Discours du chancelier fédéral Gerhard Schröder lors de la cérémonie du cinquantenaire de la Chambre ranco-allemande de Commerce et d'Industrie.

DISCOURS
DU CHANCELIER FEDERAL, GERHARD SCHRÖDER
LORS DE LA CEREMONIE
DU CINQUANTENAIRE DE LA CHAMBRE FRANCO-ALLEMANDE
DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE

PARIS, LE 26 AVRIL 2005

Monsieur le Président de la République,
Monsieur Braun,
Monsieur Schwarz-Schütte,
Mesdames, Messieurs,
La Chambre franco-allemande de Commerce et d'Industrie fête cette année son cinquantième anniversaire. Je souhaite la féliciter très vivement à cette occasion.
Monsieur Schwarz-Schütte, vous et vos prédécesseurs avez accompli un travail exemplaire. Alfred Freiherr von Oppenheim, votre prédécesseur décédé récemment, aurait sûrement été fier de célébrer avec nous ce cinquantenaire. Qui aurait seulement osé rêver il y a cinquante ans que nos deux pays puissent devenir l'un
pour l'autre le premier partenaire politique et en même temps économique.
Nos échanges commerciaux qui se chiffrent à 130 milliards d'euros garantissent plusieurs centaines de milliers d'emplois dans nos deux pays. Cela, nous le devons à l'assiduité de nos entreprises. La Chambrefranco-allemande a elle aussi tout lieu d'en être fière.

Des échanges commerciaux de cet ordre ne se limitent pas aux relations commerciales. Ils engendrent aussi des amitiés personnelles durables. Dans ce contexte, je salue l'offensive franco-allemande pour la mobilité adoptée aujourd'hui en conseil des ministres. L'enjeu de cette offensive est d'inciter de nouveau davantage d'Allemands et de Français à comprendre et à utiliser la langue du partenaire.

Le marché intérieur européen est incontestablement à l'origine des liens profonds entre nos deux économies. Il a libéré des forces insoupçonnées et nous a apporté une prospérité accrue. La majeure partie des exportations provenant de l'Allemagne et de la France a pour destination, on le sait, les autres pays de l'Union européenne. Si nous voulons sauvegarder notre prospérité demain, nous devons accroître notre compétitivité. Tel est le motif de ma politique de réforme en Allemagne et, pour autant que je sache, celui de la politique du président français. Même si l'Allemagne et la France se font souvent concurrence sur les marchés mondiaux, les défis de la mondialisation nous engagent à renforcer notre coopération, en particulier dans le domaine des innovations.
Quoi de plus logique dans ces conditions que d'unir nos efforts? Je me réjouis donc tout spécialement des propositions soumises par le groupe de travail franco-allemand dirigé par deux industriels avisés comme MM. Cromme et Beffa. Dans la multitude de projets qui ont été débattus au sein du groupe de travail, quatre projets exceptionnels ont été sélectionnés, notamment concernant les télécommunications. Ils sont développés conjointement par des entreprises et des instituts de recherche allemands et français, et soutenus par nos deux gouvernements. Le président Chirac et moi-même sommes fermement décidés à continuer de développer cette coopération.

Mesdames, Messieurs,

L'unification européenne est une réussite unique dans l'histoire de notre continent.

La paix et la démocratie, la prospérité et la solidarité sont indissociablement liées à notre voie européenne commune. La France a ouvert à l'Europe cette voie vers un avenir commun tout en tendant la main à l'Allemagne. De grands Européens français comme Jean Monnet et Robert Schuman se sont engagés en faveur d'une Europe unie avec une force visionnaire et une grande détermination. Sans la France, sans la
réconciliation franco-allemande et sans notre conviction commune d'une Europe forte et sociale, il n'y aurait pas de projet européen.

L'Allemagne et la France ont fait avancer ensemble l'Union européenne. Elles sont et restent le moteur du développement européen. Elles ont été très largement à l'origine des grands progrès réalisés dans le cadre de la construction de l'Europe: le marché commun, l'euro, l'espace Schengen et une politique étrangère et de défense commune. La France et l'Allemagne se sont inspirées de ce que j'appelle le modèle social européen. Ce modèle est centré sur l'homme. Le marché est la meilleure forme d'organisation de l'activité économique, mais ce n'est pas une fin en soi. Il s'agit essentiellement de permettre à chacun de participer à la richesse et de faire entendre sa voix au sein de la société, de l'associer à la prospérité acquise collectivement. La productivité économique et la solidarité sociale ne sont pas à l 'opposé l'une de l'autre; ce sont les deux côtés d'une même médaille.
Voilà précisément ce qui distingue notre modèle social européen. L'Allemagne et la France sont déterminées à défendre ce modèle également à l'ère de la mondialisation. Pour participer aux décisions dans le monde et préserver notre modèle social européen, notre seule possibilité est une Europe forte et unie. Et pour cela, il
nous faut la Constitution européenne.

Mesdames, Messieurs,

C'est Jean Monnet qui, dès les années 50, a lancé l'idée d'une Constitution européenne. Comme pour tant d'autres choses en Europe, il a fallu ici aussi avancer progressivement et avec détermination. La France et l'Allemagne ont été les principales initiatrices du processus constitutionnel. C'est l'ancien président français
Giscard d'Estaing qui, à la tête de la Convention, a accompli les travaux préparatoires décisifs en vue de la Constitution.

Les initiatives franco-allemandes ont marqué le résultat des travaux de la Convention et ont été intégrées dans la Constitution. Bien entendu, cette dernière est un compromis, mais un bon compromis. Les valeurs qui sont ancrées dans la Constitution font partie du canon des valeurs fondamentales de la démocratie européenne, à savoir liberté, justice, solidarité et égalité entre les femmes et les hommes.

Ce sont là des valeurs et des objectifs qui remontent aussi et surtout à la Révolution française. La Constitution européenne renforce la démocratie et elle est davantage à l'écoute des citoyens. Elle accorde davantage de droits d'information et de contrôle aux parlements nationaux. Le Parlement européen obtient des droits de participation accrus. Ce qui implique une plus grande influence des citoyens sur la politique européenne. La Constitution veille à ce que l'Union européenne élargie conserve sa capacité de décision et reste gouvernable. Elle apporte une claire répartition des compétences entre ce qui demeure du ressort des États membres et ce qui doit être décidé ensemble à l'échelon européen. La Constitution renforce la voix de l'Europe dans le monde.

L'Europe a toujours été en particulier pour la France un projet lui permettant de s'affirmer: non pas pour commander les autres mais pour participer sur un pied d'égalité à la construction d'un monde juste et fondé sur la coopération. L'Europe doit faire face à sa responsabilité. Pour cela, nous avons besoin du président du Conseil européen prévu par la Constitution et du ministre européen des Affaires étrangères. Et pour finir: la
Constitution renforce la dimension sociale de l'Union européenne.

Une économie sociale de marché qui aspire au plein emploi et au progrès social fait partie des objectifs déclarés de notre Union. La Charte des droits fondamentaux, qui fait partie intégrante de notre Constitution, contient des droits importants pour les travailleurs ainsi que des droits sociaux que toute citoyenne européenne ou tout citoyen européen peut exiger devant les tribunaux. Dans toute l'histoire de l'Union européenne, aucun traité n'a renforcé la dimension sociale de l'UE comme le fera la Constitution européenne.
La mise en équation de la Constitution et du grignotage des acquis sociaux est donc purement et simplement fausse. Ni le président Chirac ni moi-même n'aurions jamais donné notre assentiment s'il en avait été ainsi.

L'Allemagne et la France préconisent à la fois une Europe économiquement forte et une Europe sociale. Aux côtés du président Chirac, je me suis donc engagé pour que le pacte de stabilité et de croissance soit réformé afin qu'il puisse être appliqué à l'avenir dans un sens propice à la croissance. Nous y sommes parvenus.
Avec le président Chirac, j'ai également œuvré pour que la directive sur les services ne soit pas adoptée dans la version proposée par la Commission. Le marché intérieur des services offre, nul ne saura le nier, des possibilités de croissance et d'emploi. Ces chances ne doivent cependant pas s'accomplir au prix du dumping
salarial, d'une baisse des normes sociales et, de façon générale, d'un nivellement par le bas. La France et l'Allemagne y veilleront ensemble.

Mesdames, Messieurs,

Le gouvernement fédéral s'est mobilisé dès le départ pour que la Constitution européenne soit ratifiée en Allemagne dans les meilleurs délais. Je suis certain que le Bundestag ratifiera la Constitution européenne à une écrasante majorité le 12 mai prochain. Nous disons "oui" à la Constitution parce que nous sommes convaincus qu'elle consolide notre communauté européenne de valeurs, parce que nous pouvons bâtir avec elle l'Europe démocratique et sociale, et parce que nous voulons une Europe qui fasse entendre sa voix dans le monde. En adoptant la Constitution, nous voulons également émettre un signal positif à l'adresse des citoyennes et citoyens français: Dites "oui" à la Constitution européenne!

La France a besoin de l'Europe, et l'Europe de la France.





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