Interview télévisée à l'occasion de la fête nationale

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Paris - Palais de l'Elysée - mercredi 14 juillet 2004

INTERVIEW TELEVISEE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

A L'OCCASION DE LA FETE NATIONALE

INTERROGE PAR

PATRICK POIVRE D'ARVOR - ARLETTE CHABOT

***

PALAIS DE L'ELYSEE

MERCREDI 14 JUILLET 2004


PATRICK POIVRE D'ARVOR - Monsieur le Président, bonjour.

LE PRESIDENT – Bonjour.

PATRICK POIVRE D'ARVOR - Merci de nous accueillir dans votre bureau pour cette traditionnelle interview du 14 juillet. C'est pour vous la neuvième. Avec Arlette CHABOT, nous avons bien des questions à vous poser sur le chômage, les 35 heures, le budget, les réformes, les impôts, la politique, des questions de société, l'Europe, référendum ou pas, la situation internationale. Bien des questions.

Alors, on va tout de suite commencer par le vif du sujet. Vous sortez de deux scrutins : régionales et européennes qui ont plutôt affaibli votre camp. Mais vous vous retrouvez maintenant devant trois ans, en principe, sans élection. Trois ans, pourquoi faire ? Quel cap donner aux Français ?

LE PRESIDENT – Nous sommes effectivement dans une période un peu particulière et importante pour notre pays. Pendant deux ans, nous avons remis la France sur les rails en réhabilitant l'Etat, la sécurité, la défense, la responsabilité dans le monde, en engageant les réformes indispensables et qui avaient été trop longtemps différées : les retraites, aujourd'hui, l'assurance maladie, les personnes âgées et handicapées, et en mettant en oeuvre une politique de relance de la croissance, pour le moment où elle viendrait, ce qui est le cas.

Et donc, maintenant, nous avons effectivement trois ans. Trois ans, je dirais, pour confirmer l'essai. Qu'est-ce que nous devons faire pendant ces trois ans ?

D'abord, relancer la croissance et faire en sorte qu'elle profite à tous, ce qui veut dire que nous devons, d'une part, restaurer la valeur du travail, de la responsabilité, du mérite dans notre société et renforcer une cohésion sociale qui, depuis de nombreuses années, pose problème.

Deuxièmement, nous devons donner à la France et aux Français, pendant cette période, les atouts nécessaires pour préparer l'avenir, c'est-à-dire que la priorité doit être donnée, en dehors de la croissance et de la cohésion sociale, à ce qui conditionnera notre avenir, c'est-à-dire l'éducation ou la formation, l'innovation, la recherche.

Et, troisièmement, nous devons faire le pari de l'Europe. Nous engager clairement pour une France plus forte dans une Europe plus forte. Et c'est cela la Feuille de route que je donne au gouvernement à partir de maintenant.

QUESTION – Mais sur les réformes, il n'y a plus de pilules amères à avaler. Il y a eu les retraites, il y a actuellement l'assurance maladie, il n'y a pas d'autres réformes qui viennent.

LE PRESIDENT – Il y a à la fois beaucoup de réformes mais qui ne sont pas de la même nature. Nous avons un grand chantier de réformes qui est l'éducation nationale. Nous avons besoin de l'adapter. Nous y reviendrons probablement. Nous avons un grand chantier pour investir davantage et nous préparer mieux à l'avenir dans le domaine de la recherche, je le répète, de l'innovation. Ce sont des réformes.

Et, par-dessus tout cela, nous avons un vrai problème en France qui est d'adapter l'Etat à ses responsabilités de demain. Il n'y a pas de société sans un Etat fort. En tous les cas, pas de société telle que nous la concevons sans un Etat fort. Mais un Etat fort ne veut pas dire un Etat impotent et parfois, il l'est. Et donc, nous avons là aussi une action de réformes décisive et qui prendra un certain temps, naturellement, pour adapter notre Etat, notre administration, nos structures publiques aux temps modernes.

QUESTION – Il y a évidemment une expression que vous avez déjà utilisée, c'est celle de la cohésion sociale. Quand on regarde l'état des lieux fait par Jean-Louis BORLOO, on se dit : sur quinze ans ou vingt ans même, la situation n'a cessé de se dégrader pour des gens qui sont exclus du travail, pour des gens qui sont mal dans les quartiers, et on se dit : pourquoi, pardonnez-moi, aujourd'hui cela marcherait mieux ? Alors que des gouvernements de gauche ou de droite n'ont pas réussi.

LE PRESIDENT – D'abord, pour confirmer ce que vous dites, c'est vrai que depuis quinze ans, et là, il n'y a pas de lien avec.....

QUESTION – ..... gauche, droite confondues....

LE PRESIDENT – ....telle ou telle formation politique, la cohésion sociale en France s'est affaiblie. On le voit avec les chiffres. Depuis quinze ans, le nombre des allocataires du RMI ou ceux qui en tenaient lieu, a triplé. Le nombre de jeunes chômeurs, en particulier dans les quartiers que l'on appelle difficiles, a augmenté de façon considérable. Le nombre des logements sociaux a été divisé par deux. Le temps d'attente pour obtenir un logement social a été multiplié par quatre. Et on pourrait multiplier ainsi les exemples.

Or, nous constatons cela, bien que pendant toute cette période, il y a eu des moments de richesse nationale, de croissance importante, d'autres de moindre croissance. Mais toujours nos dépenses sociales ont augmenté. Ce qui conduit en France aujourd'hui, je dirais, à un certain malaise, il y a un nombre croissant de Français qui se sentent abandonnés et il y a un nombre croissant de Français qui travaillent, qui travaillent souvent beaucoup dans les classes dites "travailleuses", heureusement, nombreuses, qui ont le sentiment de payer toujours plus pour des gens qui ne travaillent pas.

Tout cela crée des ambiguïtés malsaines et c'est la raison pour laquelle, il faut aujourd'hui y remédier. C'est une méthode qu'il faut changer. C'est la réhabilitation, je le répète, du travail et de la responsabilité. Nous y reviendrons probablement. Elle est nécessaire parce que nous avons un grand défi à relever.

Dans les dix ans qui viennent, nous allons perdre environ un million de personnes actives. Ce qui veut dire que si nous ne formons pas, nous-mêmes, nos jeunes, si nous les laissons un peu à l'abandon ; alors pour occuper des postes de travail, ce qui sera le problème de demain, il faudra des émigrés. Donc, nous avons une méthode à changer.

Et vous évoquez le plan de cohésion sociale...

QUESTION – ... Sur cinq ans, cela va même au-delà des trois ans le plan ?

LE PRESIDENT – Oui naturellement....

QUESTION – ...Et ce sera une montée en puissance qui sera respectée ...

LE PRESIDENT – ...Oui, naturellement. Et comme c'est un travail sans fin, cela durera, sans aucun doute, plus longtemps. Mais enfin, encore faut-il le lancer. Le problème, c'est de changer d'état d'esprit. Il faut une nouvelle approche de ces problèmes. Je le répète, d'abord, il faut réhabiliter le travail, la responsabilité, le mérite dans notre société. Cela veut dire qu'on change de méthode. Il y a des droits qui doivent être respectés ou accrus, le cas échéant, et qui sont les droits qu'exige la solidarité dans une nation.

Et puis, il y a les devoirs que, parfois on a oublié, et depuis très longtemps d'ailleurs. D'où la nécessité, c'est l'esprit même du plan de cohésion sociale, de la notion de contrat. On a des droits et on a des devoirs. Il faut respecter les uns et les autres. Et puis surtout, je termine par-là, et puis surtout, nous avons de plus en plus des compatriotes qui sont, en quelque sorte, désocialisés. On ne peut pas se contenter, comme on l'a fait trop longtemps, d'une politique de guichet. Vous venez chercher un chèque pour vous aider à survivre. Il faut une politique d'accompagnement, c'est-à-dire qu'il faut tendre la main aux gens. Il faut aller les chercher, leur dire ce que l'on doit faire pour eux, ce qu'ils doivent faire eux-mêmes et avoir une politique d'accompagnement qui comporte la réinsertion dans la formation et dans le travail.

Et, enfin, dans le dernier point, c'est qu'il faut faire un effort considérable en matière de logement. Le logement social s'est un peu effondré. On a atteint le plus bas en l'an 2000, alors que l'on avait de l'argent. En l'an 2000, on a fait 40 000 logements sociaux. En 2003, nous en faisons 60 000. En 2004, nous en ferons 80 000. En 2009, nous en ferons 120 000. Car il n'y a pas de réinsertion dans la société, et pour des gens qui travaillent et pour des gens qui veulent travailler, il n'y a pas de possibilité s'il n'y a pas un logement convenable et digne pour s'abriter.

QUESTION – Vous faisiez allusion à l'immigration. On a assisté à une sorte de faillite de l'intégration assez souvent, à une montée de communautarisme et même parfois à une méfiance des différentes religions les unes vis-à-vis des autres, les chrétiens, les juifs, les musulmans. Que faire pour essayer de rattraper cela en ce 14 juillet qui est un moment de cohésion nationale ?

LE PRESIDENT – D'abord, la République française. L'histoire de notre pays est fondée sur une affirmation claire : tous les Français sont égaux en droit et tous doivent respecter la loi. Par conséquent, nous rejetons, ce qui n'est pas le cas d'autres pays parfaitement respectables, c'est une approche différente, toutes formes de communautarisme. Ce qui veut dire que nous devons avoir notamment, compte tenu des périodes d'immigration et de la présence de beaucoup d'immigrés de la deuxième génération, une politique active d'intégration. Et il faut reconnaître que, depuis un certain nombre d'années, cette politique qui avait bien marché, notamment grâce à l'école, soit a été débordée, soit on n'en a pas pris suffisamment conscience, et nous sommes actuellement dans une situation où l'intégration ne marche pas bien. Nous avons donc, et cela fait partie de ce plan de cohésion sociale, l'impérieuse nécessité de renforcer l'intégration. Car on ne peut pas à la fois être contre le communautarisme et ne pas faire ce qu'il faut pour que l'intégration fonctionne.

QUESTION – Et vous regrettez de vous être précipité pour dénoncer une agression antisémite qui n'en était finalement pas une ?

LE PRESIDENT – C'est une affaire regrettable à tous égards. Mais je ne regrette pas. Nous sommes dans une période où, incontestablement nous le voyons, notamment depuis quelque temps, les manifestations d'ordre raciste, qu'elles mettent en cause nos compatriotes juifs ou musulmans ou d'autres, tout simplement parfois des Français dans certains endroits, sont l'objet d'agressions au seul motif qu'ils n'appartiennent pas à telle ou telle communauté ou qu'ils ne sont pas originaires de telle ou telle communauté. C'est inacceptable. C'est le contraire même de notre pacte social. C'est le contraire même de la morale telle que nous y sommes attachés...

QUESTION – ... et il n'y a pas eu emballement politique quand même ?

LE PRESIDENT – ... ce qui veut dire qu'il faut vigilance et mobilisation. Alors, dans ces périodes, il peut y avoir naturellement toujours des situations de manipulation qui sont, je dirais, les séquelles de ce mauvais climat que l'on laisse se développer ou qui s'est développé. Il y a manipulation. Eh bien, quand il y a manipulation, il faut tout simplement que le manipulateur soit sanctionné avec toute la rigueur de la loi.

QUESTION – Vous parliez de l'école. Cette année, cela a été une année où on a beaucoup débattu de la laïcité. Et à votre initiative, il y a une loi qui a été votée. Et déjà une organisation musulmane qui dit que, pour la rentrée, elle conseille aux jeunes filles de ne pas respecter cette loi. Quelle doit être l'attitude des chefs d'établissement ou même des responsables politiques dans ce cas-là ?

LE PRESIDENT – Madame CHABOT, il y a une loi. Elle a de surcroît été votée à la quasi-unanimité des deux assemblées. Elle s'applique à tous et à toutes en France. Alors, bien entendu, elle doit s'appliquer avec l'intelligence qui convient. Il ne s'agit pas de faire de telle ou telle jeune fille une victime de la société. Et, de ce point de vue, le ministre de l'Education nationale et de la Recherche a pris toutes ses dispositions en liaison étroite avec les enseignants pour que cette loi soit appliquée, je dirais, avec compréhension, mais sans réserve.

Alors, si tel ou tel prétend contourner la loi ou ignorer la loi, ils se mettent en tort et donc mériteraient d'être sanctionnés ou poursuivis. Nous ne pouvons pas accepter que telle ou telle organisation qui se prétend représentative de quelque chose en France, puisse délibérément ignorer ou critiquer la loi.

QUESTION – Vous parliez d'éducation. C'est vrai que cela passe beaucoup par l'éducation. On a distribué un livret républicain. Il faut faire plus contre le racisme, contre l'antisémitisme, plus d'éducation, ce qu'on appelait autrefois l'éducation civique à l'école ?

LE PRESIDENT – Vous le savez, le gouvernement a engagé depuis plusieurs mois la préparation d'une grande réforme. Pour cela, il a voulu d'abord ouvrir une large concertation. Plus d'un million de Français, des enseignants, des parents d'élèves, d'autres ont participé à l'élaboration d'un grand débat organisé par un spécialiste reconnu, M. THELOT. Celui-ci va rendre son rapport au mois de septembre et à partir de là, le gouvernement va élaborer sur ces bases et en liaison étroite avec toutes les parties intéressées, une grande loi de programmation. Il n'y en a pas eu depuis 1989. Naturellement la loi de 89 était probablement bonne, mais elle est dépassée. Donc, il faut une nouvelle loi et parmi les premiers principes, les premières exigences de cette loi, je souhaite qu'il y ait la revalorisation de l'éducation civique. Car l'ambiance que nous évoquions, à l'instant, avec M. POIVRE D'ARVOR, montre bien qu'il y a un grand problème et ce problème il doit se traiter d'abord et avant tout à la racine, c'est-à-dire à l'école, chez les enfants pour leur expliquer qu'ils sont tous égaux en droits et en devoirs, et qu'ils doivent tous se respecter. Et que tout le reste, se sont des tendances fâcheuses et que l'on doit éradiquer. Donc éducation civique.

QUESTION – Quand on interroge les Français, ils disent en général que le problème numéro un, c'est le chômage. Et contrairement à ce que vous espériez et annonciez, le taux de chômage n'a absolument pas baissé, puisqu'en gros il y a toujours un Français en âge de travailler sur dix qui n'a pas d'emploi et avec surtout des chômages de longue durée. Est-ce que c'est un remords permanent pour un Président de la République ?

LE PRESIDENT – C'est évidemment un remords permanent.

QUESTION – Et que faire ?

LE PRESIDENT – D'une part, on ne peut que déplorer une situation et d'autre part, s'interroger. Il faut savoir si on a fait ce qu'il fallait ou non. C'est une question permanente à l'esprit d'un responsable politique qu'il soit d'ailleurs de la majorité ou de l'opposition. L'une des raisons de ce chômage, pas la seule, c'est l'absence de croissance et d'activité. Nous avons passé une période qui, dans le monde et en Europe, a été caractérisée par une absence de croissance.

QUESTION – Aujourd'hui, ça repart apparemment ?

LE PRESIDENT – Cette absence de croissance a été la raison essentielle. Il y en a probablement d'autres. Aujourd'hui, vous avez raison de le dire, ça repart, la croissance repart. Et, je note, pour avoir eu un certain nombre de témoignages des meilleurs experts européens et mondiaux dans ces derniers jours, que ça repart en France moins que dans certaines parties du monde comme l'Asie ou l'Amérique, mais plus que la moyenne européenne. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que pendant ces deux ans, je vous le disais tout à l'heure, où le gouvernement a pris toute une série d'initiatives avec seul but de faire redémarrer la croissance, il bénéficie aujourd'hui d'un avantage. Cette croissance repart, je souhaite qu'elle se confirme. Alors à partir de là, cela permettra, sans aucun doute, une amélioration de la situation de l'emploi. C'est nécessaire, ce n'est pas suffisant.

QUESTION – Justement, dans les remèdes du gouvernement JOSPIN, il y avait les 35 heures. Il pensait que cela allait éponger le chômage. Vous, vous avez dit justement que les assouplissements des 35 heures voulus par François FILLON étaient nécessaires mais suffisants, vous reprenez cette expression. Il y a une proposition que fait Nicolas SARKOZY, il dit : "Il faudrait offrir le libre choix, finalement, à chaque salarié". Est-ce que vous êtes d'accord avec cette proposition ?

LE PRESIDENT – Je vais vous répondre sur les 35 heures, mais je souhaiterais après revenir aussi sur ce qu'il faut faire, parce que c'est l'essence même du plan de cohésion sociale pour accompagner la croissance et faire revenir à l'emploi des gens qui en sont privés et qui constitue, il faut bien le dire, un immense gâchis. Avoir tant de centaines de milliers souvent de jeunes qui n'ont pas d'emploi, c'est un très grand gâchis. Si la croissance repart, les conditions seront meilleures pour une action sur laquelle je vais revenir. Vous évoquez les 35 heures, vous savez parfaitement que, pour ma part, je n'étais pas favorable à la loi des 35 heures dans la mesure où elle était autoritaire et générale, autoritaire et uniforme. Et donc, elle avait inévitablement des conséquences négatives et nous l'avons vu sur la croissance et sur le pouvoir d'achat.

QUESTION – Et en même temps, on ne la remet pas en cause. On ne va pas revenir dessus ?

LE PRESIDENT – A partir de là, que doit-on faire ? Il y a eu les deux lois FILLON qui ont été des bonnes lois et qui commencent à avoir un effet positif dans ce domaine.

QUESTION – On peut faire mieux ?

LE PRESIDENT – On peut toujours faire mieux Monsieur POIVRE D'ARVOR, toujours. Pour ma part, je demande au gouvernement d'engager avec les partenaires sociaux les concertations nécessaires sur cette affaire des
35 heures dans le respect de trois principes.
Le premier principe, c'est que la durée légale du travail est et restera de
35 heures.

QUESTION – Droit acquis ?

LE PRESIDENT – Droit acquis.
Le deuxième principe, c'est qu'il faut plus de liberté pour les travailleurs et notamment pour ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus et plus de liberté pour les entreprises afin de mieux s'adapter aux marchés et aux développements.

QUESTION – Donc une sorte de libre choix ?

LE PRESIDENT – Donc il faut qu'il y ait de nouveaux assouplissements qui doivent être négociés au niveau de l'entreprise, dans le cadre et dans les limites de la loi et des accords de branche.
Et troisième principe, cela va de soi, les salariés devront bien entendu y trouver leur compte sur leur feuille de paie.

QUESTION – Quand des entreprises, aujourd'hui, font jouer la menace de la délocalisation et demande, on le voit en Allemagne, on le voit aujourd'hui en France avec une entreprise Bosch. Délocalisation ou alors on revient sur la durée du travail et on demande aux salariés de travailler plus, 36 voire 39 heures. Vous dites : "c'est du chantage" ?

LE PRESIDENT – C'est une pente glissante sur laquelle il ne faut pas se laisser entraîner, et pour ne pas se laisser entraîner sur une pente qui risquerait d'avoir des conséquences de remise en cause de nos acquis sociaux, il faut renforcer le dialogue. Vous savez, en France, et c'est pour moi un souci permanent, nous avons plus une culture d'affrontement qu'une culture de dialogue. Il faut développer tout ce qui favorise le dialogue, notamment au niveau de l'entreprise, de la branche, des confédérations. Le dialogue permet, en général, de trouver des solutions. Alors, s'il n'y a pas de solution, dans l'entreprise, d'un commun accord entre les salariés et la direction, eh bien, il faut maintenir le système tel qu'il est et ne pas se soumettre à un chantage. S'il y a une discussion, ce que je souhaite, aboutissant à un accord, alors il faut respecter cet accord.

QUESTION - Là, on est en pleine période de discussion budgétaire, des choix d'autant plus draconiens qu'hier, la Cour européenne de justice a donné tort ....

LE PRESIDENT – Si vous me permettez, Monsieur POIVRE D'ARVOR, je voudrais revenir sur la deuxième question que vous avez posée juste avant, sur le chômage.

Je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a en France un problème psychologique, il faut redonner le sentiment que le travail est une activité naturelle, que la responsabilité est dans la nature même de l'homme, et que le mérite doit être récompensé. Et cela, c'est un point essentiel du plan de cohésion sociale, ce qui veut dire que ce plan en réalité, et c'est cela la différence avec la politique antérieure que vous évoquiez tout à l'heure, Madame CHABOT, est fondé sur un contrat. Il y a des droits, il y a des devoirs, mais nous savons très bien que nous avons un certain nombre de nos compatriotes qui sont en quelque sorte désocialisés, il faut les accompagner, je vous l'ai dit, c'est une nécessité absolue. Donc, il faut adapter nos systèmes pour pouvoir tendre la main et permettre aux gens d'être incités, c'est tout le projet de contrat d'activité, notamment pour les jeunes ou pour les titulaires de minima sociaux, il faut qu'ils puissent être encouragés de façon sérieuse.

Nous avons un système social qui est un des meilleurs d'Europe, mais nous avons un système d'accompagnement qui est un des plus faibles. Autrement dit, dans d'autres pays où les prestations sociales sont moins importantes, d'autres pays européens, il y a un système d'accompagnement qui met à la disposition des chômeurs un nombre beaucoup plus important d'accompagnateurs, pour leur permettre de retrouver un emploi, pour les encourager, voire le cas échéant, c'est vrai, pour tirer les conséquences pour ceux qui ne veulent strictement rien faire.

QUESTION - Des contraintes pour les chômeurs, c'est-à-dire, s'il y a un projet qui est envisagé, pour ceux auxquels on propose des emplois qui correspondent un peu à leur activité, de ne pas pouvoir les refuser éternellement ?

LE PRESIDENT – Naturellement, on ne peut pas accepter qu'un chômeur refuse éternellement un emploi, c'est évident. D'ailleurs, je vous rappelle qu'en 2000 les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur une réforme de cette nature, puis le gouvernement ne l'a pas finalement retenue. Peu importe, mais c'est un problème qu'il va falloir rediscuter entre les partenaires sociaux pour ne pas se trouver dans des situations qui sont incontestablement des situations d'abus.

QUESTION - Alors, il y a des droits et des devoirs, des dépenses et des recettes. Je faisais allusion à la décision de la Cour européenne de justice qui a, au fond, condamné l'accord qui permettait à la France et l'Allemagne, notamment, de revenir tout doucement dans les clous de la rigueur budgétaire ?

LE PRESIDENT – Non, Monsieur POIVRE D'ARVOR, la Cour européenne de justice n'a pas condamné et d'ailleurs n'avait pas à condamner. La Cour européenne de justice a pris une décision en termes de procédure.

QUESTION - .C'est-à-dire elle apporte des sanctions ?

LE PRESIDENT – La Cour européenne de justice porte des jugements de procédure, c'est-à-dire et j'en tire la conclusion, et elle a raison, que le lien, la relation, les échanges entre le Conseil européen qui regroupe les chefs d'Etat et de gouvernement, et la Commission, qui incarne l'intérêt général européen, doivent être dorénavant plus forts, et c'était l'une des raisons qui justifie l'ouverture à partir du début de l'année prochaine, sous la présidence luxembourgeoise, de toute l'étude du pacte de stabilité, de ses modalités d'application, et des procédures.

QUESTION - Donc, pour vous, on ne reviendra pas à des sanctions contre ces pays, qui justement dépassent le fameux seuil des 3% ?

LE PRESIDENT – Cela, c'est un problème à voir, ce n'est pas la Cour de justice de dire, s'il doit y avoir des sanctions, c'est une décision qui est prise après délibération de la Commission et du Conseil européen.

QUESTION - Alors comment faire, justement, pour trouver des économies ? Parce que vous vous rendez bien compte que, pour revenir dans ces clous là, il faut ...

LE PRESIDENT – Il est certain que la France est favorable à la discipline, on ne peut pas imaginer que tous ces pays qui ont une même monnaie puissent tirer, à hue et à dia, notamment sur la gestion de leurs finances publiques, ou de leur endettement. Il faut donc une règle. La règle que nous avions adoptée est une règle, à mon avis, qui mérite d'être réexaminée. Je ne suis pas sûr qu'elle ne soit pas un peu brutale, sur le pacte de stabilité. Déjà, au niveau des ministres de l'économie et des finances, les premiers débats ont été engagés, et cela va être l'objet du débat sur la mise en oeuvre du pacte de stabilité.

QUESTION - .. Sur le périmètre ou sur le temps qu'il faudra ?

LE PRESIDENT – Sur l'ensemble des choses. Il est évident qu'il faut un pacte de stabilité ferme. Il est aussi frappant de constater que notre pacte de stabilité, dont je rappelle qu'à l'origine il s'appelait pacte de stabilité et de croissance et qu'il n'a été vu par les responsables financiers de l'Europe que comme un pacte de stabilité, en ignorant la croissance, c'est tout de même frappant de constater la différence entre notre gestion et celle des Etats-Unis, sous l'éminente impulsion de M. GREENSPAN qui n'hésite pas à prendre les mesures qui s'imposent pour relancer l'économie quand elle en a besoin, y compris par le déficit budgétaire.

QUESTION – Et la Banque centrale européenne ne fait pas suffisamment d'efforts ?

LE PRESIDENT – La Banque Centrale Européenne n'est pas du tout dans cet état d'esprit, elle n'a pas été faite pour cela, on lui a donné une autre mission, elle applique sa mission, tout cela mérite d'être réexaminé. La Banque européenne ne peut pas avoir comme seul et unique objectif la stabilité des prix. C'est une exigence, la stabilité des prix, mais il y a aussi la croissance et la gestion des finances publiques européennes en fonction de la croissance.

QUESTION – Alors, si on fait des choix budgétaires pour redescendre aux trois pour cent exigés par le pacte de stabilité, on réduit quel budget ? On parle beaucoup d'un affrontement entre vous et votre ministre d'Etat chargé de l'économie et des finances sur le problème du budget de la Défense. On dit beaucoup de choses, vous allez nous dire la réalité. On touche au budget, on ne touche pas au budget ? Est-ce que vraiment il y a un différend fondamental entre Nicolas SARKOZY et vous sur ce sujet ?

LE PRESIDENT – Il n'y a pas de différend entre le ministre des finances et moi, pour une raison simple c'est que, notamment s'agissant de la défense, je décide et il exécute. Par conséquent ce n'est pas un problème de différend et nous avons passé une longue période pendant laquelle les moyens de la défense n'ont cessé d'être diminués, au point que les intérêts fondamentaux de la France étaient en cause. Notre capacité de défense, de nos intérêts, de nos valeurs, de notre sécurité tout simplement sur le plan intérieur comme sur le plan international, était en cause. Il était donc essentiel de restaurer les moyens de notre défense, comme il fallait restaurer les moyens de notre sécurité.

QUESTION – Et il vous a fait des propositions d'économies que vous avez refusées ?

LE PRESIDENT – Le problème n'est pas là, Monsieur POIVRE D'ARVOR. J'ai examiné moi-même le budget de la défense, en détail, et j'ai pris les décisions après m' être concerté avec le Premier ministre, qui lui-même avait entendu le ministre des Finances, et ces décisions n'ont pas à être remises en cause. Mais c'est le type même de la polémique, parce qu'en réalité quelle est la règle que nous avons voulu respecter et que le gouvernement a voulu respecter ? C'est la croissance zéro des dépenses budgétaires. Ça, c'était une règle qui s'imposait. Compte tenu de la situation économique et financière, c'était nécessaire. Elle a été respectée depuis deux ans, cette règle, elle sera encore respectée cette année. Alors on dit : mais la défense augmente de deux ou trois pour cent...

QUESTION – Elle coûte chère, surtout en temps de paix.

LE PRESIDENT – Oui, on ne dit pas cela quand on a besoin de la défense pour Vigipirate ou pour défendre nos intérêts dans le monde, ou pour exister, tout simplement, en Europe et ne pas se faire imposer la loi du plus fort. Car c'est cela qui est en cause. Bien. Cette augmentation du budget de la défense, il y a deux ans, était plus importante, il y a un an aussi et néanmoins on a fait la croissance zéro du budget. Alors je ne vois pas pourquoi on fait une polémique qui me paraît beaucoup plus inspirée par des raisons de politique avec un petit "p" que par des raisons de défense de l'intérêt général. Et en tous les cas, moi, je prends mes décisions en fonction de ce que j'estime être l'intérêt général.
QUESTION – Toujours pour faire des économies, est-ce que vous allez renoncer à votre promesse de baisser chaque année les impôts, notamment l'impôt sur le revenu ?

LE PRESIDENT – Ça, c'est une vraie question ! Il est évident qu'en France la part de ce que gagnent les Français qui est ponctionnée par l'Etat est excessive et, d'ailleurs, d'un niveau sensiblement supérieur à la moyenne européenne. Et c'est pour nous un handicap sur le plan notamment de l'activité, de la croissance, de l'emploi. C'est la raison pour laquelle il faut y remédier. Alors, à partir de là, nous avons engagé une politique de diminution des charges, en général, charges sociales et impôts, notamment impôt sur le revenu. C'est une politique nécessaire et qui devra être poursuivie dans le moyen et long terme, jusqu'à ce que l'on arrive à la moyenne européenne. Aujourd'hui, compte tenu de nos contraintes budgétaires qui sont fortes, chacun le sait, quelle est notre priorité ? C'est naturellement la poursuite de la baisse des charges. Pour une raison simple, c'est que c'est par la baisse des charges qu'on peut aider la croissance, qu'on peut stimuler la croissance et l'activité, donc c'est la priorité. Et j'ai donc dit au gouvernement qu'il convenait de fixer cette priorité cette année et dans le cadre de nos moyens, qui ne sont pas très grands, c'est vrai. Eh bien cela imposera une pause d'un an dans la baisse de l'impôt sur le revenu. Le principe de la baisse et la poursuite de la baisse à partir de l'année prochaine ne sont pas en cause, ce qui est en cause, ce sont les arbitrages et nous faisons un arbitrage en faveur de la baisse des charges et cela nous amène à une pause en ce qui concerne l'impôt sur le revenu cette année.

QUESTION – Vous parliez de polémique, de petite polémique politicienne avec un petit "p", néanmoins tout le monde s'interroge sur les relations que vous avez avec Nicolas SARKOZY, pour dire les choses simplement. Comment vous pourriez définir ces relations entre vous et lui ?

LE PRESIDENT – Je regrette que ce soit un problème qui vous conduise, de façon tout à fait professionnelle à poser la question. Je n'ai pas de problème de relation avec Nicolas SARKOZY, pas plus qu'avec aucun des membres du gouvernement.

QUESTION – Il n'a jamais franchi la ligne jaune à vos yeux ?

LE PRESIDENT – Ce que je veux simplement vous dire, ce qui est plus important, c'est que je vous ai dit : nous avons trois ans, et je ne laisserai pas la polémique conduire à un affaiblissement du gouvernement au moment où il retrouve des moyens d'action au service des Français pendant cette période. J'ai fixé une feuille de route au gouvernement. J'attends de chaque ministre, de tous les ministres, qu'ils appliquent leur part de cette feuille de route sans aucune réserve. Personne n'est obligé d'être ministre. J'entends que chacun exécute.

Pour moi l'action gouvernementale est fondée sur deux principes : la collégialité et les bons rapports avec le Parlement et, deuxième principe, la solidarité. Et je n'ai pas l'intention d'accepter des mises en cause de ces principes qui sont à la base même de l'efficacité gouvernementale et donc du service des Français.

QUESTION - Et si ce ministre-là, Nicolas SARKOZY, souhaite rester ministre du Budget, de l'Economie et des Finances à Bercy et de se présenter à la présidence de l'UMP, est-ce que vous l'en dissuaderez ?

LE PRESIDENT - J'ai eu l'occasion de le dire, Monsieur POIVRE d'ARVOR, ce n'est pas un problème d'homme. Moi, je n'ai pas à me mêler du fonctionnement d'un parti politique, fut-il le plus important de la majorité aujourd'hui. C'est le problème des responsables, des militants qui choisiront au terme d'une procédure qu'ils vont adopter. C'est leur problème. Donc je n'ai pas l'intention de me mêler de la désignation ou de l'encouragement à telle ou telle personne pour être candidate à la présidence de l'UMP au départ d'Alain JUPPE, un départ dont je dis au passage que je le déplore, que je le regrette et que je le comprends. Donc...

QUESTION - Et si c'est Nicolas SARKOZY qui le remplace à ce moment-là, vous lui demanderez de choisir ?

LE PRESIDENT - Oui. Donc je vous dis : moi, ce qui me concerne en revanche, c'est le bon fonctionnement de l'Etat et donc du gouvernement. Comprenez bien que si vous avez un Premier ministre qui a un ministre par ailleurs président du principal parti de la majorité, ça veut dire en clair que vous n'avez plus de Premier ministre. Evidemment parce que la décision, elle est celle du Président, qui s'impose alors qu'il y a un Premier ministre et par conséquent on touche là au bon fonctionnement des institutions et je dirais à l'efficacité gouvernementale, à cette solidarité, à cette collégialité dont je parlais tout à l'heure...

QUESTION - En revanche le Premier ministre peut devenir Président du parti majoritaire ?

LE PRESIDENT - Le Premier ministre, c'est une tradition, c'est vrai dans toute l'Europe...

QUESTION - Vous l'avez été vous-même ?

LE PRESIDENT - Oui, je ne mettais jamais les pieds à ce moment-là au parti que je présidais, n'est-ce pas... Tout le monde le savait.

Mais le Premier ministre qui, comme dans presque toutes les grandes démocraties, est le chef de la majorité, a naturellement vocation à être le Président. Ce n'est pas le cas d'un ministre, car je le répète : un ministre Président du principal parti de la majorité cela veut dire que le Premier ministre n'a plus aucune autorité et par conséquent pour répondre à votre question si tel ou tel ministre, car il y en a plusieurs qui semble intéressés, si tel ou tel Ministre veut se lancer dans la campagne, s'il est élu Président de l'UMP, il démissionnera immédiatement ou je mettrai fin à ses fonctions. Ceci dans l'intérêt de nos institutions, ce n'est pas un problème personnel.

QUESTION - Où Nicolas SARKOZY est-il le plus utile à vos yeux ? A la tête de l'UMP ou à la tête d'un grand ministère ?

LE PRESIDENT - Je n'ai pas à porter de jugement sur ce point, ça c'est un jugement...

QUESTION - Mais c'est important, un ministre des Finances ?

LE PRESIDENT - Bien sûr, mais il y a d'autres ministres possibles dans tous les postes, mais ça c'est un choix que feront les militants. S'ils estiment qu'ils préfèrent avoir tel ministre au gouvernement ou à la tête de l'UMP, c'est leur choix.

QUESTION - Est-ce que vous êtes satisfait de l'action de Jean-Pierre RAFFARIN cette fois ? Et quelle est la durée de vie d'un Premier ministre dans ce nouveau temps qu'est le quinquennat ? Est-ce qu'à votre avis il en a encore pour un an par exemple ?

LE PRESIDENT - Je me garderai bien de porter un jugement. Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'action gouvernementale. Je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai donné une Feuille de route au gouvernement, j'entends qu'elle soit respectée.

QUESTION - Mais il a les moyens de cette action actuellement ?
LE PRESIDENT - J'entends qu'elle soit respectée et je considère, j'ai considéré, qu'aujourd'hui Jean-Pierre RAFFARIN était le mieux à même de conduire cette action gouvernementale et, par conséquent, il est Premier Ministre. Et j'entends qu'il soit respecté au sein du Gouvernement, ce qui est d'ailleurs le cas, en tant que tel, et il lui appartient de diriger le Gouvernement. Il aura tout mon appui dans l'autorité nécessaire pour avoir un Gouvernement qui ne tire pas à hue et à dia.

Je voudrais, à ce propos, vous dire une chose : je ne laisserai pas les ambitions ou les calculs des uns ou des autres, ici ou là, venir perturber l'action des trois années à venir. Je vous l'ai dit : nous sommes au service des Français. Le seul but que nous devons rechercher dans la structure démocratique qui est la nôtre, c'est-à-dire en liaison avec le Parlement, dans le respect de l'opposition, notre seul but c'est de progresser sur les grands chantiers que j'évoquais tout à l'heure.

Vous savez, les Français ont fait beaucoup d'efforts ces deux années, ce qui explique un peu parfois leur grogne que je comprends parfaitement. Ils ont fait beaucoup d'efforts et ce n'était pas facile. On ne va pas maintenant, comme ça été trop souvent le cas dans le passé, les priver de leurs efforts en les faisant retomber d'une querelle électorale dans une autre querelle électorale.

QUESTION - Et Jean-Pierre RAFFARIN, vous le dissuaderez de se représenter au Sénatoriales en septembre ?

LE PRESIDENT - Ce n'est pas le problème.

QUESTION - Si jamais il vous le demandait ?

LE PRESIDENT - M. POIVRE d'ARVOR, c'est son problème. Ce que je veux vous dire...

QUESTION - Mais il a droit de le faire en continuant d'être Premier ministre ?

LE PRESIDENT - Ce que je veux vous dire, Monsieur POIVRE d'ARVOR, c'est que les rivalités ont trop souvent... les rivalités, les querelles, les querelles de personnes. Nous avons tous notre part de responsabilité dans le passé à ce sujet, ces rivalités, ces querelles ont trop souvent gâché le travail des Français car dès que ça allait mieux on retombait dans les querelles de cette nature ou dans les batailles électorales. Et je m'opposerai donc à tout ce qui nous ferait retrouver, aujourd'hui, ces logiques politiques avec un petit "p", ces rivalités électoralistes. Chaque chose en son temps, 2007 c'est dans trois ans. Chaque chose en son temps. Et je ne tolérerai pas le moindre écart dans ce domaine, il faut que vous le sachiez.

QUESTION - C'est-à-dire que vous ne voulez pas, notamment, que l'élection à la Présidence de l'UMP ressemble à une espèce de désignation du candidat possible à l'élection présidentielle ? Ce que certains voudraient.

LE PRESIDENT - Je n'ai pas, Madame CHABOT, je le répèterai indéfiniment que je n'ai pas à me mêler des affaires de l'UMP. C'est clair. Je maintiens les institutions, l'action gouvernementale et ça, ça m'impose un certain nombre de principes que je viens de vous rappeler.

QUESTION - Alors sur l'action gouvernementale, un mot sur les intermittents, est-ce que vous seriez favorable à l'ouverture d'une vaste table ronde pour renégocier un accord qui sera applicable au 1er janvier prochain ?

LE PRESIDENT – Cela a été une affaire très triste, cette affaire d'intermittents. La France a une politique culturelle reconnue dans le monde, une action culturelle reconnue dans le monde. Cette action repose sur un certain nombre d'acteurs du monde culturel, du plus modeste au plus génial. Et un système avait été mis au point, celui que vous connaissez, qui est contesté, qui a engendré de grands abus. Au point que, tout naturellement, les organisations représentatives des salariés, et salariés qui payent, ont protesté en disant que ce n'était pas possible. Et tout naturellement, les intermittents, dont un grand nombre sont des gens qui méritent attention et solidarité, ont été tous frappés. Et c'est le type même du malentendu.

QUESTION – Est-ce qu'il faut mettre tout à plat ?

LE PRESIDENT – Alors, je crois que d'abord, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures, je dirais pour calmer le jeu. Essayer d'éliminer les abus, nombreux, notamment dans un certain nombre de grandes maisons, et de faire en sorte que ceux qui méritent réellement d'être soutenus, et qui le justifient, puissent l'être. Les choses se sont un peu calmées parce que finalement la raison est revenue, et que l'on s'est bien aperçu qu'on était en train de casser la politique culturelle française, en contradiction complète avec toute l'ambition des pouvoirs publics et des Français en général, de la défense de l'exception culturelle française. C'est cela qui était en cause.

Alors, on a confié une mission à quelqu'un de tout à fait reconnu et qui va déposer ses conclusions. Et à partir de là, je souhaite que l'on arrive à une solution définitive de ce problème, qui tienne en compte les caractéristiques propres de la culture française, mais qui permette d'éviter les abus que l'on a pu voir au profit, notamment d'un certain nombre de grandes entreprises qui utilisent de façon abusive des gens qu'ils qualifient d'intermittents et qui ne le sont pas.

QUESTION – Une institution sur laquelle on s'interroge beaucoup : c'est toujours sur le fonctionnement de la justice en France. Il y a un procès qui a beaucoup ému les Français. C'est celui d'Outreau. On se demande s'il faut encore une fois réformer la justice, l'instruction, l'expertise, remettre un nouveau chantier. On a l'impression qu'on ne trouve pas la bonne solution.

LE PRESIDENT – L'art du juge est un art difficile. La France est fière de sa justice, et a raison de l'être. Ceci étant, comme toute institution humaine, elle peut comporter des dysfonctionnements.

QUESTION – Et là, on a l'impression qu'il n'y a pas de cohérence.

LE PRESIDENT – Et on vient d'en voir. Que des gens aient été incarcérés un grand nombre de mois, pour être finalement reconnus non coupables, c'est inadmissible. Je veux dire, au niveau des droits de l'homme, c'est profondément choquant. C'est la destruction même d'êtres humains.

Et on leur doit une réhabilitation. Je voudrais dire à ce sujet que j'ai demandé au Gouvernement et au Ministre de la Justice de s'en préoccuper tout de suite. On leur doit une réhabilitation, y compris matérielle, importante. La justice, si elle a fait des erreurs, doit payer elle-même, et cher.

A partir de là, je ne crois pas que l'on arrive à faire une grande réforme de la justice. Il y a des aménagements à faire sans aucun doute et j'ai demandé au ministre de la Justice de s'en préoccuper et de faire des propositions au gouvernement très rapidement. Notamment, l'on voit bien que dans des dossiers délicats, difficiles, la pluralité, ou en tous les cas la dualité du juge d'instruction s'impose. Nous avons un système de juge d'instruction. Il est parfois contesté par les uns, par les autres. Ce n'est pas le problème d'aujourd'hui en tous les cas. Mais, en revanche, dans des situations difficiles, il est évident qu'il faudrait avoir au moins deux juges d'instructions, cela c'est une première chose.

Et puis alors, deuxièmement, il y a un vrai problème qui a été très bien mis en exergue par le Président de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale, M. Pascal CLEMENT, qui a fait un travail très remarquable dans ce domaine, grand connaisseur des affaires de la justice, et qui a fait un rapport combien remarqué, montrant que nous étions aujourd'hui vraiment obligés de prendre des mesures qui permettent de suivre et d'essayer de contrôler les récidivistes et, tout particulièrement, les délinquants sexuels. Cela, c'est tout à fait capital.

J'ajoute enfin, et je voudrais le dire à la justice très simplement, que je trouve que nous avons tendance en France à abuser de la détention provisoire. J'en comprends les raisons. Mais elle est excessive, et peut être dangereuse.

QUESTION – Et à ce sujet, quant on vous avait interrogé ici même, il y a quatre ans, et qu'il y avait déjà cinquante et un mille détenus pour une population qui ne peut en contenir que quarante neuf mille, vous estimez que c'était excessif. Aujourd'hui on en est à soixante quatre mille, il n'y a pas des moyens alternatifs ?

LE PRESIDENT - Oui, il y a certainement des moyens alternatifs. Il faut reconnaître que l'appareil judiciaire a un peu de réserve, et on peut les comprendre. Pour les mettre en oeuvre, il faut faire un effort dans ce domaine. L'augmentation tient simplement au fait que les efforts conduits depuis deux ans pour renforcer la sécurité et les moyens donnés à la police et à la justice, dans ce domaine, ont porté leurs fruits. Naturellement, quand on fait un effort, on a quelques résultats, toujours insuffisants, et qui le sont encore. Mais, cela a eu les conséquences que vous venez de souligner. Le problème c'est qu'on avait lancé, c'était du temps de M. CHALANDON, un programme de construction de prisons, pour que les prisons soient humaines, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et de moins en moins le cas aujourd'hui. Et puis, dans les années qui ont précédé l'actuel gouvernement, on n'a plus lancé aucun chantier de prison. Et le résultat maintenant, c'est qu'on lance de nouveaux chantiers, mais il faut deux ou trois ans pour faire une prison. Il certain qu'il faut réhabiliter les conditions d'incarcération et les conditions de travail de ceux qui surveillent les délinquants incarcérés.

QUESTION – Sur le mariage homosexuel, votre position a changé sur l'adoption possible par des couples homosexuels ?

LE PRESIDENT – Non, ma position est toujours la même. Je crois qu'il ne faut pas mélanger les genres et, il y a des problèmes, chacun le sait, qui doivent être résolus. On a créé le PACS. C'est parfait. A l'expérience, il apparaît que ce PACS pourrait être amélioré et je souhaite qu'on l'améliore, de façon à ce que les droits et devoirs des personnes de même sexe qui vivent ensemble ou qui ont fait le choix de vivre ensemble soient respectés, au même titre que ceux des autres. Cela ne doit pas nous conduire à une parodie de mariage.

QUESTION – Alors, il y a deux mois, Monsieur le Président, l'Europe est passée de 15 à 25. C'était un seuil et un saut énorme. Elle s'est également dotée d'une nouvelle Constitution. Là aussi, c'est une innovation d'envergure. Est-ce que les Français doivent être consultés sur ce sujet majeur par référendum ou est-ce que cela doit passer, une fois de plus, par le Parlement réuni à Versailles ?

LE PRESIDENT – Nous avons, au terme d'une longue préparation, arrêté une nouvelle Constitution, le 18 juin dernier, à Bruxelles, sous la remarquable présidence, je tiens à le souligner, de l'Irlande et du Premier ministre irlandais. Cette Constitution, que peut-on en dire, en deux mots ?

D'abord, elle est le fruit d'un effort de cinquante ans qui a, ce qui est tout à l'honneur de la France, été poursuivi par tous les chefs d'Etat et de gouvernement français, sans déviation, depuis cinquante ans. Depuis le général de GAULLE et Konrad ADENAUER, jusqu'à moi, sans exception. Bien. Nous arrivons au terme, avec une double réforme, considérable, aujourd'hui : à l'élargissement de l'Europe, de façon à intégrer, à enraciner la démocratie et la paix en Europe, ce qui est vital pour les générations futures, et puis une nouvelle règle du jeu pour harmoniser, moderniser et adapter à l'élargissement le fonctionnement de nos institutions et c'est la Constitution.

Je vous rappelle que la France a été la première à évoquer cette réforme et à parler de Constitution ou de traité constitutionnel. Je l'avais fait devant le Bundestag à Berlin en juin 2000 et lancé cette idée qui me paraissait indispensable.

Nous avons beaucoup beaucoup travaillé. D'abord, au niveau européen dans le cadre de la Convention. Tous les parlementaires des pays concernés se sont rassemblés, ils ont fait un travail remarquable sous l'impulsion décisive de Valéry GISCARD d'ESTAING qui aura bien mérité de l'Europe de demain puisqu'il a élaboré et obtenu un accord général, notamment des parlementaires nationaux, qu'ils soient de droite ou de gauche. Un texte dont quasiment la totalité a été adoptée par le Conseil européen. C'est une grande affaire.

Nous avons donc maintenant une Europe élargie qui sera la seule garantie de paix et de démocratie qu'on puisse avoir dans l'avenir. Car on ne se bat pas quand on est ensemble autour de la table, naturellement, et on ne peut pas remettre en cause la démocratie comme on l'a trop vu dans le passé, dans tel ou tel pays. Elle nous permettra d'avoir une économie cohérente et des impulsions plus faciles à donner. Bon.

Ce texte est un bon texte. Personne de bonne foi ne peut le contester. Il est conforme aux intérêts de la France qui est renforcée en Europe par la Constitution. Il est conforme aux intérêts de l'Europe. Il est conforme à l'intérêt de tous les Européens. Par conséquent, le problème de la ratification est un problème qui intéresse tous les Français. Le 18 juin, nous l'avons donc approuvé. Le 29 octobre je crois, ou à quelques jours près, on va signer ensemble à Rome ce nouveau traité constitutionnel. Et dans l'année qui vient, en terme de procédure d'examen et de contrôle constitutionnel, tous les pays auront à le ratifier.

La France a le choix de ratifier de façon parlementaire ou de façon référendaire.

QUESTION – Vous donniez l'impression d'hésiter jusqu'alors ?

LE PRESIDENT – Je dis tout de suite que je ne me suis jamais prononcé pour une raison simple, c'est que je n'avais pas l'intention de me prononcer avant que les textes soient connus. Ils l'ont été à partir d'il y a trois semaines, c'était évidemment un élément essentiel de la décision que je pouvais prendre. Deuxièmement, à partir du moment où j'avais prévu de parler le 14 juillet aux Français, c'était une bonne occasion de le faire. Bien entendu, les Français sont directement concernés et ils seront donc directement consultés...

QUESTION – .... Par référendum ?...

LE PRESIDENT – ...Et donc, il y aura un référendum qui aura lieu, en toute hypothèse, l'année prochaine, aux termes de toutes les procédures, notamment, éventuellement de révision de la Constitution pour adapter notre Constitution aux principales obligations du traité constitutionnel.

QUESTION – ...Même si vous savez que parfois on répond à côté d'une question au référendum ?

LE PRESIDENT – Eh bien, ce serait une très bonne occasion de voir si on a donné une petite impulsion à notre capacité de dialogue et non pas à notre culture d'affrontement.

QUESTION – Vous ferez campagne vous-même, par exemple ? On peut vous imaginer faisant campagne ou.......

LE PRESIDENT – ... sur un sujet comme cela, certainement, bien entendu ! Mais j'espère que les Français comprendront qu'on leur pose une question essentielle pour leur proche avenir et surtout pour celui de leurs enfants. Nous avons connu -et nous avons oublié naturellement- l'époque où l'Europe se déchirait, où les démocraties étaient renversées en Europe. Ce que nous faisons aujourd'hui est historique : avec l'élargissement et la Constitution, après cinquante ans d'efforts, c'est une Europe qui ne pourra plus se déchirer. Est-ce que ce n'est pas le plus beau legs que l'on peut donner à nos enfants ? Est-ce que ça ne vaut pas la peine qu'on essaie de se prononcer sur le sujet qui nous est posé et non pas sur tel ou tel problème immédiat ?

QUESTION – Vous aimeriez bien que le parti socialiste vous aide dans cette affaire, par exemple ?

LE PRESIDENT – Le parti socialiste fera ce qu'il estimera devoir faire. Ses représentants ont été, à la Convention, tout à fait sur la même ligne que les propositions de M. GISCARD D'ESTAING.

QUESTION – Vous disiez tout à l'heure qu'aucun grand leader, au fond, aucune personnalité qui souhaite accéder à des hautes fonctions, ne peut dire non à la construction européenne, même si elle n'est pas parfaite ?

LE PRESIDENT – Ce n'est pas une question de moyen d'accéder à une haute fonction, non.

QUESTION – Je veux dire de responsabilité, aucun grand responsable politique français n'a jamais dit non à l'Europe ?

LE PRESIDENT – Je ne crois pas qu'un responsable politique digne de ce nom aujourd'hui puisse sérieusement, sauf à vouloir faire revenir la France cinquante ans en arrière, contester le caractère positif, le caractère bon de ce traité constitutionnel. Je ne crois pas qu'on puisse ; ceci étant, chacun l'expliquera. Ce que je souhaite, c'est que les gens s'expriment et soient jugés sur leur projet européen et non pas sur les accidents de la route, quelle que soit l'importance que j'attache aux accidents de la route.

QUESTION – Est-ce que vous pensez possible ou souhaitable qu'au fond, les processus de ratification, même si chaque pays a son propre mode de ratification, ce soit dans une même période, qu'il y ait un débat européen ?

LE PRESIDENT – Ne rentrons pas le détail ; ce serait souhaitable, vous avez raison de le dire, ce sera difficile en raison des pressions de politiques internes, des problèmes de politique interne de chacun des pays. J'ai proposé, lors de notre dernier Conseil, celui où nous nous sommes mis d'accord à l'unanimité pour désigner le Premier ministre portugais comme Président de la Commission, j'ai demandé que le prochain Conseil soit consacré, entre autre, à ce problème : comment on pourrait faire pour raccourcir considérablement le temps de consultation européenne.

QUESTION – Plutôt le printemps prochain, le référendum ?

LE PRESIDENT – Le printemps, on ne sera pas prêt. Ce sera dans la deuxième partie de l'année.

QUESTION – Vous avez imaginé une seconde que le non l'emporte à ce référendum ou vous ne voulez pas y penser ?

LE PRESIDENT – Honnêtement, j'ai confiance dans les Français et notamment dans leur aptitude à s'associer, si les hommes politiques ne le polluent pas, à un vrai débat sur leur avenir et dans cette hypothèse, je leur fais confiance.

QUESTION – Alors, l'Europe est certes plus peuplée aujourd'hui, elle va être dotée d'une Constitution européenne, mais elle reste fragile notamment face à la toute puissance américaine. La donne va peut-être changer dans trois mois puisqu'il y a des élections présidentielles aux Etats-Unis.

Est-ce que dans votre for intérieur vous ne souhaitez pas la victoire de John KERRY ?

LE PRESIDENT – Je me garderai bien, Monsieur POIVRE D'ARVOR, de le dire ni même de le penser. Je n'ai aucune vocation à faire d'ingérence dans les affaires intérieures des Etats-Unis notamment, un grand pays allié et ami.

En revanche, nous avons évoqué ces problèmes sociaux. On n'a pas dit un mot de quelque chose qui me paraît intéresser beaucoup les Français, c'est l'assurance maladie. C'est une vraie réforme.

QUESTION – La réforme a l'air de passer relativement facilement.

LE PRESIDENT – Oui. Enfin, pour une fois que le gouvernement n'est pas trop critiqué, je ne peux que m'en réjouir. Mais je voudrais dire un mot. C'est une réforme tout à fait capitale. Nous étions partis dans un système qui allait exploser et donc il était indispensable d'y apporter une vraie réponse et une réponse à long terme. Je reconnais que le débat se déroule sérieusement, même s'il me semble qu'il y ait un peu d'abus de procédure, mais enfin, chacun est libre de s'exprimer. Ce que je voudrais dire c'est que ce n'est pas un plan de redressement, un énième plan de redressement comme nous en avons tant connus dans le passé, c'est-à-dire un plan destiné à diminuer les dépenses et à augmenter les recettes.

QUESTION – Celui-là sera suffisant ?

LE PRESIDENT – Ah, oui !

QUESTION – Pour quelques années ?

LE PRESIDENT – Oui, je l'espère et même plus longtemps parce que sa caractéristique, ce n'est pas de répondre à un problème immédiat, c'est de modifier les comportements. Et cela est tout à fait essentiel. C'est une action de mise en responsabilité de l'ensemble des acteurs, les malades, les partenaires sociaux, les caisses, les professionnels de santé, naturellement, le système de santé. Cela, c'est quelque chose de tout à fait de nouveau.

C'est une meilleure gestion d'abord, avec le retour d'un pilote dans l'avion, si j'ose dire, de l'ensemble des partenaires sociaux. Et plus de distance prise pour la gestion par l'Etat et plus de responsabilité des partenaires sociaux qui connaissent les choses, qui les connaissent bien et qui les ont, en général, bien assumées dans le passé. Et puis, il y a la modification du comportement à la fois des malades et des médecins ou des professionnels de santé. Le dossier médical personnalisé, c'est quelque chose de considérable. De même que le parcours de soins, le fait d'abord d'aller voir un médecin généraliste avant de se précipiter dans une série de consultations de spécialistes. Cela permet d'abord de mettre en oeuvre la "chasse au gaspi" et qui était considérable et cela permet également d'avoir une meilleure santé.

Le médecin généraliste qui va recevoir un malade et qui connaîtra immédiatement tout son passé, ce qu'il a fait, quels sont les traitements qu'il a subis, les examens dont il a bénéficiés, sera évidemment beaucoup plus efficace. C'est une bonne formule pour l'amélioration de la santé. Ce n'est pas seulement la chasse au gaspillage. C'est aussi la responsabilisation de chacun.

Il est normal qu'en dehors des femmes enceintes, des mineurs, des personnes qui bénéficient de la CMU, chacun fasse un geste quand il va chez le médecin. D'où l'idée d'un euro, qui ne devra pas être augmenté, mais qui est un geste de participation, de responsabilité. Je vous le disais tout à l'heure, il faut réhabiliter le travail, la responsabilité, le mérite et je pense que cette réforme sera une bonne réforme. Le ministre compétent...

QUESTION – ...il a été bon, M. DOUSTE-BLAZY ?

LE PRESIDENT – M. DOUSTE-BLAZY, peut-être parce qu'étant médecin, il connaît particulièrement à la fois les problèmes et le milieu. Il a fait une bonne réforme et il l'a bien conduite.

QUESTION – Alors, on vous a entendu depuis le début, Monsieur le Président, dresser la feuille de route, donner des priorités pour les trois années qui viennent, dire que vous ne laisseriez pas, en quelque sorte, les querelles politiques polluer l'action du gouvernement. Je voudrais savoir si vous allez rester très près des Français. Vous avez vu, il y a une enquête d'opinion qui dit qu'une majorité de Français ont l'impression que vous ne vous intéressez plus à eux, que vous êtes un peu lointain. Est-ce que cela veut dire que dans les trois ans qui viennent vous allez être vraiment à leurs côtés à surveiller leurs efforts, plus à leur écoute, parce qu'on dit toujours que vous êtes à l'écoute des Français, puis on a l'impression, depuis quelques temps qu'il y a un petit décrochage ?

LE PRESIDENT – Je vais vous dire, je n'en avais pas le sentiment. Je suis quelqu'un qui travaille beaucoup, vous le savez. Je suis sensible au contact avec mes concitoyens. J'y attache un grand prix, j'ai toujours pensé qu'on apprenait plus dans un regard ou dans une poignée de mains que dans un gros dossier. Et pourtant, vous l'évoquIez à l'instant, ce que vous dites est vrai. Donc, si les Français le pensent, ils ont probablement raison, et je vais en tenir compte.

QUESTION – Comment ?

LE PRESIDENT – Oh, je n'aurai pas à me forcer beaucoup, je vais leur parler davantage puisqu'ils le souhaitent, je vais réfréner ma ...

QUESTION - ...moins voyager, moins circuler, plus en France ?

LE PRESIDENT – Vous savez, le monde évolue, la mondialisation elle est là. Il faut l'humaniser, la rendre plus sociale, mais on ne peut pas l'ignorer. L'Europe dont nous parlions, elle est présente, Cela veut dire que les Chefs d'Etat et de gouvernement qui veulent défendre leur pays doivent être beaucoup plus présents à l'extérieur qu'ils ne l'étaient avant, non pas pour se promener, mais pour être entendus, pour défendre les intérêts de leur pays. C'est capital.

Dans la relance de l'économie que nous engageons, à partir du début de reprise de la croissance, qui a été favorisée par l'action pendant deux ans, difficile, du gouvernement, nous allons agir sur trois domaines principaux. Naturellement, la production, qui exige que l'on fasse des efforts dans le domaine notamment de la fiscalité, nous en avons parlé, et l'exportation, ce qui est un élément essentiel. Nous avons actuellement, en France, des capacités fantastiques, et pourtant nos parts à l'exportation se réduisent. Il faut relancer cela.

Pourquoi elles se réduisent ? Pour deux raisons : parce qu'on ne fait pas assez d'efforts sur les petites et moyennes entreprises pour les accompagner à l'exportation. Et parce que nous avons trop ignoré les grands marchés en plein développement, comme les marchés asiatiques, et notamment la Chine où nous sommes très bien placés, car l'explosion de la consommation chinoise dans le domaine du développement durable correspond exactement à un domaine où la France est numéro un mondial, l'eau, l'assainissement, l'énergie, les transports.

Eh bien, je vais aller faire un voyage en Chine, à la rentrée, à la fois pour affirmer la présence culturelle française -ce sera l'année de la France en Chine- mais surtout pour aller essayer de porter nos capacités d'exportation dans ce pays.

Je veux dire par-là que nous sommes obligés, les chefs d'Etat et de Gouvernement sont obligés d'être de plus en plus à l'extérieur. Je suis probablement l'un de ceux qui voyagent le moins et on me reproche de trop voyager. Et c'est vrai que quand je voyage, je ne suis pas dans mon bureau !

QUESTION – Donc, il faut expliquer aux Français que vous le serez plus souvent ?

LE PRESIDENT – Eh bien, je vais faire un effort pour cumuler les deux.

ARLETTE CHABOT - Je vous remercie, Monsieur le Président,

PATRICK POIVRE D'ARVOR - ...et on vous rend votre bureau.





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