Allocution du Secrétaire général des Nations Unies, lors de de la Conférence ministérielle sur les sources innovantes de financement du développement

Allocution prononcée par M. Kofi ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, lors de l'ouverture de la Conférence ministérielle sur les sources innovantes de financement du développement


Paris, le 28 février 2006


Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Éminentes personnalités,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi de participer à cette Conférence, et je remercie le Président Chirac, ainsi que ses collègues, de l'avoir organisée.

Le Président Chirac fait preuve de beaucoup de dynamisme dans la recherche de sources novatrices de financement du développement susceptibles de faciliter la réalisation des objectifs du développement. Après la Conférence de Monterrey il y a quatre ans, c'est sous sa houlette qu'un groupe d'experts a réalisé, pour compléter les recherches de l'Université des Nations Unies, une étude technique qui a eu beaucoup de retentissement. Et il y a deux ans, il a contribué à créer une dynamique politique soutenue en lançant avec le Président brésilien, M. Lula, et le Président chilien, M. Lagos, ainsi que d'autres dirigeants, une initiative connue sous le nom d'Action contre la faim et la pauvreté.

Jusqu'il y a peu, les débats sur les moyens novateurs de financer le développement étaient pour l'essentiel exploratoires. Ici, à Paris, nous passons au stade suivant : nous sommes réunis pour parler de la mise en œuvre de propositions concrètes.

Soyons bien clair : ce serait pêcher par excès d'optimisme que de croire que les sources de financement novatrices permettront à elles seules de mobiliser suffisamment de ressources pour que les objectifs du Millénaire puissent être atteints. Et si même nous atteignons les objectifs du Millénaire, nous n'aurons pas pour autant eu raison de la misère; il nous faudra encore une stratégie à long terme pour financer l'élimination totale de la pauvreté. C'est précisément pourquoi il demeure essentiel que tous les pays développés portent les montants qu'ils consacrent à l'aide publique au développement à 0,7 % de leur produit national brut, suivant l'objectif fixé depuis longtemps, et que tous les pays continuent de s'efforcer de rendre l'économie mondiale et le régime commercial international plus ouverts, plus équilibrés, plus justes et plus transparents.

Les sources de financement novatrices ne doivent pas être considérées comme des substituts des formes traditionnelles d'aide, mais comme des moyens de mobiliser davantage de ressources et de les acheminer plus efficacement. Des possibilités extrêmement prometteuses sont actuellement explorées.

Je trouve très encourageant le projet pilote annoncé par le Chili et la France, qui permettra de mobiliser des ressources moyennant une légère majoration du prix des billets d'avion. Le Royaume-Uni se propose aussi de consacrer au développement les recettes dégagées par une taxe semblable déjà prélevée actuellement. Les initiatives de ce type ont beaucoup d'avantages : elles sont concrètes, elles vont chercher l'argent là où il se trouve, elles peuvent être mises en œuvre rapidement et elles sont suffisamment souples pour que d'autres pays puissent s'y associer plus tard.

Le Brésil, la France et d'autres pays envisagent déjà d'utiliser des fonds de sources nouvelles pour alimenter une facilité internationale d'achat de médicaments qui permettrait d'accroître la production d'antirétroviraux et d'en faciliter l'accès aux personnes porteuses du VIH ou atteintes du sida. Cette facilité pourrait aussi contribuer à stabiliser sur le long terme le prix des médicaments, ainsi que l'offre et la demande, à un moment où les pays développent leurs services thérapeutiques pour que tous ceux qui en ont besoin puissent en bénéficier. Sur les 6,5 millions de personnes qui ont besoin immédiatement d'antirétroviraux, seuls un million peuvent se les procurer. La situation des enfants me touche tout particulièrement. En collaboration avec l'OMS, ONUSIDA et d'autres partenaires, l'UNICEF travaille à la mise au point d'un mécanisme d'achat de médicaments et d'outils diagnostiques pédiatriques qui viendrait compléter la facilité internationale.

J'exhorte les autres pays à s'associer à cette facilité, dont j'espère que les modalités seront arrêtées dès que possible, et de préférence avant la fin mai, moment où l'Assemblée générale des Nations Unies tiendra sa prochaine réunion de haut niveau sur le VIH/sida. Je rappelle aussi qu'il importe de veiller à ce que les initiatives visant à réunir des fonds pour combattre le sida se complètent les unes les autres sans faire double emploi avec les mécanismes du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, de l'OMS et de la Banque mondiale qui ont déjà fait leurs preuves.

J'exhorte aussi tous les pays à soutenir la Facilité de financement internationale proposée par le Royaume-Uni, qui a le mérite de prévoir un versement précoce des fonds, ce qui permettrait de donner le coup de pouce financier nécessaire à la réalisation des objectifs du Millénaire d'ici à 2015. Je soutiens sans réserve le projet pilote lancé en septembre dernier dans le domaine de la vaccination et félicite sincèrement tous les pays qui y participent pour leur hauteur de vue et leur détermination. Je les engage à faire tout leur possible pour que ce projet d'avenir aboutisse.

Le Président Chirac a également proposé la création d'un groupe de promotion des taxes de solidarité pour le développement, qui s'efforcerait de mobiliser un appui accru en faveur des taxes sur les billets d'avion. Je remercie le Gouvernement français d'avoir accepté d'accueillir le secrétariat permanent de ce groupe et vous encourage tous à continuer de coopérer étroitement avec les organisations internationales et non gouvernementales intéressées, dont bien sûr l'ONU, par l'intermédiaire de son Département des affaires économiques et sociales et de son Bureau pour le financement du développement.
Mesdames et Messieurs,

En matière de financement du développement, la créativité s'impose.

Nous devons trouver des moyens de renforcer l'incidence sur le développement des fonds que les travailleurs immigrés renvoient chez eux dans les pays en développement.
Nous devons lutter plus efficacement contre la fraude fiscale, qui prive les autorités nationales de précieuses recettes.

Et en toute logique, nous devrions, si possible, trouver les moyens de générer à partir des « maux collectifs mondiaux », par exemple la surpêche, des ressources susceptibles d'être consacrées aux biens collectifs mondiaux.

Le financement du développement appelle aussi un certain courage politique. Il ne faut pas que des idées soient écartées uniquement parce qu'elles risquent de susciter des controverses. Les besoins des êtres humains doivent être notre premier souci. Mais il faut aussi que notre but soit bien compris : il ne s'agit absolument pas de donner à l'ONU un droit de regard sur les ressources de ses membres ou de lui confier la gestion d'immenses sommes d'argent. Ce que nous voulons, c'est mobiliser les pays, individuellement ou ensemble, pour qu'ils trouvent par eux-mêmes, de leur propre initiative, des moyens d'augmenter considérablement le volume de l'aide apportée aux populations pauvres du monde.

Pour ma part, je continue à prôner des réformes qui feront de l'ONU un instrument de développement et de paix réellement efficace et comptable. Dans deux jours, je proposerai une nouvelle série de réformes de la gestion allant précisément dans ce sens.

Les idées lancées et examinées ici aujourd'hui renferment un énorme potentiel. Je vous remercie une fois de plus de votre attachement à l'Organisation des Nations Unies et à la cause d'un monde prospère et plus équitable où personne ne connaîtra plus la faim.

Merci beaucoup.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2006-02-28 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité