Conférence de presse du Président de la République lors du sommet anti-terroriste de Charm El Cheikh

Conférence de presse de m. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du sommet anti-terroriste de Charm El Cheikh

Charm El Cheikh, le 13 mars 1996

LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, je n'ai pas grand chose à vous apprendre sur cette journée que vous avez suivie, je crois, instant après instant. Je voudrais simplement vous donner mon impression, elle est positive, très positive. Je veux dire par là que, d'abord, il est émouvant de voir, pour la première fois dans notre histoire, des hommes représentant des idées qui étaient, il y a peu encore, inconciliables, siéger dans le même esprit de volonté de paix autour d'une même table.

Ensuite, on avait pu s'interroger, dans les jours qui ont précédé, sur la façon dont nous arriverions à une déclaration équilibrée et certains s'interrogeaient peut-être à juste titre, sur les divergences de vues qui pouvaient apparaître et éventuellement être mises en exergue. Il n'en a rien été.

Le Ministre français des Affaires étrangères, Hervé de CHARETTE, avait, à la réunion européenne des ministres des Affaires étrangères de Palerme, il y a trois jours, présenté une proposition de déclaration, pour que l'Europe soit unie. Cette proposition avait été adoptée à l'unanimité. Je crois que vous l'avez eue il y a trois jours et vous aurez observé que, pratiquement, la déclaration finale du Sommet d'aujourd'hui, le Sommet des bâtisseurs de la paix -c'est un joli titre qui a été imaginé par le Président MOUBARAK- est quasiment identique à celle que la France avait proposé à Palerme aux quatorze autres membres de l'Union Européenne.

C'est une déclaration qui est équilibrée, et qui marque la volonté de l'ensemble des grandes nations, ou des nations concernées, à la fois de renforcer le processus de paix, de le soutenir et deuxièmement de s'associer pour lutter plus efficacement contre le terrorisme.

Au total, de mon point de vue, ce fut une réunion utile. Il y a quelques jours, l'opinion internationale était mobilisée par des images de terreur, et, je dirais tout à fait à l'inverse des images de paix. Je crois que ce Sommet a eu pour avantage de marquer que les forces de la paix existaient aussi.
Voilà, je suis tout prêt à répondre à vos questions.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que vous avez obtenu l'assurance de la bouche de M. PERES que le bouclage des territoires autonomes et occupés serait allégé et cela de façon assez rapide et significative ?

LE PRESIDENT - C'est effectivement l'une des suggestions que, depuis deux jours, je faisais à M. PERES en comprenant parfaitement ce que cela impliquait pour l'opinion publique israélienne, traumatisée à juste titre par les attentats. Non seulement, je lui ai suggéré à nouveau cela, mais je crois avoir été entendu puisque les premières mesures ont été prises en fin de matinée pour, je crois, 35 camions qui ont été déchargés et rechargés d'une part, et d'autre part, pour la levée des interdictions de pêche pour ce qui concerne les pêcheurs de Gaza.

Je comprends, je le répète, très bien les difficultés de Shimon PERES, mais j'ai plaidé pour la situation matérielle des habitants des territoires palestiniens en faisant valoir que cela pouvait être, dans le domaine du processus de paix, contre-productif en quelque sorte, de les châtier collectivement. Alors je pense que les choses vont s'améliorer.

QUESTION - Monsieur le président, est-ce que vous pensez que l'absence de la Syrie et du Liban à ce sommet a un impact sur les résultats de ce sommet, et, durant votre rencontre avec ARAFAT, comment l'avez vous trouvé et est-ce que vous pensez qu'il va se sortir de ses difficultés ?

LE PRESIDENT - Sur la première question je vais vous dire très franchement : je regrette que la Syrie et le Liban aient décliné l'invitation. Je ne crois pas pour autant que cela ait modifié l'impact du Sommet et je formerais surtout un voeu c'est que les négociations israëlo-syriennes et israëlo-libanaises puissent reprendre le plus rapidement possible et de la façon la plus positive possible. Mon voeu, naturellement -comme, je pense, celui de tous ceux qui défendent la paix- c'est qu'un accord intervienne entre Israël d'une part, le Liban et la Syrie d'autre part, le plus rapidement possible.

Sur la deuxième question j'ai eu trois entretiens, un hier soir et deux aujourd'hui, avant le début de la conférence, avec M. ARAFAT, je l'ai trouvé confiant, déterminé et confiant, fort de sa certitude qu'il n'y a pas d'alternative à la paix, fort de sa certitude que Shimon PERES est dans le même état d'esprit que lui, que tout le monde aujourd'hui le soutient, et donc, je le répète, déterminé et confiant

QUESTION - Monsieur le Président, ce matin vous avez lancé un appel pour que les pays donateurs d'aide aux Palestiniens s'engagent plus fortement, est-ce que vous avez le sentiment d'avoir été entendu ?

LE PRESIDENT - A cela, je vous donnerai la réponse en son temps. J'ai indiqué que je lancerai cet appel à Lyon au G7. Parce que je pense effectivement qu'aujourd'hui la paix n'entrera réellement dans les esprits et dans les coeurs que dans la mesure où les Palestiniens comprendront qu'il y a un espoir ; et un espoir notamment d'amélioration de leur existence, c'est-à-dire un travail, un toit et un environnement convenable pour vivre. Ceci exige des investissements importants. Il faut les faire, ils ne peuvent être faits que grâce à la solidarité internationale. La France signera dimanche son protocole, c'est-à-dire ses aides directes à l'Autorité palestinienne, cela pour ce qui concerne le volet bilatéral.

L'Europe fait un effort très important, 450 millions de dollars, ce qui n'est pas négligeable. Néanmoins je trouve que ce n'est pas suffisant et que plus vite les Palestiniens comprendront que le retour à la vie normale est là, et plus vite la paix aura pris ses racines.

Donc, j'ai l'intention effectivement de faire un appel pour qu'il y ait des contributions supplémentaires de la part de ceux qui peuvent en faire, le Ministre des Affaires étrangères japonais a déjà répondu de façon positive.

QUESTION - Monsieur le Président, quand le texte mentionne la lutte contre le terrorisme et notamment "couper les circuits financiers des terroristes", qu'est-ce que cela signifie très concrètement, notamment pour nous Européens, compte tenu des différentes situations, notamment celle de l'Angleterre ; et est-ce que ce n'est pas finalement naïf, dans la mesure où on se rend compte que dans le combat contre la drogue cela s'est avéré pratiquement impossible ?

LE PRESIDENT - Naïf n'est pas le mot, si vous voulez absolument le dépeindre sous une forme grise, vous pourriez dire hypocrite. Cela s'appliquerait probablement mieux. Vous avez raison, mais pas totalement. Quand on décide de renforcer considérablement les relations des principaux pays dans le domaine de l'information, de l'investigation, cela veut dire que chacun sait mieux ce qui se passe chez l'autre. Et quand il s'y passe des choses que la morale réprouve, c'est plus difficile et donc c'est quand même un progrès. Même si je ne me fais pas d'illusions, on ne maîtrisera jamais totalement les capacités des organismes terroristes à se faire financer. Mais dans ce processus on leur rendra les choses plus difficiles.

Ce n'est pas la même chose que la drogue. La drogue a pour caractéristique d'engendrer les profits considérables et qui permettent une corruption considérable. Tandis que le financement du terrorisme n'implique pas de profit. Donc c'est d'une certaine manière plus facile à maîtriser, sans prétendre naturellement être complètement efficace.

Je vous remercie.





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