Moscou et je m'en réjouis.

L'essentiel de nos conversations a porté sur la sécurité en Europe. Et donc sur l'élargissement de l'OTAN et la préparation de la Conférence, du sommet qui se tiendra à Madrid le 7 juillet prochain. Le Président Eltsine m'a indiqué avec beaucoup de clarté, beaucoup de précision, quelle était la position de la Russie dans ce domaine. Notamment pour ce qui concerne la relation qui devra exister entre la Russie et l'OTAN et plus généralement la façon dont doit être organisée la paix en Europe, et en Europe, je dirais, de l'Atlantique à l'Oural.

S'agissant de l'élargissement de l'OTAN, le Président Eltsine a précisé les conditions qui étaient celles de la Russie pour qu'un accord puisse être passé avec les Alliés. Qu'il s'agisse des conditions dans lesquelles les décisions devaient être prises en cas de mise en oeuvre d'actions par l'OTAN, qu'il s'agisse de l'aire géographique concernée ou qu'il s'agisse des implantations de l'OTAN dans les nouveaux pays adhérents, le cas échéant. Je lui ai moi-même exposé quelle était la position de principe, dans ces différents domaines, des alliés de l'OTAN. Mais nous sommes tous des hommes de paix et c'est là l'essentiel. Et j'ai tiré de ces conversations la conviction que, pour peu que chacun y mette un peu du sien, un accord entre l'OTAN et la Russie, pour qu'il y ait une architecture solide de sécurité en Europe, pouvait parfaitement être élaboré. Et nous avons évoqué de façon très positive les procédures qui pourraient nous permettre d'arriver à un résultat positif et de conclure convenablement à Madrid.

Nous avons également parlé de l'OSCE mais je ne développerai pas ce point puisque la France et la Russie ont une approche très commune des problèmes de l'OSCE et du rôle de l'OSCE dans l'organisation de la paix en Europe.

La dernière partie de nos entretiens a porté sur l'ensemble des grands problèmes du monde et là encore j'ai observé qu'il y avait une grande convergence de vues entre les analyses russes et les analyses françaises. Mais vous voyez, pour conclure, dans une Europe qui depuis si longtemps a connu la guerre, les affrontements, les misères, les massacres, l'essentiel, ce qui est fondamental, c'est de créer une situation permanente de paix. C'est la raison qui a conduit ceux qui ont imaginé l'Union européenne. Leur objectif était de permettre une paix durable et permanente en Europe. C'est aujourd'hui ce qui anime notre coeur, notre esprit, créer une situation, une organisation qui nous permette de ne plus connaître la guerre dans l'Europe. Pour cela, naturellement, il faut des hommes de bonne volonté. Ils existent naturellement. Mais il faut créer aussi un système qui permette de lier les hommes dans des conditions qui soient indissolubles. C'est à cela que nous nous consacrons et c'est cela notre objectif. C'est, je l'ai remarqué, l'objectif de tous les Européens, c'est l'objectif de nos alliés américains, c'est naturellement mon objectif, et c'est aussi, et de la même façon, l'objectif des autorités russes et du Président Eltsine. C'est pourquoi je pars d'ici aujourd'hui heureux et optimiste.

QUESTION - Vous avez dit que M. Eltsine se rétablissait très rapidement. En quoi est-il encore convalescent ? A votre avis, est-ce qu'il a du mal à marcher, du mal à parler, peut-être du mal à suivre la conversation que vous avez eue avec lui ? Est-ce que vous pouvez nous donner quelques détails ?

LE PRÉSIDENT - Je ne suis pas sûr que votre question soit tout à fait fondée. Je regrette un peu quand on mélange les genres de cette façon. Je vois que ce qui vous intéresse n'a rien à voir avec ce qui peut réellement ressortir d'une réunion comme celle-ci. Eh bien, non, je n'ai trouvé aucune des caractéristiques que vous évoquez dans le comportement de M. Eltsine. Aucune. Et je le répète que j'ai été impressionné par la rapidité de son rétablissement. Il a subi une intervention. Il était légitime qu'il ait un certain délai pour retrouver sa forme et j'ai été, je le répète, très impressionné. Moi, j'ai retrouvé le Boris Nikolaevitch que j'ai toujours connu.

QUESTION - Est-ce que vous pourriez détailler les conditions dont le Président Eltsine vous a parlé pour parvenir à un accord, et parmi elles y a-t-il le fait de signer un accord contraignant et non pas simplement une charte parce que les médias russes prêtent à la France une position semblable à celle de la Russie, c'est-à-dire que vous, M. Chirac, êtes d'accord avec le Président Eltsine pour signer un accord contraignant devant être ratifié par les Parlements ?

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie de poser une vraie question. Le Président Eltsine, se fondant probablement sur des expériences passées, considère qu'un accord entre la Russie et l'OTAN doit prendre une forme qui s'impose et donc doit avoir une nature juridique et non pas seulement la nature d'une déclaration politique. Je voudrais dire au journaliste du Monde que la France sur ce point a indiqué qu'elle ne prenait pas de position, qu'elle n'avait rien contre une formulation juridique et rien contre une formulation politique. Elle est donc très ouverte sur ce problème. Mais je voudrais vous dire que l'expérience m'a démontré qu'entre la simple déclaration politique et le traité juridique ratifié par des parlements il y a un éventail extrêmement large de possibilités et que par conséquent sur ce point qui est l'un des trois points importants que j'évoquais tout à l'heure et que nous avons évoqués avec le Président Eltsine, il y a une marge de discussions qui est importante. Si on aborde cette question avec la volonté d'aboutir à un résultat concret, on aboutira à ce résultat, voilà ma conviction.

QUESTION - M. le Président, est-ce qu'il vous semble quand même, dans les discussions que vous avez eues avec le Président Eltsine, qu'il y a une meilleure compréhension de notre position par rapport à l'élargissement de l'OTAN, de la position des Occidentaux, ou est-ce qu'on en reste à simplement négocier les choses et essayer de régler le 7 juillet le problème, étant entendu que cela pourrait dépasser le 7 juillet ?

LE PRÉSIDENT - Dans une période de négociation, où chacun naturellement garde ses marges de manoeuvre, il est difficile de répondre à votre question. Ce que je peux dire, c'est que la nature des relations que j'ai depuis longtemps avec le Président Eltsine permet un contact très libre. Je n'entrerai pas dans le détail naturellement d'une négociation qui va seulement commencer. Mon intuition, mon impression, j'espère qu'elle ne sera pas infirmée, c'est que ce problème se pose dans des conditions qui permettent de le résoudre. Alors naturellement, il faudra que sur les différents points où il pourrait y avoir opposition chacun mette un peu du sien, qu'il y ait une certaine diplomatie, que chacun respecte l'autre, ça c'est un point tout à fait capital. Mais si ces conditions sont remplies, je pense qu'un accord pourrait intervenir avant même le Sommet de Madrid, à l'occasion duquel naturellement cet accord pourrait être entériné. Voilà mon impression aujourd'hui.

QUESTION - Le porte-parole du Président Eltsine a dit qu'il y avait des particularités dans la position française sur le futur de l'OTAN qui pourraient être intéressantes pour la Russie. Quelles sont les particularités de la position française et comment le Président Eltsine a-t-il accueilli vos idées ?

LE PRÉSIDENT - Je ne sais pas ce que l'autorité à laquelle vous vous référez appelle une particularité. La France, je vous l'ai dit, a pour objectif de tout faire pour que la paix puisse s'organiser en Europe. Vous savez, la France a toujours été contre Yalta, contre la coupure en deux de l'Europe, et l'ambition de la France c'est d'effacer Yalta, c'est d'avoir une architecture générale de sécurité. C'est pourquoi nous sommes très attachés à l'OSCE comme la Russie et c'est pourquoi nous souhaitons beaucoup trouver un accord entre la Russie et l'OTAN qui permette l'élargissement, aujourd'hui nécessaire, de l'OTAN, tout en respectant les intérêts politiques et de sécurité de la Russie.

Voilà, je vous remercie. Merci beaucoup.





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