Allocution de Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie à l'occasion de la conférence internationale de Paris sur la microfinance.

Allocution de Monsieur Abdou DIOUF, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie à l'occasion de la conférence internationale de Paris sur la microfinance.


Paris, le 20 juin 2005


Monsieur le Président de la République,

Cette Journée - que vous avez tenu à organiser et à présider personnellement - marque un nouveau temps fort dans un travail nécessaire de prise de conscience. Tout le monde parle de microcrédit depuis de longues années, de plus en plus nombreux sont ceux qui le pratiquent. Mais dans l'opinion commune le microcrédit garde l'image d'un « outil humanitaire », relevant du social plus que de l'économie.

Aujourd'hui, nous parlons de microfinance, c'est-à-dire de l'ensemble des instruments financiers accessibles aux gens de condition modeste, dont beaucoup trop sont exclus par les règles ordinaires du système bancaire classique.

Dans cet esprit, j'évoquerai aujourd'hui trois thèmes.

D'abord le fait que la microfinance est essentielle pour les pays du Sud.

L'urbanisation et la monétarisation vont de pair : l'économie informelle, qui peut représenter jusqu'à 70 % du PIB des pays les plus pauvres, a besoin de circulation monétaire et donc de financements. Hors de la microfinance, il s'avère que ceux-ci sont essentiellement usuraires et toujours insuffisants. Pour ce secteur informel dynamique, il faut un financier proche de ses emprunteurs et qui sache évaluer leurs chances et leur volonté, un financier au fait des mécanismes de solidarité sur lesquels s'appuyer. Il faut, un dispositif qui peut s'engager sans les garanties traditionnellement exigées par une banque.
Le microcrédit permet ainsi de passer de la survie à la vie, d'un destin subi à des initiatives assumées et à une dignité retrouvée.

En second lieu, je veux rappeler que la Microfinance exprime des valeurs de nature politique et non simplement économique. Ces valeurs sont précisément celles de la Francophonie, clairement affirmées lors de ses Sommets depuis longtemps : la solidarité, la lutte contre la pauvreté, la dignité par la formation et le travail.

Il existe un lien fort entre les institutions de microfinance et l'environnement culturel et social. Elles se situent au point de rencontre entre les règles universelles de la finance et de la comptabilité et les réalités spécifiques découlant de l'histoire et de la culture des bénéficiaires. En ce sens elles constituent, dans le processus de mondialisation, un élément de régulation, en proposant un développement adapté aux contraintes qui pèsent sur les plus démunis.
C'est pourquoi aujourd'hui la microfinance, dont les performances se comparent favorablement à celles du système financier traditionnel, est plus qu'un remède accessoire à la pauvreté. C'est un outil primordial de cohésion sociale et politique.

Enfin, dans ce contexte, nous devons nous demander quelles sont les initiatives possibles pour les pays du Nord, le G8 et la Francophonie.
Il ne suffit plus désormais de faire fonctionner des systèmes locaux qui n'enrayent pas vraiment la reproduction de la pauvreté.

Il faut essayer de parvenir à une cohésion nouvelle entre système bancaire traditionnel et institutions de microfinance.
Cela peut passer par l'usage de la ressource croissante liée aux phénomènes migratoires, ressource dans bien des cas supérieure au montant de l'aide. Les banques devraient s'intéresser à cet argent, très mobile, qui pourrait alimenter des mécanismes de long terme, tels que des fonds d'investissement spécifiques.
Ceux-ci s'attacheraient au développement des PME/PMI qui demeurent à la limite du secteur formel, consolidant l'Etat, qui peut jouer son rôle de régulateur et de garant de la sécurité, du droit et de la démocratie.
Une adaptation et une homogénéisation des législations nationales, dans un cadre tel que celui de l'OHADA, devraient faciliter cette formalisation.

La Francophonie, fidèle au mandat qu'elle s'est donnée lors du 10ème Sommet de Ouagadougou, a examiné la situation de la microfinance dans les pays francophones.
Elle s'est demandée de quelle façon créer cet environnement favorable à son développement, comment les Etats, à travers les réglementations, les banques centrales, la recherche socio-économique peuvent y contribuer. Enfin elle s'est interrogée sur la place possible pour de nouveaux partenariats, avec des acteurs privés, entreprises ou ONG, telle que PlaNet Finance qui nous a choisis, le Dr YUNUS et moi-même, comme Présidents d'Honneur et qui innove dans tous les secteurs de la microfinance.

En effet, à l'image d'un monde en mutation où les réseaux, favorisés par l'évolution toujours plus rapide des moyens d'information et de communication, font plier les anciennes structures, la microfinance doit poursuivre son évolution.

Dans cette évolution, l'essentiel n'est plus l'apport d'investissements nouveaux : les capitaux déjà disponibles sont importants. Grâce à l'effort d'épargne des populations et aux transferts des diasporas. Grâce aussi à l'apport des bailleurs de fonds. Ce qui est désormais déterminant, c'est l'ingénierie juridique et financière et la juste évaluation de l'impact des différents modèles.

Pour conclure, je dirais qu'un effort de coordination et d'harmonisation des aides est en cours, depuis l'adoption des Objectifs de Développement du Millénaire, afin d'améliorer la participation et l'insertion des pays les moins avancés dans la communauté internationale. Mais cela doit se faire au bénéfice de populations que tout mécanisme d'élargissement, toute globalisation ont d'abord tendance à fragiliser voire à marginaliser. La microfinance apparaît comme un outil précieux pour limiter cette fragilisation au bénéfice des plus défavorisés.






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