Toast du Président de la République brésilienne, Luiz Inácio Lula da Silva, à l'occasion du dîner offert en l'honneur du Président Jacques CHIRAC.

Toast du Président de la République brésilienne, Luiz Inácio Lula da Silva, à l'occasion du dîner offert en l'honneur du Président Jacques CHIRAC au Palais de l'Itamaraty.

(traduction libre)
Brasília, 25 mai 2006


Son Excellence Monsieur Jacques Chirac, Président de la République Française,
Sénateur Renan Calheiros, Président du Sénat Fédéral,
Député Aldo Rebelo, Président de la Chambre des Députés,
Mes compagnons Ministres Celso Amorim et son épouse Ana, Furlan et son épouse Ana,
Les autres Ministres,
Gouverneur de l'Etat d'Amapá,
Ministres de la France,
Ministres du Brésil,
Mes amis e amies,


Je me suis mis d'accord avec mon ami Jacques –il n'aime pas que je l'appelle Président Chirac- pour que nous ne fassions pas de discours, parce que nous avons déjà beaucoup discuté à propos du commerce.

Mais je ne peux m'empêcher de dire au Président Chirac et à mon ami Jacques la tendresse que nous, Brésiliens, ressentons pour la France. De nombreux amis membres de mon gouvernement ont déjà vécu en France, y ont déjà étudié. La Révolution française est un point de repère dans l'histoire de l'humanité, c'est le symbole de la conquête de la démocratie dans cette époque de la société moderne et, surtout, la déférence et l'affection avec lesquelles nous avons été reçus en France l'an dernier, quand nous avons participé aux cérémonies de l'indépendance (sic : à corriger ; Révolution française) et de l'année du Brésil en France. A cette occasion, j'ai prononcé un discours au siège du gouvernement français, alors que nous participions à une manifestation qui rassemblait beaucoup de monde. Ce jour-là, j'ai découvert que la relation de gouvernement à gouvernement et d'Etat à Etat n'a pas d'engagement idéologique. Dans les relations qu'un Etat entretient avec un autre Etat, ce qui compte, en réalité, c'est le traitement entre les deux Nations, les engagements entre les deux Nations.

Moi qui visite la France depuis longtemps, depuis 1980 quand j'étais dirigeant syndical, j'ai reçu de la part du Président Chirac la considération de quelqu'un de différent, de quelqu'un qui savait avant tout tenir son rôle de chef d'Etat et manifester de la considération à quelqu'un qu'il ne connaissait pas, dont il savait certainement qu'il s'agissait d'un syndicaliste et qui provenait donc d'un milieu différent ; j'ai rarement été traité aussi bien depuis que je suis à la Présidence de la République.

Pour la venue du Président Chirac au Brésil, j'ai tenu à le recevoir chez moi. Non pas au Palais du Gouvernement, mais à la résidence du Président de la République, pour dire au Président Chirac que la relation entre le Brésil et la France est une relation très forte, non seulement sur le plan commercial, mais dans le domaine politique et le domaine culturel, où la France a beaucoup à enseigner au Brésil, et le Brésil a beaucoup à apprendre de la France, mais aussi à enseigner un peu de nos cinq cents ans d'histoire. J'ai surtout voulu montrer au Président Chirac le respect, la tendresse et l'amitié personnelle que j'éprouve pour lui et pour la France.

La France et le Brésil peuvent faire beaucoup plus, nous sommes reconnaissants pour toute la compréhension manifestée par la France envers le rôle du Brésil dans le monde, et cette amitié ne fait que s'accroître. Le Brésil souhaite exercer une participation plus effective dans la politique mondiale. Nous avons conscience de notre importance en Amérique du Sud, nous avons conscience du rôle que nous pouvons exercer dans le monde, avec beaucoup d'humilité mais, en même temps, avec beaucoup de fierté.

Je dis toujours, ici au Brésil, que je suis enfant d'une mère analphabète et d'un père analphabète, qui sont nés analphabètes et le sont restés jusqu'à la fin de leurs jours. Mon père s'offrait le luxe d'acheter un journal tous les jours et d'aller travailler en faisant semblant de le lire, mais il ne savait pas déchiffrer la moindre lettre dans le journal qu'il achetait pourtant tous les jours. C'est de ce couple, et surtout de ma mère, que j'ai appris la grande leçon : marcher la tête haute, se respecter soi-même pour être respecté. Et pendant longtemps, cette nation immense appelée Brésil ne se respectait pas. Nous nous rendions souvent à des réunions comme si nous étions des citoyens de seconde classe, et c'est le Président Chirac qui m'a donné la première chance.

Je gouvernais depuis quelques jours quand je fus invité à me rendre à Evian. Ce fut ma première rencontre avec les personnages mythiques de la politique mondiale. Il y avait là Koisume, Jacques, Bush, Tony Blair, Hu Jintao, le Président Fox, le Président de l'Inde. Et je me demandais ce qu'un métallurgiste faisait là parmi des gens aussi importants. Là, je me suis rendu compte que j'étais aussi important que ces personnages mythiques, que moi aussi j'étais président d'un pays qui n'était pas moins important que ceux qui étaient là. J'ai commencé à me sentir plus égal, j'ai surmonté d'autres préjugés et j'en suis venu à réaliser que le Brésil pourrait être mieux respecté dans le monde, que le Président du Brésil pourrait être mieux respecté dans le monde, et que les représentants du Brésil voyageant dans le monde devraient se faire respecter.

Récemment encore, j'ai participé à la Journée du Diplomate. Et j'ai dit aux jeunes diplomates brésiliens : si vous voulez être respectés, respectez-vous vous-même, parce qu'aucun interlocuteur ne respecte celui qui ne se respecte pas. Marcher la tête haute est une conquête que je tiens d'une mère analphabète, et c'est là le plus grand héritage que l'être humain peut se voir léguer. Et ce fut dans une réunion à Evian que j'ai appris que le Brésil n'était inférieur à personne, mais qu'il n'était pas non plus meilleur, que nous étions égaux, chacun d'entre nous représentant sa Nation, chacun représentant son peuple, chacun vivant ses propres problèmes.

Pour tout cela, la visite du Président Chirac au Brésil est très importante. C'est une visite qui se distingue des visites de tant de chefs d'Etat que nous avons reçus ici, au cours de ces quarante-trois mois de gouvernement. En conséquence, je suis très reconnaissant pour la relation existant entre la France et le Brésil, la considération particulière que les Français accordent au Brésil, l'attention affectueuse et généreuse du Président Chirac. Je n'ai seulement pas beaucoup aimé le baise-main dont il a gratifié Marisa, parce qu'il n'a pas amené son épouse ici pour que je puisse rendre ce baise-main.

Mais quoiqu'il en soit, Président Chirac, soyez certain que le respect et la tendresse que nous, Brésiliens, éprouvons pour la France, ainsi que le respect et l'affection personnels que j'éprouve pour Votre Excellence méritent que j'invite tout le monde à porter, debout, un toast au Président Chirac et au peuple français.

Merci beaucoup.





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