EXTRAIT DU DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEVANT L'INSTITUT DES HAUTES ETUDESDE DEFENSE NATIONALE(PARIS - VENDREDI 8 JUIN 2001)

EXTRAIT DU DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DEVANT L'INSTITUT DES HAUTES ETUDES DE DEFENSE NATIONALE (PARIS - VENDREDI 8 JUIN 2001)

Bruxelles ( Belgique ) - Vendredi 8 juin 2001


(...) L'évolution des menaces et des technologies contribue également à réduire les distances, et peut transporter, au coeur même du territoire national, la violence d'affrontements qui se déroulent loin de nos frontières. Chacun garde en mémoire les actions terroristes menées en France il y a quelques années. Et il est indéniable que les risques associés à la prolifération, même s'ils n'ont rien de nouveau, prennent une autre dimension lorsqu'ils allient le caractère dévastateur des armes dites de destruction massive aux moyens de les propulser à longue distance grâce aux technologies balistiques.

Comme vous le savez, ce dernier sujet vient d'être placé au coeur du débat stratégique par les propositions de nos alliés américains. Nous ne contestons pas les dangers de la prolifération balistique, tout en ayant une analyse différente de l'ampleur de la menace et de son évolution possible dans le temps. Il ne peut y avoir de réponse unique à ce problème qui s'inscrit dans le cadre d'une réflexion plus large sur les nouvelles conditions de la sécurité. Cette réflexion est engagée. Le tout prochain Sommet de l'OTAN sera l'occasion de l'approfondir. Nos réflexions et nos interrogations sont connues. Elles demeurent mais nous souhaitons poursuivre le débat, un vrai débat fondé sur l'échange et le dialogue. (...)

(...) Première puissance nucléaire à avoir éliminé les systèmes sol-sol, la France a ratifié en avril 1998 le traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Et, seule parmi les puissances nucléaires, elle a entrepris le démantèlement de son centre d'expérimentation et de ses installations de production de matière fissile pour les armes nucléaires.

Cette contribution au désarmement nucléaire s'inscrit dans une politique constante de refus de la course aux armements, politique qui me paraît plus que jamais d'actualité.

La France, qui, pour sa part, a déjà fait cet effort considérable, ne peut donc que se réjouir des initiatives qui tendraient à une réduction importante des arsenaux existants.

En prenant les devants, notre pays a souhaité créer une dynamique plus générale qui devrait notamment se traduire par l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais et l'ouverture de la négociation sur le traité d'interdiction de la production de matières fissiles.

Je ne vous cache pas ma préoccupation quand je constate l'impasse dans laquelle se trouvent depuis plusieurs mois les travaux de la Conférence du désarmement à Genève. La négociation d'un traité sur l'interdiction de production de matières fissiles, décidée en 1995, n'a toujours pas commencé et l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais est suspendue à son processus de ratification.

S'agissant de l'arme biologique, peut-être la plus redoutable des armes de destruction massive, la convention d'interdiction de 1972 reste incomplète, faute d'un protocole de vérification dont la négociation est bloquée. Nous connaissons les difficultés rencontrées, mais elles sont surmontables si la volonté politique existe. Les enjeux sont tels que nous devons aboutir.

Plus généralement, il faut redonner un élan aux efforts de non-prolifération, arrêter la dérive. Je n'ignore pas les failles qui ont pu exister dans les régimes de contrôle mis en place, mais les entorses à la règle ne doivent pas conduire à l'abandonner. Au contraire, il faut en tirer les leçons pour l'améliorer et la renforcer. Les chantiers engagés doivent être approfondis et conclus. De nouvelles pistes doivent être explorées, notamment pour empêcher la prolifération balistique par un meilleur contrôle du transfert des technologies. Le code de conduite qui s'inscrit dans le cadre du MTCR doit viser à l'universalité.

L'Union européenne a une contribution particulière à apporter sur ces sujets qui constituent l'un des thèmes centraux de la politique étrangère et de sécurité commune. Dans le domaine spatial les pays européens, en particulier les membres de l'Agence Spatiale Européenne, disposent d'une expertise reconnue. Je souhaiterais que soit étudiée la possibilité de faire bénéficier de conditions privilégiées de lancement par Arianespace, les pays qui renonceraient à se doter de capacités balistiques propres. Compte tenu des enjeux en cause, et de l'implication traditionnelle des pays européens sur ces sujets, la France serait favorable à ce que l'Union prenne l'initiative d'une conférence internationale destinée à relancer à un niveau politique les efforts de non-prolifération balistique. C'est un sujet que j'évoquerai lors du prochain Conseil européen à Göteborg, en Suède.

Parallèlement à ces efforts prioritaires en vue d'un meilleur contrôle des armements, nous n'excluons pas la possibilité de rechercher des réponses militaires à certains défis posés par la prolifération. Mais il faut veiller à ce que cette démarche ne remette pas en cause des équilibres qui sont fondamentaux pour la sécurité internationale.

La non-militarisation de l'espace en est un élément essentiel. Elle a été préservée jusqu'ici en dépit de toutes les tentations de la guerre froide. Elle doit être maintenue. Il ne serait de l'intérêt de personne que soit ouverte cette nouvelle boîte de Pandore. Nul ne pourrait maintenir un monopole dans ce domaine. Il en résulterait une nouvelle course aux armements dont l'issue serait désastreuse pour le monde.

Dans le même esprit, la France constate que le traité ABM a scellé l'équilibre stratégique des trente dernières années. Les Etats-Unis souhaitent aujourd'hui définir un nouveau cadre pour cet équilibre. Il appartient avant tout à la Russie de se prononcer sur cette proposition. La France n'ignore pas pour sa part que le monde a changé et que les conditions mêmes de cet équilibre doivent être redéfinies. Mais elle souhaite que le traité ABM, bien qu'il soit inspiré d'un monde bipolaire qu'elle a toujours dénoncé, ne soit pas écarté au profit d'un système non contraignant. Un système qui, sous couvert de multipolarité, ouvrirait la voie à de nouvelles compétitions non maîtrisées. Et j'appelle à peser avec soin ce que signifierait une telle évolution. Là encore, la France est prête à contribuer au débat dans un esprit d'ouverture, mais sans renoncer à ses convictions. (...)
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(...) Chacun sait le chemin parcouru depuis Saint-Malo.

Aboutissement des travaux conduits à Helsinki et Lisbonne, le Sommet de Nice en a constitué une étape majeure. La création d'organes permanents au sein de l'Union Européenne va lui permettre de décider et d'agir en pleine autonomie, avec ou sans recours aux moyens de l'OTAN, pour prévenir ou gérer les crises qui affecteraient sa sécurité. Mais surtout, les objectifs de capacités militaires sur lesquels se sont engagés les Quinze constituent le socle de ce projet qui se veut avant tout concret et réaliste.

Disposant déjà d'une large gamme d'instruments économiques, financiers, humanitaires, l'Europe, en se dotant d'une capacité d'action militaire, devient un acteur politique complet.

Que la France et la Grande-Bretagne, chacune avec ses traditions propres, aient pu tracer la voie de la défense européenne en dit long sur l'enjeu de cette aventure commune.

L'engagement de l'Allemagne et de nos principaux partenaires, le volontarisme et la solidarité des Quinze ont permis de jeter les bases de ce projet.

Notre conception de l'Europe de la défense ne s'oppose en rien à l'OTAN qui demeure naturellement le fondement de la sécurité collective des Alliés. Elle la renforce par l'affirmation d'un partenariat d'autant plus solide qu'il sera mieux équilibré.

Et à ceux qui soupçonneraient la France de vouloir affaiblir le lien transatlantique, nous pouvons sereinement opposer le poids de nos contributions aux opérations de l'Alliance. Faut-il rappeler ici que c'est un général français qui prendra en octobre, pour un an, le commandement de la KFOR au Kosovo ? (...)

(...) Des choix fondamentaux s'imposent aujourd'hui, tant dans la construction de l'Europe de la Défense que pour l'évolution et l'adaptation de nos forces armées.

Au sein de l'Union européenne, il faut tenir le cap, mener à bien le programme arrêté au Conseil de Nice et renforcer l'Europe de l'armement.

Les enjeux de cette période d'installation et de transition nous sont connus. L'objectif prioritaire doit être de réaliser et d'améliorer les capacités d'action des Quinze. C'est pourquoi nous attachons une importance particulière à la conférence d'engagement de capacités qui se tiendra sous présidence belge pour combler les lacunes qui ont été identifiées.

Je souligne à cet égard que nos amis américains, qui font eux-mêmes un effort considérable, n'ont pas tort quand ils disent qu'ils jugeront la défense européenne à l'aune des efforts budgétaires qui seront consentis par les Quinze, c'est-à-dire par chacun d'entre nous.

Nos efforts doivent être à la mesure de nos ambitions.

Il appartiendra donc aux ministres de la Défense de l'Union de s'assurer que les objectifs de capacités sont bien atteints et de les actualiser par des réunions spécifiques où ils joueront pleinement leur rôle.

Notre deuxième objectif, pour cette année de transition, doit être de consolider l'équilibre des relations entre l'Union et l'Alliance, en évitant toute duplication inutile, en facilitant entre elles la concertation et la coopération, mais sans remettre en cause l'autonomie de décision des Quinze et leur capacité d'agir, le cas échéant, avec leurs seuls moyens.

Soyons efficaces et évitons, dans ce domaine, tout dogmatisme. (...)

(...) La dissuasion nucléaire est au coeur des moyens qui permettent à la France d'affirmer le principe d'autonomie stratégique, dont découle notre politique de défense.

Elle est aujourd'hui, grâce aux efforts consentis de manière continue depuis le Général de Gaulle, un fondement essentiel de notre sécurité et elle le restera pendant de longues années encore dans le nouveau contexte stratégique où elle garde tout son sens et toute son efficacité. (...)

(...) Alors même que des arsenaux considérables existent encore ou se développent dans diverses parties du monde, cette garantie reste pour nous fondamentale.

La dissuasion doit également nous permettre de faire face aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d'armes de destruction massive.

J'évoquais tout à l'heure le développement par certains Etats de capacités balistiques qui pourraient leur donner les moyens, un jour, de menacer le territoire européen avec des armes nucléaires, biologiques ou chimiques. S'ils étaient animés d'intentions hostiles à notre égard, les dirigeants de ces Etats doivent savoir qu'ils s'exposeraient à des dommages absolument inacceptables pour eux.

Et dans ce cas, le choix ne serait pas entre l'anéantissement complet d'un pays ou l'inaction. Les dommages auxquels s'exposerait un éventuel agresseur s'exerceraient en priorité sur ses centres de pouvoir, politique, économique et militaire. Naturellement, par essence, l'arme nucléaire est différente et le monde l'a compris. Ce que j'affirme, devant vous, c'est que la France, fidèle à son concept de non-emploi, a et conservera les moyens de maintenir la crédibilité de sa dissuasion face à toutes les nouvelles menaces.

Enfin, notre dissuasion nucléaire doit aussi, c'est le voeu de la France, contribuer à la sécurité de l'Europe. Elle participe ainsi à la capacité globale de dissuasion que peuvent exercer, ensemble, les démocraties réunies par le traité de sécurité collective conclu, il y a plus de cinquante ans, entre l'Europe, les Etats-Unis et le Canada. (...).





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