La République fédérale de Yougoslavie : La situation intérieure

La République fédérale de Yougoslavie : La situation intérieure

Jeudi 5 octobre 2000

I - Situation politique

  • Perceptibles dès le 5 octobre 2000, les difficultés entre le Président Kostunica et le Premier Ministre serbe, M. Zoran Djindjic, n'ont pas disparu. Le Président fédéral continue à bénéficier d'une forte popularité en Serbie (66% d'opinions positives) malgré la faiblesse structurelle de son parti (le DSS). Le Premier Ministre Djindjic peut de son côté s'appuyer sur un parti mieux organisé (le DS) et détient avec son gouvernement l'essentiel des pouvoirs dans le pays, à l'exception de la défense, des affaires étrangères et de la monnaie, réservées à la Fédération.

Les différences portent notamment sur la lutte contre la criminalité organisée ("affaire Gavrilovic", ancien dirigeant des services de sécurité assassiné le 3 août), la coopération avec le TPIY (mutinerie des "bérets rouges"), voire le Kosovo (sanctions des dissidents serbes). Elles conduisent à une polarisation de la DOS autour de leur parti respectif, le DSS (25% environ d'intentions de vote) et le DS (15 à 20%). Le DSS (parti de M. Kostunica) s'est retiré du gouvernement de Serbie le 17 août et s'est présenté en dehors de la coalition lors d'élections locales extraordinaires le 4 novembre.

Conscients des implications de la situation, le Président et le Premier Ministre se refusent toutefois à des élections anticipées et à un éclatement de la coalition. Mais la montée des revendications sociales, la question en suspens de la révision constitutionnelle en RFY (statut du Monténégro) et en Serbie (revendications autonomistes de la Voïvodine) et celle de la coopération avec le TPIY constituent d'autres sources de conflit.

Parallèlement, le mécontentement grandit dans la société serbe, impatiente de voir son niveau de vie s'améliorer après dix années de domination du régime précédent, de guerre et de gabegie économique qu'elle aspire avant tout à oublier.

  • Tandis que le Monténégro fonctionne de facto comme un Etat quasi-indépendant, la scène politique monténégrine reste profondément divisée entre les partisans de l'indépendance et les partisans d'un maintien dans le cadre fédéral comme l'ont montré les résultats des élections législatives anticipées d'avril 2001.

Cette division pèse sur la viabilité du gouvernement minoritaire de M. Vujanovic, qui reste tributaire de l'accord post-électoral signé avec les indépendantistes radicaux de l'Alliance libérale. La reprise cet été du dialogue entre le Président Djukanovic et le chef du principal parti d'opposition, attaché au cadre fédéral, en vue de la formation éventuelle d'un gouvernement de coalition, a créé de nouvelles tensions au sein du gouvernement. Les récents sondages montrent une opinion publique toujours aussi divisée sur la question de l'indépendance.

La question montégrine pèse sur les relations de la RFY avec les institutions internationales (IFIs et UE) et le processus de réformes tant en Serbie qu'au Monténégro.

Les négociations tripartites (RFY/Monténégro/Serbie) sur l'avenir du cadre fédéral, qui se sont tenues à Belgrade le 26 octobre, n'ont pas abouti. Après avoir donné son accord pour l'organisation d'un référendum au Monténégro, le Président Kostunica semble depuis désireux de reprendre le dialogue avec Podgorica sur l'avenir de la Fédération et il est prêt à amender la plate-forme adoptée par le gouvernement fédéral en août, pourvu que le projet d'Etat commun prévale.

Malgré les messages de fermeté de l'UE (Conseil Affaires Générales du 19 novembre, mission de M. Solana à Belgrade et Podgorica les 27 et 28 novembre), le Président Djukanovic reste attaché à son programme indépendantiste. Il n'envisage la reprise du dialogue avec Belgrade qu'à condition que soit examinée sa propre plate-forme (projet d'union de deux Etats indépendants) en même temps que celle du gouvernement fédéral.

  • Depuis le retour, sur autorisation de l'OTAN, des forces gouvernementales dans l'ensemble de la zone de sécurité terrestre (GSZ), le 31 mai, la situation sécuritaire dans le sud de la Serbie demeure relativement calme. Toutefois, la coexistence entre les communautés albanaise et serbe reste tendue (meurtre de deux policiers serbes revendiqué par une "armée de libération albanaise" (AKSH).

Le plan Covic est entré dans sa troisième phase ("stade du maintien de l'ordre et de la sécurité"). Le retour des personnes déplacées (retour de 95% des Albanais ayant quitté la Serbie du Sud au début de l'année) et la création d'un corps de police mixte constituent des avancées majeures. Mais le programme de reconstruction de la région, dont la situation économique est désastreuse, et les mesures d'intégration politique des Albanais (redécoupage électoral, accès à la fonction publique) tardent à se mettre en place, alimentant amertume et méfiance réciproque.

L'on assiste depuis cet été à un regain de tensions inter-ethniques sur le terrain –création d'une "Armée de libération nationale du Kosovo oriental-UCKL", attentat contre des Albanais participants à la police multi-ethnique le 12 novembre- et sur le plan politique.

Des élections municipales anticipées fin janvier ou début février 2002 pourraient néanmoins être organisées.

  • Le Kosovo demeure un sujet particulièrement sensible dans l'opinion publique et chez les responsables politiques yougoslaves et serbes.

Les autorités de Belgrade ont adopté une attitude coopérative sur la province et ont renforcé leurs relations avec la MINUK (ouverture d'un bureau de la MINUK à Belgrade, signature d'un document conjoint le 5 novembre). Ecartant jusqu'à présent la question du statut final, elles manifestent leur attachement à l'application de la résolution 1244 et, en particulier, au respect de l'intégrité territoriale de la RFY.

Leur engagement en faveur des élections générales du 17 novembre au Kosovo (appel à l'enregistrement, appel lancé les 3 et 15 novembre par le Président Kostunica à la participation, adoption le 5 novembre du document conjoint MINUK-RFY) a été décisif : le taux de participation des Serbes kosovars a atteint 46% au Kosovo et 57% en Serbie/Monténégro. Ces chiffres peuvent être considérés comme un succès, compte-tenu de l'hostilité aux élections manifestée par certains dirigeants serbes locaux et de la brièveté de la compagne électorale de la coalition "Pour le retour", animée par M. Covic.

En plus des 10 sièges qui lui sont réservés par le Cadre constitutionnel pour l'autonomie provisoire, la coalition serbe "Pour le retour" obtient, avec 11,34% des voix, 12 sièges, ce qui en fait la troisième force à l'Assemblée, après la LDK (47 sièges), le PDK (26 sièges) et loin devant l'AAK (8 sièges). Deux sièges de la Présidence collégiale de l'Assemblée et un portefeuille ministériel au sein du futur gouvernement lui seront par ailleurs attribués.

II - Coopération avec le TPIY

Après la décision du Premier Ministre serbe de procéder au transfèrement de Milosevic à La Haye, en court-circuitant l'échelon fédéral, les relations entre la RFY et le TPIY se sont améliorées.

Cependant, sur le plan national, la coopération avec le TPIY souffre encore de l'absence de cadre juridique. En outre, plusieurs inculpés réclamés par le Tribunal seraient présents sur le territoire yougoslave. Cette question a notamment été évoquée par Mme Carla Del Ponte lors de sa dernière visite à Belgrade le 22 octobre. Début novembre, le DSS a proposé de soumettre un nouveau projet de loi sur la coopération avec le TPIY au Parlement de Serbie, et non à l'échelon fédéral, ce qui pourrait faire évoluer la situation.

III - Situation économique

Les réformes ambitieuses engagées par les autorités yougoslaves (réformes structurelles, discipline budgétaire, restructuration du système bancaire, privatisations) donnent lieu à des résultats encourageants en matière de stabilisation macro-économique. L'inflation, de 113% en 2000, devrait atteindre 40% en 2001 et le déficit public consolidé 2,5% du PIB. Les réserves de la banque nationale sont en hausse et la confiance monétaire paraît retrouvée.

Malgré ces progrès sensibles, la RFY reste confrontée à :

  • une économie exsangue : une dette extérieure de 11,7 milliards de dollars, avec un ratio d'endettement de 145% du PIB, un PIB qui en 2000 représentait 40% de celui de 1990 (de 800 à 1200 dollars par habitant), un déficit de la balance commerciale qui devrait atteindre 3 milliards de dollars en 2001, soit 15% du PIB (les exportations ont chuté de 70% par rapport à 1990 et les importations de 50%), un recul de la production industrielle (-3,5% sur les huit premiers mois de l'année), une économie parallèle estimée à 1/3 du PIB et une influence croissante de la criminalité organisée.
  • une situation sociale difficile : un taux de chômage de près de 30% de la population, un million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et 650 000 réfugiés et personnes déplacées.

La politique de réformes conduite par les autorités yougoslaves, qui ont opté pour une stratégie de transition rapide, tournée vers l'Union européenne, impose de grands sacrifices à la population. Elle suppose le maintien d'un soutien important de la communauté internationale. Celui-ci s'est manifesté le 16 novembre par l'obtention de conditions favorables pour la RFY au Club de Paris (allègement de 66% des dettes, qui s'élèvent à 4,2 Mds dollars).

DECEMBRE 2001





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