Rencontre avec la Presse de M. Jacques CHIRAC président de la République lors de son déplacement dans le Doubs (Besancon)

RENCONTRE AVEC LA PRESSE DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE LORS DE SON DEPLACEMENT DANS LE DOUBS

Besançon le 7 mars 1996

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LE PRESIDENT - Je voudrais remercier de leur présence les journalistes qui ont suivi cette journée, les journalistes de la presse nationale et locale et les journalistes régionaux naturellement.

Cette journée, vous l'aurez observé, j'ai voulu la consacrer à l'examen d'un certain nombre de problèmes qui concernent exclusivement les jeunes : c'est à dire la formation des jeunes. Demain nous parlerons de l'emploi. La formation est d'ailleurs l'antichambre de l'emploi et aujourd'hui je me suis entièrement consacré à cet aspect des choses qui concerne ou intéresse les jeunes d'aujourd'hui et de demain.

Je me suis rendu d'abord dans une école. L'école est le lieu de l'égalité des chances. C'est également le lieu de l'intégration et c'est donc par là que commence la vie d'un adulte futur. Cette égalité des chances aujourd'hui n'est pas réellement assurée - j'y reviendrai - et la renforcer, notamment en permettant à tous nos enfants d'accéder à la culture, comme ils peuvent accéder aux disciplines de la connaissance, suppose des changements dans notre système d'enseignement et de formation. Ces changements impliquent pour des raisons à la fois intellectuelles et physiques et pour des raisons touchant au développement des disciplines de la sensibilité qui sont celles de la culture, un changement ou un aménagement des rythmes de travail, des rythmes de l'enfant. C'est un peu ce que j'ai voulu voir ce matin dans cette école qui a fait partie des expériences qui sont aujourd'hui conduites à l'initiative du Ministre de la Jeunesse et des Sports et qui tracent une réforme inéluctable mais qui prendra forcément du temps.

Ensuite j'ai voulu voir, bien entendu le maillon suivant, c'est à dire celui des adolescents mais dans un établissement que l'on appelle difficile maintenant. Il s'agit du collège de Bethoncourt, qui est un collège de 630 places, mais comportant 83 % de jeunes d'origine étrangère, essentiellement et presque uniquement des jeunes d'origine marocaine et turque qui posent donc des problèmes particuliers d'intégration, qui posent le problème - je dirais au sens très large du terme - de l'autorité dans l'école, de la violence ou de l'agressivité dans l'école. J'ai voulu voir sur place dans ce collège comment les choses se passaient aussi bien avec les enseignants qu'avec les parents d'élèves, avec quelques élèves et avec le personnel technique de l'établissement.

Ensuite j'ai voulu voir ceux qui ont la chance de se préparer dans de bonnes conditions d'insertion dans la vie active, ceux qui ne sont pas en mesure d'apprendre un métier débouchant sur une situation et ce-ci au Centre de Formation des Apprentis de Besançon pour essayer d'avoir avec ces apprentis un dialogue permettant de déterminer ou de discerner quels étaient les problèmes auxquels ils sont confrontés, eux qui sont, dans une certaine mesure, des privilégiés puisque pratiquement tous trouveront un emploi à la sortie de leur formation.

J'ai tenu enfin à voir, et j'ai été très impressionné, quelques uns d'entre vous étaient là je crois, une expérience étonnante, et maintenant connue en France, celle de Claude ACQUART, que l'on appelle les "Bains-Douches" c'est à dire ces jeunes qui étaient presque au delà de la marginalité et qui se sont regroupés sous l'impulsion bien entendu d'une personnalité très forte, de grand talent et de grand coeur et qui se sont complètement réinsérés en travaillant dans tous les métiers qui touchent au spectacle.

Voilà ce que j'ai voulu voir aujourd'hui : l'égalité des chances, les modalités de l'intégration des jeunes, les possibilités d'une formation par alternance et les expériences de réussite, de réinsertion de jeunes qui ont connu des situations particulièrement difficiles.

Pendant la journée de demain j'aborderai des problèmes liés à l'emploi et à l'activité économique dans cette région. Aujourd'hui la journée était essentiellement consacrée aux jeunes et à leur formation.

QUESTION - Monsieur le Président, ce matin dans l'école que vous avez visité et où on pratique l'aménagement des rythmes scolaires, vous vous êtes prononcé en faveur du bénévolat mais est-ce que le développement des activités périscolaires ne serait pas une manière de créer des emplois ?

LE PRESIDENT - Non, je ne me suis pas prononcé en faveur du bénévolat, ce qui, exprimé de cette façon, tendrait à dire que j'imagine que l'aménagement des rythmes scolaires devrait laisser aux seuls bénévoles le soin de donner l'accès aux disciplines de la sensibilité à nos enfants. Ce n'est évidemment pas du tout le cas.

Simplement il y a eu un échange de vues, que vous avez observé. Une enseignante, d'ailleurs particulièrement compétente, a expliqué qu'il fallait que ceux à qui il incombait d'enseigner les disciplines de la sensibilité soient des gens rémunérés, formés et agréés. "Formés et agréés" cela va de soi, "rémunérés" c'est inévitable pour un certain nombre d'entre eux mais elle a eu une phrase expliquant que les bénévoles n'étaient pas bons. Il y a eu ensuite une représentante de parents d'élèves, une femme, qui a dit "Mais attention les bénévoles c'est tout de même important". Je veux dire qu'il faut dans ces affaires être pragmatique. Le bénévolat a deux avantages. Le premier étant que lorsque l'on est bénévole on donne le meilleur de soi-même et un bénévole bien formé et naturellement agréé dans le cas particulier par l'inspection d'académie départementale, il est, en règle générale, un vecteur exceptionnel de qualité, parce que je le répète, en plus de la compétence, il y met spontanément du coeur puisqu'il n'en tire pas de rémunération.

Elle se privait a priori de tous ces gens qui, dans toutes ces associations sportives, culturelles, sociales, sont des bénévoles et ont une grande expérience et une grande qualité.

Le deuxième avantage, c'est que nous sommes, tout le monde le sait, dans une société qui est quand même, de plus en plus fracturée, où l'égoïsme est renforcé sans cesse par la précarité qui se développe, et donc, on a des tendances permanentes, des tendances lourdes de repli sur soi. On le voit bien, il faut donc essayer de développer ce qui peut rassembler davantage, développer les forces centripètes dans une société. Il est évident que le bénévolat, c'est-à-dire, l'appel au coeur des gens, à leur intelligence, à leur dévouement, l'appel à la solidarité est une force positive dans une société où les forces centrifuges se sont fortement accrues. Alors ceci est vrai en règle générale.

Vous savez, si je me souviens, il y a quelques années quand j'ai créé le SAMU-social à Paris, nous avions imaginé de le faire commencer tel jour et puis la vague de froid est arrivée plus tôt que prévu. J'ai donc décidé, un matin, qu'on commencerait le soir même.

J'ai lancé un appel aux agents de la Ville de Paris et à ceux de l'Assistance Publique pour qu'ils soient bénévoles le soir même. S'agissant des conducteurs, des assistants sociaux et des infirmiers ou infirmières, pour aller après leur journée de travail, sans rémunération, travailler de 21H00 ou de 20H30 jusqu'à 6H00 du matin, puis de reprendre leur travail normal à 8H30 ou 9H00. J'ai eu dix fois plus de personnes que je n'en avais besoin.

Ensuite on s'est bien aperçu que ces gens, -qui étaient des bénévoles, formés et agréés (par définition), puisqu'ils étaient des agents dans ces trois disciplines de la Ville de Paris ou de l'Assistance Publique que la qualité exceptionnelle du SAMU-social- ont fait que, pour la première fois cette année, on a pas eu de drames, on a pas eu de protestations très fortes des associations, on a pas eu les écrans de télévision. Ceci est dû au fait que le bénévolat s'est développé dans le meilleur sens du terme. A ce titre, il ne faut donc pas penser qu'on fera la réforme des rythmes scolaires sur le bénévolat, mais il ne faut pas penser que l'on exclura le bénévolat.

QUESTION - Vous venez de dire à l'instant que la réforme des rythmes scolaires était inéluctable. Doit-elle prendre, selon vous, autant de temps que celle du Service National ?

LE PRESIDENT - Vous savez, tout est complexe et les bonnes réformes prennent toujours du temps. Nous avions, -je dis nous parce que j'étais Premier Ministre, à l'époque en 1987-, voté une loi sur les enseignements artistiques, une loi en réalité sur les disciplines de la sensibilité. Je le répète, il y a eu en matière d'égalité des chances, une réforme essentielle qui a été faite par Jules FERRY, il y a un peu plus de cent ans et qui a donné à chacun l'accès aux disciplines de la connaissance. En revanche, l'égalité des chances n'a pas été reconnue au niveau de la culture, et les enfants n'y ont pas le même accès, selon l'endroit d'où ils viennent, le milieu dans lequel ils sont etc. Donc, il est essentiel aujourd'hui de répondre à cette exigence.

Cette loi n'a malheureusement pas été appliquée, et je souhaite, j'ai demandé très fermement aux deux Ministres de tutelle c'est-à-dire au Ministre de l'Education Nationale et au Ministre de la Culture de faire en sorte qu'elle soit éventuellement amendée, s'ils le jugent nécessaire, mais appliquée. Elle prévoyait une dizaine d'années pour que partout, les enfants puissent avoir accès aux disciplines de la sensibilité, aux enseignements artistiques et donc à la culture.

Une loi c'est bien. Des moyens prévus pour permettre cet enseignement, c'est bien. Mais quand le faire ? C'est là que se pose le problème des rythmes scolaires et nous avons aujourd'hui un système qui n'est pas au point et qui d'ailleurs fait de la France un peu une exception.

On a conçu un rythme avec sept semaines de travail et deux semaines de congés ce qui, je crois, est un bon rythme, en tous les cas, les pédiatres le qualifient ainsi. Mais en revanche, la journée de travail est tout à fait excessive et donc fatigante pour l'enfant. Il y a donc, si j'ose dire, un rapport coût-efficacité qui n'est pas bon. En revanche, les vacances d'été sont trop longues et tous les spécialistes, tous les experts disent qu'au-delà de six semaines, il y a une régression dans les connaissances acquises par les enfants.

Il y a donc un objectif qui consiste (qui mettra certainement cinq ans ou dix ans pour être atteint) à enseigner les disciplines de la connaissance le matin, comme cela se fait d'ailleurs dans beaucoup de pays, (notamment anglo-saxons) et les disciplines de la sensibilité c'est-à-dire le sport et les enseignements artistiques l'après-midi. On ne fera pas cela avec une semaine de cinq jours, mais peut-être de six. Cela ne se fera pas comme cela, d'abord c'est coûteux, évidemment puisque quelle que soit la place que l'on donne au bénévolat, il y a toute une série de postes à créer pour que ces enseignements puissent être dispensés.

Je suis allé faire une réunion à Epinal, il y a quelques temps, de la même nature que celle que j'ai faite aujourd'hui ici. A Epinal on a fait les choses en plus grand puisqu'un grand nombre des écoles d'Epinal sont soumises à un vrai système de rythme scolaire, de rythme de l'enfant qui consiste à leur apprendre les enseignements traditionnels le matin et les autres l'après-midi. On a créé plus de cent emplois à Epinal et si on a fait que 40 % des écoles (je n'ai pas le chiffre exact en tête mais c'est de cet ordre d'idée), c'est parce que, malgré l'aide de l'Etat, la Ville d'Epinal ne peut pas aller plus vite ou faire mieux pour des raisons financières.

Cela pose d'ailleurs un grand problème qui est celui de l'équité : à partir du moment où les communes prennent une part de la charge, les régions en prendront certainement une autre, l'Etat aussi, mais le risque sera que les régions riches ou les villes riches puissent développer le système, alors que les régions pauvres ou les villes pauvres ne pourraient pas le faire au même rythme et donc on introduirait là une nouvelle inégalité, une nouvelle injustice qui doit être naturellement refusée On a substitué une inégalité humaine à l'inégalité géographique.

Deuxièmement, à partir du moment où la réforme devra se faire avec détermination, (mais avec le temps nécessaire), il est évident qu'il faudra commencer par les zones les plus difficiles (les zones rurales en difficulté et surtout les zones urbaines prioritaires) pour des raisons tenant à la nature des problèmes qui se posent dans ces endroits. Voilà ce qu'il faut faire, il faut commencer par ces quartiers.

J'ajoute que lorsqu'on apporte à des jeunes, notamment dans les quartiers difficiles, les éléments de l'intégration par le sport, la culture, lorsqu'on leur prend du temps pour cela dans l'après-midi, c'est un épanouissement, c'est une intégration plus efficace et c'est une chance de moins d'aller galérer dans un certain nombre d'endroits.

QUESTION - Croyez-vous que la réduction des vacances d'été est essentielle. Et si oui, pourquoi ne le fait-on pas ? Je sais que c'est une question simpliste mais en vous écoutant ce matin, il me semblait que c'était le seul moyen de faire cette réorganisation des rythmes scolaires que vous souhaitiez ?.

LE PRESIDENT - Les experts en général, les pédiatres en particulier, sont convaincus que c'est une nécessité. Mais cela pose des problèmes, parce que nous avons des traditions, des habitudes qui touchent les enseignants (qui ont leurs habitudes et qui ne voient pas avec plaisir la perspective de réduction des vacances d'été), ainsi que l'industrie ou le tourisme qui voit également d'un mauvais oeil la réduction des vacances d'été, d'où les problèmes à surmonter. Je le répète, il y a deux manières de voir les choses : ou bien on se dit qu'il ne faut surtout rien toucher de ce qui pourrait provoquer des réactions, et à ce moment là on fait ce que l'on a fait depuis trop longtemps, c'est-à-dire, rien ; ce qui explique largement la crise que nous connaissons aujourd'hui, ou bien on se dit qu'il y a des objectifs à atteindre et qu'il faut prendre la responsabilité de les atteindre.

C'est, vous le savez, mon approche des choses quoiqu'il arrive, et je n'ai pas du tout l'intention de me laisser influencer par quoi que ce soit. Et notamment par les groupes de pression d'où qu'ils viennent et qui ont pris une part trop importante dans notre pays depuis quelque temps. Donc il faudra trouver une solution aussi à ce problème et cela implique effectivement la réduction des vacances d'été. Je le répète, les pédiatres, les experts sont unanimes sur ce point.

QUESTION - Est-ce que vous pouvez nous donner des précisions, c'est notre sujet en dehors de l'école, sur les mesures d'accompagnement que prévoit un peu le Gouvernement dans les villes où des régiments viendraient à disparaître. Va-t-on, par exemple, vers une troisième série de zones franches et défiscalisées dans des communes où le problème serait particulièrement important ? Où en êtes-vous un peu de ces propositions de reconversion ou d'accompagnement ?

LE PRESIDENT - Est-ce que cela ne vous ennuie pas que l'on termine avec l'enseignement et je répondrai, après naturellement, à la question que vous me posez sur les régiments, je l'élargirai peut-être, bien que la région ici ne soit pas directement touchée, aux industries d'armement.

QUESTION - Vous venez de critiquer, comme vous l'avez fait ce matin, notre système d'enseignement en ce qui concerne les rythmes scolaires, vous l'avez fait aussi en ce qui concerne la formation tout à l'heure en y opposant l'apprentissage. Je voulais vous demander si, à l'heure actuelle, vous êtes satisfait du rythme auquel s'engage la réforme de l'éducation nationale que vous appelez de votre voeu ?

LE PRESIDENT - C'est une grande affaire et c'est une affaire très délicate, alors je comprends très bien qu'il y faut du temps mais je souhaite que l'on ne laisse pas traîner les choses trop longtemps. Je visitais tout à l'heure, mais c'est évidemment un établissement un peu particulier, un collège d'un quartier sensible. On voit bien que l'on a là des structures qui dans le cas particulier étaient adaptées (c'était un collège pas très grand, 630 élèves, on est pas tombé là dans les monstruosités d'usines que l'on a fait dans un certain nombre d'endroits), mais on voit bien que les jeunes qui sont là, sauf les meilleurs, ne sont pas traités comme il faudrait qu'ils le soient et ceci malgré un corps d'enseignement qui est indiscutablement de grande qualité, notamment sur le plan du coeur, du dévouement et de l'ouverture d'esprit cela ne fait aucun doute, néanmoins c'est devenu un système inadapté.

Nous avons déjeuné dans le collège avec une série de professeurs, de parents d'élèves, d'agents techniques, et l'un des professeurs, un des enseignants, me disait :"au fond vous voyez, beaucoup d'élèves ne viennent plus pour apprendre faute de perspectives", j'ai noté la phrase, et un autre me disait :"au fond on ne comprend pas assez". C'est une thèse qui m'est chère c'est pourquoi je la développe, notamment pour tous les quartiers en difficulté, et tous les endroits où la violence a tendance à se développer. I

Il y a une espèce de rupture là aussi, entre les enfants qui sont de la deuxième génération de parents venant de l'étranger, et qui souvent, (je parle des parents) ne maîtrisent pas notre langue ou mal, n'ont pas de culture et donc ont les plus grandes difficultés pour sortir du ghetto dans lequel tout naturellement ils s'enferment, et qui sont, notamment, dans l'incapacité de faire toutes les formalités qu'exige la vie, y compris d'aller chez le médecin, d'accoucher, d'aller toucher une aide sociale, de vivre.

Comment peuvent-ils le faire ? Par le biais de l'enfant qui, lui, étant né en France, ayant été à l'école dès qu'il a douze, treize, quatorze ans, maîtrise la langue. Il sert tout naturellement de lien relationnel entre la famille, les parents et la société. C'est l'enfant qui amène sa mère chez le médecin quand elle doit accoucher, c'est à l'enfant que s'adresse le médecin. C'est l'enfant qui va chercher l'argent à la banque et qui le rapporte. Il fait tout. L'enfant se sent donc d'une certaine façon un adulte et il arrive dans une structure, dans une école, dans un lycée, il a treize, quatorze, quinze ans, où on le prend pour un enfant et où on veut lui imposer la discipline qu'on impose à nos enfants. Cela ne va pas, et cela provoque une sorte de sentiment d'injustice. Vous savez en règle générale, notamment chez les jeunes, la violence, qui peut être naturelle, est généralement le fruit de l'injustice et de l'ignorance.

Un autre de ces professeurs me disait qu'il avait fait récemment au lycée un groupe de travail en faisant venir des gens de l'extérieur comme de l'intérieur avec les jeunes, pour essayer de discuter avec eux d'un certain nombre de problèmes délicats. L'exercice supposait que l'enfant pose des questions. Le professeur, qui m'expliquait cela, me disait qu'ils avaient tous été frappés par le fait que les questions qui revenaient le plus souvent, c'est-à-dire très souvent, dans la bouche des enfants étaient les deux suivantes :"est-ce que c'est vrai qu'on n'a pas le droit de taper sur quelqu'un et que c'est illégal ?" et la deuxième :"est-ce que c'est vrai qu'on n'a pas le droit de consommer de la drogue et que c'est illégal ?" des enfants de treize, quatorze, quinze ans.

De tout le panel de questions posées, celles là revenaient le plus souvent. Là encore, on voit bien que le problème de l'école qui garantit l'intégration et qui garantit l'égalité des chances est tout à fait posé, après tout ces enfants ne sont pas plus mauvais que d'autres. Il y a le même pourcentage de voyous dans toutes catégories de population ou d'imbéciles ou de petits génies, il y a le même pourcentage et donc il y a un vrai problème qui se traduit par des tensions entre les enfants eux-mêmes, mais surtout des tensions entre les professeurs et les élèves, dû au fait que les élèves, la plupart du temps, ne comprennent pas pourquoi les professeurs font telles ou telles choses.

Les règlements des écoles sont incompréhensibles, complètement obsolètes, personne ne les lit, et cela ne peut pas être considérés comme un cadre. Alors il y a quelques expériences qui ont été faites avec ce que l'on appelle des codes d'autorité, ce qui doit être pris dans le bon sens du terme naturellement. C'est-à-dire quelque chose simple, des exigences simples auxquelles tous les enseignants adhèrent et donc qu'ils apportent aux élèves et sur lesquels les réactions et les sanctions sont identiques. Parce que là encore, il y a un très grand sentiment d'injustice sur ces jeunes qui se transforme en violence si on n'est pas traité de la même façon dans la classe de M. un tel ou dans la classe de Mme une telle.

Il y a dans tout cela un vrai problème qui exige une réforme, qui exige davantage de présence dans les écoles, qui exige un lien plus fort, et c'est maintenant admis, entre la direction de l'école, la police ou la gendarmerie, selon l'endroit où se trouve l'établissement et les juges pour enfants. Il y a un problème de rétablissement d'autorité au bon sens du terme. Mais on ne rétablira pas l'autorité de façon autoritaire, si j'ose dire. On rétablira l'autorité par le biais de la culture, sinon cela ne marchera pas.

D'autre part, il faut évidemment mettre un plus grand soin dans le choix des enseignants, il faut motiver les enseignants pour qu'ils restent longtemps dans les établissements difficiles. Je voyais à ma gauche un professeur de gymnastique, (enfin on dit maintenant d'éducation physique et des sports) à l'évidence c'était quelqu'un de très motivé et de très compétent, il me disait : "j'ai passé je ne sais plus combien d'années ici et j'ai demandé ma mutation". Je lui ai dit :"si vous aviez un avantage est-ce que vous resteriez ?" Il me dit : "mais oui, mais je n'ai aucun avantage, alors je vais aller dans un endroit plus calme". Il est certain qu'il faut motiver les enseignants et les motiver en leur donnant dans ces quartiers difficiles des avantages de carrière ou des avantages financiers, ou les deux.

Il faut également que soient nommés, dans ces établissements, des professeurs expérimentés. J'ai demandé au Directeur comment étaient faites les nominations récemment, -enfin au Principal-, il me disait que cette année cela s'était bien passé, mais l'année dernière, je crois qu'un tiers des professeurs nommés à la rentrée scolaire de l'année dernière, étaient des nouveaux et essentiellement des jeunes. Naturellement, là encore, cela ne peut pas marcher, il faut des gens qui ont un minimum d'expérience et donc il faut qu'il soit acquis que dans les établissements difficiles on nomme des enseignants qui ont une certaine expérience et qu'on les motive pour qu'ils restent là un certain nombre d'années et enfin, il faut que les professeurs exercent véritablement leur métier. Les professeurs ou les enseignants ne sont pas des assistants sociaux, se sont des enseignants.

L'école qui, je le répète, est un lieu d'intégration et un lieu d'égalité des chances, l'école est également un lieu où l'on travaille. Il faut pour cela garantir un minimum d'ordre pour que l'on puisse travailler convenablement, c'est, je le répète, le lieu où l'on travaille, il faut en tirer toutes les conséquences. Les jeunes ont des droits et des devoirs, encore faut-il le leur dire et le leur dire de façon telle qu'ils le comprennent.

QUESTION - C'est une question qui est en relation directe avec les propos que vous venez de tenir mais qui concerne une question que vous a posée hier le Maire de Besançon à laquelle vous n'avez pas répondu. Il a évoqué le cas du quartier des Clairs Soleils à Besançon, d'un côté, M. GAUDIN se prononce pour le classement de ce quartier en zone de redynamisation urbaine et d'un autre côté, le Ministre de l'Education Nationale a demandé la suppression de trois postes d'enseignant ?

LE PRESIDENT - Cela fait partie des dysfonctionnements de l'administration. Il faut essayer d'y remédier et je vais vous dire mon avis. L'un des moyen de remédier à ce type de dysfonctionnement d'une administration française, qui certes est de qualité, mais qui est un peu sclérosée, le meilleur moyen, c'est de faire une réforme - là encore je crois savoir que c'est l'intention du Gouvernement de la proposer très rapidement- qui s'appuie sur deux idées : la première c'est de faciliter la vie aux usagers et la deuxième c'est la déconcentration.

Si le pouvoir était déconcentré, on n'aurait pas d'un côté les responsables locaux, régionaux, ou départementaux de l'aménagement du territoire et de la politique de la ville qui classent les Clairs Soleils dans les quartiers difficiles et je ne sais quel bureau du ministère de l'Education Nationale qui raye trois postes à cet endroit. C'est la réponse à cela. Nous sommes un pays qui a fait sa décentralisation et cela a été une vraie réforme, un vrai progrès, et cette décentralisation a eu deux faiblesses.

La première, c'est qu'elle ne s'est pas accompagnée d'un aménagement du territoire et que la conséquence c'est que les régions riches sont devenues plus riches et que les régions pauvres sont devenues plus pauvres. Mais cela on peut y remédier depuis qu'on a repris conscience de la nécessité d'une solidarité nationale, d'une cohésion nationale s'exprimant dans ce domaine par l'aménagement du territoire pour compenser les effets pervers de la nécessaire décentralisation.

La deuxième insuffisance c'est qu'on n'a pas osé s'attaquer au bureau de l'administration parisienne et qu'on n'a pas fait la déconcentration, que tout remonte à Paris. Ce qui est évidemment absurde. C'est générateur de gaspillage, c'est générateur d'erreurs, parce que prennent les décisions, des gens qui n'ont pas la connaissance réelle des choses et donc il y a là une réforme importante à faire qu'il ne se fera pas sans grincement de dents. On a l'habitude. Il faut faire cette réforme.

QUESTION - J'ai une dernière question sur l'enseignement. Vous parliez de la nécessité d'une certaine façon de rétablir l'ordre dans les écoles, un certain ordre. Comment comptez-vous y parvenir ? Est-ce que vous pensez que dans certaines municipalités on fait appel aux forces de l'ordre carrément dans les écoles ? Est-ce que vous pensez que cela pourrait être une solution ?

LE PRESIDENT - Non, certainement pas. Ce qu'il faut c'est donner la possibilité au Directeur d'école d'être en contact permanent quand il le faut avec, je l'ai dit tout à l'heure, la police ou la gendarmerie d'une part, la justice et le juge pour enfants d'autre part. Cela est une nécessité. Personne ne le conteste plus aujourd'hui. Deuxièmement, il faut sans aucun doute avoir un projet global qui permette, si vous voulez, de s'adapter. Au fond, on a fait une grande erreur c'était le collège unique. C'est bien une erreur de tradition française en estimant que tous les enfants étaient égaux.

Ils ne sont pas égaux, je le disais tout à l'heure, ils ne sont pas égaux et on ne peut pas les traiter de la même façon. Donc, il faut pouvoir s'adapter à ce moment là tout naturellement à un certain nombre de tensions se détendront. Enfin, il faut une présence adulte plus importante ne serait-ce que pour éviter les gens qui viennent de l'extérieur et ceci doit se faire. Là encore nous sommes limités, par les moyens financiers naturellement, mais ceci doit se faire notamment dans les établissements difficiles qui, heureusement, sont une petite minorité en France. Ils font parfois la "Une" de nos médias mais sont, Dieu soit loué, une minorité. C'était Pierre LAZAREFF qui disait que les médias ne s'intéressent qu'aux trains qui arrivent en retard. Heureusement il y en a très peu. Il y a là nécessité d'avoir à la fois un recrutement de surveillants et l'affectation d'un certain nombre d'appelés plus important qu'aujourd'hui où il y en a, je crois, douze cents. On devrait pouvoir faire appel à un nombre plus important de ces garçons pour renforcer le cadre des surveillances des écoles.

QUESTION - Sur la réforme du collège unique

LE PRESIDENT - Heureusement il s'est réformé un peu tout seul le collège unique, je crois que c'est l'idée et le principe qui ont été mauvais.

QUESTION - Monsieur le Président, lors de votre rencontre avec les anciens marginaux à l'Association des "Bains-Douches" il y a eu énormément de paroles fortes qui vous ont été adressées dont une par une personne qui vous disait "le problème n'est pas forcément essentiellement financier c'est une question d'état d'esprit qu'il faut changer", et quand on entend ce que vous dites à propos de l'éducation nationale on a l'impression que c'est aussi votre discours que l'état d'esprit a changé. Est-ce qu'on change les états d'esprit par des lois et est-ce que ce n'est pas le problème majeur qui est posé au niveau de l'Education Nationale en ce moment ?

LE PRESIDENT - Si, c'est un problème très important ce n'est pas la loi qui changera les choses si on ne veut pas changer les comportements. On fabrique aujourd'hui une quantité considérable de jeunes marginaux, notamment dans les quartiers difficiles, ceux où il y a une population étrangère importante et qui ne trouvent aucune vraie structure d'accueil adaptée dans notre société. Alors après il ne faut pas s'étonner naturellement que les choses dérivent vers des systèmes mafieux, vers la drogue, vers la violence, tout ceci entretenant des conséquences que tout le monde connaît. Il y a naturellement des jeunes qui sont difficilement récupérables mais beaucoup le sont.

Vous étiez, je crois dans cette affaire des "Bains-Douches" qui concerne finalement, depuis trois ans, plusieurs centaines de personnes, qui ont retrouvé là effectivement par un comportement différent, et notamment par le fait qu'on leur faisait confiance, un sens à leur vie. Je ne sais pas si vous les avez regardé, on voyait bien dans leur histoire et dans ce qu'ils disaient que tous ces jeunes sortaient vraiment de la marginalité la plus complète. Vous avez entendu la réflexion de celui qui a dit "moi quand je suis arrivé ici ma première idée était de voir ce que j'allais voler et partir ensuite et bien j'ai dit, cela fait maintenant six mois que je suis là, non seulement je n'ai rien volé mais on me donne des chèques en blanc pour aller acheter des choses à l'extérieur et il ne me viendrait pas à l'idée de partir avec." Il est vrai que ces jeunes avaient en eux-mêmes probablement une force et une qualité qui avaient été étouffées par la marginalité, par une société qui les avait rejetés, qui les avait exclus, mais qu'ils étaient en fait des jeunes de qualité aptes à se réinsérer pour peu qu'on leur ait tendu la main et ce qu'à fait Claude ACQUART c'est tout simplement leur tendre la main. D'ailleurs il suffisait de regarder leurs yeux, ils avaient tous l'oeil brillant, ce n'était pas des amortis, c'était des jeunes qui manifestement avaient quelque chose en eux. Ce qui explique naturellement que l'insertion se soit faite mais il est également vrai que s'ils n'avaient pas reçu cette aide qui venait de l'accord entre cette Association et la mairie de Montbéliard il est certain qu'ils seraient probablement, la moitié d'entre eux, seraient dans un état pitoyable ou en prison.

Donc il faut adapter nos systèmes et ça c'est un problème de comportement. C'est là où je dis que le bénévolat est important et que les mesures qui ont été décidées, et qui ne sont pas législatives, pour donner plus de possibilités d'action et de moyen aux associations fondées précisément sur le bénévolat sont plus importantes que beaucoup des crédits que l'on donnent à tel ou tel quartier et qui finalement n'ont pas beaucoup d'effets sur place.

QUESTION - Il y a un peu plus d'un mois à Niort vous aviez désigné un certain nombre de lacunes, et notamment je me souviens du retard dans le versement des primes à la viande bovine, je voudrais savoir dans quelle mesure ces lacunes ont été comblées?

LE PRESIDENT - Je peux vous dire que pour une fois le résultat a été tout à fait à la hauteur de mes ambitions puisque le Président de la Fédération Nationale Bovine a indiqué au Premier ministre, qui le recevait, qu'à sa grande stupéfaction, moins de quinze jours après la décision prise, tous les éleveurs, sans exception, avaient touché leur chèque. Ce qui prouve d'ailleurs que lorsqu'on prend vraiment en main son administration nous avons de bons fonctionnaires. Les experts ne sont pas fait pour prévoir, ils sont faits pour expliquer les choses, alors il appartient aux politiques de donner les impulsions donc les ordres, et donc de prendre la responsabilité de vérifier que ces ordres sont exécutés. C'est ce qui s'est passé et cela c'est très bien passé.

Je réponds maintenant à votre confrère. Le nombre des unités et des bases va diminuer sensiblement, peut-être de quelque chose qui sera compris entre 35 et 40 %, pour une raison simple c'est parce que l'on passera d'une armée de 500 000 personnes à une armée de 350 000. Ce qui a des conséquences sur les bases aériennes, sur les régiments et des régions comme celle-ci sont particulièrement sensibles à ces problèmes parce qu'il y a toute une série de régiments ou de bases, dans cette région.

Vous demandiez qu'elles étaient les mesures que nous allions prendre pour éviter le traumatisme ? Hier le maire de Besançon, Monsieur SCHWINT, disait dans son propos, je crois qu'il y a 3000 militaires à Besançon me semble-t-il, "l'ensemble dans le flux économique de Besançon des militaires et de ceux qui les entourent, les enfants à l'école, etc, représente 5% de l'activité économique de Besançon." C'est lui qui citait ce chiffre, dont je lui laisse la responsabilité bien entendu, hier soir dans son propos d'accueil à la Mairie. Il est bien évident que mon intention - et je prends Besançon mais je le dirais naturellement pour n'importe quel site - c'est de faire en sorte qu'au moment où si j'ose dire ces 5 % d'activité économique seront retirés aient été créé 5 % d'activité économique nouvelle, ça c'est le principe. Je rappelle que ce principe s'appuie notamment sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une transformation pour demain matin de bonne heure, mais d'une transformation qui va durer six ans et qui nous laisse par conséquent le temps d'apprécier toutes les conséquences des retraits ici ou là des unités, des bases où le cas échéant les conséquences sur certains sites de la restructuration nécessaire de l'industrie d'armement. Cela ne concerne pas la Franche-Comté mais enfin cela en concerne d'autres.

Le Gouvernement prendra très prochainement sa décision l'idée en tous les cas, je peux vous le dire, c'est que chaque site aura un responsable, qu'il y aura un délégué ministériel - je ne sais pas si ce sera son nom, il appartiendra au Gouvernement de définir cela - un responsable national, autrement dit une sorte d'administration de mission, c'est à dire très peu nombreuse avec des gens qu'on choisira très efficaces et enfin un comité interministériel qui se réunira aussi souvent que nécessaire tous les mois, tous les mois et demi ou tous les deux mois, je n'en sais rien, pour prendre les décisions interministérielles qui s'imposent. Alors vous me dites "est-ce que ce sera par exemple l'extension de zones franches ?" je ne peux pas vous le dire, je souhaite que ces choses soient mises au point dans une étroite concertation avec les élus locaux. Je souhaite que dès maintenant, c'est à dire dans les semaines qui viennent, les responsables soient nommés et engagent la négociation avec les élus locaux au cas par cas, site par site et que l'on voit avec eux comment on compense la suppression de telle unité ou les problèmes posés à tel site d'industrie d'armement voilà l'idée, ensuite nous essaierons d'être aussi efficace que possible mais je le répète nous avons six ans pour faire cela et par conséquent à condition de ne pas traîner, nous avons la possibilité d'assurer cette réforme sans trouble. J'ai dit et je le répète qu'en toute hypothèse, ça c'est le côté militaire des choses, il n'y aurait pas de loi de dégagement des cadres pour ce qui concerne les militaires ça c'est une décision

QUESTION - A propos d'aménagement du territoire, le Conseiller Régional de Franche-Comté a organisé récemment une séance d'information sur le canal à grand gabarit Rhin-Rhône et un expert en matière de transport, le professeur BONNAFOUS, a déclaré que les parlementaires avaient été trompés car, entre autre, on ne leur avait pas communiqué des éléments majeurs d'un rapport du Conseil National des Ponts-et-Chaussées, pensez-vous qu'une chose pareille soit possible ?

LE PRESIDENT - Chacun a compris qu'il s'agissait du canal Rhin-Rhône. Moi je vais vous dire une ou deux choses : d'abord j'ai naturellement le plus grand respect pour le Conseil National des Ponts-et-Chaussées. Cela va de soi, je n'ai pas besoin de le préciser.

Il n'empêche que, je ne sais pas si il y a eu un rapport, je ne sais pas s'il a été communiqué ou non communiqué, mais ce que je sais c'est que moi je suis toujours méfiant à l'égard des rapports des experts, toujours.

Je vais vous raconter une petite histoire quand en 1967 j'ai été élu en Corrèze, un rapport important des Ponts-et-Chaussées avait arrêté le schéma national routier, qui avait été publié quelques semaines avant les élections de 1967 où j'avais été élu. Ce schéma national routier avait supprimé la route nationale 89, c'est à dire la route qui va de Clermont-Ferrand à Bordeaux, c'est à dire l'un des axes essentiel du désenclavement du massif central. Jeune Député, d'ailleurs jeune Secrétaire d'Etat, immédiatement j'étais allé voir le Ministre de l'Equipement de l'époque qui s'appelait M. JACQUET, que je connaissais bien et pour qui j'avais beaucoup d'estime et je lui avais dit "mais c'est ahurissant on a supprimé cette route cela veut dire que l'on ne fera plus aucun travaux, sur la nationale 89, la seule route qui désenclave le Massif Central". Alors JACQUET m'a dit "je vais voir ça". Il m'avait reconvoqué 15 Jours après et il m'avait dit "mais tu ne dis que des bêtises, j'ai un rapport d'experts qui est absolument d'une clarté biblique, cette route ne sert à rien, et d'ailleurs il y a de moins en moins de voitures, tous les comptages montrent que cette route ne sert plus à rien" et je lui dis "mais enfin, M. le Ministre pas du tout n'est-ce pas si il n'y a plus de voiture c'est parce qu'il n'y a plus de route mais s'il y avait une route il y aurait des voitures". Les experts ont été formels et comme il voulait me faire plaisir il m'a donné quelques petits crédits pour améliorer un tout petit peu la route mais on n'a pas rétabli sur le schéma national, c'était en 1967-68 et bien aujourd'hui on attaque l'autoroute l'A 89. On fait une autoroute et les experts considèrent que c'est nécessaire de faire une autoroute Clermont-Bordeaux. C'est vous dire que je me méfie toujours énormément des experts quels qu'ils soient et qu'en soit la nature quand il s'agit de prévoir les choses.

C'est pourquoi je n'attache pas énormément d'importance à tous ces rapports. Moi je vois une chose, je vois au Nord, j'étais il y a un an ou un an et demi sur le canal Rhin-Danube, qui est parallèle au canal Rhin-Rhône mais naturellement pour le nord de l'Europe et j'étais là parce qu'il y avait une réunion mais que cette réunion s'était tenue sur un bateau, c'est le Président hongrois à l'époque qui nous avait invité et, à un moment donné, on s'est arrêté à une écluse et on a rencontré le directeur de l'écluse, alors on a parlé un moment avec lui et il nous a dit on s'est trompé, complètement avec notre affaire de canal, on avait pensé qu'on aurait un transport de tant, on a eu un transport de trois fois et demi à quatre fois plus important, on avait pensé qu'on pourrait faire passer tant de convois par écluses, on en fait passer trois fois plus et enfin on avait penser que ce serait essentiellement du transport de pondéreux et c'est essentiellement un transport de marchandises diverses et donc c'est en réalité un atout considérable.

Pour la France il est certain que si nous ne faisons pas le canal Rhin-Rhône cela veut dire que nous isolons complètement toute la région de Strasbourg à Marseille dans les vingt ans qui viennent, il faudra aussi y songer, des grands courants économiques européens.

Je sais bien qu'on se crispe qu'on parle des problèmes, il faut les étudier. Les écologistes sont très hostiles avec toutes sortes d'arguments qui méritent considération. Mme VOYNET, elle-même, a pris la peine de se déranger pour me porter hier soir un document que je n'ai pas encore lu mais que je vais lire naturellement attentivement. Mais je crois que là encore il faut penser un peu à l'avenir, moi je veux une France qui soit dynamique et qui fasse le nécessaire pour compter dans le monde de demain, je ne veux pas une France recroquevillée et qui serait à l'écart des grands courants d'échange qui sont ceux qui précisément créent la prospérité, la richesse, l'emploi, la cohésion sociale, le progrès social.

Je suis très prudent sur tous les rapports d'experts et moi il me semble que l'avenir doit en tous les cas rendre très attentif à ne pas isoler la France des grands courants d'échanges.

QUESTION - sur le TGV

LE PRESIDENT - Cela n'a strictement aucun rapport, le TGV est une nécessité pour cette région et d'ailleurs il n'est pas contesté puisque lui, contrairement à la Nationale 89 en 1967, lui, il est sur le plan national. Les décisions prises en 92 sur les TGV inscrits explicitement et personne ne le conteste, le TGV Rhin-Rhône comme une priorité. Naturellement il y a un problème de compétition actuellement de concurrence avec le TGV Sud et le TGV Est mais c'est ce que j'ai dit au Maire de Besançon, il sera fait deux ans plus tôt ou deux ans plus tard, mais c'est cela la marge. Je souhaite qu'il soit fait deux ans plus tôt mais personne ne le conteste. Mais ce n'est pas ça qui assurera les grands transports européens.

M. Raymond BARRE, qui est un économiste, chacun le sait, de talent et qui maintenant est charnellement attaché à sa région de Rhône-Alpes, considère de la façon la plus évidente pour lui qu'on va racornir complètement, dessécher, économiquement parlant, la région, notamment de Lyon.-Marseille, cela mérite tout de même quelques considérations et donc il faut faire des études approfondies, c'est ce qui va d'ailleurs être engagé et nous verrons à ce moment là ce que cela donnera. Une dernière question.

QUESTION - Place des femmes dans la société.

LE PRESIDENT - C'est vrai que les femmes n'ont pas dans notre société la place qu'elles devraient avoir. On a décidé qu'à travail égal il y avait un salaire égal, on a décidé cela il y a longtemps, on a fait une loi pour cela, et chacun sait qu'un travail égal, les femmes gagnent en gros 30% de moins que les hommes et comme certains contestaient cela j'ai demandé au Gouvernement de créer un observatoire qui a été créé il y a quelques mois maintenant pour qu'on ait au moins un élément d'appréciation qui permette de mobiliser un peu l'opinion publique ou de lui donner autre chose que des appréciations.

En matière d'égalité des chances, au-delà des égalités des droits, c'est encore pire, quand vous regardez aussi bien dans l'administration que dans le privé, sauf quelques professions particulières, notamment la vôtre, quand vous regardez en haut de la pyramide, le pourcentage de femmes est infinitésimal au niveau de la responsabilité, à quelques exemples, mais enfin c'est infinitésimal. Moi j'avais du, quand j'étais Premier ministre la première fois, en 75, j'avais du mener un combat acharné pour nommer le premier général femme. Cela avait été épique. J'ai du, à peine élu, donner des instructions très fermes et répétées pour que des femmes puissent accéder au grade d'officier général, les inscrire au tableau d'avancement, cela va se faire, mais il y a un problème, dans la politique c'est un désastre. Il y a des idées que l'on peut avoir pour essayer d'avoir davantage de femmes élues cela commence bien dans les communes, c'est vrai au niveau communal mais au niveau national, c'est très très insuffisant.

Je crois que l'idée de faire une journée nationale des femmes pour que cette chose puisse être évoquée est une bonne idée. Nous sommes tous inquiets pour notre démographie. J'ai étudié un peu la façon spectaculaire dont la Suède à redresser sa démographie. Il y a quelques années, elle avait un taux de fécondité de 1,4 il l'est aujourd'hui à 2,1, c'est-à-dire à un taux de reproduction, c'est prodigieux, c'est une révolution. Je vous dirai qu'il n'y a pas un expert qui avait imaginé cela possible, et pourtant nous avons de grands experts en France à l'Institut national d'études démographiques.

Parmi les raisons, c'est le développement des horaires de travail, l'aménagement du temps de travail des femmes, c'est en ayant mis en place, non pas des aides financières, ils n'en ont pas plus que nous, même si elles sont différentes, mais des aménagements modernes du temps de travail que l'on a redonné aux femmes en Suède le désir, le goût et la possibilité d'avoir des enfants et moi je me tue à répéter aux grandes organisations syndicales et patronales qu'il y a là des champs considérables qu'ils leur sont ouverts pour la négociation et la concertation tout ce qui touche l'emploi des femmes jusqu'ici on n'a pas encore fait grand chose, enfin je ne désespère pas de convaincre.

Je vous remercie.





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