Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République. (Centre international de la presse - Halifax)

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, dans la salle de presse française du centre international de la presse (Halifax)


Halifax - Canada , samedi 17 juin 1995.


Nous sommes au terme de ce Sommet, il ne reste plus qu'un déjeuner. Nous avons eu naturellement, depuis hier, la présence de Monsieur Boris Eltsine et nous avons pris d'ailleurs hier soir, à l'occasion du dîner, une décision qui a été confirmée ce matin en séance de travail et qui d'ailleurs a fait l'objet d'une déclaration qui vient juste d'être faite par le Président du G8, c'est à dire Monsieur Chrétien. Nous avons décidé que nous tiendrions au printemps prochain une réunion à Moscou à l'invitation du Président Eltsine et au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement des huit. Bien que ce ne soit pas dans la procédure du G7/G8, c'est une réunion à part qui n'est pas dans la procédure du G7/G8 mais qui est dans sa forme et qui aura pour objet d'examiner les problèmes liés à la gestion du nucléaire civil ainsi que - notre collègue japonais a beaucoup insisté à juste titre sur ce point - les problèmes liés au rejet dans les océans des déchets nucléaires.
J'ai également, après avoir soutenu notre collègue japonais, insisté sur la nécessité d'examiner aussi les problèmes liés au trafic international de matières fissiles car c'est un sujet qui nous préoccupe tous beaucoup et qui est encouragé par un certain nombre d'actions à objectif terroriste. Cette réunion aura donc lieu à une date qui n'a pas été arrêtée en mars ou en avril et comme vous le savez le prochain G7/G8 aura lieu à Lyon.
Nous avons eu un débat qui a porté sur un certain nombre de sujets. D'abord les problèmes liés à l'ex-Yougoslavie et le Président Eltsine s'est officiellement joint, il l'a approuvé à l'appel du G7 de vendredi soir. Je crois que le petit malentendu que j'avais évoqué hier a été levé et le Président Eltsine s'est joint à ce communiqué. De la même façon, il y a eu une approbation générale de la résolution du Conseil de sécurité créant la Force de réaction rapide, les Russes qui comme vous le savez pour des raisons, qui de mon point de vue étaient liées à ce malentendu, s'étaient abstenus, ont donné officiellement leur accord.
Tout le monde a également approuvé, cette fois-ci c'est le groupe de contact, avec l'approbation du Président Clinton et du Président Eltsine, la nomination de Carl Bildt d'une part, comme successeur de Lord Owen et d'autre part comme médiateur particulier, notamment pour ce qui concerne la Bosnie. Monsieur Carl Bildt va partir très prochainement, le ministre des Affaires étrangères est en train de voir cela avec lui sur place. Puisque j'évoque la Bosnie, les dernières informations dont je dispose confirment que la libération totale des otages de la Forpronu aura lieu dans les heures qui viennent. D'autre part, la liberté de mouvement totale et donc la possibilité pour eux de revenir, de rejoindre leurs unités, c'est-à-dire leur bataillon pour les 59 soldats français qui n'étaient pas prisonniers mais qui n'avaient pas la possibilité de rejoindre leur bataillon, tout cela va être réglé aussi dans les heures qui viennent si ce n'est pas déjà actuellement réglé.
Nous avons également évoqué ce matin deux sujets. Le premier rapidement car nous allons en reparler à nouveau et j'ai beaucoup insisté sur ce point, c'est l'aide au développement. Je vous en ai parlé hier, je ne vais pas y revenir aujourd'hui. Le deuxième ce sont les réformes qui semblent s'imposer dans le fonctionnement de l'ONU. C'est vrai que l'ONU, qui va fêter son cinquantenaire, est une grosse machine et probablement pourrait-on améliorer le rapport coût-efficacité du fonctionnement de cet ensemble. Il est vrai que le secrétaire général de l'ONU, Monsieur Boutros-Ghali a déjà fait beaucoup, avec à la fois intelligence et autorité, mais le système lui-même est un peu lourd et donc nous allons essayer de l'améliorer en sachant bien qu'il ne s'agit pas naturellement pour les Sept de dire ce qui doit être fait. C'est un problème qui doit être traité avec l'ensemble des pays participant à l'ONU, mais je pense qu'il nous appartient de sensibiliser notamment les pays avec lesquels les uns ou les autres au G7 nous avons des liens de confiance et d'amitié particulières.
Les sensibiliser sur la nécessité de faire des économies sur le fonctionnement, de façon à dépenser davantage sur des actions plus importantes de maintien de la paix, d'aide humanitaire, ou de respect de l'environnement.
Dernier point que j'aurais dû citer avant, nous avons évoqué également la lutte contre le crime organisé sur le plan international. Je l'ai évoqué hier, mais nous avons créé - cette fois ci c'est officiel - un groupe technique des huit qui fera un rapport au Sommet de Lyon. Je vous l'avais dit hier soir, c'était une proposition française, qui consistait à nommer un groupe technique composé de gens qui aient à la fois la compétence technique et la compétence politique, la compréhension politique des choses et qui pourraient nous indiquer à Lyon, comment il serait souhaitable d'améliorer notre coordination pour une plus grande efficacité dans la lutte contre le crime organisé. C'est-à-dire généralement contre la drogue, contre le blanchiment de l'argent sale, contre toutes les opérations mafieuses ou de crimes organisés.
Voilà en gros ce qui s'est passé. Je le répète, au déjeuner tout à l'heure nous reparlerons - je compte reparler et relancer, car c'est un clou qu'il faut sans cesse enfoncer - de l'aide au développement et de la nécessité de la renforcer. Je suis prêt à répondre à quelques questions.

QUESTION: Est-ce que vous n'avez pas le sentiment que les Sept ont fait la part belle au huitième, c'est-à-dire à la Russie d'autant plus dans le contexte actuel puisqu'on lui fait l'hommage d'avoir une réunion des Huit, pour la première fois, au printemps prochain à Moscou et que, par ailleurs, il est intégré au groupe dont vous venez de parler dans la lutte contre le crime organisé etc.

LE PRESIDENT: Oui, on peut peut-être dire cela, mais on peut présenter la chose autrement. D'abord, je le dis une fois de plus, la Russie est une très grande nation, l'une des plus importantes du monde et ce n'est pas parce qu'elle connaît aujourd'hui des difficultés que cela change sa nature. Et tous ceux qui consisteraient à ne pas vouloir reconnaître la grandeur de la Russie et de son peuple, consisteraient à faire une erreur majeure sur le plan de la vision du monde de demain.
Deuxièmement, nous avons - en tous les cas les Sept - la conviction que le Président Russe entend poursuivre avec ténacité sa politique de réforme, notamment sur le plan économique qu'il entend affermir, autant que faire ce peut compte tenu des difficultés, la démocratie. Je vous signale qu'il organise des élections très prochainement pour le Parlement et qu'il y aura des élections en juin 1996 pour la Présidence de la République.
Dans un pays qui connaît des difficultés ou qui traverse les bouleversements comme la Russie, il importe d'avoir une force à la tête qui soit capable de poursuivre dans la voie qu'elle a tracée ; ce qui est le cas aujourd'hui du Président Russe. Moi je ne veux pas faire d'ingérence dans les affaires russes. Naturellement, je le répète notre conviction unanime est que nous devons soutenir l'action de réforme engagée par le Président Eltsine. Voilà la raison pour laquelle nous considérons qu'il est un partenaire à part entière des grandes nations.
Dans le même esprit nous avons décidé de soutenir nous, les Sept, la candidature de la Russie aux grandes organisations internationales auxquelles elle n'est pour le moment pas partie prenante. Et bien nous soutiendrons sa candidature dans ces diverses organisations.
Méfiez-vous de ne jamais humilier la Russie.

QUESTION: Monsieur le Président, est-ce que ce matin on vous a parlé des essais nucléaires français ?

LE PRESIDENT: Non. Ce sujet n'a pas été évoqué ni en séance publique ni en conversation privée.

QUESTION: La déclaration qui est publiée ce matin fait une sorte d'éloge de la fédération croato-musulmane, est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'il en est des déclarations non-officielles qui déjà ont été faites sur la possibilité pour les Serbes de Bosnie d'établir un jour des relations avec la Serbie ?

LE PRESIDENT: Je ne sais pas ce qui a été dit, je n'ai pas vu la presse. Tout ce que je sais, c'est que cette idée est une idée du Président Elstine, c'est lui qui l'a lancée : d'abord dans les entretiens qu'il a pu avoir, j'imagine, avec d'autres et en tout les cas dans l'entretien que j'ai eu avec lui. L'idée étant la suivante : de même qu'il y a une fédération croato-musulmane il pourrait y avoir une fédération serbe entre les Serbes de Belgrade et les Serbes de Pale. Et je dois dire, qu'aujourd'hui en séance plénière, Boris Eltsine a également évoqué cette question. Elle n'a pas fait l'objet d'un débat, mais enfin c'est une idée qu'il ne faut pas rejeter a priori. Encore faut-il naturellement que les choses s'apaisent. Vous savez la sévérité de notre jugement à l'égard du comportement des Serbes de Pale alors il faudrait une sérieuse évolution pour que ceci soit possible. Enfin, c'est pour le moment exclusivement à ma connaissance l'idée du Président Russe.

QUESTION: Toujours sur la Bosnie, Monsieur le Président, maintenant que l'affaire des otages semble réglée...

LE PRESIDENT: ... elle semble, elle semble sur le point de être

QUESTION: ... maintenant que la résolution du Conseil de sécurité est passé sur la création d'une FRR, est-ce que ce matin, il y a un signe selon vous qui peut vous faire penser que sur un plan diplomatique il peut y avoir une avancée, sinon on en reste à la case départ ?

LE PRESIDENT: Vous savez nous sommes dans cette région du monde face à des forces difficiles à contrôler et à des initiatives je dirais, de nature passionnelle, et généralement condamnables d'où qu'elles viennent. Alors, si nous raisonnions de façon logique, on pourrait dire effectivement qu'il y a des signes qui permettent d'imaginer que la politique de fermeté diplomatique et militaire est de nature à nous permettre de progresser vers la paix. Cela c'est la logique qui permettrait de le dire. Mais il ne faut pas sous-estimer le paramètre irrationnel dans cette région du monde, les comportements aberrants d'un certain nombre de "responsables" - je mets le mot responsables entre guillemets pour ne pas utiliser celui d'irresponsables - et alors je ne peux donc rien vous garantir. Mais ma conviction est que nous devons poursuivre dans la voie que nous avons engagée, c'est-à-dire une voie de fermeté diplomatique s'adressant à toutes les parties et de fermeté militaire s'adressant également à toutes les parties, mais je ne peux pas vous garantir le succès.

QUESTION: Monsieur le Président, je voudrais revenir quelques instants sur les essais nucléaires. Vous avez annoncé avant votre déplacement à Washington et Halifax votre intention de reprendre les essais nucléaires. Depuis quelques jours, des critiques parfois vives sont apparues, notamment au Japon et dans le Pacifique sud. Alors j'ai deux questions. La première : en avez-vous parlé avec le Premier ministre Murayama ? Et la seconde est-ce que vous avez un commentaire ou une réaction après l'incendie du Consulat de France à Perth en Australie ?

LE PRESIDENT: Pour ce qui concerne l'incendie du Consulat de France en Australie, je ne peux qu'exprimer mon indignation. Et j'ai enregistré avec satisfaction les propos du Premier ministre australien qui a condamné, sans aucune espèce de réserve, l'initiative criminelle dont nous avons été la victime et qui nous a assuré d'ailleurs, que toutes les garanties, que toutes les mesures nécessaires seraient prises pour que les criminels soient retrouvés et châtiés.
En ce qui concerne les Japonais qui sont extrêmement sensibles- l'opinion publique japonaise est très sensible à ces problèmes - j'ai tenu, moi-même, à expliquer, au moment où j'ai pris cette décision, à Monsieur Murayama et d'ailleurs à Monsieur Kono son ministre des Affaires étrangères, les raisons qui m'avaient conduit à prendre cette décision et les limites dans lesquelles elle s'inscrivait. Je n'ai pas eu de commentaires en retour de la part de mes interlocuteurs japonais. Les Japonais sont des gens discrets. En tous les cas, je peux vous dire que Monsieur Murayama et Monsieur Kono viennent à Paris lundi et ils passeront une partie de la journée avec moi. Il s'agit du sommet franco-japonais qui, cette année, a lieu en France - j'allais dire malheureusement, car j'aurais été très heureux d'aller au Japon - et qui se poursuit d'ailleurs par un entretien, un sommet euro-japonais auquel se joindra le Président de la Commission, Monsieur Santer.

QUESTION: Monsieur le Président, premièrement est-ce que vous pourriez nous parler des discussions que les dirigeants ont eu avec Monsieur Eltsine sur la Tchétchénie ? Et deuxièmement la question des otages en Russie ; quel est le niveau de préoccupation, parmi les dirigeants du G7; est-ce que les avertissements ont été donnés au Président Eltsine sur cette affaire ?

LE PRESIDENT: Alors s'agissant de la Tchétchénie, nous en avons, bien entendu parlé et le Président Eltsine nous a dit sa manière de voir les choses sur ce problème en ce qui concerne les conclusions que nous en avons tirées, je n'ai pas besoin de revenir dessus elles sont clairement exprimées en termes diplomatiques et fermes dans le communiqué que vous allez avoir dans quelques instants, si vous ne l'avez pas encore.
Pour ce qui concerne les otages, nous avons exprimé naturellement au Président Russe notre solidarité et notre compassion dans l'épreuve qu'il subit actuellement. Il nous a dit que dans la matinée, je crois, une équipe de force spéciale russe avait réussi à reprendre une partie de l'hôpital et à libérer cent soixante personnes à la suite d'une opération qui semble avoir été assez bien montée. Il nous a affirmé ce que tous les membres du G7 ont considéré comme, très probablement, la réalité qu'il s'agissait de groupes terroristes et mafieux comme, hélas !, cette région en connaît un certain nombre et qui se sont infiltrés en traversant une frontière. Il a même précisé qu'il s'agissait de gens qui invoquaient le nom de Allah.

QUESTION: Est-ce que l'administration américaine est revenue à la charge pour que les partenaires du G7 isolent ou mettent au banc des nations les Iraniens ?

LE PRESIDENT: Il y a une phrase que vous verrez dans le communiqué sur l'Iran qui précise que nous avons tous rompu notre coopération nucléaire avec l'Iran.

QUESTION: Il y a une délégation du Pacifique sud dirigée par les Australiens qui va arriver lundi à Paris pour essayer d'obtenir de votre gouvernement que vous-même reveniez sur votre décision sur les essais nucléaires. Est-ce qu'il y a une chance quelconque que vous reconsidériez votre décision ?

LE PRESIDENT: Aucune. Ceci étant la délégation du Pacifique sud sera reçue avec toute la courtoisie nécessaire cela va de soi. Elle sera même entendue, mais je préfère vous dire que ma décision est tout à fait irrévocable.

QUESTION: Monsieur le Président, je voudrais vous poser une question un petit peu générale. Vous avez occupé de hautes fonctions, vous avez déjà assisté à des Sommets bien sûr mais c'est la première fois en tant que chef d'Etat alors vous savez que ce type de réunion laisse un certain nombre de gens sceptiques notamment chez nos compatriotes, c'est une petit peu leur seconde nature. A l'issue de ce Sommet après les contacts y compris les contacts personnels que vous avez eus avec vos homologues, est-ce que vous avez le sentiment à travers ce type de réunion, qu'on peut vraiment faire bouger les choses ?

LE PRESIDENT: Je n'ai pas eu à attendre de participer à un Sommet en tant que chef d'Etat pour avoir sur ce point une conviction profonde, car ce qui est vrai d'un Sommet au niveau des chefs d'Etat l'est aussi d'un Sommet au niveau des maires ou à quelque niveau que ce soit. Il n'y a strictement aucun rapport entre la façon d'aborder les problèmes et donc d'en tirer les conclusions selon qu'on le fait par le biais de rapports ou selon qu'on le fait dans le cadre de rapports personnels surtout lorsque ces rapports sont amicaux et qu'ils permettent ainsi de se dire les choses franchement. Cela ne veut pas dire naturellement que les responsables oublient leurs intérêts, cela veut dire simplement que les choses se passent dans un climat de compréhension mutuelle et que si l'on ne peut pas se mettre d'accord, au moins, c'est en général sans se fâcher. Souvent on trouve une solution à des problèmes, parce que les relations personnelles le permettent, auxquels on n'aurait pas trouvé, de solution dans un autre contexte, si bien que s'il y a une procédure importante c'est bien celle-là. Elle est même tout à fait essentielle pour la bonne marche d'une collectivité, rien ne peut se substituer aux rapports personnels. C'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à faire une petite réserve à l'égard de ceux qui, ce matin, en assurant à juste titre qu'il fallait réformer les méthodes de fonctionnement de l'Organisation des Nations unies en particulier, limiter les dépenses et notamment celles de trop nombreux congrès, sommets, réunions etc. qui font souvent double emploi ou qui n'ont souvent pas beaucoup d'importance. Je leur ai dit oui mais n'oubliez pas que si cela n'a pas d'importance pour nous qui avons l'habitude de ce genre de réunion, cela en a beaucoup pour tel ministre de tel petit pays qui, certes, ne changera pas la face du monde en venant dire pendant cinq minutes ce qu'il pense à une tribune, mais qui l'ayant exprimé aura par là même un comportement probablement différent. C'est un problème de comportement général de l'humanité qui est en cause. Il vaut toujours mieux parler que s'ignorer et donc toutes ces réunions sont utiles notamment le G7 ou le G8.

QUESTION: Je voudrais vous poser une question sur la réforme des Nations unies. Est-ce qu'il a été question spécifiquement d'accorder un siège de membre permanent du Conseil de sécurité à l'Allemagne et au Japon, à d'autres, et est-ce que les Américains ont soulevé très particulièrement la question des quote-parts pour la répartition des dépenses ?

LE PRESIDENT:

Non, nous n'avons pas du tout parlé de la composition du Conseil de sécurité. Vous savez que pour ce qui concerne l'Allemagne et le Japon, la chose est acquise, son principe. Pour ce qui concerne d'autres membres éventuels, rien n'est acquis, rien n'a été réellement discuté. Par exemple, j'ai enregistré, il y a quelques jours, en recevant le Premier ministre indien à Paris, lors de nos entretiens qu'il souhaitait vivement que son pays puisse accéder à un siège dans des conditions à déterminer mais tout cela ce sont des conversations bilatérales. Il n'y a pas eu ici la moindre allusion à ces faits. De même, les Américains n'ont pas du tout parlé, le Président Clinton n'a pas du tout parlé de la contribution américaine.

LE PRESIDENT: Oui, effectivement, quelqu'un a dit - je crois que c'était John Major, c'était effectivement lui - qu'il faudrait peut-être actualiser les contributions par rapport au produit national brut.

QUESTION: Je voudrais revenir sur l'aide au développement, dont vous faites un point fort, vous l'avez dit. Vous avez mis quelques inquiétudes sur le désengagement anglo-saxon au début de ce Sommet, vous comptez en reparler au cours du déjeuner, est-ce à dire que c'est difficile à faire passer auprès de certains partenaires ? Et avez-vous des bases chiffrées, discutez-vous sur des bases chiffrées ?

LE PRESIDENT: Nous ne discutons pas sur des bases chiffrées, pour le moment. Oui et non, cela dépend de quoi nous parlons.
Nous sommes arrivés à un accord, en principe, et qui sera entériné à Cannes pour ce qui concerne l'aide aux pays de l'Europe centrale et orientale d'une part, et aux pays Méditerranéens d'autre part. Cela a été un accord qui n'a pas été facile à régler et qui est en principe réglé. Je dis en principe parce que c'est le deuxième élément des bases chiffrées. Il s'agit de la définition du fonds de développement du FED sur lequel nous ne sommes pas encore arrivés à un accord. Il y a encore une divergence de vues entre l'Angleterre et les autres et surtout la France qui est sensible et qui serait, le cas échéant, de nature à remettre en cause l'accord sur les pays d'Europe centrale et orientale et les pays méditerranéens. J'espère que non, mais certains pays de l'Union européenne voudraient lier les deux problèmes, d'autres souhaitent qu'ils ne soient pas liés. C'est mon cas.
Plus généralement, nous avons obtenu - et je m'en réjouis - la restructuration des fonds de droit de tirage spéciaux de la Banque mondiale, et je dirais implicitement car je ne l'ai pas vu de façon tout à fait explicite des moyens d'intervention du Fonds monétaire international. En tous les cas j'ai observé, en lisant une dépêche de l'Agence France-Presse aujourd'hui, que le directeur général du Fonds monétaire international, Monsieur Camdessus, avait exprimé sa satisfaction au sujet des décisions prises sur ce thème.
Alors, plus généralement, il y a le problème de l'aide. Je l'ai évoqué hier en vous disant que les Etats-Unis ne faisaient pas l'effort qui était convenable par rapport aux autres. Vous savez qu'aujourd'hui, c'est là où j'en reviens à des données chiffrées, le principal contributeur en valeur absolue c'est le Japon qui fait plus de 11,2 milliards de dollars d'aide pour 1993, dernier chiffre officiellement connu. Mais le pays qui fait le plus gros effort en pourcentage de son PNB c'est la France ; qui fait 8 milliards d'aide au développement ce qui représente 0,63% de son PNB. Elle est la seule, parmi les grands pays, à dépasser 0,50 de son PNB. Quand je parlais du Japon, il est le premier contributeur mais cela ne représente que 0,28 de son PNB. Je dis milliards de dollars US.
Si vous voulez rapidement les chiffres : le Japon c'est 11,2 milliards de dollars américains, ce qui représente 0,26 % de son PNB - les Américains font 9,7 milliards de dollars, et sont les mauvais élèves de la classe puisqu'ils font 0,15 % de leur PNB et que de surcroît en 1993 dernier chiffre connu, ils étaient en diminution de 19 % par rapport à 1992. C'est un vrai désengagement et donc un vrai souci aujourd'hui pour nous. A mon avis, ils sont aujourd'hui aux alentours de 9 milliards. La France arrive comme troisième contributeur avec 7,9 milliards mais avec 0,63 % de son PNB. Nous sommes toujours en 1993 et nous sommes avec une tendance à la hausse. L'Allemagne vient ensuite avec 6,9 milliards et 0,37 % de son PNB. Puis l'Italie avec 3 milliards et 0,31 % -mais l'Allemagne et l'Italie sont dans une tendance à la baisse-. Le Royaume-Uni avec 2,9 milliards et 0,31 % lui est stable ainsi que le Canada avec 2,3 milliards et 0,45 %. Ces chiffres sortent du rapport du Comité d'aide au développement de l'OCDE et sont les chiffres officiels pour 1993.
Vous observerez que tout le monde est soit stable soit à la baisse sauf la France. Et voilà pourquoi nous sommes préoccupés.

QUESTION: J'aimerais revenir brièvement sur la petite phrase dans le communiqué qui parle de la réforme...

LE PRESIDENT: Mais c'est le communiqué politique que vous avez.

QUESTION: Tout à fait, qui parle de réforme du système des calculs des contributions à l'ONU. Est-ce que derrière cette phrase se cache un désengagement américain ? Qui paiera si les Américains payent moins ? Hier dans le communiqué économique il était question de la CNUCED qui semblait désigner - non pas être rayée encore des institutions de l'ONU - qu'elle était sur la sellette. Jusqu'où peut aller cette réforme dans le sens de la contraction des organisations ?

LE PRESIDENT: D'abord s'agissant de la phrase que vous venez de citer, je ne crois pas du tout qu'elle traduise, de la part des Américains ou de la part de quiconque, un désir de diminuer sa contribution. C'est objectivement un désir d'actualiser les contributions et celui qui est en réalité visé, derrière cette affaire, c'est naturellement le Japon. Donc, je n'ai décelé nulle part de volonté de diminuer sa contribution à l'ONU tout le monde souhaite que l'ONU puisse assumer ses fonctions et son rôle. En revanche, c'est vrai qu'il y a des doubles emplois et des abus et vous venez d'en citer un. Mais il y en a bien d'autres et tout le monde désire, notamment les principaux contributeurs qui étaient réunis aujourd'hui à Halifax, tout le monde désire que l'on remette un peu d'ordre dans les choses. D'ailleurs le secrétaire général des Nations unies en est le premier convaincu, seulement dès que l'on touche quelque chose on risque de toucher à la charte et par conséquent c'est très compliqué. Dans une organisation internationale, déjà les choses sont compliquées dans les gouvernements nationaux, alors vous pensez, dans une organisation internationale. Il faut faire un effort allant dans ce sens.

QUESTION: Est-ce que vous pourriez confirmer combien de collègues ont soulevé la question des essais nucléaires depuis que vous êtes à Halifax ? Qui vous en a parlé ? D'une façon générale est-ce que vous êtes préoccupé de votre image épouvantable dans le Pacifique sud ? Ou est-ce que vous considérez que c'est simplement le prix à payer ?

LE PRESIDENT: J'ai répondu à plusieurs reprises que ce sujet n'avait été abordé par personne et je vous le confirme en ce qui concerne la réunion de Halifax. Quant aux problèmes d'image, je sais à quel point ces sujets provoquent des réactions passionnelles, je le sais depuis longtemps. Je le regrette notamment en ce qui concerne les pays du Pacifique sud où j'ai beaucoup d'amis, pays avec lesquels j'entretiens de très bonnes relations et que la France est un des rares pays d'ailleurs, je dois le dire, à aider ce que nous continuerons à faire cela va de soi. J'ai demandé au Président de la Polynésie française Gaston Flosse de bien vouloir faire dans la région une tournée d'explications notamment dans les Etats polynésiens, d'ethnies polynésiennes. J'ai enfin indiqué, je le répète que nous étions prêts à accueillir toutes les personnalités scientifiques compétentes, qui une fois de plus, ne pourront que constater, j'en suis sûr, que ces essais n'ont strictement aucun effet nuisible sur l'environnement. Il s'agit donc là simplement de réactions d'ordre passionnel. Moi, je respecte toutes les passions y compris celles qui s'expriment actuellement, je le répète ce n'est pas de nature à me faire changer d'avis.

QUESTION: Monsieur le Président, les Serbes de Bosnie lorsqu'ils intensifient la lutte, ont accusé les Nations unies et la communauté internationale dans son ensemble de ne pas faire preuve d'équité. Lorsqu'il y a eu cette intensification par le gouvernement bosniaque, quelles ont été vos réactions lors de vos délibérations ?

LE PRESIDENT: Lorsque nous avons appris qu'il y avait un risque d'offensive musulmane, nous avons, vous vous en souviendrez, c'était vendredi soir lors de notre dîner immédiatement réagi en condamnant toute offensive d'où qu'elle vienne. Donc, les accusations qui consistent à dire qu'il y a une espèce de faveur pour les Mulsulmans et à l'encontre des Serbes au niveau du G7 ne me paraissent pas justifiées. Je ne sais pas quelles sont les arrières pensées des uns et des autres. En tous les cas, ce que je peux vous dire, c'est que moi je ne suis anti-personne et d'ailleurs pro-personne. Je suis pour le rétablissement de la paix et je suis pour sanctionner tous les boutefeux et les va-t-en-guerre de toutes origines qui sont trop nombreux dans cette région. C'est la raison pour laquelle par la force de réaction rapide j'espère pouvoir sanctionner ou éviter plus exactement les abus que nous avons vu, d'où qu'ils viennent.

QUESTION: Monsieur le Président, à propos de la Force de réaction rapide est-ce que vous avez espoir que le Président Clinton parvienne à convaincre le Congrès de participer à son financement ou bien est-ce que ce financement finalement reposera sur la France et la Grande-Bretagne ?

LE PRESIDENT: Je suis persuadé que le Congrès assumera ses responsabilités et suivra le Président Clinton. Le ministre des Affaires étrangères, Monsieur de Charette, dans une déclaration qu'il a faite hier et dont j'ai pris connaissance par les inestimables dépêches de l'Agence France-Presse, a indiqué que c'était une question de dignité. Je partage tout à fait son avis.

QUESTION: Avez-vous l'intention de vous rendre vous-même à Mururoa lors des essais ?

LE PRESIDENT: Rien n'est prévu de cette nature. C'est toujours avec plaisir que je vais dans le Pacifique sud, j'y suis allé dix ou douze fois, j'y retournerai certainement un jour mais il n'est pas d'usage que des gens qui n'ont pas de rôle technique dans des essais de cette nature soient présents.

Je vous remercie.






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