Intervention de M. Alain JUPPÉ, Président du Comité d’honneur de la Conférence

Intervention de M. Alain JUPPÉ, Président du Comité d'honneur de la Conférence internationale de Paris pour une gouvernance écologique mondiale.

Imprimer - Article principal
Regarder l'allocutionVidéo au format Windows MediaVidéo au format QuickTimeEcouter l'allocutionAudio au format Windows MediaAudio au format MP3

Paris, le samedi 3 février 2007



Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

Chacun aura pu se rendre compte que co-présider l'atelier sur la gouvernance au côté de Mme Sunita NARAIN a été pour moi une chance, un honneur et un amical défi. Vous avez pu mesurer la lucidité mais aussi l'énergie, voire la passion, au bon sens du terme, qu'elle met dans son combat. Nous avons vécu, c'est vrai, hier, pendant 4 heures d'horloge, une très belle rencontre, avec de passionnantes interventions.

Ce terme de la gouvernance dont nous étions plus spécifiquement chargés, on l'a retrouvé, si j'ai bien compris, dans les travaux de tous les ateliers qui se sont réunis hier après-midi et qui ont tous fait le même constat et lancé le même appel : le monde a besoin d'une gouvernance environnementale plus cohérente et plus ambitieuse. C'est vrai pour les changements climatiques, mais c'est vrai pour la biodiversité, pour l'eau pour les pollutions à la santé et pour l'invention de cette nouvelle croissance écologique dont nous ont parlé Monsieur RIFKIN et Monsieur VEDRINE.
L'atelier "Gouvernance" a évidemment confirmé ce diagnostic quelle que soit la qualité des acteurs qui interviennent aujourd'hui au niveau mondial, et je pense en particulier au programme des Nations Unies pour l'environnement. Le statut quo n'est pas tenable. Nous en connaissons les défauts, une fragmentation en 500 accords internationaux, une vingtaine d'institutions, des surcoûts qui résultent de cette fragmentation et en même temps, une insuffisance globale des moyens, un manque de suivi des accords déjà conclus, une prise en compte insuffisante des enjeux du développement, bref une absence de stratégie globale, de leadership et, au bout du compte, de volonté politique. Je crois que l'accent politique a été très fortement mis sur ce point.

Le moment est venu de franchir une nouvelle étape. Les voies de la réforme sont multiples : les uns évoquent une adaptation à petit pas, par souci de réalisme, du programme des Nations Unies pour l'Environnement, d'autres imaginent la création ex nihilo d'une organisation mondiale de l'environnement, peut-être sur le modèle de l'OMC. Toutes ces solutions soulèvent des questions ou des objections. Mais hier, nous avons pu observer plusieurs points de convergence : premièrement, il faut intégrer les enjeux environnementaux dans les politiques de développement et créer une sorte, je crois Madame que vous avez utilisé l'expression hier, "de nouveaux partenariats ou de nouvelles coalitions" entre le nord et le sud pour le sauvetage de la planète. Je ne développerai pas ce point qui a été repris par plusieurs intervenants.

Il faut, en second lieu, et cela est un grand défis bien sûr, tenter un nouveau type d'organisation qui soit moins bureaucratique que ce que nous connaissons, plus transparente, plus performante et surtout plus pluraliste et plus ouverte. Je crois que c'est un thème qui est revenu tout le temps. Nous avons besoin des gouvernements mais aussi de la société civile, des ONG, des entreprises qui sont des acteurs essentiels de ce combat, également - j'insiste sur ce point, pour des raisons très personnelles - les communautés de base, les pouvoirs locaux, les villes, parce que c'est là que sont les gens, les villes et les campagnes, mais en tout cas les communautés de base.

Il faut enfin, troisième exigence, dégager des moyens supplémentaires, soit par redéploiement, car plus de cohérence dans la gouvernance permettra d'éviter un certain nombre de double emplois, mais aussi par la création de ressources nouvelles et, Monsieur le Président, vous avez rappelé, sur ce point la nécessité de financement innovants.

Au terme de nos travaux d'hier, nous proposons d'agir en transformant le programme des Nations Unies pour l'Environnement mais en le transformant vraiment, profondément et rapidement. La référence qui est venue à plusieurs reprises, y compris ce matin, est la référence à l'Organisation mondiale de la Santé. Et pour cela, il faut créer une dynamique qui n'existe pas encore, quelque soit la qualité des conversations informelles qui ont lieu en ce moment dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies.
Pour créer cette dynamique : deux idées. D'abord, donner du sens à la gouvernance.La gouvernance pour quoi faire ? Lui donner du souffle, lui donner une âme, si je puis dire, en énonçant solennellement les valeurs que la Communauté internationale partagent et les buts qu'elle poursuit. A ce titre, je voudrais souligner, Monsieur le Président, la portée de la proposition que vous avez faite hier, d'une déclaration universelle des droits et devoirs environnementaux.

Deux moyens pour créer cette dynamique : clarifier les fonctions de cette ONUE, de cette Organisation des Nations Unies pour l'Environnement. A quoi devrait-elle servir ? Quelques idées là aussi que j'énumère rapidement, d'abord améliorer l'expertise scientifique et le niveau de connaissance. Nous disposons pour les changements climatiques d'un instrument qui est le GIEC. Ce n'est pas encore le cas, si j'ai bien écouté les précédents intervenants, pour la biodiversité ou même pour l'eau.
Deuxième fonction : une fonction de veille et d'alerte des opinions publiques sur tous les grands événements environnementaux mondiaux.
Troisième fonction : le suivi des accords existants et leur mise en synergie. Et enfin, et ce n'est pas le moindre, quatrièmement, un partenariat nord-sud en vue d'un renforcement des capacités des pays en développement et d'améliorer les transferts de technologies propres.

Ce projet, je n'y reviens pas, Madame NARAIN l'a dit, peut susciter des questions, des réticences, voire des oppositions, nous les connaissons et nous pensons pouvoir y répondre. Mais je voudrais insister aussi sur le fait que ce projet crée beaucoup d'enthousiasme. Hier soir à l'occasion d'un dîner organisé par Mme Nelly OLLIN à l'intention des ministres présents à cette conférence. C'est plus de 40 pays, 45 je crois, qui se sont déclaré des amis de l'organisation des Nations Unies pour l'Environnement avec le soutien de la Commission européenne et du Commissaire ici présent. Des pays décidés à agir dans le cadre d'une sorte de groupe pionnier. Notre feuille de route est déjà assez précise : réunir très prochainement ce groupe pionnier. Le Maroc s'est porté candidat pour l'accueillir. Pour amplifier le mouvement, je crois qu'il faut embrayer très vite sur cette idée, ne pas perdre de temps pour ne pas briser l'élan qui s'est créé ici.

Voila, Monsieur le Président, ce nous avons fait, essayé d'esquisser. Nous sommes conscients que c'est un combat. Nous avons bon espoir de le gagner parce qu' il est nécessaire et parce qu'il est juste.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2007-02-06 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité