Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Sommet euro-asiatique à Bangkok.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Sommet euro-asiatique.

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Bangkok, Thaïlande, le samedi 2 mars 1996

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d'abord saluer les représentants de la presse thaïlandaise et asiatique et exprimer une gratitude particulière, chacun le comprendra, aux journalistes français qui ont fait un long voyage et pour lesquels ce genre de sommet est toujours une sorte d'épreuve où se partagent l'envie de savoir et la longue attente et puis ensuite, une information qui se répète indéfiniment et qui donc n'est pas très intéressante.

Je vais donc être bref dans mon compte rendu, car vous venez d'entendre le Premier ministre thaïlandais ainsi que le Président en exercice de l'Union européenne, donc vous connaissez les conclusions, elles vous ont été d'ailleurs remises par écrit sous la forme du communiqué final, nos amis thaïlandais nous ont dit que ce serait prêt dans les moments qui viennent, je croyais même que vous l'aviez déjà. Je pense que M. DINI et que le Premier ministre vous ont dit ce que nous avons décidé, sinon, j'y reviendrai à l'occasion de vos questions.

C'est maintenant un lieu commun que de le rappeler, mais c'est un moment un peu historique puisque c'est la première fois que les représentants des pays d'une grande partie de l'Asie et d'une grande partie de l'Europe - l'Union européenne et l'Asie orientale - se retrouvent. De ce point de vue, cela a, sans aucun doute, une importance mais je dirais également, que c'est une expérience réussie car les contacts ont été, c'est une des choses des plus importantes dans une réunion de ce genre, particulièrement chaleureux et conviviaux.

Il y avait manifestement de part et d'autre, chez chacun des représentants des quinze pays européens et des dix pays asiatiques, une véritable volonté, un désir spontané, de nouer avec leurs homologues européens des relations amicales et conviviales. Nous avons parlé sérieusement, nous avons étudié des sujets importants, mais nous avons également plaisanté et ri, l'ambiance était très bonne.

L'idée était de créer des bases de confiance et des relations de confiance entre l'Europe et l'Asie et c'est, sans aucun doute, l'un des grands chantiers des décennies qui viennent. Pour cela, il faut surmonter un certain nombre d'incompréhensions, de malentendus qui sont liés à l'évolution historique et qui font que bien des choses sont mal comprises.

Nous savons très bien qu'en Europe, l'Asie a surtout une image de concurrence déloyale et en Asie, l'Europe a une image de forteresse, dont les barrières ne peuvent pas être franchies. Ce qui, de part et d'autre, ne correspond pas à la réalité mais est en revanche dommageable. Une partie de ces barrières, aujourd'hui certainement, ont été abattues. L'Europe souhaite faire comprendre à l'Asie, l'importance de nos échanges, de nos solidarités, politiques, économiques et culturelles. L'Europe importe deux fois plus d'Asie que l'Amérique du Nord, les relations commerciales entre l'Europe et l'Asie, entre la France et l'Asie, sont équilibrées. La richesse, le produit national brut de l'Europe, est égal à celui de l'Amérique du Nord - Etats-Unis et Canada - et légèrement supérieur à celui de l'ensemble de l'Asie. Tout ceci fait vraiment de grands pôles économiques. Les relations entre le pôle européen et le pôle américain, entre le pôle américain et le pôle asiatique d'une certaine manière, - surtout depuis quelques années avec la création de l'APEC -, sont forts ou en développement. En revanche, le troisième côté de ce triangle qui représente l'essentiel de l'équilibre et du progrès du monde était étrangement faible, le côté Asie-Europe. Donc, le champ de développement de nos relations économiques, financières, de nos importations, de nos exportations, de tout ce qui fait aujourd'hui la richesse, est immense. La France en particulier, doit y trouver une place importante. La France est une très grande puissance. Quatrième puissance exportatrice du monde. Deuxième puissance exportatrice de services du monde. Troisième investisseur du monde. S'appuyant sur une vieille culture et sur un idéal humaniste fort et ancien et une capacité à maîtriser les technologies du présent et du futur, qui est une des meilleures du monde.

Tout cela, doit nous rendre à la fois ambitieux et actifs, nous avons d'ailleurs ici fait des percées spectaculaires, comme par exemple le TGV coréen, les usines d'automobiles de Chine ou de Malaisie, les centrales nucléaires, l'aéronautique. Mais il faut aller plus loin, de façon plus dynamique et, dans ce domaine, toutes nos entreprises ont leur place. Les petites et moyennes entreprises en particulier, qui représentent un considérable gisement d'innovations, d'exportations et évidemment d'emplois et dont on doit systématiquement, faciliter l'accès à ces marchés.

Nous avons également des responsabilités politiques à partager. Le monde n'est plus le monde bipolaire que nous avons connu pendant longtemps. C'est maintenant un monde qui s'articule autour d'un certain nombre de pôles, mais, la stabilité, le développement, la paix supposent des relations les plus fortes possibles entre ces différents pôles.

La sécurité du monde, la solidarité à l'égard des pays les plus pauvres, les principes de liberté, de démocratie, les Droits de l'homme, tout cela ce sont des responsabilités qui sont communes à l'ensemble de ces grandes régions et que nous devons développer en commun.

Notre ambition, celle du Premier ministre de Singapour qui a été à l'origine de cette réunion, et celle de la France qui l'a immédiatement soutenue et a convaincu l'ensemble de ses partenaires de l'Union européenne d'y participer, notre objectif était d'adresser un message politique clair, fort, volontariste, pour montrer à l'Asie que l'Asie avait besoin de l'Europe et pour faire comprendre à l'Europe qu'elle a besoin de l'Asie.

On le doit, pour une grande part, il faut le dire, à la présidence thaïlandaise, qui a été particulièrement efficace, particulièrement intelligente, et qui a su faire les synthèses qui convenaient, faire la part entre l'essentiel et l'accessoire et conduire à des positions communes ce qui n'est pas toujours évident lorsqu'il y a vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernements rassemblés.

QUESTION - Envisagez-vous de signer le Traité de Bangkok ?

LE PRÉSIDENT - Votre consoeur demandait si la France était disposée à signer le Traité de Bangkok, qui a été signé en décembre dernier et qui crée, dans toute cette région, une zone dénucléarisée. Ce sujet n'ayant été que peu évoqué, - je crois être le seul à en avoir parlé - je vous réponds que la France est disposée à signer le Traité de Bangkok. Simplement, il faut qu'avec les autres puissances nucléaires, elle règle certains détails techniques qui ne sont que des détails techniques pour pouvoir le signer définitivement. Je pense que cela sera fait rapidement, en tout les cas la France militera pour la signature du Traité de Bangkok. Je vous signale d'ailleurs, que la France va signer dans quelques jours, les protocoles du Traité de Rarotonga, qui institue une zone de dénucléarisation dans le Pacifique Sud, ce qui suppose, je le dis au passage naturellement, la fermeture de notre site expérimental de Mururoa et de Fangataufa.

QUESTION - Monsieur le Président, certains gouvernements asiatiques disent volontiers qu'ils ne partagent pas les valeurs occidentales en matière de démocratie et de droits de l'homme, est-ce un handicap sérieux dans le dialogue euro-asiatique ?

LE PRÉSIDENT - Il y a, c'est évident, des cultures différentes dans le monde et cela a toujours été le cas. Néanmoins, la caractéristique de l'histoire moderne est que de plus en plus, un certain nombre de valeurs universelles s'imposent et progressent considérablement. Elles progressent par la force des idées, elles progressent aussi par le caractère de plus en plus libéral de nos sociétés et de nos économies. Il est évident que lorsqu’il y a liberté du commerce, de l'industrie, il y a par définition, liberté de parler, liberté de circuler et que tout cela est conforme où renforce, en tous les cas, les valeurs universelles auxquelles tout le monde, petit à petit est conduit à se rattacher. Cela n'empêche pas qu'il y ait des cultures différentes à l'est et à l'ouest et que ces cultures soient à la fois anciennes et respectables par définition. Mais je ne crois pas, qu'il y ait là un véritable obstacle. Je veux dire par là, à condition que chacun apporte à l'autre le respect qu'on lui doit, le progrès des valeurs universelles, de l'humanisme, dont la France a été l'un des porteurs et même des inventeurs, ce progrès est inéluctable.

QUESTION - Monsieur le Président, l'Europe est apparue comme une entité politique devant les asiatiques. Sur le plan politique, diplomatique, social, ou celui des Droits de l'homme, l'Europe a-t-elle parlé d'une même voix selon vous, ou cela a-t-il été une discussion que chaque représentant des pays a fait selon ses propres idées ?

LE PRÉSIDENT - Non, il ne fait aucun doute que l'Europe a parlé d'une même voix. Deux raisons à cela, la première - accessoire -, mais qui compte forcément, c'est qu'aucun représentant de l'Union européenne n'aurait voulu marquer une dissonance par rapport aux idées que nous partageons. Il y a une deuxième raison, qui est encore plus fondamentale, c'est qu'au fil des ans il y a une véritable synthèse qui s'est faite entre les différents pays européens. Nous sommes concurrents sur des problèmes économiques, sur des problèmes financiers, sur des ventes de biens ou de services, mais sur l'essentiel, c'est-à-dire l'approche politique, culturelle, idéologique, nous parlons spontanément d'une seule voix. C'est en tout cas ce qui apparaît dans toutes ces réunions, c'était d'ailleurs très clair à Bangkok.

QUESTION - Monsieur le Président, dans votre discours de Singapour vous avez parlé à plusieurs reprises de l'ASEAN, mais vous n'avez jamais parlé de l'APEC. Cette absence a-t-elle une signification ?

LE PRÉSIDENT - J'étais venu ici pour un Sommet Asie-Europe, et non pas pour me préoccuper des problèmes entre l'Amérique et l'Asie.

J'ai le plus grand respect pour l'APEC, mais enfin, ce n'était pas mon sujet, c'est la raison pour laquelle je n'avais aucune raison d'en parler. Dans mon discours, mon intention était de dire que l'Europe avait une vocation et un intérêt particulier à renforcer considérablement ses liens de toutes natures avec l'Asie, et que la réciproque était vraie, c'est-à-dire que l'Asie avait le même intérêt vis-à-vis de l'Europe, c'est cela, qui était en cause. Je n'ai pas non plus parlé des relations transatlantiques.

QUESTION - Qu'attendez-vous de ce partenariat Europe-Asie, des bénéfices ?

LE PRÉSIDENT - Votre consoeur demande ce qu'on peut attendre de ce renforcement du partenariat entre l'Asie et l'Europe. On peut en attendre beaucoup de choses. Je vous l'ai dit, tout à l'heure, nos échanges sont déjà très importants, le développement économique de l'Asie est spectaculaire, elle aura d'ici vingt-cinq ans un produit national brut équivalent à celui du reste du monde. C'est donc à la fois un pays qui représente un marché considérable et aussi une capacité d'investissement considérable, à l'extérieur, et notamment en Europe, ce qui est déjà le cas pour un certain nombre de pays asiatiques.

Quant à l'Europe, elle représente aussi un marché considérable pour l'Asie, avec je vous l'ai dit tout à l'heure, un produit national brut équivalent à celui de toute l'Asie, et elle représente également une source de technologie importante et qui permet une coopération, si je ne prends qu'un exemple, la France a été très heureuse de vendre le TGV à la Corée, mais la Corée a fait une très bonne affaire en acquérant ainsi une technologie qui lui permettra probablement d'être dans dix ans fournisseur actif de TGV, à un moment où - cela a été un des sujets, que l'on a beaucoup évoqué ce matin, pendant le Sommet - l'Asie a l'ambition de créer de très grandes lignes de chemin de fer pour la desservir sur le plan intérieur et la rattacher à l'Europe sur le plan international.

Donc, il y a beaucoup à attendre en terme d'échange, aussi bien d'échanges d'idées, que d'échanges de biens et de services. C'est le progrès qui est à la clef.

QUESTION - Pour beaucoup de Français, l'Asie est responsable d'une partie du chômage, notamment à cause des différences de niveaux de protection sociale, est-ce que vous avez abordé cette question et est-ce que vous ne craignez pas qu'en ouvrant encore davantage le marché les Français s'inquiètent un peu plus ?

LE PRÉSIDENT - Pour le moment, il n'est pas question d'ouvrir nos marchés, ce n'était pas l'objet de la réunion, ce sera examiné à la fin de l'année, au moment de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Singapour.

Deuxièmement, il n'est pas exact de dire, comme le disent les Asiatiques, trop souvent, que l'Europe est une forteresse. On exporte facilement en Europe, elle est moins protégée que ne l'est l'Asie ou l'Amérique.

Troisièmement, les problèmes de niveaux, notamment de charges salariales et sociales qui sont incontestablement en discussion entre nos deux grands ensembles, ne doivent pas être exagérés. Si vous prenez, aujourd'hui, la situation très difficile de l'industrie textile en France, (qui perd tous les ans trois ou quatre dizaines de milliers d'emplois, et qui donne du travail à 300 000 personnes) si vous regardez quelle est l'origine de ses difficultés, ce n'est pas du tout l'Asie, c'est l'Italie, qui d'ailleurs par voie de conséquence et de vase communiquant connaît un accroissement important du nombre des travailleurs dans l'industrie textile, qui sont aujourd'hui plus de 800 000. Notre vrai concurrent, c'est l'Italie, ce n'est pas l'Asie. Donc, il faut là aussi apporter comme toujours des nuances à un certain nombre d'affirmations que l'on a tendance à répéter indéfiniment, sans tout à fait vérifier si elle sont exactes.

M. Bachy, après je regarderai vers la gauche, c'est toujours un exercice plus difficile pour moi, mais je vais le faire.

QUESTION - Puisque l'Asie est un continent que vous connaissez bien et qu'on dit qu'il change vite et beaucoup, quelles sont les évolutions que vous avez notées ou qui vous ont surpris ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, il y a un homme pour qui j'ai une très grande admiration, beaucoup d'estime, qui est le Senior Minister de Singapour, Monsieur LEE KUAN YEW, c'est probablement un des meilleur connaisseur du monde de la Chine. Il me disait, un jour, il y a quelques mois, vous savez vous parlez de la Chine, - parce que je lui donnais mon sentiment sur la Chine, ce qui était d'une grande prétention - vous êtes allé en Chine, il y a maintenant plus de six mois, si vous y reveniez aujourd'hui, vous vous apercevriez que tout ce que vous me dites n'est pas fondé, tant les choses y vont vite. Donc, je me garderai bien de porter des jugements. Ce qui est sûr, c'est que le développement économique de l'ensemble de ces régions, à un rythme différent selon les pays, est un phénomène aujourd'hui irréversible. C'est particulièrement vrai pour la Chine.

Alors cela comporte des conséquences économiques considérables, la Chine connaît un taux de croissance de 8 à 10% par an, déjà depuis un certain temps, et vraisemblablement pendant longtemps. Vous voyez que c'est une véritable explosion, et il y a plus d'un milliard d'habitants, mais on pourrait dire la même chose de la Thaïlande, ou d'autres pays. Les choses y changent très vite, et les choses changeront par là-même sur le plan des comportements, et en particulier sur ce plan qui préoccupe souvent, et à juste titre, les Européens, qui est le plan des droits de l'homme, en règle générale, qui ne peuvent, par définition, qu'être renforcés par l'augmentation du niveau de vie et les libertés politiques, humaines, qu'impliquent nécessairement la libéralisation économique.

QUESTION - Le projet d'oléoduc de Total dans la région ne profite-t-il pas à la Birmanie ?

LE PRÉSIDENT - Je ne connais pas ce projet dans son détail, ce que je sais c'est que Total, effectivement, est en relation avec le gouvernement thaïlandais pour la réalisation de cet investissement qui est sans aucun doute, je ne sais pas s'il est de nature à soutenir les uns ou les autres, mais ce que je sais, c'est qu'il est de nature à soutenir les niveaux de vie des populations concernées. Monsieur le Président RAMOS, tout à l'heure, disait avec beaucoup de bon sens que le premier droit de l'homme c'est de faire trois repas par jour. Vous savez dans l'ancienne Chine on parlait du riz du matin, du riz du midi, du riz du soir, cela c'est un droit très important. Alors tout investissement créatif de bien-être, et c'est notamment le cas de ce qui concerne l'énergie, est par définition, souhaitable.

QUESTION - La première question concerne l'élargissement éventuel de l'ASEM, certains pays, je pense notamment à l'Inde du côté asiatique et à la Suisse côté européen, ont fait part de leur intention, de leur volonté de rejoindre l'ASEM, je voudrais savoir si vous êtes prêt à les soutenir dans cette démarche et si c'est le cas dans quel cadre et à quelle échéance vous envisageriez de leur permettre de rejoindre cette structure ?

La seconde question porte sur les conclusions du Sommet. On nous avait expliqué avant qu'il ne se tienne, que c'était un Sommet informel qui allait amorcer un processus, et qu'il ne fallait pas en attendre beaucoup de décisions concrètes, or lorsqu'on lit la déclaration du Président à la fin du Sommet, on y trouve douze propositions concrètes, si j'ai bien compté cinq perspectives possibles ; est-ce que vous considérez que ce Sommet a au fond, atteint plus que ce qu'on pouvait en attendre ?

LE PRÉSIDENT - Alors, sur la deuxième question, moi qui suis optimiste de nature, moi qui suis un Européen et qui aime l'Asie, vous le savez, et qui la connaît assez bien pour un européen, j'étais persuadé que ce Sommet se passerait bien. Mais je dois dire que vous avez raison de souligner qu'il s'est passé encore mieux qu'on ne le pensait. C'est-à-dire, qu'au delà de la réunion informelle, qui était importante, ne serait-ce que pour que les hommes se connaissent et se comprennent mieux, d'une façon un peu décontractée... Le Premier ministre thaïlandais, - tout est affaire de symbole -, avait eu l'idée pour le dîner du premier soir, d'offrir à chaque membre une chemise thaïlandaise, et nous avions été priés de mettre cette chemise pour dîner, et bien, cela n'a l'air de rien, mais ce sont des gestes qui sont positifs et l'ambiance au dîner a été excellente, et la chemise y est probablement pour quelque chose.

Donc le côté convivial a été parfaitement assuré, les décisions ont été finalement plus importantes qu'on ne l'avait pensé, cela c'est vrai, chacun est arrivé avec quelques propositions, et on s'est aperçu que tout le monde était d'accord pour les mettre en oeuvre, tant sur le plan économique que sur le plan politique et culturel.

Sur la première question qui concerne l'élargissement, vous savez il y a en matière internationale, un principe fondamental qui est que chaque organisation est maîtresse de sa propre composition et donc il ne m'appartient pas de porter de jugement. S'agissant de l'élargissement au-delà de l'Asie orientale, c'est aux asiatiques à s'entendre et à prendre des décisions. Pour ce qui concerne l'Europe, je suis tout prêt à soutenir la candidature de la Suisse naturellement, que j'ignorais, je dois dire que c'est vous qui me l'apprenez, parce qu'il est rare que la Suisse accepte de s'associer à une organisation internationale, mais là encore c'est à l'ensemble de l'ASEM qu'il appartiendra de décider.

QUESTION - Vous avez abordé avec le Premier ministre chinois LI PENG, le problème des droits de l'homme en insistant particulièrement sur les catholiques en Chine. J'aimerais savoir si le Pape Jean-Paul II, lors de votre visite au Vatican, il y a quelques semaines, vous a fait part de ses préoccupations sur le sujet, dont on sait qu'il s'en préoccupe depuis longtemps, et j'aimerais savoir si vos préoccupations à ce sujet là sont les mêmes pour les bouddhistes tibétains et les prisonniers politiques en Chine en général ?

LE PRÉSIDENT - Le Saint Père m'avait, en effet, parlé de ce sujet des catholiques en Chine, qui ne sont pas très nombreux, mais qui ont un contentieux avec la Chine qui porte sur la nomination des évêques. Autrement dit, le Saint Père voudrait que le Vatican nomme les évêques, comme c'est le cas dans le reste du monde et le gouvernement chinois, jusqu'ici, n'a pas accepté cette prétention, et considère que c'est à lui de nommer les évêques. J'ai effectivement évoqué, longuement, avec le Premier ministre chinois cette situation, j'ai fait quelques propositions qui me paraissaient de nature à faciliter la discussion et sur la base de ces propositions, qui n'engageaient que moi, naturellement, M. LI PENG m'a donné son accord pour que des négociations soient ouvertes à nouveau, soient poursuivies, intensifiées afin qu'il y ait une nouvelle initiative, pour essayer de trouver une solution que j'ai suggérée je le répète, de mon propre chef, et donc sans engager personne et notamment pas le Vatican, et qui pourrait permettre, je l'espère, de régler ce problème.

QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais poser une question sur l'élargissement de l'ASEM, car tout à l'heure, le Chancelier KOHL à qui quelqu'un avait posé cette question a dit qu'il était tout à fait favorable à l'élargissement à des pays comme l'Inde notamment, est-ce que vous avez un désaccord avec lui, ou est-ce que vous pensez qu'il est prématuré d'en parler ?

LE PRÉSIDENT - Moi je vous dis tout de suite que je n'ai aucun désaccord avec quiconque sur l'élargissement de l'ASEM, je dis simplement qu'il appartient à l'ASEM de le décider et que, s'agissant de la partie asiatique, il nous appartient d'attendre les propositions faites par les pays asiatiques membres de l'ASEM. Mais moi, je n'ai absolument aucune réaction négative à l'égard d'un élargissement à qui que ce soit, à condition que ce soit des pays européens ou asiatiques, cela va de soit. Parce qu'il pourrait y avoir des pays d'autres régions qui seraient candidats à ce moment-là, je ne tiendrais pas le même langage.

QUESTION - (En anglais)

LE PRÉSIDENT - Vous savez, nous avons pris des décisions, vous les verrez sur le communiqué, qui est un communiqué de plusieurs pages, et tout à l'heure votre confrère précisait même le nombre des décisions que nous avons prises, elles sont toutes importantes, il y en a de nature politique, de nature économique, naturellement de nature culturelle.

Donc, je ne peux pas dire que les unes sont prioritaires par rapport aux autres. Je voudrais en tous les cas dire l'importance d'une d'entre elles - j'attache de l'importance à toutes en vérité - il y en a une à laquelle je suis particulièrement attaché, c'est une proposition d'une décision prise sur l'initiative du Premier ministre GOH de Singapour, pour la création d'une fondation, à Singapour d'ailleurs, et qui permettrait aux étudiants, aux professeurs et aux chercheurs asiatiques et européens de se rencontrer pour mieux se connaître et mieux se comprendre, ce qui éviterait un certain nombre de bêtises dites de part et d'autre sur un certain nombre de sujets. Et la création de cette fondation à laquelle participeront tous les 25 pays, a été arrêtée.

J'ai simplement suggéré, ce qui a été accepté, que les étudiants, les enseignants ou les chercheurs européens venant à cette fondation s'ils ne sont pas des spécialistes de l'Asie reçoivent, avant de se consacrer à l'objet de leurs études ou de leurs recherches, économiques financières, sociologiques, politiques, un minimum de connaissance de culture sur l'Asie, ses traditions, sa philosophie, car il est extrêmement difficile, je l'ai observé, de porter des jugements sur le comportement des asiatiques lorsqu'on ne sait rien de la culture bouddhiste, taoïste, confucéenne.

Donc, il faut donner un minimum de culture aux gens pour que leurs réflexions puissent s'asseoir sur un terreau un peu riche. Alors cette fondation de Singapour sera, je crois, quelque chose d'important.

QUESTION - Est-ce que vous avez abordé ce problème des minorités chrétiennes, avec d'autres chefs de gouvernement avec qui vous avez eu un entretien particulier ?

LE PRÉSIDENT - J'en ai dit un mot au Premier ministre vietnamien.

QUESTION - Quels sont les autres entretiens que vous avez eus en particulier ?

LE PRÉSIDENT - J'ai eu des entretiens bilatéraux avec les dix Chefs d'Etat ou de Gouvernement asiatiques présents au Sommet, tous les dix sans exception.

QUESTION - Je suis vraiment désolé d'être à votre extrême droite. M. LI PENG, Premier ministre chinois, sera en France au mois d'Avril, si je ne me trompe, cela sera le premier chef de gouvernement asiatique qui se rendra en France après le Sommet, qu'attendez-vous de cette visite, est-ce qu'il y aura des grands progrès dans les domaines économique ou commercial, y aura-t-il des grands contrats à signer ?

Deuxièmement, sur la discussion entre les deux parties européennes et asiatiques sur le mot même de non-intervention ... est-ce qu'il y a eu une discussion et finalement que s'est-il passé vraiment pour fixer ce mot dans l'intégration finale ?

LE PRÉSIDENT - Merci d'avoir soulevé cette dernière question. Je vais d'abord répondre à la deuxième partie, parce que je viens d'apprendre juste avant d'arriver ici, en lisant le texte du communiqué en français et qui a donc été traduit par les Thaïlandais, qu'il y a une erreur de terme dans la traduction, elle n'existe pas dans la traduction en anglais, je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres langues, mais il y a une erreur de traduction dans la traduction française, nous allons d'ailleurs la corriger, et d'ailleurs les Thaïlandais font le nécessaire pour la corriger.

Mais dans le papier que vous allez recevoir il y a une erreur de traduction. En effet, dans la traduction française, on a retenu le mot français de non-ingérence ce qui est une erreur d'interprétariat, ce que nous avons dit, c'est non-intervention, reprenant ainsi, à la fois l'expression de la Charte des Nations Unies et l'expression du Sommet de Barcelone. Donc, je vous le dis tout de suite, ne croyez pas qu'il y a une évolution idéologique, il y a une faute d'interprétation, qui va d'ailleurs être corrigée, mais probablement pas dans le premier tirage qui vous sera remis.

S'agissant de la visite du Premier ministre chinois, vous savez que la France a des relations, depuis toujours, bonnes avec la Chine, et que nous souhaitons développer encore, notamment sur le plan économique et si la visite du Premier ministre chinois n'est pas pour nous objet de tractations économiques ou de contrats, comme vous le dites, nous ne doutons pas que c'est un pas de plus fait dans un renforcement des relations économiques entre la Chine et la France. Les exportations Françaises en Chine sont déjà très importantes et font travailler beaucoup de Français. Je voudrais qu'on ne l'oublie pas. Enormément de travailleurs français parce qu'il y a des exportations en Asie, en général, et en Chine en particulier. Si tout d'un coup elles cessaient, il y aurait naturellement une forte augmentation du chômage dans notre pays.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.





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