Conférence de presse du Président de la République à Tokyo.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'hôtel Okura.

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Tokyo, Japon, le mardi 19 novembre 1996

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de saluer les journalistes français, les journalistes japonais, les autres aussi d'ailleurs. Avant de répondre à vos questions, je ferai un court commentaire pour remercier d'abord les autorités japonaises de l'accueil qu'elles ont bien voulu réserver à la délégation japonaise et à moi-même, accueil auquel j'ai été très sensible, et qui me conduit à souligner une anomalie.

La France et le Japon sont deux grandes puissances économiques et politiques et il s'agit dans l'histoire de nos deux pays, de la deuxième visite d'Etat de la France au Japon. La première ayant eu lieu il y a quatorze ans, à l'occasion de la visite d'Etat de Monsieur Mitterrand à Tokyo, mais avant il n'y en avait pas eu.

Lorsqu'on sait à quel point les relations internationales sont intenses et les visites d'Etat multiples entre les grands et les moins grands, entre la France et un très grand nombre de nation, imaginez que c'est aujourd'hui la deuxième visite d'Etat des relations franco-japonaises.

La deuxième visite d'Etat française au Japon, c'est tout de même quelque chose d'étonnant, alors que nous avons des convergences importantes dans bien des domaines, comme l'a souligné encore récemment la réunion du G7, à Lyon. Qu'il s'agisse des problèmes relatifs à la stabilité financière internationale, des problèmes sur lesquels le Japon et la France ont à la fois les mêmes ambitions et les mêmes objectifs ; qu'il s'agisse des problèmes, si importants aujourd'hui du multilatéralisme, du commerce international et de la mise en oeuvre de l'organisation mondiale du commerce, pour lesquels là aussi le Japon et la France ont les mêmes ambitions et les mêmes objectifs ; qu'il s'agisse de l'aide au développement avec tout ce que cela implique, dans le domaine de la stabilité politique internationale, du respect de certaines valeurs morales, pour lesquelles là aussi le Japon et la France, premier et deuxième donneur d'aide au développement dans le monde ont une même approche et une même politique qui nous a conduit d'ailleurs -je le dis en passant- à une première en quelque sorte, fondée sur cette convergence de vue entre nos deux pays.

Nous avons décidé, M. Hashimoto et moi, d'envoyer à tous nos collègues du G7, une lettre co-signée -qui a été co-signée aujourd'hui entre M. Hashimoto et moi- pour surveiller la mise en oeuvre des décisions que nous avons prises à Lyon en matière d'aide au développement -et que nous avons d'ailleurs prises très largement- sous l'initiative conjuguée et coordonnée du Japon et de la France.

Nous avons donc en réalité beaucoup de choses en commun. Tout ceci nous a conduit à décider de mettre un terme à cette espèce d'isolement politique dans lequel nous nous trouvions, en signant un pacte entre nos deux pays. Pacte que vous connaissez avec les 20 actions pour l'an 2000, je ne reviendrais pas sur ce pacte, seulement pour souligner que pour ne pas maintenir une situation de trop grande ignorance réciproque, nous avons décidé d'avoir un sommet bilatéral annuel, une fois au Japon, une fois en France, entre le Chef du Gouvernement japonais et le Président de la République Française.

Parallèlement, nos Ministres ont eu une action et un programme de travail très chargé, et d'échanges avec leurs homologues, c'est vrai pour Monsieur de Charette qui a vu longuement le Ministre des Affaires étrangères, d'autres aussi, c'est vrai pour Monsieur Douste-Blazy qui a vu le Ministre de la Culture et réglé un certain nombre de problèmes notamment pour ce qui concerne la coopération culturelle, c'est vrai pour M. Fillion qui dans le domaine de la science et de la communication, dans le domaine également des affaires spatiales a multiplié les contacts avec les membres du Gouvernement Japonais ; c'est vrai enfin pour M. Arthuis le Ministre des Finances qui a eu des séances de travail importantes avec son homologue, mais aussi avec le Ministre du Plan, avec le Ministre du MITI, avec le Gouverneur de la banque centrale du Japon, avec le Comité d'affaires japonais et qui va clore, -je crois bientôt, aujourd'hui ou demain- le séminaire de coopération franco-japonaise en pays tiers qui travaille de façon active, et auquel nous voulons donner une ampleur plus grande.

Nous avons une vocation naturelle, compte tenu de notre politique d'aide au développement à travailler ensemble sur des projets communs dans des pays tiers. C'est ainsi par exemple qu'un accord est intervenu entre France télécom et la société japonaise TOMEN, pour le développement du téléphone mobile en Roumanie, c'est ainsi également qu'un accord est intervenu pour l'Indonésie, pour la construction d'une centrale de traitement des eaux usées entre la société française DEGREMONT et la société japonaise SUMITOMO.

Demain j'aurai l'occasion de rencontrer ainsi que M. Arthuis, la Chambre de Commerce franco-japonaise qui est une chambre de commerce active, imaginative, et vous voyez que nous avons relancé fortement un ensemble d'actions.

Nos échanges avec le Japon ont une double caractéristique : ils sont insuffisants, ils représentent en gros 76 milliards de francs, 28 milliards d'exportations pour nous et 48 milliards d'importations, ce qui fait un déficit excessif, même s'il se réduit en ce moment de façon significative, et qui nous place dans un rang modeste et anormal pour la France, puisque nos échanges sont trois fois moins importants que ceux du Japon avec l'Allemagne, et deux fois moins importants que ceux du Japon avec l'Angleterre c'est absolument anormal, et j'entends bien remédier à cette insuffisance.

Ce matin, j'ai eu l'occasion de rendre hommage à l'industrie du luxe française qui était présente ici à travers le Comité Colbert. Je vous rappelle tout de même que c'est 7 milliards d'exportation de produits de luxe français au Japon, ce n'est pas négligeable.

J'ai eu l'occasion aussi de voir quels étaient les moyens permettant de renforcer le tourisme japonais en France, -je vous rappelle que le tourisme japonais en France rapporte à notre pays 7 milliards de francs par an, ce qui tout de même est considérable.

Je vous rappelle qu'un milliard d'exportations pour la France c'est 2000 emplois créés ou maintenus. C'est vous dire l'impact, je ne cesse de le répéter, mais l'impact que peut avoir l'action d'exportation. Je renouvelle mon ambition de faire en sorte que la France puisse dans les 10 ans qui viennent tripler ici comme dans l'ensemble des pays d'Asie ses parts de marchés.

Voilà les principaux sujets. Je dois dire que nous avons également souhaité que le Japon continue sa politique de réforme et d'ouverture. Vous avez peut-être, pour ceux qui étaient présents ce matin à la réunion du Keidanren, entendu le Président du Keidanren engager fortement le Gouvernement japonais à faire des réformes permettant de déréglementer et d'ouvrir le Japon à l'extérieur, ce qui est important pour le Japon et pour l'extérieur et naturellement ; nous sommes tout à fait sensible à cette action.

Je n'ai pas oublié, naturellement, en raison de proximité géographique, le territoire français de Polynésie française qui accueille un grand nombre de touristes japonais et c'est un tourisme que l'on devrait pouvoir développer fortement, -tourisme et hôtellerie- avec ce que cela représente sur le plan de l'activité économique et de l'emploi pour la Polynésie française, et également la perliculture polynésienne qui connaît des succès croissants au Japon et qui représentent pour le territoire polynésien français une recette, une activité économique et un emploi également importants.

Voilà quelques observations que je voulais faire.

QUESTION - Je voudrais vous parler de l'importance de la sécurité que vous avez reconnu. La sécurité en Asie.

Actuellement, le porte-avions Charles de Gaulle est en construction et on devra mettre au rebut le Clémenceau lorsque le Charles de Gaulle sera prêt à être mis en service. Le problème du Clémenceau était bien connu. Alors, une question : est-ce que vous allez vendre cela à la Chine, est-ce que vous allez vendre le Clémenceau ? Parce que je crois que la Chine est intéressée, je crois que la Chine aurait entrepris des contacts auprès de la France pour acquérir le Clémenceau, est-ce vrai ? Cela c'est la première question.

La deuxième question, si la Chine était prête à acheter ou à acquérir sous une forme quelconque le Clémenceau, est-ce que vous seriez prêt, quelle serait l'attitude du gouvernement français ?

Bien entendu, l'Union européenne a mis en place des réglementations à l'encontre des exportations d'armes à la Chine et je crois que cela ira contre cette réglementation, qu'en pensez-vous ?

LE PRÉSIDENT - Comme vous le soulignez, il y a des réglementations, non seulement de l'Union européenne, mais également internationales en ce qui concerne les exportations d'armes, notamment les exportations vers la Chine et par conséquent la France en aucun cas ne serait contrevenir aux réglementations internationales auxquelles elle a souscrit.

Deuxièmement, je n'ai jamais entendu parler d'une demande chinoise concernant le Clémenceau, jamais. Et par conséquent, le gouvernement français n'a jamais envisagé ni de près ni de loin, de vendre le Clémenceau, ni à la Chine, ni à personne d'autre.

QUESTION - Monsieur le Président, dans quel état d'esprit vous ont semblé vos interlocuteurs en ce qui concerne la construction monétaire européenne, est-ce que cela les inquiète un peu ou est-ce qu'au contraire ils ont souscrit à votre argument selon lequel cela a tout pour renforcer les relations commerciales et financières entre l'Europe et l'Asie. Et à quel point vous donnent-ils l'impression de suivre de près cette construction monétaire ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, les inquiétudes en ce qui concerne l'Euro, je les ai observées dans certains organes de presse anglo-saxons, pas du tout dans la presse japonaise. Quant à mes interlocuteurs, je les ai tous trouvés extrêmement intéressés et tout à fait favorables à la constitution d'un pôle économique et monétaire européen qui est pour eux une garantie de stabilité et de développement économique, notamment pour ce qui concerne leurs échanges. C'est ce qu'a évoqué d'ailleurs rapidement ce matin, M. Toyoda, le Président du Keidanren, et c'est un sentiment que j'ai observé auprès de tous nos interlocuteurs japonais.

QUESTION - Je représente le NIKKEI, le grand quotidien économique. La réforme administrative préoccupe beaucoup les japonais et il semblerait qu'il y ait des ressources de potentialité importantes à dégager de cette réforme administrative. Je crois que le secrétaire général du cabinet a un rôle important dans cette réforme administrative par rapport à la réforme monétaire, par rapport à l'arrivée du XXIème siècle également.

Est-ce que vous pensez que la réforme administrative est un impératif important, je crois d'ailleurs que vous avez beaucoup parlé de déréglementation et de privatisation depuis l'époque où vous étiez Premier ministre. Alors que pensez-vous, si vous la connaissez, de la réforme administrative japonaise ?

D'autre part, en France pensez-vous qu'on aille dans le sens d'un plus petit Etat. Je crois qu'on a parlé de mise à pied de quelque six mille cinq cents travailleurs fonctionnaires dans l'Etat ; (ceci est une première question)

Deuxième question sur l'unification monétaire on dit au Japon qu'en principe l'Euro devrait être en place pour 1999. Quels seront les pays qui seront dans le premier bataillon ? Est-ce qu'il y aura l'Espagne et l'Italie ? Combien y aura-t-il de pays qui seront dans ce premier bataillon de 1999 dans la construction de l'Union Monétaire ?

LE PRÉSIDENT - La première question concerne la politique intérieure japonaise et je n'ai pas de commentaire à faire si ce n'est pour dire que la réforme est dans la nature des choses humaines. J'indiquais, seulement ce matin, que l'on imaginerait pas une entreprise, une grande entreprise qui gérerait aujourd'hui ses affaires exactement comme elle les gérait il y a trente ans ou il y a cinquante ans. Il en est de même de l'Etat.

Donc, la réforme est une nécessité car en permanence il faut faire en sorte de s'adapter à la demande, de s'adapter aux besoins, d'intégrer le progrès, notamment le progrès technologique et par conséquent de rendre la dépense plus efficace d'améliorer le rapport coût-efficacité. Et cela c'est une nécessité constante.

C'est l'ambition du Japon, je m'en réjouis et je suis persuadé qu'il atteindra ces objectifs. C'est aussi l'ambition de la France. Il ne s'agit pas de faire un Etat plus petit ou plus grand, il s'agit de faire un Etat plus efficace. C'est-à-dire servant mieux nos concitoyens. Servir mieux nos concitoyens cela veut dire leur apporter le service dont ils ont besoin et qu'ils sont en droit d'exiger de leur Etat mais c'est aussi le faire au moindre coût. Car le coût ce n'est rien d'autre que l'argent que l'on prélève sur ces mêmes citoyens et par conséquent il faut leur rendre le double service de les satisfaire et de ne pas les pénaliser financièrement.

Vous avez parlé de mise à pied de six milles fonctionnaires en France, je vous rassure, en France nous avons un statut de la fonction publique qui interdit toute mise à pied. Il n'y a donc, par définition, aucun licenciement dans la fonction publique et s'il y a une très légère diminution du nombre des fonctionnaires, c'est simplement en limitant les recrutements, c'est-à-dire, en ne recrutant pas exactement autant de fonctionnaires qui quittent leurs fonctions et leurs services chaque année.

Quant aux pays de l'Union Européenne, qui entreront dans la monnaie unique dès le 1er janvier 1999, c'est-à-dire à la date fixée je ne peux pas vous le dire car il faut que ces pays respectent les critères de Maastricht et ça nous ne saurons s'ils les respectent qu'à la fin du premier trimestre 1998 ; c'est à ce moment là que l'Union Européenne dans ces instances de Bruxelles examinera la situation et dira qui respecte et qui ne respecte pas les critères de Maastricht et par conséquent, on ne peut pas vous dire aujourd'hui le nombre. La seule indication que je puisse vous donner c'est qu'un tout récent rapport de l'Union européenne considère, mais je lui laisse cette responsabilité naturellement, -je n'ai pas vocation à juger cette hypothèse de travail- ce rapport considère que douze pays sur quinze actuellement, devraient pouvoir entrer dans la monnaie unique dès le 1er janvier 1999. Mais ce n'est qu'une approximation alors que l'effort n'est pas terminé et que les résultats ne sont pas connus.

QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais vous parler du Zaïre, il semble que la mise au point d'une force multinationale prenne de plus en plus de temps, c'est que la situation s'est un peu modifiée du côté de Goma mais pas du tout à Bukavu. On voit que certains pays souhaitent se réunir à nouveau et ne savent pas encore s'ils vont décider de participer à la force multinationale. Quelle est la position de la France, faut-il modifier les données qui étaient là il y a quelques jours ou faut-il rester sur la même position ?

LE PRÉSIDENT - L'ambition de la France, quand elle a engagé son action pour mobiliser les pays du monde concernés par ces problèmes était double : d'une part apporter aux réfugiés la sécurité et le ravitaillement et d'autre part, engager toutes les actions nécessaires pour que se tienne une Conférence internationale sous l'égide de l'ONU et de l'Organisation de l'Unité Africaine afin de permettre aux cinq pays concernés par ces problèmes et peut-être quelques autres autour, de se mettre d'accord sur un plan de paix et de stabilité.

Ces objectifs, de mon point de vue, n'ont absolument pas changé, et par conséquent je souhaite que les mesures qui avaient été décidées ou envisagées permettant d'atteindre ces objectifs et notamment le premier pour la sécurité de Goma et de Bukavu, d'une part, la tenue des aérodromes permettant de respirer, et d'autre part la tenue d'axes permettant à l'aide humanitaire de se transporter. Tout cela me paraît rester parfaitement d'actualité même s'il est exact qu'un certain nombre de réfugiés ont rejoint le Rwanda il en reste encore beaucoup et hélas la situation est loin d'être aujourd'hui stabilisée.

QUESTION - J'aurais deux questions à vous poser sur l'évolution des choses. Alors, il y a un peu de temps, j'étais en Europe et j'ai eu l'impression que les Français envisagent un déploiement diplomatique très important par rapport à l'Est de l'Europe. Et j'ai l'impression aussi qu'ils ont une inquiétude de plus en plus grande à l'égard de l'Europe Orientale. Alors j'ai entendu dire que vous avez pris des initiatives, et que vous n'étiez pas très favorable à l'égard de cet agrandissement aux pays de l'Europe Orientale. Est-ce que c'est parce que vous pensez que cela risque de tomber sur la responsabilité de l'Allemagne que vous voulez avancer l'influence de la France

Deuxième question, celle de l'OTAN, l'élargissement de l'OTAN. Bien sûr je suis conscient que c'est une question difficile et qu'il y a un certain nombre de spécialistes qui ont déclaré qu’il fallait envisager cette question sous l’angle de l’Union de l’Europe Occidentale. C’est-à-dire de la sécurité de l’Europe Occidentale et on a l’impression que c’est vu dans l’optique d’un accès éventuel à l’Union Européenne avec toutes les incertitudes que cela comporte et qu’est-ce que vous en pensez et quels sont les rapports d’une Union Européenne d’une part, et l’Union de l’Europe Occidentale d’autre part ?

LE PRÉSIDENT - Au lendemain de la dernière guerre mondiale, l’Europe a été coupée en deux, à la suite des accords de Yalta. La France a toujours contesté -et ça été l’un des thèmes d’actions du Général de Gaulle- cette coupure en deux de l’Europe. Puis le mur de Berlin a disparu et les pays de l’Europe de l’Est, c’est-à-dire de l’Europe Centrale et Orientale ont changé de régime se sont engagés sur la voie difficile de la démocratie et de l’économie de marché et ont multiplié à juste titre leurs liens avec l’Union Européenne.

Alors vous évoquez l’élargissement à la foi de l’Union Européenne et de l’OTAN, s’agissant de l’Union Européenne, je me permets de vous signaler que j’ai été le premier homme politique européen à souhaiter et à militer pour l’élargissement, pour l’Union Européenne, à la totalité des pays européens. A l’époque beaucoup de responsables politiques de l’Union Européenne pour ne pas dire la plupart, considéraient que l’élargissement était incompatible avec ce que nous appelions l’approfondissement, c’est-à-dire qu’il fallait renforcer les liens entre les quinze pays de l’Union avant de l’élargir. J’ai plaidé le premier pour un élargissement et c’est aujourd’hui la thèse de l’élargissement qui est retenue par tout le monde et personne ne la conteste.

Il est donc prévu que nous faisions, nous les quinze, une Conférence intergouvernementale pour modifier les institutions européennes de façon à leur permettre de gérer un ensemble plus large. Cette réforme doit être terminée en principe, et nous ferons tout pour cela, au mois de juin 1997, à l’occasion du Sommet Européen d’Amsterdam, et il est prévu six mois après le Sommet qui aura constaté la fin de la réforme, plus exactement qui aura constaté la réforme des institutions, que les procédures d’élargissement commenceront. Donc, il n’y a sur ce plan aucune ambiguïté et la France est tout à fait déterminée à soutenir cet élargissement, je dois dire qu’aujourd’hui plus personne ne le conteste.

S’agissant de l’OTAN, la France qui n’est pas membre aujourd’hui de l’organisation militaire intégrée, elle est membre de l’Alliance Atlantique mais elle n’est pas membre de l’Organisation Militaire Intégrée, reste tout à fait indépendante sur le plan militaire.

Aujourd’hui l’OTAN a bien compris qu’il fallait se réorganiser. C’était une alliance entre l’Europe et l’Amérique qui avait pour objectif de s’opposer à toute tentative d’agression venant de l’Est et elle était organisée pour cela. Cela n’a plus de sens aujourd’hui. En revanche, il y a d’autres risques auxquels nous devons ensemble faire face, notamment une crise régionale, on l’a vu récemment en Bosnie. Et donc, on a engagé une réforme de l’OTAN. Cette réforme de l’OTAN dans notre esprit doit permettre de dégager une identité européenne de défense. Pour prendre une mauvaise image, parce que ça ne correspond pas tout à fait à une réalité mais c’est une image. Nous souhaitons qu’il y ait un pilier américain et un pilier européen de défense. Les spécialistes vous diraient, à juste titre, que cette définition n’est pas très bonne mais c’est simplement pour donner une image. Et le plier européen nous voulons, nous, qu’ils soit constituée par l’Union de l’Europe Occidentale.

Au dernier Sommet de Berlin, il y a quelques mois, la thèse Française appuyée par l’Allemagne et l’Angleterre, en particulier, a été adoptée dans son principe. Il convient maintenant de mettre au point pour le prochain Sommet de l’OTAN, qui devait avoir lieu dans six ou huit mois, les modalités. et ceci n’est pas terminé. Je ne préjugerai donc pas des résultats de ce Sommet qui pour la France est important puisqu’il conditionne sa rentrée ou non dans l’organisation militaire intégrée.

Deuxièmement, il y a le problème de l'élargissement, la France est tout à fait favorable à l'élargissement de l'OTAN. J'ai toujours dit, pour ma part, qu'il fallait élargir l'OTAN, j'ai simplement ajouté deux points qui sont importants à mes yeux.

Le premier, c'est que cet élargissement ne devait pas être fait dans des conditions qui soient considérées comme inquiétantes ou agressives par la Russie, et il ne fallait pas que cet élargissement soit réalisé dans des conditions qui pourraient humilier la Russie.

J'ai proposé, et cette proposition pour le moment a été retenue et les personnalités compétentes y travaillent, qu'il y ait en même temps que la réforme et en même temps que la décision d'élargissement, un pacte de stabilité, de sécurité et de paix entre l'OTAN et la Russie. A partir de là naturellement l'élargissement doit se faire le plus rapidement possible.

Mon souci vous voyez, pour terminer, c'est qu'on ne fasse pas un deuxième Yalta. L'Europe a beaucoup souffert d'avoir été coupée en deux. Rien ne serait plus dangereux un nouveau découpage, en déplaçant simplement la frontière du découpage.

Il faut qu'il y ait un ensemble politiquement stable qui doit aller, si j'ose dire, de l'Atlantique à l'Oural, voilà la position de la France.

QUESTION - Ce matin, vous avez dit à nouveau votre attachement à mener à bien les réformes en France, vous avez aussi dit qu'elles n'étaient pas comprises par l'opinion publique et que peut-être il conviendrait de mieux l'expliquer ; est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous entendez par là, et est-ce que finalement "on fait boire un âne qui n'a pas soif" ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, s'agissant d'une image, elle ne me paraît pas fondée. D'abord parce que je ne vois aucune espèce de rapport entre le peuple français et l'asilin dont vous parlez et ensuite parce qu'on ne peut pas indéfiniment ne pas boire, c'est contraire à la vie, il faut se désaltérer quoi qu'il arrive. Donc, je ne retiendrai pas l'image.

En revanche, je l'ai dis, je le répète, je ne développerai pas. Les réformes cela inquiète toujours, notamment dans les périodes difficiles. Mais si vous voulez absolument une image animale, je dirais qu'il ne faut pas non plus jouer au serpent qui se mord la queue.

Si parce qu'on est inquiet on ne réforme pas, ce qui précisément est à l'origine de l'inquiétude que l'on ressent, alors on en sortira jamais. Il y a un moment ou il faut faire preuve de volonté et donc assumer les responsabilités que l'on doit assumer, même si elles sont impopulaires.

QUESTION - Je viens de l'agence russe de presse. C'est un petit peu dans le prolongement de ce qui a été dit sur l'élargissement de l'OTAN à la Russie ; alors je dirais que récemment en Russie, en Europe orientale, il y a des gens qui disent qu'il vaudrait mieux que la Russie participe à l'OTAN, on entend souvent cette thèse avancée, Monsieur le Président ; qu'en pensez-vous, vous-même, est-ce que la Russie devrait être intégrée à l'OTAN, est-ce que vous pensez qu'elle a la possibilité d'être intégrée à l'OTAN ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas, moi, parlé d'élargissement de la Russie à l'OTAN. J'ai parlé d'un pacte de stabilité et de paix entre l'Otan et la Russie. Je ne crois pas que la Russie ait vocation à entrer aujourd'hui dans l'OTAN. L'élargissement concerne essentiellement des pays qui appartenaient à ce qu'on appelait l'Europe de l'Est -des pays communistes- et non pas les pays qui appartiennent aujourd'hui à la communauté des Etats indépendants, c'est-à-dire la Russie et les pays qui l'entoure.

Mais ce que je dis, ce qu'il ne faut pas déplacer la frontière et qu'il est indispensable d'avoir un pacte de paix et de stabilité entre l'OTAN et la Russie, ce n'est pas tout à fait la même chose, que l'élargissement de l'OTAN à la Russie qui d'ailleurs, à ma connaissance, n'est pas candidate.

QUESTION - Vous avez beaucoup souligné depuis que vous êtes arrivé à Tokyo, les traits communs entre la France et le Japon, entre les civilisations de ces deux pays et on sait que vous admirez beaucoup le Japon ; est-ce que vous pensez qu'il a des spécificités de l'économie ou de la société japonaise dont les Français feraient bien de s'inspirer, si c'est oui lesquelles ?

LE PRÉSIDENT - Il y a la détermination qui est celle des Japonais à travailler, à produire, à inventer, à trouver un peu partout ce qui peut enrichir leur propre force, à l'intégrer dans leur génie propre et par là même à s'imposer.

C'est ainsi que le Japon qui était dans une bien triste situation au lendemain de la guerre, est en quelques années -parce qu'au fond 30-40 ans, c'est bien peu de temps- devenu la deuxième puissance économique du monde. Je souhaite que les Français médite sur ces qualités, ils ont aussi des qualités dont ils peuvent se prévaloir et qui sans aucun doute intéressent le Japon.

Je vous remercie.





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