COI : Orientations stratégiques de la Comission de l'Océan Indien.

1. Préambule

Dans un environnement régional et mondial qui a connu de profondes évolutions depuis sa création en janvier 1984, la Commission de l'Océan Indien, organisation intergouvernementale de coopération régionale, réunit des Etats qui, en raison de leur géographie, de leur histoire et de leur culture, partagent des intérêts communs face aux mutations auxquelles ils sont confrontés.

Consciente de l'originalité et des spécificités qui rassemblent ses membres, la COI souhaite se mettre en mesure de mieux relever les nouveaux défis, en termes de menaces ou d'opportunités, que lui imposent ces évolutions, et en particulier :

  • l'accélération du processus de mondialisation, qui se traduira notamment par la signature, à l'horizon 2008, d'Accords de Partenariat Economique entre l'Union européenne et les Etats ACP,
  • la persistance de la pauvreté et l'augmentation des pandémies,
  • le réchauffement climatique,
  • les menaces qui pèsent sur la diversité culturelle,
  • le développement des trafics illicites et l'accrois-sement de l'insécurité.

Les pays membres de la COI appartiennent à des ensembles régionaux ou internationaux divers : les Comores, Madagascar, Maurice et les Seychelles sont membres du COMESA et du groupe des pays ACP, la Réunion est une région ultra-périphérique européenne (RUP), Maurice est membre de la SADC et le processus d'adhésion de Madagascar est en cours. Madagascar et Maurice sont également membres de l'IOR-ARC.

D'autre part, la mise en œuvre du Programme indicatif régional du 9ème FED s'effectue désormais dans le cadre d'un ensemble élargi à 19 pays regroupés autour du COMESA, de l'IGAD, de l'EAC et de la COI. 16 d'entre eux, rassemblés au sein de l'AOA (Afrique orientale et australe) ont décidé de négocier un accord de partenariat économique (premier objectif de l'Accord de Cotonou) avec l'Union européenne.

Dans ce contexte, la COI entend en priorité :

  • se recentrer sur les missions pour lesquelles elle présente des avantages comparatifs par rapport aux autres organisations régionales,
  • se donner la capacité de défendre, par une meilleure professionnalisation, sa présence et son expertise dans ce qui constitue ses pôles d'excellence,
  • mieux communiquer sur ses actions pour une reconnaissance accrue sur la scène internationale et une meilleure perception de son rôle par les populations bénéficiaires de ses projets.

Aussi, désireux de réaffirmer les liens de solidarité entre les îles du Sud-Ouest de l'océan Indien, au service d'une communauté de destin, et de renforcer le rôle et la place de la COI dans son environnement régional, les Etats membres conviennent d'adopter de nouvelles orientations stratégiques qui constitueront un cadre d'action pour le développement collectif de la région.

2. Orientations

En conformité avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, le plan d'action de la Barbade et la Conférence internationale sur les Petits Etats Insulaires en Développement (PEID) qui s'est tenue à Maurice en janvier 2005, les orientations stratégiques de la COI s'inscrivent dans une perspective de développement durable et de lutte contre la pauvreté.

Elles se définissent selon quatre axes prioritaires :

Axe 1 : La coopération politique et diplomatique

La COI appuiera la stabilité régionale et la présence de l'organisation au plan international, par :

  • Le renforcement du dialogue politique et stratégique entre les pays membres ;
  • L'accroissement de la médiation diplomatique et la participation au règlement des crises régionales ;
  • L'observation des processus électoraux et le soutien à la bonne gouvernance ;
  • Le renforcement de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, les grands trafics et le mercenariat ;
  • La défense des intérêts de la région par l'adoption de positions communes dans les enceintes internationales.

Profondément attachée à la démocratie, à l'Etat de droit et à la bonne gouvernance, dont le respect conditionne toute politique de développement durable, la COI doit renforcer son rôle politique et diplomatique, à l'occasion notamment des crises qui pourraient affecter ses Etats membres.

Le Conseil de la COI consacre déjà une part importante de ses rencontres au dialogue politique régional.

Le Comité des Officiers Permanents de Liaison (OPL) inscrira désormais à l'ordre du jour de chacune de ses sessions l'examen de la situation des pays membres au regard des objectifs déclinés ci-dessus et proposera des actions susceptibles d'être mises en œuvre dans le cadre de la COI.

Le Président de la COI en exercice jugera de la suite à donner à ces recommandations et pourra, le cas échéant, agir en tant que médiateur, assisté du Secrétaire général.

Le Secrétariat général facilitera la concertation entre les Etats membres pour l'adoption de positions diplomatiques communes dans les enceintes internationales.

Il favorisera, avec l'appui d'organismes spécialisés, l'échange d'informations sur les bonnes pratiques en matière de gouvernance, de sécurité et de lutte contre les trafics illicites.

Axe 2 : La coopération économique et commerciale

La COI facilitera, en vue d'une meilleure insertion dans l'économie mondiale, le positionnement des pays membres dans le processus d'intégration économique de la région Afrique orientale et australe, par :

  • La défense des petites économies insulaires en développement au niveau régional et international, en particulier dans le cadre des négociations commerciales au sein de l'OMC et de la mise en œuvre du Plan d'action de la Barbade en tant que mécanisme de coordination des PEID ;
  • La préservation des intérêts de la sous-région dans les processus d'intégration économique auprès du COMESA et le cas échéant de la SADC, et dans le partenariat avec l'Union européenne au niveau de l'Afrique orientale et australe ;
  • La contribution à l'amélioration de la compétitivité et au développement du secteur privé ;
  • La défense des intérêts communs des pays géographiquement isolés du continent, dans le cadre de l'initiative NEPAD de l'Union africaine ;
  • L'attention portée à la situation particulière de la Réunion, région ultra-périphérique européenne, dans le cadre, notamment, des Accords de Partenariat Economique ;
  • La valorisation économique des ressources naturelles communes.

La COI s'est constituée avec l'objectif de renforcer les échanges économiques et commerciaux entre ses membres dans la perspective, à terme, de l'intégration régionale. Cet enjeu relève désormais d'autres instances régionales comme le COMESA ou la SADC. La COI ne saurait toutefois y être indifférente car les caractéristiques insulaires des pays qui la constituent, marquées par l'isolement, l'étroitesse des marchés et une grande vulnérabilité face à la mondialisation, requièrent un traitement spécifique.

Les négociations en cours ou à venir nécessiteront une vigilance politique et diplomatique toute particulière qui relève des dispositifs évoqués précédemment pour l'axe 1, concernant entre autres l'adoption de positions communes aux Etats membres. Le Secrétariat général jouera, dans la mesure de ses moyens, un rôle de facilitateur auprès des instances concernées et des Etats membres.

Il mobilisera par ailleurs les moyens nécessaires à la facilitation des échanges économiques et commerciaux entre les pays de la zone. Il contribuera à la mise en place de l'Union douanière COMESA et au renforcement de l'intégration économique régionale par l'amélioration de la gestion des ressources marines et côtières de la zone.

S'agissant de la Réunion, son statut juridique de région ultrapériphérique (RUP) de l'Union européenne autorise une meilleure prise en considération de ses spécificités dans ses relations avec son environnement régional. La COI s'attachera à faciliter la prise en compte de la Réunion dans les négociations sur les APE et à renforcer sa coopération avec les Etats ACP de l'océan Indien dans la perspective d'une politique de codéveloppement durable.


Axe 3 : Le développement régional durable

La COI soutiendra le développement durable de la région du Sud-Ouest de l'océan Indien par :

  • La protection des populations et l'amélioration de leur qualité de vie en matière de santé, de protection des enfants, de sécurité individuelle et collective, de lutte contre les catastrophes naturelles et de prévention des risques liés au réchauffement climatique ;
  • La préservation des ressources halieutiques de l'océan par une amélioration de la connaissance de ces ressources partagées, une rationalisation de leur gestion et un effort soutenu porté à la conservation de la biodiversité marine et côtière ;
  • La préservation des ressources végétales et animales des pays membres par le renforcement de la lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux et contre les épizooties.

L'homme est la finalité même du développement, c'est pourquoi la COI inscrira la protection de ses populations et l'amélioration de leur qualité de vie au premier rang de ses préoccupations. Elle concentrera ses efforts de manière prioritaire sur la lutte contre le VIH/SIDA en privilégiant, avec l'appui de la BAD, d'ONUSIDA et de la Coopération française, la prévention, l'accès aux soins et la lutte contre la stigmatisation.

Dans le même esprit, la COI soutiendra avec l'UNICEF la réalisation d'un Observatoire des droits de l'enfant de la région océan Indien. Et, en matière de sécurité individuelle et collective, elle poursuivra, avec l'appui de la Coopération française, le renforcement des services d'urgence des hôpitaux et des capacités régionales de protection civile.

En matière d'environnement, les pays membres ont une conscience aiguë de leur vulnérabilité écologique et économique, qui trouve son origine dans l'étroitesse des territoires, la limitation des ressources naturelles et la fragilité des écosystèmes insulaires. Les ressources partagées, stocks halieutiques et espèces migratrices, subissent des pressions accrues du fait de l'exploitation et des pollutions. L'érosion côtière et la dégradation de la biodiversité risquent par ailleurs de subir les effets négatifs du changement climatique.

C'est pourquoi, en conformité avec le processus de la Barbade qui a entre autres retenu cet axe d'action lors du Sommet des PEID qui s'est tenu à Maurice, en janvier 2005, la COI apportera une attention toute particulière à la protection de l'environnement régional.
Les Etats membres se félicitent de pouvoir compter à cette fin sur le soutien des bailleurs de fonds, au premier rang desquels l'Union européenne qui, au titre des 8ème et 9ème FED, consacrera près de 45 millions d'euros au financement de projets de la COI contribuant à la protection de l'environnement. La Banque mondiale renforcera également son appui à la lutte contre les déversements d'hydrocarbures, et la Coopération française a marqué son intérêt pour la création d'un réseau d'aires marines protégées.

D'autres actions seront étudiées et d'autres partenariats recherchés, par exemple pour la poursuite du programme de coopération météorologique qui, par la mise en réseau et le renforcement, sous l'égide de la COI, des services météorologiques nationaux de la zone, a obtenu des résultats qui valent d'être salués en matière de prévision des cyclones tropicaux. Forte de cette expérience, la COI est disposée à participer à la prévention d'autres catastrophes naturelles pouvant frapper les pays de l'océan Indien.

Axe 4 : Le renforcement de l'identité culturelle régionale

La COI appuiera le renforcement de l'identité culturelle régionale par :

  • L'intensification des échanges culturels ;
  • Le renforcement de la coopération universitaire et de recherche ;
  • L'accroissement des liens entre les organisations professionnelles, les associations, les organisations de femmes et les mouvements de jeunes, de manière à favoriser le rapprochement entre les peuples ;
  • Une meilleure circulation des idées et des personnes entre les Etats membres.

S'appuyant sur une histoire en grande partie commune et un peuplement partagé, les populations des îles de l'océan Indien se doivent de cultiver leurs atouts communs et de développer le sentiment d'appartenance à une même communauté.

L'identité india-océanique se renforcera par l'inten-sification des échanges culturels, universitaires et associatifs.

Dans le souci de renforcer les manifestations culturelles organisées par les pays membres, l'approche régionale de développement culturel de la COI privilégiera la professionnalisation du milieu, l'émergence des jeunes talents et la valorisation internationale des artistes et des produits culturels de l'océan Indien.
En matière de coopération universitaire et de recherche, la priorité sera donnée au renforcement des échanges entre les établissements universitaires et d'enseignement supérieur de la zone.

En étroite relation avec l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et avec le soutien de l'UNESCO et des bailleurs de fonds, le Secrétariat général appuiera le développement de pôles régionaux d'excellence, l'accès aux formations doctorales régionales et la réalisation de projets visant à la mise en place d'actions partagées de recherche ou de formation à la recherche.
De nombreux programmes conduits dans le cadre de la COI contribuent à la formation de réseaux, notamment dans le domaine du tourisme, du commerce, de la recherche ou des technologies de l'information.

Le Secrétariat général recherchera avec les Etats membres les moyens de consolider ces réseaux après la clôture des projets afin de multiplier les échanges entre les milieux associatifs, professionnels, de femmes ou de jeunes.

3. Un nouvel élan

Tout en clarifiant les objectifs assignés à leur organisation de voisinage, les Etats membres souhaitent donner un nouvel élan à la COI.

Organisation commune indispensable au développement harmonieux de la région, elle est également investie d'une responsabilité particulière dans la valorisation des petits Etats insulaires auprès des organisations internationales et dans la préservation des valeurs et des intérêts de ses Etats membres au sein de l'ensemble plus vaste que forme la sous-région Afrique orientale et australe.

Les Etats membres prendront toutes dispositions pour que, dans l'intervalle des sessions du Conseil, leurs représentants disposent des moyens de jouer pleinement leur rôle de relais entre le Secrétariat général et leurs autorités ministérielles, les administrations nationales ainsi que l'ensemble des acteurs nationaux de la coopération régionale.

Ils saluent la contribution du Secrétariat général au développement de la région. Ses moyens seront renforcés et sa structure professionnalisée pour faire face à l'augmentation de ses activités. En effet, alors qu'en 15 années il a drainé 150 millions d'euros de financements externes, le Secrétariat général assurera en 2005 et 2006 la maîtrise d'ouvrage d'une vingtaine de programmes actifs pour un montant approchant 85 millions d'euros.

La réalisation des objectifs définis dans le présent document d'orientation nécessitera un renforcement de la collaboration de la COI avec d'autres institutions régionales et internationales dans la mise en œuvre des objectifs communs.

Grâce au soutien constant de l'Union européenne depuis sa création, renforcé plus récemment par l'arrivée de nouveaux partenaires (agences des Nations Unies, Banque mondiale et BAD), la COI est devenue une véritable plate-forme de coopération régionale. Elle poursuivra ses efforts de diversification des bailleurs de fonds.

Encore trop mal connue à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières, la COI doit accroître la mobilisation des élites, des acteurs économiques, des organisations de la société civile et des médias, qui sont ses relais naturels vers l'opinion publique.

A cette fin, une politique de communication sera définie par le Secrétariat général et mise en œuvre avec le soutien des Etats membres, afin de mieux valoriser les actions menées au niveau régional pour améliorer les conditions matérielles et le " vivre ensemble " des populations réunies en son sein.

En renouvelant le pacte politique qui a présidé à la signature de l'accord de Victoria, ces orientations stratégiques doivent permettre aux Etats membres de la COI de valoriser leur patrimoine commun et de renforcer leur solidarité pour un développement durable de la région.



Document approuvé par le 21ème Conseil de la COI, le 16 janvier 2005





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