Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Sommet de Lyon.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Sommet de Lyon.

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Lyon, Rhône, le samedi 29 juin 1996

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, Je voudrais d'abord remercier l'ensemble des journalistes essentiellement français, mais également étrangers, pour avoir suivi ce Sommet avec beaucoup de compétence et de disponibilité.

Je voudrais d'abord exprimer au nom de l'ensemble des participants, qui ont beaucoup insisté pour que je le fasse, ma reconnaissance aux Lyonnais qui ont accepté toutes sortes de contraintes avec bonne humeur, on l'a vu hier soir. Il est vrai qu'il y avait un très joli feu d'artifice, et ils ont accueilli le G7 avec sympathie.

Je voudrais remercier le maire de Lyon, Raymond Barre, qui a participé de façon extraordinairement active, ainsi d'ailleurs que son épouse, - pour tout ce qui concernait les épouses de chefs d'Etat et de Gouvernement -, et qui s'est donné beaucoup de mal pour que les choses se passent parfaitement. Je voudrais lui exprimer, également, notre reconnaissance.

Et puis je voudrais, à travers les enfants que nous avons vus tout à l'heure, ce qui était un spectacle chaleureux et sympathique, dire toute notre affection à tous les enfants de Lyon.

Ce Sommet vient de se terminer. Sur la forme d'abord, il a comporté trois novations, parce qu'au fil des ans les choses changent, bien entendu.

La première, c'est que pour la première fois on a eu un G7 économique, et on a eu une réunion politique à huit, cela veut dire avec la Russie. C'était un pas supplémentaire dans un processus qui avait déjà commencé, mais qui a atteint, aujourd'hui un équilibre dans le domaine des responsabilités.

Les sept pays les plus industrialisés ont examiné ensemble les problèmes économiques et financiers et les huit pays ont examiné ensemble les problèmes de sociétés, les problèmes mondiaux et les problèmes politiques.

La deuxième nouveauté concerne le fait que j'ai tenu à ce que tous les chefs d'Etat et de Gouvernement de tous les pays du monde soient préalablement consultés.

Et cela m'a permis de donner leur sentiment, ce matin, à la réunion du G8 et j'ajoute, naturellement, que je leur écrirai personnellement à tous pour leur faire part des conclusions de nos délibérations.

Troisième nouveauté, et la plus importante, c'est la présence avec les huit chefs d'Etat et de Gouvernement des quatre très hautes personnalités internationales qui assument des responsabilités dans le monde, le secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali, le directeur général du Fonds monétaire international, M. Camdessus, le président de la Banque mondiale, M. Wolfensohn et le directeur général de l'Organisation du commerce mondiale, M. Ruggiero. Je les remercie d'être présent ici et le cas échéant, naturellement, vous pourrez leur poser des questions.

Il était à mes yeux très important, qu'au moment où nous voyons à quel point il est essentiel de former un nouveau partenariat pour le développement, au moment où il faut tenir compte de l'évolution du monde et notamment du nombre et des difficultés croissantes que connaissent les pays les plus pauvres, il était indispensable que les très hauts responsables internationaux puissent confronter leur point de vue avec les principaux chefs d'Etat et de Gouvernement. Et nous avons eu une réunion extrêmement intéressante, je vais y revenir.

Je remercie donc, très chaleureusement, les quatre hautes personnalités ici présentes pour leur participation à notre réunion.

D'ailleurs nous avons conclu cette réunion par un document qui est tout à fait significatif de ce que nous avons voulu faire dans son titre puisqu'il s'appelle - un nouveau partenariat pour le développement - il comprend une page qui vous sera distribuée tout à l'heure.

Quels ont été les acquis de cette conférence des sept et des huit ?

Je crois qu'il y a eu deux points forts. D'une part, tout ce qui touche à la mondialisation croissante des échanges d'hommes, de biens, de capitaux. Nous avons bien analysé ces problèmes, grâce aux travaux remarquables qui avaient été faits préalablement par les sherpas, leurs collaborateurs et les ministres des Affaires étrangères, pour arriver à la conclusion - qui était un peu l'objectif que je m'étais fixé - en parlant d'une mondialisation au bénéfice de tous.

Pour arriver à la conclusion, disais-je, que la mondialisation comportait des avantages immenses en matière de développement et de croissance, mais qu'elle impliquait aussi des dangers d'exclusion, aussi bien au niveau des individus que des nations et qu'il fallait qu'ils soient réellement maîtrisés. Je crois que de ce point de vue, tout le monde a rejoint à l'occasion de ce Sommet, cette analyse.

Nous avons également discuté longuement, sur la nécessité d'une adaptation constante de nos sociétés. Je sais que c'est un peu déprimant de le redire indéfiniment avec le nombre de chômeurs qui caractérise nos pays, mais nous avons consacré tout de même un temps important à essayer de voir comment on pourrait mieux coordonner nos politiques de lutte contre le chômage. Nous avons également longuement discuté des problèmes relatifs à la stabilité internationale. Les monnaies, qui connaissent aujourd'hui une évolution positive des changes, qui doit être encouragée, notamment une progression positive du dollar et nous avons longuement évoqué, les moyens de lutter contre les risques financiers qui s'accroissent forcément, avec l'ampleur des mouvements de capitaux qui caractérisent notre temps par rapport à ce qui existait il y a dix ou quinze ans.

Naturellement, cela risque de faire courir à l'ensemble des marchés financiers, des dangers, comme on a pu le voir par exemple avec la crise du Mexique, où il a fallu l'extraordinaire énergie du Fonds monétaire international et aussi l'aide des Américains bien entendu pour éviter une catastrophe.

Alors conscients de ces risques, nous avons, d'une part, décidé de concentrer des moyens beaucoup plus importants, de doubler en gros les moyens du Fonds monétaire international pour faire face à ce type de crise et d'intervention. D'autre part, de faire une étude qui devrait être achevée avant la fin de l'année, en liaison avec les dirigeants des institutions internationales, avec les dirigeants des banques centrales, à l'initiative de nos sherpas, pour voir comment on pourrait organiser un système qui, d'une part, nous permettrait d'être prévenu à temps, lorsqu'une crise risque de partir, et voir comment on pourrait prendre les mesure préventives indispensables dans ce domaine.

Nous avons aussi évoqué l'Organisation du commerce mondial, et nous avons fait un pas important, auquel pour ma part j'étais très attaché, puisque nous sommes sortis de ce débat sur le point de savoir, si la dignité de l'homme au travail devait être exclusivement traitée par l'Organisation internationale du travail - qui le fait d'ailleurs très bien mais avec une efficacité insuffisante - ou si cette dignité, devait être également l'un des critères d'appréciation de l'Organisation du commerce mondial et notamment de la première réunion ministérielle, qui aura lieu avant la fin de cette année à Singapour. Nous avons décidé, que s'agissant de la dignité de l'homme au travail, c'est-à-dire du refus d'accepter, non pas les différences de coût du travail ou l'importance de la protection sociale, mais les méthodes inacceptables liées à l'esclavage, au travail des enfants, au travail des prisonniers, etc., nous avons obtenu et décidé que ce point serait pris en compte par l'Organisation du commerce mondial, qui naturellement peut en tirer des conséquences plus efficaces que ne le peut l'Organisation internationale du travail.

Le deuxième grand volet, en dehors de ce que vous savez déjà, a concerné l'aide au développement. Là, nous avons pris toute une série de décisions importantes, grâce bien entendu, à la préparation qui avait pu être faite avec les institutions internationales et notamment le Fonds et la Banque. Initiative sur la dette, nous avons pris des décisions à la fois coordonnées et fortes concernant la Banque mondiale, deux milliards de dollars dont cinq cents millions immédiatement.

Le Fonds monétaire international, le Club de Paris, qui pourra dorénavant aller au delà de ce que l'on a appelé les termes de Naples, c'est-à-dire, au delà des 67% d'annulation qui avaient été décidés lors de la réunion de Naples. Nous avons donc décidé de fixer des nouveaux termes qui seront les "termes de Lyon".

Nous avons également souligné les menaces fortes de désengagement à l'égard des pays en développement et notamment des pays les plus pauvres. Nous avons fait prendre conscience à chacun de l'importance des responsabilités qui sont les nôtres, notamment, à l'égard des pays les plus pauvres dont une grande majorité, trente-trois sur quarante-cinq à peu près, se trouvent en Afrique. C'est dire que l'Afrique a été au coeur de nos entretiens, de ce matin et du déjeuner.

Et puis, nous avons pu prendre les décisions qui s'imposaient pour des éléments essentiels concernant le développement, la reconstitution de l'Aide internationale au développement de l'AID, de la Banque mondiale ou IDA, reconstitution du Fonds africain de développement, reconstitution en réalité ou moyens mis à la disposition du Fonds monétaire international pour la FASR, que l'on appelle je crois l'ESAF en anglais. Bref, un ensemble de décisions, qui nous ont permis de faire un pas important en avant, sur le plan de l'aide au développement mais, au delà même, qui nous ont permis, peut-être, de mettre l'accent sur cette nécessité de faire prendre conscience à chacun que nous sommes tous co-responsables d'un développement qui s'impose pour des raisons à la fois morales, humaines et politiques.

En conclusion, nous avons tout à fait intégré les conséquences pour l'ensemble de nos concitoyens, de la mondialisation. Nous avons refusé que certaines catégories de citoyens ou de pays, risquent d'être marginalisés par une évolution mondiale qui serait mal maîtrisée. Nous avons renforcé la coopération internationale.

J'ajoute enfin que la solidarité entre les nations du G8, l'amitié entre les dirigeants, sont des points importants pour régler les problèmes. Je vous ai dit hier qu'il n'y avait pas de séparation entre les affaires étrangères et les affaires intérieures.

Tout cela a été très clairement marqué. Je le soulignais, à la fin du déjeuner où l'on avait parlé des problèmes de la reconstruction en Bosnie, en disant que le Japon qui était présent ici, et qui au fond, est bien loin de la Bosnie et de ses problèmes, participait de façon importante et efficace à la reconstruction de la Bosnie sur le plan financier, et que c'était là, tout de même, un signe d'une solidarité mondiale qui, au niveau des principaux responsables de la planète, se renforce.

Je vais maintenant répondre à quelques questions. Si vous voulez interroger Monsieur Boutros Boutros-Ghali, Monsieur Camdessus, Monsieur Wolfensohn ou Monsieur Ruggiero, ils sont, j'en suis sûr, à votre disposition.

QUESTION - Monsieur le Président, les huit ont envoyé un message fort à la Bosnie, qui a fait d'ailleurs l'objet d'un texte spécial, et un message notamment à M. Karadzic pour qu'il abandonne toutes fonctions publiques. Pensez-vous que ce message est suffisant pour faire céder M. Karadzic et jusqu'où pouvez-vous aller pour imposer ces exigences, le concernant, je pense par exemple à une arrestation ?

LE PRÉSIDENT - Je souhaite que M. Karadzic et surtout ceux qui peuvent avoir sur lui une influence comprennent qu'il y a des limites à l'outrecuidance et que lorsqu'on est appelé à comparaître devant un tribunal international pour crimes de guerre, on doit avoir un comportement différent du sien. Alors je souhaite que cette affaire puisse être réglée. Je souhaite également que les élections, malgré les difficultés matérielles et notamment celles qui touchent les personnes déplacées puissent avoir lieu normalement et surtout être le point de départ d'une situation plus stable et, je l'espère, de paix pour cette région.

QUESTION - Monsieur le Président, comment concilier l'élargissement du G7 à huit participants, aux quatre hautes personnalités ici présentes, et le retour à un déroulement plus informel, comme vous l'avez également souhaité ?

LE PRÉSIDENT - On peut être à la fois élargi et informel. On ne peut pas dire qu'on ait été tout à fait informel. Mais je pense effectivement qu'il y aurait un intérêt, et je crois que c'est ce qui sera fait l'année prochaine à Denver. Je crois qu'il y a eu une dérive du G7 qui a pris des allures beaucoup trop formelles et qu'il y aurait probablement intérêt, effectivement, à revenir l'esprit qui avait été celui de M. Giscard d'Estaing lorsqu'il a fait le premier G7, c'est-à-dire des réunions beaucoup plus personnelles et beaucoup moins médiatisées.

QUESTION - J'étais intéressé d'apprendre votre sentiment. Vous avez dit que cette conférence marquerait un changement, que l'on passerait des nations souveraines vers une souveraineté des institutions et que ce ne seront plus les gouvernements nationaux qui traiteront des questions économiques générales. Pensez-vous que cela marquera une évolution générale ? va-t-on assister à ce qu'on a appelé, au début des années 1990, "un établissement d'un nouvel ordre mondial" ?

LE PRÉSIDENT - Je crois qu'il n'y a pas de dessaisissement des gouvernements nationaux. Vous aurez observé que les questions économiques ont été traitées hier entre nations souveraines. Ce que je voudrais dire simplement, c'est qu'il est aujourd'hui [normal], surtout si l'on veut élaborer un nouvel ordre international qui consiste simplement à intégrer les évolutions qui s'imposent, qu'il y ait une plus grande concertation entre les grandes organisations internationales et les gouvernements.

QUESTION - Monsieur le Président, les deux documents, dont on dispose, ne parlent pas du sommet mondial de l'alimentation qui sera organisé à Rome au mois de novembre. Cela veut-il dire que les sept chefs d'Etat ne pensent pas s'y rendre, s'ils ont déjà séché le cours, en ce qui concerne Copenhague. J'aurais voulu poser la question aux quatre représentants des institutions internationales : comment envisagent-ils de réorganiser leur travail de façon à pouvoir mettre fin à la faim dans le monde dans les vingt années à venir.

LE PRÉSIDENT - Les problèmes de l'alimentation n'étaient pas à l'ordre du jour du sommet précisément parce qu'il y a un sommet sur l'alimentation. Alors je ne sais pas quels sont les chefs d'Etat et de gouvernement du monde qui assisteront personnellement au sommet mais ce que je peux dire, c'est que tous les gouvernements seront représentés à un très haut niveau, car nous sommes tous très attachés à ce que fait l'Organisation mondiale de l'alimentation au sommet de Rome et à l'action développée par le directeur général sénégalais de cette Organisation.

Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre. Peut-être M. le secrétaire général de l'ONU pourrait dire un mot.

M. BOUTROS BOUTROS-GHALI - Oui. J'ai reçu la semaine dernière le secrétaire général de cette Organisation. Nous coopérons avec lui et j'espère qu'il recevra l'appui de toutes les institutions spécialisées des Nations Unies et tous les programmes des Nations Unies, enfin du système des Nations Unies de façon à ce que ce sommet soit couronné de succès.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que M. TCHERNOMYRDINE vous a donné des nouvelles de la santé du Président ELTSINE ? Vous a-t-il parlé du deuxième tour des élections présidentielles en Russie, la façon dont il se présente ?

LE PRÉSIDENT - Il nous a donné des nouvelles de la santé de la Russie, et je parle là sous le contrôle de M. le Directeur général du monétaire international qui est en relation permanente avec les autorités russes et le Premier ministre et le Président russe, puisqu'il y a, vous le savez, une coopération très étroite entre le Fonds monétaire et la Russie.

Les nouvelles que M. TCHERNOMYRDINE nous a données étaient des nouvelles positives sur la Russie et ces nouvelles nous ont été confirmées par le directeur du Fonds monétaire international qui a précisé que la Russie avait jusqu'au premier juin de cette année rempli la totalité de ces engagements. C'est bien cela. Donc, de ce point de vue, il y a sans aucun doute une évolution positive et un signe d'une santé, dont je ne sais pas si elle bonne ou mauvaise, mais incontestablement qui s'améliore sensiblement.

Ensuite, il nous a fait part, c'est vrai, sur le plan politique de sa conviction que le Président Boris ELTSINE serait réélu. Mais cela ce sont des affaires intérieures de la Russie et je n'ai pas de commentaires à faire.

QUESTION - Monsieur le Président, vous venez de conclure une réunion internationale qui, visiblement, a réussi. La semaine dernière, Jean-Marie LE PEN a gâché une autre rencontre internationale d'une autre mesure bien sûr, mais largement relayée également par la presse, largement suivie par les Français. Je voudrais savoir donc, Monsieur le Président, que vous inspire ce genre de déclaration qu'il a faite sur le mixage de l'équipe de France de football. Je voudrais savoir aussi si ce type de déclaration est de nature à aligner au rayonnement de la France dans le monde ?

LE PRÉSIDENT - Il y a longtemps que je renonce à entrer dans ce genre de polémique, alors si vous voulez savoir ce que cela m'inspire, je vous répondrai simplement, rien de bon.

QUESTION - Monsieur le Président, il y a eu beaucoup de sujets abordés au cours de ce sommet, sans vous demander de les hiérarchiser, quel était le sujet, quel est le point le plus important que vous allez retenir sur le sommet de Lyon ?

LE PRÉSIDENT - Il y en a deux. Ceux que j'évoquais tout à l'heure. La prise de conscience des dangers, pas des chances, mais des dangers de la mondialisation. Je crois que ça, c'est une chose importante. Il faut voir que nous sommes quelques mois seulement après la réunion de Davos, la dernière qui avait mis en exergue une sorte de pensée unique qui devait s'imposer à tout le monde et au terme de laquelle la libéralisation, la globalisation, la flexibilité devaient apporter des réponses à toutes les questions que nous nous posions.

Il était bon qu'à l'occasion d'une réunion comme celle du G7, des voix raisonnables et sérieuses disent que la mondialisation est inévitable. Elle est porteuse d'avantages considérables en terme de développement et de croissance et donc de lutte contre le chômage et j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que ma conviction était que nous allions entrer dans une longue période nouvelle de croissance, grâce à des évolutions démographiques mais surtout grâce à la mondialisation des échanges, mais que cette mondialisation comportait également des dangers considérables et que nous devions la maîtriser et que cela impliquait un certain nombre d'initiatives, qu'il fallait mettre un certain nombre de barrières de sécurité et ne pas simplement laisser filer les choses. Donc c'est important. En moins d'un an, on a entendu ainsi des "sons de cloche" quand même extrêmement différents et je suis heureux que ce soit la "cloche" la plus responsable qui vienne de résonner.

Deuxièmement, c'est l'aide au développement. Nous assistions, il faut bien le dire, à une espèce de dérive inquiétante, de désengagement inquiétant à l'égard des responsabilités des pays riches vis-à-vis des pays pauvres. Il a fallu se donner beaucoup de mal.

Les dirigeants des grandes institutions internationales, le secrétaire général de l'ONU qui, le 15 mars dernier, lançait le plan pour l'Afrique qui a permis tout d'un coup de faire prendre conscience de la nécessité qu'il y avait à apporter à l'Afrique une aide dont elle avait besoin, donc il y a eu ici aussi, hier et aujourd'hui, une prise de conscience de responsabilité. Ce sont les deux points les plus importants.

QUESTION - Monsieur le Président, les plans sociaux se multiplient en France pour s'adapter à la compétition internationale. Les chiffres du chômage que nous avons eu hier ont encore été mauvais. Dans combien de temps pensez-vous qu'elle produira des effets positifs qui permettront justement de renverser la tendance du chômage ?

LE PRÉSIDENT - Il y a d'abord une situation qui est celle d'aujourd'hui marquée par un chômage très fort, surtout en France, et ce n'est pas en attendant les effets de la mondialisation que l'on améliorera la situation. Par conséquent, nous devons faire nous-mêmes notre effort. Il y a un effort "financier" à faire, c'est-à-dire achever l'assainissement de nos finances publiques. Il y a, je le dis souvent vous le savez, un lien direct, (on l'a vu aux Etats-Unis), entre l'assainissement des finances publiques, (c'est-à-dire la réduction des déficits, de l'endettement, des facilités du laxisme) et la situation de l'emploi. Je vous rappelle que les Etats-Unis ont créé 10 millions d'emplois depuis quelques années, et qu'en même temps, sur exactement la même période, ils passaient d'un déficit des finances publiques de 4,5 ou 5% de leur PIB à 1,5 ou 1,6.

Il faut donc poursuivre cette voie. Deuxièmement, il faut s'interroger et engager les réformes indispensables, qui vont de la formation des hommes, pour que celle-ci soit adaptée aux besoins d'aujourd'hui, jusqu'à l'aménagement et la réduction du temps de travail, (non pas générale naturellement, mais, adaptée à chaque situation, c'est-à-dire au niveau de l'entreprise dans le cadre de systèmes élaborés au niveau de la branche). Rien ne nous dispensera de cet effort. C'est notre responsabilité.

Les effets de la mondialisation seront plus tardifs. Je dis simplement qu'on peut estimer que, dans les vingt ans qui viennent, nous aurons une forte croissance qui est liée au fait qu'un nombre de plus en plus important d'hommes et de femmes dans le monde accèdent à la situation ou au statut d'acheteur, ce qui impliquera forcément un développement important de la production et des échanges et donc de la richesse générale. Enfin, en attendant, il faut faire ce que nous devons faire sur le plan intérieur.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez amener le Président Clinton à revoir sa position sur la question de la réélection de Monsieur Boutros Boutros-Ghali?

LE PRÉSIDENT - Cette question n'était pas à l'ordre du jour et donc elle n'a pas été traitée. Chacun connaît l'estime et l'amitié que je porte au secrétaire général et que porte l'ensemble des Européens au Secrétaire général des Nations Unies qui, depuis quatre ou cinq ans a, fait un travail considérable, à la fois pour moderniser l'institution, pour réduire ses coûts et pour adapter, notamment en terme de développement, les moyens insuffisants dont il dispose aux exigences de notre temps.

QUESTION - Monsieur le Président, à partir de quels critères et de quels niveaux pourra-t-on dire que le modèle social qui vous tient à coeur est partagé par les dirigeants des grands pays industrialisés ?

LE PRÉSIDENT - Nous avons déjà obtenu que les Quinze européens s'accordent sur un modèle social que nous avons proposé et qu'ils soient déterminés à le défendre. Je l'ai à nouveau présenté et défendu aujourd'hui, et, je crois que, petit à petit, est partagé le fait que les hommes doivent avoir la garantie d'une protection contre les aléas de la vie, que le dialogue entre les travailleurs, les employeurs et l'Etat est un moteur déterminant du progrès économique et social, et que les Etats sont responsables de la cohésion nationale et donc de la cohésion sociale. Ils ne peuvent pas abandonner cette responsabilité. Ce sont des thèses qui, je crois, font leur chemin.

J'observe que même si à l'origine elles étaient très éloignées des thèses généralement admises aux Etats-Unis, j'ai vu que le secrétaire d'Etat américain, Robert Reich qui est un homme d'une grande qualité, les avait reprises à son compte pour l'essentiel. C'est un pas positif.

QUESTION - Monsieur le Président, la déclaration politique contient un message très fort au Proche-Orient. Est-ce qu'elle sera suivie par une action politique ou diplomatique pour mettre le processus de paix sur les rails ?

LE PRÉSIDENT - Je le souhaite. Vous avez vu ce qu'ensemble nous avons décidé et qui clairement est un soutien sans réserve au processus de paix tel qu'il avait été engagé et tel que de notre point de vue, unanime, il doit se poursuivre, conformément aux accords d'Oslo, de Taba, etc.

QUESTION - Ma question s'adresse au secrétaire général ainsi qu'à Monsieur Wolfensohn. Monsieur le Secrétaire Général, c'est un plaisir d'être devant vous aujourd'hui. Dans un entretien lors de "Habitat 2", il est dit qu'au sujet du développement durable, la Banque mondiale voulait apporter au monde du capital industriel, naturel et social. Dans la déclaration du Président à la page huit, il est indiqué une utilisation des ressources avec les forêts, les produits minéraux, la pêche, l'air, l'eau, la terre. Est-ce que vous pourriez peut-être un peu vous étendre sur ce qui a été dit à ce sujet ?

M. BOUTROS BOUTROS-GHALI - Je vais passer la parole au Directeur de la Banque, mais je voudrais vous dire qu'il y a une coopération excellente entre les Nations Unies et la Banque, et le Fonds monétaire dans tous ces domaines. Non seulement nous avons des programmes inter agences, mais nous avons des consultations régulières pour renforcer notre collaboration que ce soit dans des projets contre l'AIDS que ce soit dans des situations ponctuelles comme à Haïti, comme à Gaza, comme en Angola, ou que ce soit sur certains concepts que nous partageons. Je passe la parole au Directeur de la Banque.

M. WOLFENSOHN - Nous avons élaboré un rapport au début de cette année disant clairement que l'argent n'est pas tout et le progrès économique n'est pas tout. Ce sont des éléments importants, mais il y a également le développement social, le développement écologique, la croissance durable, solide et des enjeux essentiels pour l'ensemble d'entre nous en terme de valeurs sociales et morales.

Nous avons entrepris une première tentative concernant la comptabilité nationale pour essayer de voir quelles étaient les nations les plus riches. Alors, l'Australie est arrivée en première position, si bien que beaucoup de gens se sont posés des questions. Mais l'idée est d'étendre notre portée pour intégrer des valeurs qui ne se limitent pas à l'économique. C'est cela qui s'exprime dans ce communiqué et c'est à cela que travaille la Banque mondiale dans la famille des Nations Unies. Je crois que c'est une priorité à l'esprit de nombreuses personnes.

LE PRÉSIDENT - Une dernière question ?

QUESTION - Deux questions. Une très précise : Carl Bildt a parlé de la date de lundi pour ce qui est de l'ultimatum lancé à M. Karadzic, confirmez-vous cette date ?

LE PRÉSIDENT - Non. Je souhaite que cela soit suivi d'effet mais c'est un sujet qui a été évoqué par Carl Bildt et qui a été discuté entre les ministres des Affaires étrangères et qui n'est pas remonté au sommet, qui n'a pas fait l'objet d'une décision du Sommet. Donc, je ne peux pas la confirmer. Même si je souhaite ardemment qu'elle se traduise par un résultat positif.

QUESTION - La deuxième question porte sur la légitimité du G7, sur laquelle j'aimerais avoir votre opinion. J'aimerais savoir si vous pensez envisageable un jour d'élargir le G7 ou 8, à des grandes démocraties du sud comme le Brésil ou l'Inde ?

LE PRÉSIDENT - Oui. Je crois qu'il est dans la nature du G8 de s'élargir à de grandes puissances, le sud en particulier.

Voilà, je vous remercie beaucoup.





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