Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République, de M. Tomiichi MURAYAMA Premier ministre japonais et de M. Jacques SANTER Président de la Commission européenne.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République, de M. Tomiichi MURAYAMA Premier ministre japonais et de M. Jacques SANTER Président de la Commission européenne.

Palais de l'Elysée - Paris le lundi 19 juin 1995.


Mesdames, Messieurs,

Nous venons d'avoir successivement un sommet franco-japonais et un sommet euro-japonais, et dorénavant il s'agira là de deux institutions qui se réuniront chaque année une fois en France, une fois au Japon pour le sommet franco-japonais une fois en Europe, une fois au Japon pour le sommet euro-japonais.

Tout d'abord, j'ai dit au Premier ministre et aux hautes personnalités, notamment les ministres Kono et Hashimoto qui l'accompagnaient, ma joie de les accueillir à Paris, après d'ailleurs les avoir vus à Halifax. Et j'ai été heureux en témoignage de respect et d'admiration pour la très ancienne et très belle civilisation japonaise d'exposer ici trois à quatre objets que j'ai sortis du Musée Guimet et d'une part une poterie de la période Jomon du troisième millénaire avant Jésus-Christ qui est une très belle poterie cordée que vous pourrez voir, d'autre part un haniwa du Ve siècle après Jésus-Christ qui est une poterie qu'on mettait autour des sépultures, des grandes sépultures que l'on faisait à l'époque, dans cette partie, dans ce coeur du Japon qui a été à l'origine de la nation japonaise et enfin deux superbissimes paravents de la toute fin de la période de Momoyama et du tout début de la période Edo et qui ont une qualité tout à fait particulière et qui évoquent ce qu'il y a de plus raffiné dans la conception de la femme qu'on pouvait avoir à l'époque au Japon.

Nous avons d'abord souligné l'importance que les uns et les autres nous attachions aux relations entre la France, l'Union européenne et le Japon. Nous entendons que ces relations soient de la même nature que les relations que nous entretenons avec les Etats-Unis ou que les relations que le Japon entretient avec les Etats-Unis. Il s'agit là de trois pôles de développement essentiels à l'équilibre du monde d'aujourd'hui et qui doivent marcher ensemble si l'on veut assurer la stabilité politique et économique de notre planète.

Vous trouverez dans le communiqué qui est distribué l'ensemble des décisions que nous avons prises, je voudrais insister sur la création d'un forum de dialogue franco-japonais qui va se réunir régulièrement et qui pour la partie française sera co-présidé par l'ancien Premier ministre Raymond Barre. Et je voudrais insister aussi sur notre volonté de développer des projets conjoints avec des pays tiers, nous l'avons déjà fait et bien fait notamment en Afrique, également au Cambodge et nous voulons continuer notamment dans le domaine de la préservation des trésors de la planète, je pense en particulier au Cambodge et notamment au Musée de Phnom Penh, aux sites d'Angkor et de Bantay Srei et également dans le domaine de la santé à la coordination de nos efforts pour lutter contre le SIDA. Enfin, nous avons également l'intention, je vais au-delà de ce qui est dans le communiqué, de renforcer nos relations culturelles qui sont déjà excellentes, nous allons préparer avec grand soin l'année du Japon en France en 1997 et l'année de la France au Japon en 1998 et nous poursuivrons nos relations permanentes dans ces domaines culturels. Je vous signale notamment que nous aurons le très grand plaisir d'être le premier pays à recevoir pour la deuxième fois les sumotoris, à avoir un tournoi de sumo au mois d'octobre au Palais omnisport de Paris Bercy.

M. MURAYAMA: Merci Monsieur le Président, je tiens à exprimer ma joie d'avoir pu aujourd'hui m'entretenir de façon conviviale avec Monsieur le Président Jacques Chirac et avec Monsieur Jacques Santer, Président de la Commission européenne, des relations nippo-françaises et nippo-européennes, au cours de ces réunions parisiennes succédant immédiatement au dernier Sommet du G7 qui a eu lieu à Halifax. Ainsi qu'aucun de vous ne l'ignore plus, le Président Jacques Chirac possède du Japon une connaissance remarquable. Vous avez remarqué que Monsieur le Président a mentionné le nom de Kofun, Hamiwa et Momoyama, ce qui montre sa connaissance extrêmement profonde sur la civilisation et l'histoire japonaise. C'est avec un tel Président français que j'ai échangé l'attirance réciproque que nos deux pays coopéreront dans la perspective du XXIe siècle, au resserrement des liens d'amitié déjà amplement noués dans les domaines les plus variés.

Ainsi que vient de le dire Monsieur le Président de la République, au cours de ces dernières discussions, il a été décidé d'un commun accord de mettre en place un forum de dialogue franco-japonais, concrétisation de cette volonté de coopération. Et j'estime qu'il est possible d'attendre des conseils avisés de la part des Sages des deux pays membres de ce forum concernant les politiques concrètes relatives au renforcement des relations nippo-françaises dans l'avenir.

En 1997-1998, doivent se tenir dans nos deux pays, respectivement, une année du Japon en France, puis une année de la France au Japon. Je souhaite que de telles manifestations contribuent encore au développement de la contribution mutuelle entre nos deux peuples et les liens d'amitié entre nos deux pays qui s'étaient déjà trouvés approfondis par la visite de leurs Majestés Impériales l'année dernière.

M. Jacques Santer, Président de la Commission européenne, avait dès les premiers temps de sa prise de fonction pris l'initiative d'impulser un développement positif à la construction des relations à l'égard du Japon, et j'estime hautement significative, pour la première fois depuis deux ans, la tenue de ce Sommet nippo-européen.

Bien qu'il s'agisse d'un fait déjà signalé dans le communiqué de presse commun, je rappellerai qu'une décision a été prise d'organiser de futures réunions annuelles alternativement au Japon et en Europe. Il est prévu que le Sommet de 1996 se déroule au Japon. Il convient de noter que les rapports nippo-européens ne s'arrêtent nullement aux questions économiques et que dialogue et coopération vont s'approfondissant également dans le domaine politique. Pour sa part, le Japon considère nécessaire l'essor d'une telle relation de coopération dans une perspective globale.

M.SANTER: - Mesdames et Messieurs, le Président de la République étant en même temps Président en exercice du Conseil européen, il a parlé évidemment également dans cette fonction, je n'ai donc rien à ajouter dans son appréciation globale positive sur nos relations, sinon pour souligner encore davantage, que depuis un certain temps, un climat de confiance s'est installé entre le Japon et l'Union européenne et la qualité de nos échanges de vue est excellente. Et la qualité est si excellente que nous sommes arrivés, pour la première fois, à rédiger en commun un communiqué final de nos réunions.

La déclaration conjointe de La Haye de 1991 qui établit l'institutionnalisation des relations entre le Japon et l'Union européenne exprime la volonté d'aborder ensemble différents domaines communs mais exprime aussi une volonté de dialogue politique et de coopération d'une importante envergure.

Nous pensons donc que le moment est venu pour utiliser ce fondement solide, pour identifier et réaliser en commun des opérations plus concrètes. Vous les trouverez, ces opérations, dans le cadre du communiqué commun que nous avons rédigé et nous avons insisté également sur un certain nombre de problèmes politiques, économiques, également culturels.

QUESTION: J'ai deux questions dont la première s'adresse au Président Chirac et la deuxième à Monsieur le Premier ministre Murayama. Cette première question porte sur la reprise des essais nucléaires. Nous connaissons tous l'annonce par la France de ces essais nucléaires. Il semblerait que du côté des Etats-Unis, il y ait des mouvements qui se dessinent dans ce sens également. J'aimerais savoir ce que le Président Chirac pense de l'ensemble de cette question. J'aimerais également qu'il nous dise son sentiment concernant cette décision qui va tout à fait à l'encontre d'un mouvement mondial que l'on constate en faveur d'un désarmement nucléaire. Alors la question que je voudrais vraiment vous poser, Monsieur le Président, c'est qu'est-ce que vous entendez faire de concret pour réaliser ce désarmement nucléaire et faire en sorte que la planète entière aille dans ce sens ?

Vous avez été assez dur vis à vis des Chinois quand les Chinois ont fait des essais nucléaires. Par exemple, vous avez décidé de réviser la politique d'aide à la Chine. Mais vous en etes restés vis à vis de la France à exprimer votre indignation. Si vous appliquez ce genre de "double standard", on pourrait avoir des doutes sur la véritable intention du gouvernement japonais. Qu'est-ce que vous pensez de cela ?

LE PRESIDENT: Je vais peut-être répondre à la première question. La France avait interrompu en 1992 un programme d'essais alors que ce programme n'était pas terminé et qu'il était nécessaire notamment pour permettre l'accès à la technique de simulation, et donc j'ai décidé d'achever le programme, ce qui implique huit essais sur une période qui ne dépassera pas la fin du mois de mai prochain. D'autre part, s'agissant de la non-prolifération, je voudrais rappeler que la France a eu un rôle très actif dans la signature, indéfinie par la plupart des nations du Monde, du traité de non-prolifération que la France signera dès qu'il sera prêt, le traité portant interdiction des essais nucléaires et non seulement elle le signera mais elle aura une action diplomatique pour le faire signer aussi forte que celle qu'elle a mise en jeu pour la prorogation du Traité de non-prolifération.

Bon, je ne voudrais pas naturellement répondre pour le Premier ministre japonais mais je vous ferais remarquer que le problème de la Chine est tout à fait différent parce que la Chine n'a pas signé ces Traités, elle ne s'est surtout pas engagée à signer le Traité portant interdiction de faire des essais et qu'elle n'a pas non plus indiqué combien d'essais elle ferait et sur quelle période. Le problème est donc tout à fait différent.

J'ajoute que j'ai dit au Premier ministre que j'invitais les plus grands savants japonais à se rendre sur le site pour constater que nos essais ne provoquent aucune nuisance écologique.

M. MURAYAMA: - Comme vous le savez tous, le Japon est le seul pays qui a été victime des bombes atomiques. Ce qui fait que le peuple japonais a un sentiment particulier concernant les armes nucléaires. Alors prenant en compte ce sentiment national, le Japon vis à vis de la communauté internationale entreprend des efforts pour faire avancer le désarmement nucléaire dont l'objectif est une ultime disparition des armes nucléaires.

Dernièrement, au sein des Nations unies, il a été décidé que le traité de non-prolifération serait prorogé indéfiniment. Je crois qu'il est important de constater que cette décision a été prise, fondée sur la confiance des pays ne possédant d'armes nucléaires envers les pays possédant des armes nucléaires et également cette décision a été prise, étant entendu que les pays possédant les armes nucléaires renoncent d'une manière rigoureuse aux essais nucléaires, donc j'ai demandé très fortement à Monsieur le Président Chirac d'arrêter les essais nucléaires.

J'ai reçu de la part du Président Chirac en date du 14 juin une lettre expliquant la position française en la matière, nous avons parlé très brièvement, c'était un dialogue que nous avons eu debout très brièvement à Halifax et nous nous sommes dit que nous en parlerons encore plus profondément lorsque nous aurons ce sommet nippo-français. Alors effectivement, au cours de ce sommet aujourd'hui, de la part de Monsieur Chirac, il y a eu une explication de la position française. Il a bien voulu expliquer également qu'il n'y avait aucune conséquence sur l'environnement et qu'il inviterait des experts et des savants japonais sur le site. Mais je pense que ce n'est pas là le problème. Je crois que l'objectif ultime est la disparition des armes nucléaires de la surface du monde et je crois que dans l'ensemble, le comité international a demandé de faire avancer le désarmement nucléaire et de procéder à une ultime disparition des armes nucléaires. Donc, c'est en prenant en compte ces situations que je viens de dire que la France devrait arrêter les essais nucléaires.

Quant à la comparaison avec la Chine, que vous venez d'évoquer, que ce soit les relations nippo-chinoises, que ce soit les relations nippo-françaises, il ne faut pas que ces problèmes là, les essais nucléaires, aient une conséquence quelconque sur les relations amicales que nous avons avec ces pays. Donc, je crois que la position que nous devons adopter est de donner une importance à nos relations bilatérales mais en même temps de dire ce qu'on a à dire et de coopérer là où nous ne pouvons coopérer.

Quant au problème de l'aide au développement que vous venez de soulever tout à l'heure, j'ai effectivement dit que les essais chinois, il faut les refléter sur notre politique d'aide à la Chine. Mais comme vous le savez, nous ne pourvoyons pas d'aide publique au développement vers la France et donc, je dis qu'il n'y pas de comparaison possible dans ce domaine.

QUESTION: Monsieur le Président, je voulais savoir - étant donné que vous êtes en début de mandat - on a l'impression qu'on a beaucoup parlé de votre tropisme asiatique en plus que de votre amour pour la culture japonaise, alors je voulais savoir, si vous avez une ambition pour la diplomatie française en Asie et je voulais savoir, s'il fallait comprendre que l'axe de cette diplomatie finalement s'appuyait d'abord sur le Japon ? Et à M. Murayama, je voulais poser une question. On dit beaucoup que le Japon est un géant économique et nain politique, est-ce que finalement vous n'attendez pas du dialogue euro-asiatique qu'il vous consacre comme un géant politique également ?

LE PRESIDENT: - Je souhaite en effet pour répondre à la première question que la France ait une grande ambition diplomatique en Asie. Le Japon est la deuxième puissance économique du monde, c'est une puissance politique, également de premier plan et donc il est naturel de développer nos relations avec lui. Mais il y a d'autres grandes puissances en Asie, je pense à la Chine, bien entendu, à l'Inde, à l'Indonésie, bien d'autres encore, et la France doit avoir l'ambition d'une politique globale sur l'Asie.

M. MURAYAMA: - Je ne comprends pas très bien pourquoi vous dites que le Japon est un géant économique et un nain politique. Il ne s'agit pas de cela, le problème ne se pose pas ainsi. Je crois que nous sommes arrivés à un stade où le monde, la communauté internationale, s'attaquent à des problèmes globaux en coopération et en commun, que ce soit un pays développé ou en voie de développement ; il faut construire une communauté où l'on puisse cohabiter dans une relation de coopération. Je crois qu'il faut établir des relations d'amitié et de coopération avec tous les pays et coopérer dans tous les domaines économiques, politiques et culturels. Il faudra que les pays qui possèdent aident les pays qui sont démunis et ainsi enrayer la pauvreté de la surface du monde et donner plus d'importance aux problèmes d'environnement. C'est donc dans la protection de l'environnement de la surface de la planète, qui est un enjeu majeur d'actualité, et dans ces domaines-là, que le Japon entend contribuer et faire des efforts dans toute la mesure du possible.







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