Point de presse du Président de la République à l'issue de sa visite dans le Pas-de-Calais.

Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue de sa visite dans le Pas-de-Calais.

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Hôtel de la Préfecture, Arras, Pas-de-Calais, le mardi 1 octobre 1996

LE PRÉSIDENT - Bonjour Mesdames, Messieurs

Je voudrais d'abord remercier les représentants de la presse régionale et nationale pour le temps qu'ils ont pris ici, à suivre pendant ces deux journées mon séjour dans le Pas-de-Calais. Un séjour qui m'a beaucoup intéressé et dont je suis très content.

J'ai rencontré beaucoup de gens qui témoignent de leur volonté de surmonter leurs difficultés, c'est encore ce que j'ai observé ce matin avec les pêcheurs et les agriculteurs.

Le Pas-de-Calais, chacun le sait, est une terre de tradition industrielle durement marquée par les reconversions et qui se trouve dans une situation sociale plus difficile que la plupart des autres départements français, notamment marqué par le chômage, mais qui est aussi, -et ceux qui ont assisté à la réunion de ce matin peuvent en témoigner- une terre d'innovation économique et sociale. On le voit par toutes les initiatives qui sont prises en matière de mise en oeuvre de projets, d'initiatives pour l'insertion des jeunes, d'expérience, d'organisation et de réduction du temps de travail.

Enfin, il se passe quelque chose ici, et ce quelque chose nous permettra, dans la mesure ou il se développera de renouer avec une croissance qui n'est certes pas suffisante pour régler les problèmes d'emplois, mais qui est nécessaire. On ne réglera pas les problèmes d'emplois si on n'améliore pas la croissance. Et la croissance, je l'ai dit hier parce que j'en suis tout à fait persuadé, est une pyramide dont la base est constituée par les initiatives locales. Là encore, elles ne sont pas suffisantes, mais elles sont absolument nécessaires. Et c'est ce que j'ai voulu observé, concrètement, à l'occasion de ce voyage et je n'en suis pas déçu, c'est le moins que l'on puisse dire.

J'ai eu le sentiment, qu'ici, il y avait beaucoup de gens et notamment dans la réunion d'hier matin et dans celle de ce matin qui essayaient de privilégier l'esprit de rassemblement, l'esprit de mobilisation sur l'esprit de résignation.

Vous savez pendant cette période de changement inévitable, incontournable, à laquelle les pays européens et notamment la France sont confrontés, il faut bannir tout esprit de division, tout esprit de dénigrement. Ce sont là nos pires ennemis. Il faut au contraire privilégier tout ce qui rassemble, grâce notamment à un dialogue, à une concertation, à une information privilégiée. Il faut faire appel, autrement dit, à ce qu'il y a de plus positif en chacun de nous. En clair, il faut renoncer au renoncement.

Voilà les observations que j'ai faites ici.

QUESTION - Vos réponses à des questions hier matin et ce matin à des industriels du Pas-de-Calais, à propos de la Lire Italienne ont provoqué un certain émoi, en Italie, et Walter Veltroni, le Vice-Président du Conseil demande que vous reveniez sur ces propos, et il dit "nous ne jugeons pas ce que font les autres et nous attendons qu'ils en fassent autant". Qu'avez-vous à dire sur ce sujet ?

LE PRÉSIDENT - Je ne connais pas Monsieur Veltroni. Ce que je peux dire ou répéter, c'est que de 1992 à 1995, la dévaluation de la Lire a fait beaucoup de mal à un certain nombre de pays européens, et en particulier à la France.

On l'a bien vu dans nos campagnes, avec l'achat ou plus exactement les difficultés pour vendre nos "broutards". On l'a vu dans des régions comme le Pas-de-Calais avec les conséquences que cela comportait pour des pans entiers de l'économie, celle qui est fondée sur le textile, l'habillement, la chaussure. Et par conséquent, on a eu là, l'exemple même d'atteinte à une saine organisation d'un marché unique comme le marché européen.

Je vous rappelle que j'ai été l'un des premiers à me réjouir, au moment du changement de Gouvernement italien, de voir arriver une équipe qui semblait déterminée à lutter avec courage contre ces tendances un peu laxistes. Je l'avais d'ailleurs clairement dit lors du Sommet de Florence, lorsque j'avais déclaré que je souhaitais que l'Italie se mette en situation d'être dans le premier groupe de pays adhérant à l'Euro - à la monnaie unique-. Je l'ai dit ce matin, et je le répète, des progrès ont été faits, et ces progrès ce sont manifestés, naturellement, par un double phénomène qui m'a réjouit et qui été d'une part la remontée de la Lire et d'autre part la baisse -l'un n'allant pas sans l'autre naturellement et l'un étant la conséquence de l'autre- des taux d'intérêt en Italie. Ce qui marquait bien que la politique déterminée du Gouvernement italien allait dans le bon sens.

Alors je ne souhaite qu'une chose, c'est qu'il continue, et d'ailleurs je l'ai dit souvent aussi, je lui fais confiance dans ce domaine.

J'ai également dit que je me réjouissais des décisions qui ont été prises à Dublin par les Ministres des Finances il y a quelques jours et qui ont abordé une question que la France a été la première à soulever, -je me répète mais enfin il vaut mieux cela, que de se contredire- et qui a permis de tracer le cadre qui permettra d'éviter les distorsions monétaires quand l'Euro sera créé entre les pays y adhérant et ceux qui n'y auront pas encore adhéré.

J'ajoute enfin, pour ce qui concerne, l'Italie, -je le répète- elle mène une politique courageuse qui porte ses fruits. Je crois que le Gouvernement italien est tout à fait déterminé à tout faire, et d'ailleurs il l'a démontré sur le plan budgétaire pour être dans la première vague d'adhésion à l'Euro. Tout ce que je peux dire c'est que je souhaite ardemment naturellement qu'il y réussisse. Nous verrons cela en début 1998, comme pour l'Allemagne, comme pour la France, comme pour les autres pays candidats, mais je souhaite bien sûr qu'il y réussisse.

QUESTION - . Une question qui intéresse directement le Pas-de-Calais même s'il n'a pas été évoqué, c'est le Tunnel sous la Manche. A l'heure qu'il est, on ne sait pas si les parties sont arrivées à un accord. Ma question est la suivante : l'Etat peut-il rester spectateur, d'un règlement ou de l'absence de règlement, dans un dossier qui met en jeu les intérêts de très nombreux petits actionnaires qui ont été sollicités il y a dix ans, pour lancer ce projet ?

LE PRÉSIDENT - Je souhaite que chacun, dans le cadre de ses propres responsabilités, fasse en sorte que le redressement financier en cours de la Société du Tunnel sous la Manche soit confirmé. Je crois vraiment qu'au delà de la crise qui vient de se produire, l'avenir est positif pour le Tunnel sous la Manche. Petit à petit, on verra cet équipement devenir plus rentable. Je ne suis pas, pour ma part, pessimiste à l'égard de l'avenir du Tunnel sous la Manche.

QUESTION - Monsieur le Président, ce voyage est un petit peu différent de ceux que vous avez entrepris depuis le début de votre septennat, notamment avec la prise de parole d'hier soir à AIRE SUR LA LYS. Est-ce pour combler ce que vous avez appelé dans ce discours, l'exigence de pédagogie gouvernementale qui semblerait donc un peu faire défaut ?

LE PRÉSIDENT - C'est votre affirmation que de dire que la pédagogie gouvernementale fait défaut. Ce n'est pas mon sentiment. L'information est très très difficile à faire passer. Nous sommes dans un monde où la vitesse est privilégiée et donc le superficiel, au détriment du fond. Ce ne sont pas les hommes qui sont responsables de cette situation, ce sont les techniques. C'est vrai, en particulier de la télévision. Alors, il est difficile d'expliquer aux gens la réalité des choses. Il faut un énorme effort et un effort auquel chacun doit apporter sa contribution. Je ne vois pas en quoi le Président de la République en serait exonéré. Alors hier, j'ai simplement voulu donner aux représentants des forces vives de ce département, mon sentiment sur ce problème. Je n'ai pas voulu me substituer à un Gouvernement qui fait, dans ce domaine, tout ce qu'il faut, mais apporter ma contribution, comme je vous suggère d'apporter la vôtre.

QUESTION - Monsieur le Président, le référendum sur l'Education autrefois promis, aura-t-il lieu ?

LE PRÉSIDENT - Vous voyez comment les choses se modifient au fil des temps. Je n'ai jamais promis -d'abord parce que personne ne me l'a demandé- un référendum sur l'éducation. J'ai dit, ce qui est tout à fait différent, qu'il fallait pouvoir interroger l'ensemble des français sur des sujets de société. C'est la raison pour laquelle, il y a eu une réforme constitutionnelle élargissant le champ d'application du référendum. Pas assez d'ailleurs, puisque lorsque j'ai voulu -ou j'ai souhaité- faire un référendum sur le Service National, les juristes m'ont expliqué que ce n'était pas constitutionnel. J'ai dû y renoncer à regret. La réforme de l'Education Nationale est une réforme longue et complexe qui exigera beaucoup d'effort, Elle est engagée et je dois dire que je trouve qu'elle est très bien engagée. Faudra-t-il un jour la sceller par une décision populaire, c'est très possible. S'il faut le faire, on le fera.

QUESTION - Monsieur le Président nous sommes aujourd'hui au jour de la rentrée parlementaire, quel jugement portez-vous sur l'état du Gouvernement et sur celui de votre majorité ?

LE PRÉSIDENT - Comme je suis peu sensible aux agitations superficielles, je porte un jugement tout à fait serein et positif à l'égard de l'un et à l'égard de l'autre.

QUESTION - Monsieur le Président le Sommet sur le Proche-Orient commence aujourd'hui n'avez-vous pas le sentiment que dans cette affaire que la France est quelque peu humiliée ?

LE PRÉSIDENT - Vous devriez interroger les américains. Vous voyez, je vous le dit : perdez cet esprit de dénigrement systématique. Supposez que votre question soit retransmise par vos étranges lucarnes, c'est quelque chose qui pour des gens qui ne sont pas au fait de ces choses pourrait apparaître comme démobilisant, comme décevant. La France avait pratiquement totalement quitté la scène du Moyen-Orient, elle y est maintenant présente. Nous sommes sollicités, il ne s'est pas passé de jour pendant toute cette crise sans que je sois en contact avec l'ensemble des parties concernées, M. NETANYAHOU, M. ARAFAT, le Président ASSAD, Le Président MOUBARAK, les américains, le Chancelier KOHL, John MAJOR avec lequel nous avons écrit une lettre de mise en garde à l'initiative de la France, lettre qui a été rédigée par la France et qui a été adoptée et signée par nos deux grands partenaires européens, avec l'accord d'ailleurs après avoir informé naturellement la Présidence Irlandaise de l'Union.

Je ne reviens pas sur ce point, en revanche, je voudrais dire un mot sur le fond. Les choses étant ce qu'elles sont, la haine a refait son apparition. Cela est extrêmement préoccupant pour tout le monde. J'en ai longuement parlé avec le Premier ministre Israélien. Nous sommes aujourd'hui à un moment où tous les dangers sont possibles en matière d'affrontements sur le plan local, en matière de reprise du terrorisme. Il est donc tout à fait nécessaire qu'il y ait une désescalade, ce qui suppose quelques signes forts qui peuvent ne pas toucher sur l'essentiel, mais qui soient forts. La tenue des engagements sur HEBRON, la fermeture du tunnel qui passe sous les lieux saints, comme nous l'avons dit dans la lettre que nous avons co-signée le Chancelier Allemand, le Premier ministre Britannique et moi bref, quelques signes forts. Le Président CLINTON a invité M. ARAFAT et M. NETANYAHOU en présence d'ailleurs du Roi de Jordanie pour discuter de ces problèmes.

Je ne sais pas si l'on peut appeler cela un sommet, mais ce que je puis vous dire, c'est que je souhaite ardemment que cela réussisse. Nous avons été en liaison étroite avec tous les protagonistes pendant ces derniers jours et ces dernières heures. Mais il ne suffit pas que les gens se parlent. Il faut également que des initiatives fortes soient prises. Je souhaite qu'elles puissent l'être à Washington. La relance du processus de paix suppose de reprendre contact.

Bien entendu cela suppose aussi que l'on soit décidé à trouver une solution à tous les problèmes dans l'esprit des accords de MADRID, d'OSLO, de TABA. Ces accords étaient ce qu'ils étaient. Ils avaient l'avantage d'exister. Il faut maintenant les respecter. Je crois comprendre que si tout ne peut pas être réglé dans les jours qui viennent, car naturellement des affrontements de cette nature laissent des traces, je pense qu'il faudra continuer. Je crois que le Président MOUBARAK entend prendre à sont tour une initiative pour suivre celle de Washington. Je souhaite également qu'il puisse le faire.

Quant à la France, elle s'est tout à fait engagée, non pas du côté des uns ou du côté des autres, mais du côté de la paix, de façon déterminée et je dirais qu'elle suit heure après heure, l'évolution des choses. Le Président ARAFAT, en principe passera me voir à son retour de Washington. Il a eu des entretiens hier, à Luxembourg non seulement avec la troïka, mais également avec M. Michel BARNIER qui était allé à sa demande le rencontrer à Luxembourg. Voilà, nous sommes très présents et entendons rester très présents maintenant dans cette région du monde.

QUESTION - Vous n'envisagez pas de remettre ou de repousser votre déplacement là bas ?

LE PRÉSIDENT - Non pas du tout. Il faudrait des circonstances tout à fait exceptionnelles et que je ne veux même pas envisager pour que je remette en cause mon déplacement .

QUESTION - Monsieur le Président vous avez installé hier, une commission de quatre personnalités du Pas-de-Calais chargées de traquer les freins à la création d'entreprises. Pouvez-vous nous dire de façon plus précise, ce que vous en attendez ? Cela débouchera-t-il sur un rapport ? Y-a-t-il un calendrier d'actions ?

LE PRÉSIDENT - Je me méfie toujours un peu des excès de structures. En France, nous avons une fâcheuse tendance à considérer que lorsqu'il y a un problème c'est soit, en changeant la loi ou la Constitution soit, en créant une commission qu'on le règle. Je ne dis pas que ces exercices soient toujours inutiles, mais je ne crois pas que cela soit toujours la bonne solution. Aujourd'hui, nous avons dans tous les domaines : de l'initiative, de la lutte contre le chômage, de la lutte pour l'insertion, contre l'exclusion, toutes sortes de structures, je dirais que nous en avons trop. Je n'ai pas du tout l'intention d'en créer une supplémentaire.

Je n'ai donc pas fait de commission et je n'attends pas de rapport. En revanche, j'ai voulu prendre quatre personnes qui à des titres divers avaient autorité ou compétence et avaient la volonté, du temps, de l'intelligence, de la réflexion au service de leurs compatriotes. Le Préfet, le Président des Maires de France, un grand industriel qui est un homme respecté pour sa compétence en matière associative et pour son coeur.

Je leur ai simplement demandé de traquer -effectivement comme vous le dites- toutes les initiatives, dans l'idée simple que j'évoquais hier et qui était de ne laisser aucun projet sans suite, dans toute la mesure du possible et aucune situation de difficulté perdurer si l'on peut faire quelque chose pour l'améliorer. Je leur ai demandé cela : d'être de bons médiateurs, des hommes de sagesse qui donnent le bon conseil au bon moment dans une situation difficile ; situation qu'ils connaissent, qu'ils peuvent connaître mieux que d'autres, en raison de leurs propres positions sociales économiques ou administratives.

QUESTION - Monsieur le Président vous êtes intervenu, par l'intermédiaire de Michel PERICARD, dans le cadre des journées parlementaires du RPR. Pensez-vous vraiment que la gravité de la situation était telle, qu'elle nécessitait une intervention présidentielle et enfin êtes-vous satisfait des résultats obtenus ?

LE PRÉSIDENT - Je ne pensais pas que la gravité de la situation était telle ! Michel PERICARD ayant sollicité mon avis je le lui ai donné, un peu fermement comme il est dans ma nature, mais c'est tout.

QUESTION - Monsieur le Président, une question concernant les jeunes qui ont l'envie de créer des entreprises et qui rencontrent beaucoup de difficultés. Pourquoi le Gouvernement ne créerait-il pas un bureau d'aide, pour faciliter les formalités administratives qui sont assez compliquées pour ces jeunes ?

LE PRÉSIDENT - Je serais tenté de vous répondre, comme à votre confrère, que des bureaux d'aides il y en a un peu partout. Il y en a même tellement, que les jeunes sont complètement incapables de les utiliser parce qu'ils ne savent pas où donner de la tête. Le problème est plutôt de les diriger vers le bon bureau, compte tenu de la nature de leur problème et de leur projet que de créer une structure supplémentaire qui à mon avis ne s'impose pas. Ce que j'ai demandé ici, notamment aux quatre bénévoles auxquels je faisais tout à l'heure allusion, c'est d'essayer de faire en sorte que, via la préfecture, -le Préfet ayant par définition un rôle essentiel et central- ceux qui ont une difficulté où ceux qui ont un projet, puissent de façon simple, non seulement savoir où ils doivent aller sans "galérer" indéfiniment mais aussi et le cas échéant, recevoir un conseil sage et utile pour les aider. C'est un peu dans cet esprit, que j'ai demandé à ces quatre personnalités de se mobiliser. S'ils estiment qu'il faut créer un bureau d'aide qu'ils le fassent. Je leur conseille de le faire à partir de ce qui existe et en regroupant un peu ce qui existe.

Mesdames, Messieurs, je vous remercie.





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