Conférence de presse du Président de la République au Sommet du G7 à Lyon.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République - Sommet du G7 à Lyon- .

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Lyon, le vendredi 28 juin 1996

Je voudrais d'abord saluer et remercier l'ensemble des journalistes étrangers et français pour l'attention avec laquelle ils ont suivi, et ils suivent ce G7 de Lyon. Je voudrais aussi remercier l'ensemble de celles et de ceux qui ont organisé les choses, car c'est toujours difficile, et jusqu'ici, il semble qu'elles aient été bien organisées. J'exprime en particulier une reconnaissance à la population, aux Lyonnais qui ont accepté de subir les contraintes qu'implique un tel exercice et je voudrais dire toute ma gratitude à Monsieur Raymond Barre, ancien Premier Ministre et Maire de Lyon qui a apporté une contribution décisive à l'organisation de ce Sommet.

Je n'ai pas l'intention de faire un long propos puisque vous êtes parfaitement informés en permanence de ce qui se passe, et que vous avez reçu le document qui a été adopté en fin de matinée par la session plénière, c'est-à-dire le communiqué économique. Hier soir, nous avions un dîner qui a eu pour ambition d'arrêter un communiqué relatif à notre très ferme condamnation du terrorisme, ce qui était naturellement, hélas, d'actualité.

Ce matin, nous avons eu la journée, normalement prévue, concernant le communiqué économique et je vais recevoir tout à l'heure Monsieur Tchernomyrdine qui remplace le Président russe avant que nous reprenions nos travaux sur les affaires globales, politiques à huit à partir de dix sept heures.

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QUESTION - Monsieur le Président, le prochain Sommet sera-t-il à votre avis un Sommet à 7 ou à 8 ? Le G7 d'aujourd'hui a-t-il envoyé un message dans ce sens, aux Russes ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, déjà, aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'il y a eu G7 ou G8. Il y a G7 économique et à partir de 17 heures il y a réunion des 8. D'ailleurs vous verrez qu'à 17 heures, le sigle G7 va disparaître et laisser la place à un sigle réunion des 8 (ou quelque chose comme cela).

Il est tout à fait naturel, que, s'agissant des grands problèmes du monde, la Russie soit membre à part entière de la délibération. De même qu'il est légitime, que s'agissant de problèmes strictement économiques et financiers, ils soient traités au sein des 7 pays qui ont l'habitude de traiter ces problèmes ensembles.

QUESTION - Vous avez condamné, hier, avec le groupe de six l'attentat de Dahran. Vous-même vous vous apprêtez à vous rendre en Arabie Saoudite la semaine prochaine. Que peut la France pour aider ce pays à combattre le terrorisme, et faites-vous toujours la distinction au Moyen-Orient, comme vous l'avez bien noté à Charm El Cheikh entre résistance et terrorisme ?

LE PRÉSIDENT - Moi, je ne fais pas du tout la distinction entre résistance et terrorisme. Le terrorisme, aujourd'hui, alors que nous sommes en paix est une initiative barbare qui ne peut être que condamnée. Cela n'a rien d'humain. Puisqu'il y a des gens qui continuent à pratiquer ces actions dont la principale caractéristique, est la lâcheté, alors les pays concernés, c'est-à-dire la totalité des pays, doivent se donner les moyens de combattre de façon extrêmement efficace et légal, naturellement, les terroristes et le terrorisme.

Je note d'ailleurs avec satisfaction, encore que cela ne m'a pas étonné, que le Sommet arabe du Caire, qui vient de se terminer a également prononcé une condamnation sans faille du terrorisme et il a eu raison.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que vous pensez que les Français qui ont vu encore aujourd'hui, les chiffres du chômage s'aggraver, qui voient certaines entreprises délocaliser leurs productions, ont aujourd'hui des raisons d'être rassurés par ce qui s'est dit lors de votre réunion de ce matin ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, je suis frappé par le fait qu'on entende volontiers, dans la rue en France ou ailleurs, des réflexions du genre "à quoi servent des réunions de cette nature ?" Moi, je vais vous dire, la France est un pays qui est grand exportateur. Nous sommes le quatrième exportateur mondial de biens et de services, et par tête d'habitant nous sommes le deuxième exportateur du monde, tout de suite après l'Allemagne et avant le Japon ou l'Amérique. Nous sommes un pays où un Français sur quatre ou cinq, travaille pour l'exportation. Par conséquent, l'exportation est un élément capital, essentiel de notre activité, de notre développement, de notre progrès économique et donc de notre progrès social. Hors l'exportation, cela se fait dans un certain cadre, et un cadre qui aujourd'hui est de plus en plus international. Il ne suffit pas de dire je décide d'exporter, pour le faire. Il faut d'une part être compétitif et d'autre part avoir bien défendu sa position sur le plan international.

Par conséquent, ne serait-ce que de ce point de vue, les réunions du type de celle du G7 (ou d'ailleurs du Conseil Européen de Florence ou de toute autre grande réunion où sont traités ces sujets), sont capitales. Non pas du point de vue de SYRIUS, mais concrètement, parce qu'elles mettent en place le cadre dans lequel s'exprimeront ensuite notre activité et nos exportations.

Donc, il ne faut pas se tromper. C'est tout à fait capital pour la vie de tous les jours des Françaises et des Français, que nous décidions telle ou telle chose dans des Sommets du type de celui-ci.

QUESTION - Dans le communiqué final, les 7 reconnaissent la volonté de traiter la question des liens entre échanges et normes fondamentales du travail international. Etes-vous êtes satisfait de cette formulation ? N'est-ce pas un petit peu en dessous, peut-être, de ce que vous auriez souhaité voir figurer dans ce communiqué ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, là encore, il y a je dirais un minimum d'usage à respecter, car en vérité, quand on parle de normes fondamentales, très souvent on fait un contresens ou on génère un malentendu. Il y a d'abord le fait que certains pays ont des salaires ou des charges sociales beaucoup plus basses que d'autres pays et par conséquent ont des capacités de concurrence très supérieures. On ne peut pas s'insurger contre cela. On ne peut naturellement pas le condamner. On peut le regretter, mais c'est simplement parce que certains pays se trouvent dans un moment historique de leur évolution qui les conduit à avoir ce type de système. Tout ce que nous pouvons faire c'est faciliter le développement de ces pays de façon à ce qu'ils aient des charges et des salaires, pour le plus grand bien de leurs travailleurs, le plus proche possible de celles des pays les mieux dotés.

Et il y a autre chose qui n'a rien à voir avec cela, et qui concerne certaines pratiques qui alors elles, sont condamnables au nom des principes et au nom de la morale. Tout le monde sait qu'il y a des endroits où il y a des formes de quasi esclavage, où des enfants sont exploités, il n'y a pas d'autres termes, par un travail imposé où les prisonniers sont utilisés dans des conditions inhumaines pour travailler. Là il s'agit de quelque chose que l'on ne peut que condamner au nom tout simplement du respect du droit de l'homme au travail. C'est cela en réalité qui était concerné par la discussion d'aujourd'hui.

Il ne faut donc pas qu'il y ait de malentendus et notre thèse était de dire -elle a d'ailleurs été retenue- ces sujets concernant le travail des enfants, le travail des prisonniers, etc, relèvent, c'est vrai, de la compétence de l'Organisation Internationale du Travail depuis toujours. Mais que ce passe-t-il ? Cette organisation constate les choses, les condamne et il n'y a pas de conséquences, hélas. Notre thèse est de dire : nous allons avoir maintenant une organisation commerciale mondiale qui va se réunir pour la première fois à Singapour avant la fin de l'année et ces problèmes de non respect du droit de l'homme au travail doivent être étudiés non seulement à l'Organisation Internationale du Travail mais aussi à l'Organisation du Commerce Mondial pour que cette organisation, le cas échéant, puisse prendre des mesures de façon à mettre fin à des pratiques que la morale condamne.

QUESTION - Monsieur le Président, on dit qu'a la veille de ce sommet vous avez envoyé vos envoyés spéciaux dans différents pays : dans quel but ?

LE PRÉSIDENT - Jusqu'ici les réunions du G7 se faisaient entre nous, avec les Russes pour partie, et puis les autres attendaient ou constataient, or nous parlons de problèmes mondiaux. Aujourd'hui il s'agissait des problèmes économiques. Demain seront évoqués des problèmes de sociétés qui concernent en réalité le monde entier. J'ai pris une initiative nouvelle, et j'espère que dorénavant elle sera suivie, qui a consisté à prendre contact avec tous les chefs d'état et de gouvernements de la planète pour recueillir leurs points de vue. Pour certains, 25 ou 30, je leurs ai adressé des envoyés spéciaux qui sont venus leurs dire comment nous voyons les choses, mais surtout entendre et me rendre compte de leurs réactions sur les différents problèmes à l'ordre du jour du sommet. Comme je ne pouvais pas envoyer des envoyés spéciaux à tout le monde, j'ai envoyé pour les autres pays, l'ambassadeur de France avec exactement la même mission, c'est à dire informer et recueillir les réactions. Je dois dire que nous nous sommes très bien trouvés de cette procédure. J'ai pu faire état aux membres du G7 d'une synthèse des réactions de la plupart des pays et notamment des pays du sud. J'ajoute que conformément à la tradition, j'avais également, dans un autre domaine, reçu, mais pour une séance de travail, ce qui n'était pas l'usage jusque là puisqu'il s'gissait d'une réunion purement formelle, des représentants des organisations syndicales ouvrière du monde il y a quelques jours. Cela m'a permis également d'indiquer à mes collègues du G7 quelles étaient les réactions notamment au regard de la mondialisation.

En un mot, si vous me demandez ce que j'ai tiré de ces consultations, aussi bien du coté syndical que du coté des pays du monde et notamment des pays du sud. Je pense que tout le monde s'accorde à reconnaître que la mondialisation naturellement est à la fois inéluctable et souhaitable car porteuse de richesses. Mais j'ai trouvé beaucoup de chefs d'Etat et de Gouvernements ainsi que des responsables d'organisations syndicales très inquiets par les risques que fait courir cette mondialisation si elle n'est pas maîtrisée, notamment en terme d'exclusion tant à l'intérieur des pays pour les travailleurs qui ne peuvent pas suivre le rythme imposé que sur le plan international pour les pays qui ne peuvent non plus suivre le rythme imposé. Ainsi j'ai développé également ce thème auprès de mes collègues. Cette réflexion d'ailleurs m'avait conduit à choisir comme thème du sommet pour ce qui concerne la mondialisation : "la mondialisation au bénéfice de tous."

QUESTION - Monsieur le Président, parmi les sept chefs d'Etat et de Gouvernements réunis aujourd'hui à Lyon, il est probable qu'en 2001, vous serez la seule personnalité encore en exercice. Pendant les cinq prochaines années, vous attendez-vous à ce que ces sommets économiques des pays riches et industrialisés évoluent vers des sommets politiques des pays libres et démocratiques. En particulier la France, qui est à l'origine du G7 en 1975 et qui a maintenant un président qui parle anglais, invitera-t-elle l'Australie à un prochain sommet, un vrai G8 économique, ceci pour attacher à ces réunions, non seulement les grands pays démocratiques de l'Atlantique, mais également les grands pays démocratiques du Pacifique c'est-à-dire, la France, le Canada, l'Australie, les Etats-Unis et le Japon ?

LE PRÉSIDENT - Il y en a déjà plusieurs qui font partie du G7. Je voudrais d'abord dire que je vous remercie de votre appréciation sur mon anglais, mais je crains qu'elle ne soit un peu excessive. Je vous remercie aussi de me prêter vie jusqu'à 2001. Il est là encore très difficile de prévoir les choses, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir ! En ce qui concerne l'élargissement du G7 au G8 aux grands pays démocratiques et notamment à l'Australie, je voudrais dire d'abord que le G7 à l'origine s'occupait des problèmes économiques, puis il s'est élargi aux problèmes de sociétés. Naturellement, on pourrait imaginer de convier d'autres nations. Je n'y suis pas du tout défavorable, mais il y a d'autres puissances économiques et même parfois démocratiques qui pourraient également prétendre être membres du G7. Je pense à certaines grandes puissances d'Amérique Latine ou d'Asie. Donc je ne vois pas très bien pourquoi nous donnerions une exclusive priorité à l'Australie qui est une puissance importante dans sa région je le reconnais bien volontiers. Au niveau mondial, il y a d'autres puissances qui sont au moins aussi importantes et probablement plus. Pour le moment il n'y a pas de perspective d'élargissement immédiat du G7 au G8, mais le cas échéant, je n'y serais pas hostile.

QUESTION - Monsieur le Président, certains ont noté dans vos propos au Président CLINTON, sur le processus de paix, un certain pessimisme. Pouvons-nous savoir quel est votre sentiment sur ce processus de paix aujourd'hui après le changement de gouvernement en Israël, et pourquoi ce pessimisme, s'il est bien réel ?

LE PRÉSIDENT - Je vais vous dire que personne ne peut me qualifier de pessimiste, d'abord parce que ce n'est pas dans ma nature, ensuite parce je me suis entretenu de ce sujet avec le Président CLINTON mais en tête à tête et que je n'ai fait aucune espèce de déclaration et lui non plus sur ce que nous avions dit. Donc, c'est un propos où une attitude que vous me prêtez mais qui n'est absolument pas fondée. Alors ceci étant il y a eu un changement de gouvernement en Israël. Il y a eu le Sommet arabe du Caire, deux événements importants. Je crois qu'aujourd'hui il faut d'une part souhaiter ardemment que le processus de paix soit poursuivi conformément aux accords d'Oslo et d'ailleurs de TABA. Deuxièmement, il ne faut surtout pas faire de procès d'intention à quiconque et notamment pas au gouvernement israélien puisque nous ne savons pas encore exactement ce qu'il a l'intention de faire. Il n'y a pas lieu d'être particulièrement ni optimiste ni pessimiste. En tous les cas, ce que je souhaite et c'était le souhait unanime exprimé par l'Union européenne au Sommet de Florence et c'est, je crois qu'on peut le dire, l'opinion unanime du G7, du G8 puisqu'il s'agit de problèmes politiques, c'est la poursuite du processus de paix conformément aux accords antérieurement passés.

QUESTION - Monsieur le Président, durant vos entretiens avec Monsieur CLINTON avez-vous parlé du Liban et notamment de ce qui concerne le Comité de Surveillance ?

LE PRÉSIDENT - Oui, il est très rare qu'il y ait une réunion internationale où je ne parle pas du Liban. Car je suis très attentif, à tout ce qui s'y passe et à tout ce qui peut faciliter le retour du Liban dans la communauté des nations libres et indépendantes, démocratiques et prospères. J'ai indiqué notamment au Président CLINTON, toute mon attention sur ces problèmes. Je ne veux pas ici, parce c'est lié au processus de paix, le développer au delà de cela mais sachez que je suis très attentif et que je suis avec la plus grande attention tout ce qui touche le Liban.

QUESTION - Monsieur le Président, durant vos entretiens avec Monsieur Clinton, avez-vous parlé du Liban et notamment du comité de surveillance ?

LE PRÉSIDENT - Oui. Il est très rare qu'il y ait une réunion internationale où je ne parle pas du Liban, car je suis très attentif à tout ce qui s'y passe et à tout ce qui peut faciliter le retour du Liban dans la Communauté des Nations libres, indépendantes, démocratiques et prospères. J'ai indiqué notamment au Président Clinton, mon attention sur ces problèmes. Je ne veux pas, ici, parce que c'est lié au processus de paix, le développer au-delà de cela, mais sachez que je suis très attentif et que je suis avec la plus grande attention tout ce qui touche le Liban.

QUESTION - Pardonnez-moi de revenir au dossier économique. Lorsqu'on regarde la situation économique des 7 pays les plus industrialisés du monde, on s'aperçoit que les Etats-Unis s'en sortent mieux que les pays européens en terme de croissance et même en terme d'emploi. Quelle analyse les dirigeants européens font-ils de cette différence ?

LE PRÉSIDENT - Je crois qu'il y a en tous les cas une chose que l'on peut dire, c'est que les Etats-Unis ont créé beaucoup d'emplois. Des jugements divergeants sont portés sur la nature de ces emplois, j'en ai parlé l'autre jour à Paris à l'occasion de la réunion que j'ai eu avec les organisations syndicales internationales, avec le Président de l'AFLCIO, j'en conclus pour ma part, que comme toujours, les jugements qu'on entend, en général, sont excessifs dans un sens ou dans l'autre.

Il y a eu beaucoup d'emplois très qualifiés et très bien payés qui ont été créés aux Etats-Unis, il y a eu également beaucoup d'emplois, je dirais "sous-payés", et que nous n'accepterions pas dans notre modèle social européen. Mais surtout je crois qu'il y a une remarque à faire, les Etats-Unis depuis 3 ou 4 ans ont fait un extraordinaire effort de réduction de leur déficit, si je ne m'abuse, mais il faudrait contrôler les chiffres. Je crois qu'en 4 ans, ils sont passés de quelques 4,5 ou 5% de déficit public, par rapport à leur produit intérieur brut, à 1,5 ou 1,7%. Ils ont donc fait, un effort considérable. Vous savez, on a du mal à le faire comprendre, mais ma conviction est totale qu'il existe un lien entre l'aptitude à créer des emplois par une dynamisation de l'économie et la diminution des déficits et de l'endettement. Et je suis persuadé que si les Américains étaient restés au niveau de déficit qu'ils ont connu, eh bien ils n'auraient pas aujourd'hui, le bilan favorable dont ils peuvent faire état.

QUESTION - Est-ce qu'il peut y avoir une lutte contre le terrorisme qui soit efficace, cohérence, efficiente sans rétorsion commerciale ?

LE PRÉSIDENT - Tout dépend des cas, mais je ne crois pas, pour ma part, que les mesures de rétorsions économiques soient les plus efficaces, je n'en suis pas sûr. Ce sont des choses à juger au cas par cas. Parce que prendre en otage des populations, ce n'est pas non plus très élégant.

QUESTION - Pouvez-vous nous dire en quoi les travaux du G7 sur l'emploi, que vous aviez réuni à Lille au mois d'avril, ont inspiré les travaux du G7 de Lyon et avez-vous notamment fait progresser votre idée de troisième voie entre la flexibilité extrême et la rigidité européenne ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord appeler votre attention sur le fait que je n'ai jamais parlé de troisième voie. Ceci étant, je ne récuse pas le terme, mais je n'en ai jamais parlé, parce que je ne crois pas que cela corresponde à ce que je voulais dire. Ce que je veux dire, et ce que j'ai essayé de faire admettre à Lille, c'est qu'il y a un modèle social européen, que ce modèle social est fondé sur trois principes : une protection sociale contre les aléas de la vie, un dialogue tripartite comme moteur du progrès économique et social et une responsabilité de l'Etat à l'égard de la cohésion sociale. C'est un modèle social européen, j'ai indiqué, que selon moi, nous ne pouvions pas remettre en cause ce modèle. C'est vrai que lorsqu'on entend un certain nombre de gens en Amérique ou en Asie, on voit bien que nombreux sont ceux qui considèrent que ce type de modèle est obsolète et n'est plus réaliste.

Alors c'est ce que j'ai essayé de faire comprendre à Lille, et de ce point de vue cela a été assez positif, puisque le Secrétaire d'Etat Américain Robert Reich est celui qui a remarqué le premier qu'on parle avec enthousiasme de la mondialisation et des espoirs qu'elle fait naître, et que c'est en contradiction avec l'anxiété qui caractérise nos sociétés. Il a parlé de société anxieuse ou de classe anxieuse, je ne me souviens plus.

Donc, mon idée c'est qu'on peut parfaitement maîtriser la mondialisation et que pour nous la maîtriser cela veut dire maintenir notre modèle social européen. Je ne sais pas pourquoi on a appelé cela une troisième voie, c'est la voie européenne. Alors cela à tout de même un peu progressé, puisque aujourd'hui au G7, vous le verrez dans les déclarations, dans le communiqué, pratiquement tout le monde admet et considère qu'on ne peut pas ignorer l'homme, on ne peut pas ignorer les effets d'exclusion que comporte la mondialisation et qu'il faut assurer un certain nombre de garanties à l'individu dans la société. Donc, c'est une idée qui fait son chemin, à force de la répéter, mais vous savez la pédagogie c'est la répétition. Alors je répète cela, je finirai peut-être par le faire entendre.

QUESTION - Dans vos discussions sur le dossier terrorisme, a-t-il été fait mention, nommément de la République Islamique d'Iran, et si oui, dans quels termes ?

LE PRÉSIDENT - Nous n'avons pas encore parlé des problèmes internationaux, vous le savez, et s'agissant du terrorisme nous avons condamné le principe du terrorisme et donc condamné sans les désigner, bien entendu, toutes celles ou tous ceux qui, organisations, pays, pourraient de près ou de loin être associés ou complices du terrorisme.

QUESTION - Monsieur le Président, il y a un an vous étiez au Sommet d'Halifax, c'était votre premier Sommet, et à peu près à ce moment là, nous avions également un communiqué économique, alors, dans les voeux qui ont été exprimés il y a un an, qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui a évolué dans un sens concret jusqu'à ce communiqué économique ici à Lyon, aujourd'hui ?

LE PRÉSIDENT - Vous savez, beaucoup de choses ont évolué dans un sens concret. D'abord notre approche sur la mondialisation est aujourd'hui beaucoup plus claire et beaucoup plus humaine qu'elle ne l'était il y a un an. Nos réflexions sur l'emploi, et notamment sur la nécessité de mettre en oeuvre les politiques permettant de donner une formation permanente à tous les travailleurs. Cette notion d'employabilité, que je me refuse à utiliser parce que je trouve que le mot est très laid, mais c'est cela l'idée, c'est-à-dire la formation permanente, a beaucoup progressé.

Notre réflexion sur l'évolution des monnaies du système financier international a également fait des progrès importants. Nous avons consacré la quasi-totalité du déjeuner d'aujourd'hui à parler du système financier international et à constater que ce système avait une ampleur telle et une force telle qu'il fallait tout de même prendre les mesures de prudence pour éviter les catastrophes, (nous l'avons vu avec l'affaire mexicaine). Nous venons de décider de doubler nos moyens d'intervention. Le FMI dorénavant aura quelques 125 milliards de dollars, et pourra intervenir instantanément en cas de crise financière pouvant ébranler le système. Quand vous avez des flux qui sont de l'ordre d'1 milliard 200 millions de dollars par jour, vous vous rendez compte de l'ampleur des mouvements, et donc des dangers que cela représente. Donc, cela a beaucoup avancé.

Sur les problèmes du commerce, nous avons avancé, ne serait-ce que par la décision dont nous parlions à l'occasion de la 1ère question qui m'a été posée. Enfin, nous avons sur le Nord-Sud fait un pas très important auquel j'étais extrêmement attaché, concernant l'aide au développement. Vous savez que cette aide au développement est une question qui est particulièrement d'actualité, et qui ne peut que l'être davantage à cause de cette fameuse mondialisation. La mondialisation suppose deux choses : la première, je l'ai dit, c'est que l'on respecte l'individu, ce qui s'exprime notamment pour nous dans le maintien du modèle social européen. Deuxièmement que l'on respecte les Nations qui ne peuvent pas suivre. La mondialisation suppose donc une augmentation de l'aide au développement. Or, nous avons pu prendre aujourd'hui, essentiellement d'ailleurs sur l'impulsion française, toute une série de décisions extrêmement attendues et positives pour les pays en développement et les orientations en matière de dette. Je cite rapidement la décision selon laquelle la banque mondiale consacrerait 2 milliards de dollars, dont 500 millions immédiatement pour régler les problèmes de dettes multilatérales.

Le fait que nous ayons décidé d'aller au delà de ce qu'on appelait les termes de Naples, c'est-à-dire aller au-dessus de 67% en ce qui concerne le Club de Paris, c'est également très important. Nous n'avons pas fixé de plafond, mais nous avons dit que nous pouvions aller au dessus. On a donc, en quelque sorte entériné une nouvelle notion, celle des termes de Lyon.

Le fait que nous ayons assuré la reconstitution des moyens du FMI pour mettre en oeuvre la facilité d'ajustement est extrêmement important, car c'est un moyen décisif pour beaucoup de pays pour assurer leur développement. Le fait que nous ayons pu nous mettre d'accord, ce qui était difficile, compte tenu notamment des positions prises non pas par l'administration américaine, mais par le Congrès américain, en ce qui concerne la reconstitution de l'AID, tout cela est tout de même extrêmement positif.

Il faut bien voir que tout ceci a, naturellement, des conséquences immédiates, sur la vie de beaucoup de gens dans le monde, mais par voie de conséquence sur tous les pays parce que quand les pays en développement se voient doter des moyens d'assumer leur consommation ou leurs équipements, ils achètent. Ils achètent à qui, aux pays industrialisés. Tout cela est lié. C'est pour cela qu'il faut bien comprendre qu'on ne peut pas faire de distinction entre la politique intérieure et la politique extérieure. Et même si très spontanément nos compatriotes, je ne parle pas seulement des Français, s'intéressent beaucoup, à juste titre, à la situation intérieure et pas beaucoup à la politique extérieure, c'est une erreur que de les conforter dans cette appréciation. La vérité, c'est qu'on ne peut pas et on pourra de moins et moins séparer l'une de l'autre et que si l'on veut défendre les intérêts de nos compatriotes sur le plan de leur vie quotidienne, il faut également défendre les intérêts de leur pays sur le plan international.

Je vous remercie.





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