Interview télévisée de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'occasion de la fête nationale

Interview télévisée de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la fête nationale, interrogé par Patrick Poivre d'Arvor et David Pujadas

Imprimer

Palais de l'Élysée, le lundi 14 juillet 2003

- - - Monsieur le Président, bonjour.

LE PRÉSIDENT - Bonjour.

QUESTION - Vous ne vous êtes pas exprimé à la télévision depuis plus de quatre mois, c'est-à-dire juste avant la guerre d'Iraq. Autant dire que les sujets que nous allons développer avec David PUJADAS sont nombreux : évidemment les suites de cette guerre en Iraq, l'Europe, les grands dossiers sociaux du moment, le budget, la croissance, les impôts, la Corse, José BOVÉ. Mais plus généralement, on a le sentiment aujourd'hui que la France est un petit peu bloquée, que la société se voit coupée en deux.

A vous regarder, tout à l'heure -puisque l'on sort tout juste du défilé du 14 juillet-, on se disait que vous rêviez d'une France qui lui ressemblait, c'est-à-dire apaisée, qui défile d'un seul pas, mais qu'au fond, cela ce n'est valable que pour les militaires.

LE PRÉSIDENT - Ce qui est vrai, c'est que nous sommes dans un monde difficile, incertain, inquiet -pas seulement en France d'ailleurs-, et que face à une situation de ce genre, liée à la crise mondiale, il y a plusieurs attitudes possibles. Il y a la peur, le repli sur soi, la crispation. Il y a aussi le durcissement, le blocage, l'affrontement. Ce sont des attitudes qui ne conduisent à rien, ou plus exactement à l'immobilisme et à l'échec.

La seule attitude possible, c'est le mouvement, l'ouverture d'esprit, l'adaptation au monde tel qu'il évolue. Et au fond, c'est bien ce que nous avons connu en France depuis un an par l'affirmation d'un certain nombre de principes, de valeurs, que nous avons inscrits dans une action, dans une vision. Nous l'avons fait sur le plan international. Vous évoquiez la crise en Iraq. Nous l'avons fait pour la paix, pour l'état de droit, pour la solidarité.

Nous l'avons fait sur le plan intérieur avec une lutte déterminée contre l'insécurité, pour la justice, mais aussi en faisant la réforme des retraites -dont j'imagine nous reparlerons- et qui était inéluctable, en engageant, malgré les difficultés du moment, un allégement des charges et des impôts qui nous paralysaient, et en prenant un certain nombre de dispositions, pour poursuivre la décentralisation et rapprocher les décisions des citoyens et des collectivités locales.

Quand j'entends, quand j'observe les réactions émanant de l'étranger sur les Français, je suis fier des Français et je suis fier de la France.

QUESTION - Et souvent à l'étranger, on dit : ils sont impossibles à gouverner, impossibles à réformer. Est-ce que la France est réformable ?

LE PRÉSIDENT - La France a toujours eu un esprit un peu gaulois. C'est l'une de ses forces, c'est aussi l'une de ses faiblesses. Mais dans une situation comme celle que nous connaissons, la seule réponse, c'est la poursuite de l'adaptation. Les Français ne peuvent pas se laisser dépasser par le monde tel qu'il évolue. La seule réponse, c'est l'adaptation, c'est poursuivre cette adaptation. C'est ce que j'ai demandé au gouvernement de faire et de le faire naturellement dans le respect de ce qui est notre pacte républicain ; c'est-à-dire le respect des libertés, de l'égalité des chances, de la justice sociale, de la responsabilité, du dialogue social, qui est l'une des choses qui nous fait le plus défaut, l'une des capacités qui nous manque le plus.

QUESTION - Mais précisément, Monsieur le Président, nous avons le sentiment que ce mouvement pour l'adaptation, dont vous parlez, n'est pas compris. Est-ce qu'il n'y a pas là une incapacité à rassembler, à faire partager la nécessité de ces réformes ?

LE PRÉSIDENT - Nous avons une vieille culture en France qui est plus une culture d'affrontement que de dialogue, mais les choses évoluent. Et il est de la responsabilité de ceux qui assurent la charge des pouvoirs publics de l'Etat, mais aussi des grandes organisations syndicales, professionnelles, des grandes associations de participer à cette évolution. On ne progresse pas réellement dans l'affrontement. Cela a peut-être été le cas dans le passé, historiquement. Ce n'est plus vrai aujourd'hui.

QUESTION - Vous attribuez la responsabilité de ce climat un peu empoisonné aux forces syndicales qui ne comprendraient pas ou qui refuseraient. A qui l'attribuez-vous ?

LE PRÉSIDENT - Je l'attribue au tempérament français et à une responsabilité très généralement partagée de tous.

QUESTION - Y compris le gouvernement.

LE PRÉSIDENT - Y compris, naturellement, les gouvernements, depuis longtemps. Parce que nous avons trop longtemps vécu dans l'idée que l'Etat avait toujours raison et qu'il décidait, et par voie de conséquence, que les autres organisations syndicales, professionnelles, associatives, n'avaient finalement comme possibilité d'action que de réagir. C'est à cela qu'il faut répondre aujourd'hui. C'est une évolution psychologique profonde. Elle est engagée. Nous parlerons tout à l'heure, j'imagine, des retraites. J'ai tiré beaucoup de leçons, pour ce qui me concerne, du débat sur les retraites, et notamment, dans ce qu'il a incarné, pour la première fois : une capacité de dialogue, même s'il y a eu, naturellement, des protestations.

QUESTION - Parlons-en, justement, des retraites. Parce que l'on parlait de la France, tout à l'heure. Il y a eu la France du public et la France du privé. Et visiblement aujourd'hui, en Corse, cela laisse des cicatrices. Et c'est peut-être à vous d'essayer d'apaiser ces tensions, et de les réunir ces deux France là.

LE PRÉSIDENT - L'affaire des retraites est tout à fait caractéristique de notre pays, de ses qualités et aussi de ses défauts et des efforts qu'il doit faire. Nous avions là, avec le système des retraites, un système condamné. Et donc, il fallait inévitablement apporter les modifications qui s'imposaient si l'on voulait garantir, à ceux qui travaillent aujourd'hui, des retraites pour demain dans un système de retraite par répartition. Un système auquel nous sommes tous profondément attachés.

A partir de là, il y avait deux solutions, face à l'évolution démographique qui faisait qu'il y avait de plus en plus de retraités en puissance : celle qui consistait à augmenter sensiblement les cotisations, ou celle qui consistait pour suivre l'amélioration, année après année, de l'âge de vie, de l'espérance de vie-, d'augmenter le temps, le délai...

QUESTION - ... ou bien encore de taxer les riches, comme certains l'ont proposé.

LE PRÉSIDENT - C'est la première solution que j'évoquais, c'est-à-dire augmenter les cotisations. Mais augmenter les cotisations, qu'est-ce que cela voulait dire dans la situation économique que nous connaissons ? Cela voulait dire faire payer un peu plus le travail, au sens le plus général du terme, naturellement, et donc plonger la France dans la récession, dans l'absence de croissance. Ce qui nous faut aujourd'hui, c'est davantage d'oxygène pour créer des emplois, créer des activités, pour lutter contre le chômage et non pas continuer à alourdir les charges qui pèsent sur chacun. Donc, à l'évidence, cette solution ne pouvait pas être retenue.

A partir de là, il a fallu prolonger la durée du temps de cotisation. Cette durée touche le secteur public, parce qu'il y avait eu une réforme qui avait touché, avant, le secteur privé. Pour le secteur privé, ce n'est qu'à partir de 2008 que la réforme fera connaître ses effets. Et d'autre part, naturellement, ceux qui seront près de la retraite, ou ceux qui sont à la retraite, ne sont pas touchés par cette réforme.

Mais ce que je voudrais dire pour répondre à la question que vous posiez, tout à l'heure, Monsieur PUJADAS -j'y reviens, parce que nous en avons été écartés-, il y a une autre leçon à tirer de cette réforme. C'est que pour la première fois dans une grande réforme sociale, il y a eu un dialogue et une concertation qui ont duré plusieurs mois avec les organisations syndicales et professionnelles...

QUESTION - ... mais pas une négociation. Et aujourd'hui, les syndicats disent que cette réforme a laissé des cicatrices...

LE PRÉSIDENT - Je vous demande pardon, il y a eu des négociations. Le projet initial du gouvernement a été discuté avec l'ensemble des organisations syndicales. Certaines l'ont refusé, et ensuite, ont mobilisé leurs adhérents. D'autres l'ont amendé, transformé et accepté. C'est la première fois que cela arrivait depuis longtemps, et c'est un premier pas important dans l'affirmation de la nécessité du dialogue. Je voudrais vous faire remarquer que les organisations syndicales qui ont accepté la réforme des retraites ont obtenu des compensations très importantes auxquelles on n'avait jamais pensé. Pour la première fois, ce qui était inimaginable, même pour les gouvernements précédents, les gens qui ont commencé à travailler très tôt, 14,15,16 ans, vont pouvoir partir avant 60 ans.

Deuxièmement, ceux qui ont été toute leur vie au niveau du SMIC vont avoir une revalorisation sensible de leur retraite. Ces deux avancées, comme on dit, sociales, ont été obtenues par les organisations syndicales, par la négociation. C'est un vrai progrès. Alors, que cela n'était pas dans l'intention initiale du gouvernement. C'était tout de même un exemple très caractéristique. Il y a eu un progrès social important dans une réforme sociale nécessaire obtenue par la négociation avec une partie des organisations syndicales, naturellement, pas toutes.

QUESTION - Alors, vous avez eu cette formule, il n'y a ni perdant ni gagnant. Mais force est de constater tout de même aujourd'hui que certains se sentent laissés sur le chemin, à tort ou à raison. Et, c'est ce qui explique peut-être la persistance de ces mouvements sociaux encore aujourd'hui.

LE PRÉSIDENT - Je pense que ceux qui se sentent laissés sur le chemin n'ont pas été convenablement informés. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au gouvernement de considérer qu'une fois votée, très prochainement, cette réforme des retraites devra faire l'objet d'une véritable communication, au sens le plus social du terme, c'est-à-dire d'une véritable explication...

QUESTION - ... elle a été insuffisante...

LE PRÉSIDENT - C'est très difficile, vous savez, surtout dans les périodes de conflit. C'est très difficile de faire passer les choses. Mais j'observe en écoutant les uns ou les autres que beaucoup de gens ne sont pas réellement informés de ce qui s'est passé. Et donc, il faut le faire par respect pour les gens, il faut leur expliquer exactement. Autrement dit, l'explication, le dialogue commencent après le vote de la réforme. J'ajoute que s'agissant du dialogue, ce n'est pas terminé car il y a encore deux sujets essentiels qui ne sont pas négociés et qui sont en voie de négociation : la définition de la pénibilité du travail et d'autre part, l'incitation pour que les entreprises, les entrepreneurs gardent les salariés jusqu'à l'âge de la retraite. Ce sont deux négociations très importantes.

QUESTION - Un dernier point sur les retraites, Monsieur le Président. Cette réforme, tout le monde est d'accord là-dessus, n'assurera qu'un tiers du financement nécessaire à l'horizon 2015-2020. Le plus dur reste à faire ?

LE PRÉSIDENT - Non.

QUESTION - Est-ce que l'on va taxer cette fois, est-ce que l'on va relever les cotisations ?

LE PRÉSIDENT - Non. D'ailleurs, le plus dur ne reste pas à faire. Le plus dur, c'était d'engager un dialogue et d'aboutir, au terme d'une négociation, à un accord. Ce qui a été fait, pas avec toutes les organisations, mais avec une partie des organisations syndicales et professionnelles. Cela, c'était l'essentiel. Je conteste cette affirmation.

Nous n'avons aucune idée de ce que sera la situation en 2015, d'une part, sur le plan de la démographie et d'autre part, sur le plan de la croissance. Cela ce sont des affirmations. Il y aura certainement encore des efforts à faire, mais il n'est pas question de les engager avant que nous sachions réellement quelle est la situation. D'où l'engagement qu'a pris le gouvernement, à la demande d'ailleurs des organisations syndicales qui ont accepté l'accord, qu'il y ait des clauses de rendez-vous réguliers et que les choses ne s'appliquent pas brutalement, qu'elles puissent être modifiées en fonction de l'évolution de la situation.

QUESTION - Monsieur le Président, on va vous parler de deux professions qui souffrent particulièrement en ce moment : les professeurs, le corps enseignants et puis les intermittents du spectacle. Sur le corps enseignant, est-ce que vous aviez pris conscience, à ce point, de la détresse de certains de ces professeurs qui, pour certains d'entre eux n'aiment plus leur métier, ou pour d'autres se sentent déconsidérés, déclassés ? Est-ce que vous l'aviez vu avant ce conflit ?

LE PRÉSIDENT - Par origine familiale, je me sens très proche des enseignants, des professeurs -on disait à l'époque les instituteurs-, qui ont fait la force de la République. Je n'oublie pas que l'école, c'est le ciment de la nation. Il faut rendre hommage à nos professeurs. Il y a cinquante ans, en 1950, l'école amenait 5 ou 6% des élèves au baccalauréat. Aujourd'hui, plus de 60%. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que cela représente comme effort considérable, et un effort qui a reposé sur qui ? Sur les enseignants, sur les instituteurs, sur les professeurs. Ce sont eux qui ont assumé cette charge. Au fil des ans, ils se sont aperçus, et c'est un fait, que l'on a transféré sur l'école un certain nombre des responsabilités qui n'étaient pas en réalité celles de l'école.

QUESTION - Les carences familiales, par exemple.

LE PRÉSIDENT - Les carences familiales, la violence, la crise du chômage, etc. On a trouvé -avec une gestion des ressources humaines qui ne s'est probablement pas adaptée comme il fallait-, des hommes, des femmes qui ont été profondément perturbés dans l'exercice d'une profession, dans laquelle ils se sont engagés parce qu'ils considéraient que c'était l'une des plus belles du monde : former, donner le savoir, permettre l'égalité des chances.

Alors, il y a un malaise. Et ces dernières années, qu'est-ce que l'on a fait ? On a pensé qu'en augmentant systématiquement le budget de l'Education nationale, qui le mérite naturellement, on allait régler les problèmes. En 10 ans, le budget a augmenté de 25%, alors que le nombre d'élèves diminuait de 500 000 environ. Et on n'a rien réglé, car c'est autre chose qu'il faut faire aujourd'hui. Je crois qu'il faut d'abord essayer d'avoir un vrai dialogue. Un dialogue avec les professeurs, avec les parents d'élèves, avec les grandes forces sociales de la nation qui sont, par définition, concernées par la formation des jeunes, et avec les politiques qui sont responsables de la mise en oeuvre de l'égalité des chances qui devrait être un des ferments même de notre pacte républicain.

QUESTION - Luc FERRY n'a pas sur mener ce dialogue ?

LE PRÉSIDENT - C'était un autre temps, et tout le monde lui reconnaît un très grand mérite mais aujourd'hui il faut naturellement...

QUESTION - ... Luc FERRY.

LE PRÉSIDENT - Ah, pardon. Excusez-moi.

QUESTION - Pas Jules FERRY. Le ministre a-t-il été à la hauteur de la gestion de la crise ?

LE PRÉSIDENT - C'est un homme de dialogue et c'est un homme qui connaît parfaitement le milieu et le problème. Donc ce dialogue il l'a engagé dans des conditions difficiles et je pense qu'il le poursuivra de façon positive.

Alors sur quoi doit porter ce dialogue et un dialogue pour quoi faire ? Il doit porter sur les quelques maux essentiels qui apparaissent clairement dans notre système d'éducation et qui, je le répète, ne sont pas de la faute de la responsabilité des professeurs. C'est d'abord la lutte contre l'illettrisme que l'on n'a pas su, il faut le reconnaître, conduire. Il faut impérativement trouver le moyen pour que tous les enfants qui entrent en 6e, sans exception maîtrisent la lecture, le calcul, l'écriture, ce qui n'est hélas pas le cas. Ils partent alors sur le toboggan suivant, dans des conditions qui sont évidemment tout à fait dramatiques. Donc c'est le premier problème, le problème essentiel, la lutte contre l'illettrisme d'où la nécessité impérieuse de mettre tout l'accent, le paquet si j'ose dire, sur le cours préparatoire.

Le deuxième problème, c'est celui du collège. On a eu, à un moment donné, la notion du collège unique, c'est très bien, en disant que tout le monde devait apprendre la même chose. Malheureusement, ce n'est plus aujourd'hui le cas. Il est indispensable qu'il y ait un accompagnement personnalisé des jeunes, c'est-à-dire qu'un jeune au collège, dès la 4e, dès la 3e, puisse connaître les différentes voies qui peuvent s'offrir à lui et qui peuvent lui convenir, compte tenu de sa personnalité, de son intelligence, et qu'il puisse en particulier, dès la 3e, opter pour d'autres voies, notamment la voie professionnelle, la voie de l'alternance. Bref, il faut faire un gros effort d'adaptation en ce qui concerne un parcours personnalisé des élèves.

Le troisième point, c'est une amélioration de notre situation en matière de langues étrangères. Aujourd'hui, je n'ai pas besoin de faire de dessin, c'est une nécessité et les Français sont très très en retard.

Et enfin, il faut que l'école reste ou redevienne le lieu privilégié de la transmission d'un certain nombre de valeurs : les valeurs de travail et de mérite, d'une part, et puis les valeurs de la République dans le respect de la laïcité. Cela, on l'a aussi, il faut bien le dire, un peu perdu de vue.

Alors qu'est-ce qu'il faut faire ? Une réforme pour quoi faire ? On voit quels sont les grands axes mais on ne peut pas, une fois encore je le dis, considérer que l'Etat sait tout, décide tout, et impose tout. Il faut d'abord avoir un vrai dialogue, que j'évoquais tout à l'heure, de façon à avoir un diagnostic partagé sur l'école. Il faut que sur le plan national on ait les moyens d'avoir un diagnostic partagé, que tout le monde se dise : "Eh bien oui, finalement, voilà ce qu'il faut faire et voilà comment on peut le faire !". Et c'est ce diagnostic partagé qui devrait permettre ensuite de faire une véritable loi programme pour l'école et c'est une des grandes ambitions des deux ou trois années à venir, une des grandes priorités.

QUESTION - C'est ce dialogue que vous proposez aux enseignants pour renouer ce lien qui semble très distendu, puisqu'on annonce de nouvelles actions à la rentrée alors que l'année scolaire s'est terminée sur des grèves ?

LE PRÉSIDENT - Mais naturellement, naturellement je leur propose ce dialogue parce qu'ils sont les éléments essentiels du dialogue. Ce sont les professeurs qui sont d'une part les meilleurs connaisseurs, et d'autre part les premières victimes des dysfonctionnements de notre école. Ce sont eux qui sont les porteurs de la foi, de la passion qui est en général la leur, pour donner à nos enfants la capacité d'assumer leur futur, et autrement dit de garantir l'égalité des chances. Mais il n'y a pas qu'eux, il y a aussi les parents d'élèves, il y a aussi les élèves, il y a aussi les organisations syndicales, professionnelles, tous ceux qui participent à l'architecture de la Nation et qui sont intéressés naturellement à la formation des garçons et des filles de notre pays.

QUESTION - Sur un sujet voisin qui est celui de la culture, vous avez été le chantre de l'exception culturelle qui est désormais inscrite dans la Constitution, la future Constitution de l'Europe. Vous avez, pendant votre campagne électorale, souhaité que soit sanctuarisé la culture et là, vous avez des intermittents du spectacle qui souffrent en ce moment, qui sont en grève, qui montrent leur mal être ; 650 d'entre eux, qui sont des artistes de toutes conditions, aujourd'hui vous demandent d'ouvrir un grand débat, justement sur le financement de la culture en France, sur le rôle de l'Etat par rapport à la culture. Est-ce que vous pouvez faire un geste en leur faveur, une ouverture ?

LE PRÉSIDENT - La lettre à laquelle vous faites allusion, qui a été signée par 650 artistes et créateurs, je l'ai lue, vous imaginez, avec beaucoup, beaucoup d'attention. Vous me permettrez d'en citer deux phrases car elles sont tout à fait caractéristiques. Je partage tout à fait leur analyse.

Elle commence par l'essentiel cette lettre, elle dit : "Nous venons de remporter une grande victoire, l'exception culturelle est inscrite au coeur de la Constitution européenne". Elle n'est pas tout à fait encore inscrite mais je pense qu'elle le sera au terme de la Conférence intergouvernementale qui arrêtera les nouvelles institutions de l'Europe. C'est une très grande victoire, pourquoi ? Parce que nous étions pratiquement le seul pays à avoir cette exigence. Nous sommes le seul pays où il y a la conscience d'une aide publique nécessaire à la création et aux artistes, dans toutes les formes d'art. Donc le risque immense que nous courrions, était de voir annuler tous nos systèmes d'aide. Cela a pu être inscrit dans la Convention et je voudrais exprimer ma reconnaissance, d'une part à certains de nos partenaires qui nous ont soutenus pour des raisons de solidarité -je pense en particulier au Chancelier allemand- et d'autre part, au Président de la Convention, M. Valéry GISCARD D'ESTAING, qui a mené une action extraordinaire pour la construction de l'Europe de demain, qui nous en a donné les bases, qui ne seront certainement pas retouchées et grâce à qui cette exception culturelle a pu être retenue. Donc cela, c'était le premier point mais c'est la clé de tout car si cela n'avait pas été retenu, alors tous nos régimes disparaissaient.

Ils ajoutent : "Dans le même temps, nous avons connu, ensemble, une victoire, nous avons connu, ensemble, une grande défaite : la signature au sein de l'UNEDIC -l'UNEDIC chacun le sait, c'est l'organisme de gestion paritaire de l'assurance chômage- par les partenaires sociaux d'un accord qui va à l'encontre de ce soutien que l'Etat apporte aux créateurs et aux artistes".

QUESTION - Accord que ratifie votre gouvernement ?

LE PRÉSIDENT - Attendez. Voilà le noeud du problème. Ce n'est pas l'Etat qui apporte ce soutien aux artistes, aux intermittents, c'est l'UNEDIC, c'est-à-dire que ce sont uniquement les salariés, et non pas l'Etat sur ses ressources, les ressources de toute la nation, qui apporte cette aide aux intermittents. C'est la collectivité des salariés, avec l'agrément du gouvernement. C'est un accord signé par les partenaires sociaux. Alors là, nous touchons au coeur. Moi, j'ai le plus grand respect pour les intermittents. J'en connais un certain nombre, je les fréquente régulièrement dans bien des occasions et quand je vais dans les festivals. Ce sont des gens qui, dans leur immense majorité, ont des contraintes très particulières et qui doivent être prises en compte. Ce ne sont pas des travailleurs ordinaires. Et deuxièmement, ce sont des gens, pour la plupart d'entre eux, qu'ils soient jeunes ou qu'ils soient moins jeunes, qui apportent le meilleur d'eux-mêmes pour la création artistique et donc qui sont un ferment de la société, un des éléments de la cohésion nationale. Donc, il faut en tenir compte.

Mais vous aviez un système, avec l'accord sur les intermittents tel qu'il existait, auquel on a voulu faire faire quelque chose pour lequel il n'était pas fait. Et le résultat, quel était-il ? C'était qu'un certain nombre d'entreprises de l'audiovisuel ou du spectacle en ont profité pour détourner ce régime et, en réalité, faire prendre en charge leurs dépenses de personnels par l'ensemble des salariés. Ce qui n'était évidemment pas acceptable.

QUESTION - Monsieur le Président, vous dites : le coeur du problème, ce sont en quelque sorte les abus, le détournement du système ?

LE PRÉSIDENT - Si cela ne vous ennuie pas, je voudrais terminer, parce que nous sommes là sur un sujet qui a touché, à juste titre, beaucoup de Français et je ne parle pas seulement de l'épouvantable gâchis artistique, humain et économique auquel nous avons assisté avec les festivals, naturellement.

Je voudrais y revenir, parce que cela mérite d'être expliqué. On a donc détourné ce système. Un certain nombre d'entreprises, je le répète, de l'audiovisuel ou du spectacle ont sûrement détourné ce système à leur profit. Le résultat, c'est qu'il y avait un déficit considérable. Un déficit payé par qui ? Par les salariés, par les cotisations des salariés et des entreprises, c'est-à-dire l'argent des salariés versé à l'UNEDIC. Et il était tout de même légitime que les organisations syndicales en charge de la responsabilité de l'UNEDIC assument cette responsabilité et disent : "Cela ne peut plus continuer, si l'Etat veut faire quelque chose, qu'il le fasse. Mais ce n'est pas à nous de prendre cela en charge". Ils l'ont fait pour certaines organisations, avec un sens particulier de la responsabilité, puisqu'ils ont dit : "Nous ne voulons pas mettre en cause le régime des intermittents. Nous savons qu'il est un régime particulier. Ce que nous voulons, c'est éviter les abus", d'où le projet qu'ils ont présenté et qu'ils ont, pour certaines organisations, adopté.

Alors qu'est-ce qu'il faut faire maintenant ? Ce n'est pas à l'ensemble des salariés de financer cela. C'est, en réalité, à la solidarité nationale, c'est-à-dire à l'Etat. Alors que doit faire l'Etat maintenant dans cette situation ? Il doit faire deux choses. Il ne doit pas, naturellement, laisser les intermittents dans la situation dans laquelle ils sont. La première chose, c'est de poursuivre, avec sévérité, notamment par l'inspection du travail, et je l'ai demandé au gouvernement, les abus qui ont été faits par ces entreprises, qui sont condamnables et qui doivent être condamnés et sanctionnés. Cela est une première chose.

QUESTION - Il était censé de le faire déjà auparavant ?

LE PRÉSIDENT - Eh bien, il ne le faisait pas. Je regrette. Je le constate. Et je le répète, les organisations syndicales de l'UNEDIC responsables ne pouvaient pas faire autre chose que de dénoncer ce système qui se faisait au détriment des intérêts dont ils avaient la charge.

Deuxièmement, il n'est naturellement pas possible de ne pas -et c'est cela la spécificité, l'exception culturelle française- donner à ces créateurs, à ces artistes souvent jeunes et qui, par conséquent, n'ont pas les moyens de financer leur création, leur projet, les moyens de le faire. Mais c'est à l'Etat de le faire sur le budget de l'Etat. C'est de la solidarité nationale au profit de la culture qui doit s'exercer et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au gouvernement de mettre en place, avant le 1er janvier prochain, date à laquelle le régime des intermittents doit être modifié, un système d'aide à la création culturelle qui vise précisément à régler le problème de ces intermittents, de ces jeunes en particulier, de ces jeunes créateurs pour que leur projet soit financé et soit financé sur la durée.

QUESTION - Monsieur le Président, quand on voit la difficulté qu'il y a finalement d'accoucher aux forceps ces accords sociaux, est-ce que vous n'êtes pas tenté de repousser aux calendes grecques la réforme de la l'assurance maladie, qui est un autre grand chantier et qui attend le gouvernement maintenant ?

LE PRÉSIDENT - Je vais vous dire, le report, qui est la traduction de l'incapacité à agir, cela se termine toujours très mal et ce n'est certainement pas la manière de gérer les affaires d'un pays. Donc, je peux tout envisager, mais certainement pas de reporter ce qui doit être fait. Alors, l'assurance maladie, c'est un problème qui n'a rien à voir avec ceux que nous venons d'évoquer. Rien à voir...

QUESTION - ...c'est un déficit ?

LE PRÉSIDENT - Il y a un déficit et même considérable. Mais nous avons un système qui est un bon système. C'est un système fondé sur l'égalité des soins et sur des soins de qualité. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas à réformer notre système d'assurance maladie. Il est bon, il faut le maintenir. Il n'y aura donc pas de réforme de l'assurance maladie. C'est un problème qui n'a rien à voir avec celui des retraites. Il faut, là encore, l'adapter de façon à l'assurer, le faire évoluer normalement, comme toute oeuvre humaine, qui doit être en permanence remise sur le chantier et adaptée. Alors comment l'adapter ? Il faut d'abord responsabiliser tous les acteurs de la santé et cela, on ne l'a pas fait assez, qu'il s'agisse des malades, des assurés sociaux, qu'il s'agisse des gestionnaires, qu'il s'agisse naturellement des professions de santé de façon à lutter contre les gaspillages qui sont indiscutables et connus et les excès ou les choses qui ne sont plus adaptées.

QUESTION - Mais comment responsabiliser ?

LE PRÉSIDENT - Par le dialogue. Je vais y revenir sur la conclusion. Là encore par le dialogue et la concertation.

QUESTION - Cela ne marche pas beaucoup pour l'instant.

LE PRÉSIDENT - Je le répète, quand il y a une bonne idée qui s'impose, quand il y a une détermination et quand il y a un dialogue, alors on peut réussir les choses. On l'a vu, avec les retraites. Donc, il faut d'abord responsabiliser tous les acteurs de la dépense maladie. Supprimer les gaspillages. Il faut améliorer l'architecture actuelle de la gestion de l'assurance maladie.

L'Etat n'a pas à tout décider, ce n'est pas son rôle, il faut sortir de cette impasse dans laquelle nous nous sommes enfermés depuis longtemps, où l'Etat dit à la fois le droit, la vérité, les obligations, etc., laissant aux autres comme seule capacité de rouspéter. Ce n'est plus adapté à notre temps et pas respectueux des autres. Donc, l'Etat doit fixer un cadre, doit fixer les règles générales et ce sont les caisses qui doivent gérer la dépense et avoir la capacité de le faire. Enfin, il faut y associer bien davantage les mutuelles qui aujourd'hui prennent un rôle croissant et qui n'ont pas, dans ce domaine, la place qu'elles doivent avoir.

Et le dernier point de cette réforme, c'est qu'il faut aider les Français qui n'en ont pas les moyens à pouvoir souscrire une couverture maladie complémentaire de façon à ce qu'il y ait plus d'égalité, à ce qu'on supprime un certain nombre d'inégalités. Il y a beaucoup de Français aujourd'hui qui n'ont pas les moyens de souscrire une assurance maladie complémentaire et donc sont en situation d'inégalité par rapport aux autres. Il faut, notamment par des mesures fiscales, leur donner les moyens de le faire.

QUESTION - Mais qui va payer tout ça ?

LE PRÉSIDENT - Tout ceci doit, là encore, ressortir d'un effort de concertation et de dialogue. Les organisations syndicales ont parfaitement conscience du problème, et elles savent très bien qu'on ne peut pas indéfiniment augmenter les cotisations, pas plus dans l'assurance maladie que dans l'assurance chômage, même si l'on peut, lorsque la situation économique le permet, faire un effort. Mais on ne peut pas le faire indéfiniment et par conséquent il faut rechercher, ensemble, une volonté commune d'adapter les choses.

QUESTION - Et dans l'immédiat, est-ce qu'un nouveau tour de vis n'est pas inéluctable, l'augmentation de la CSG, la diminution des remboursements···

LE PRÉSIDENT - Je suis contre l'augmentation de la CSG, j'en ai parlé, c'est l'augmentation des charges. Je vous l'ai dit aujourd'hui, et c'est pour cela que cela n'a pas été retenu pour les retraites, l'augmentation des charges n'est pas cohérente avec un effort consistant à essayer de permettre de relancer l'économie et la croissance.

QUESTION - Presque tous les gouvernements y ont eu recours depuis quinze ans, depuis Michel ROCARD ?

LE PRÉSIDENT - Oui, oui, les circonstances étaient probablement différentes. Je ne porte pas de jugement sur les gouvernements antérieurs. Je vous dis que les choses étant ce qu'elles sont aujourd'hui, l'augmentation des charges sur le travail des Français n'est pas une réponse qui soit cohérente avec notre volonté de lutter contre le chômage, pour la création d'emplois et pour rendre notre pays plus attractif.

QUESTION - Alors, justement parce qu'il se trouve que ce gouvernement, le vôtre, celui de Jean-Pierre RAFFARIN, connaît beaucoup d'échecs sur ce front-là, mois après mois, alors que celui de Lionel JOSPIN enregistrait des satisfactions, est-ce que cela n'est dû qu'à l'environnement international ?

LE PRÉSIDENT - Nous avons connu, dans les années 2000, une croissance internationale très forte. Ce qui faisait que les recettes rentraient à flot. J'avais même, au cours d'un 14 juillet antérieur, parlé de la cagnotte, vous vous en souvenez peut-être. Evidemment, ce n'est plus le cas aujourd'hui et la croissance internationale étant ce qu'elle est, nous avons de grands problèmes en matière d'activité et donc d'emploi. Nous avons d'ailleurs les mêmes caractéristiques que tous les pays européens. Alors, face à cette situation, l'emploi reste, bien entendu, la priorité numéro un des préoccupations du gouvernement, des préoccupations de tous les hommes politiques, de quelque bord qu'ils soient, de tous les professionnels, et de tous les Français.

Alors comment faire ? Je crois que la première chose, c'est de faire le maximum pour encourager l'activité. Encourager l'activité, c'est ce qui a justifié l'assouplissement des 35 heures, c'est surtout ce qui a justifié notre détermination à ne pas augmenter les charges et les impôts et à les diminuer malgré la rigueur des temps.

QUESTION - Ce cap reste maintenu ?

LE PRÉSIDENT - Ce cap reste maintenu parce qu'il est inévitable.

QUESTION - Malgré le déficit budgétaire ?

LE PRÉSIDENT - Malgré le déficit budgétaire et naturellement avec une gestion aussi rigoureuse que possible de nos finances publiques...

QUESTION - Mais comment fait-on précisément ?

LE PRÉSIDENT - Alors nous allons y revenir si vous le voulez bien, je vais achever de répondre à la question sur l'emploi. Et puis, naturellement, une politique dynamique d'aide à la création d'entreprise. Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures l'année dernière dans ce domaine. Pour la première fois depuis longtemps nous avons enregistré, pour le premier semestre de cette année, une augmentation extrêmement sensible du nombre de créations d'entreprises, plus de 95 000, ce qui représente + 8%. Ceci montre bien que, lorsque l'on encourage un peu les gens, au lieu de les décourager par des contraintes de toutes sortes, eh bien leur capacité à agir, à s'exprimer, à créer, que ce soit dans la culture ou que ce soit dans l'économie, en est stimulée. Et le résultat, c'est qu'on voit se créer aujourd'hui des entreprises au rythme cité. L'engagement que j'avais pris, il y a un an de création, dans les cinq ans, d'un million d'entreprises supplémentaires, sera tenu au rythme actuel, si l'on continue.

QUESTION - Oui, mais pendant ce temps-là, les grandes entreprises continuent à licencier, elles.

LE PRÉSIDENT - C'est vrai. C'est vrai. Ce n'est, hélas, pas seulement les grandes entreprises. Les grandes entreprises cela se voit. Les petites et moyennes entreprises licencient aussi mais ça ne se voit pas et ne s'entend pas. C'est d'ailleurs ce qui nous oblige, et je vais y revenir, à avoir un regard particulier en faveur des travailleurs des petites et moyennes entreprises. Pour encourager l'activité.

Deuxièmement, il faut encourager le travail. C'est ce que le gouvernement a lancé comme politique avec la création des contrats sans charge pour les jeunes entrant en entreprise ou du CIVIS qui vient de sortir pour les jeunes qui veulent exprimer une création ou s'associer à une oeuvre d'intérêt général. C'est également la création du revenu minimum d'activité qui va enfin, je l'espère, permettre de donner un encouragement et une incitation aux RMIstes à rentrer de nouveau dans la voie active. Et puis c'est l'augmentation du SMIC. Enfin je voudrais -on nous dit toujours qu'on ne fait rien-, tout de même rappeler que l'augmentation du SMIC qui vient d'intervenir est la plus importante, et de loin, enregistrée en France depuis vingt ans. Cela veut dire qu'en trois ans les gens qui sont titulaires du SMIC vont avoir un treizième mois. C'est un effort légitime, normal, nécessaire pour l'économie et la consommation, mais c'est tout de même quelque chose qui ne s'était pas fait depuis vingt ans.

Le troisième élément c'est de renforcer nos moyens de lutte contre le chômage. Nous ne sommes pas encore au point dans ce domaine. Les renforcer c'est, naturellement, quand il y a ce que vous évoquiez, c'est-à-dire une crise d'emploi dans un secteur particulier, majeur, c'est, par le système des "contrats de site" mis au point par le gouvernement, le fait que tout le monde se retrousse les manches, ensemble, pour répondre à une situation de gravité ou de drame. Mais c'est aussi autre chose, c'est toute la négociation dont j'attends beaucoup et que je pousse beaucoup entre les organisations syndicales et professionnelles sur la prévention des licenciements, notamment pour envisager à temps les mesures qui s'imposent, mais également pour donner aux travailleurs des petites et moyennes entreprises des droits équivalents, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, aux travailleurs des grandes entreprises qui eux, peuvent bénéficier de plans sociaux. Et puis c'est le renforcement de notre système d'emplois, de services publics de l'emploi. Il faut que les chômeurs aient un accompagnement individualisé, ce qui suppose un rapprochement de l'ANPE, de l'UNEDIC, des collectivités locales pour avoir un système moderne, où chaque chômeur peut être pris individuellement en compte.

QUESTION - Alors vous dites que la baisse des impôts va continuer. Mais comment diminuer les impôts alors que•••

LE PRÉSIDENT - Si vous me le permettez, Monsieur PUJADAS, je vous répondrai tout de suite après, parce que sur l'emploi, il y a un dernier élément qui, à mes yeux, est essentiel. Ensuite je répondrai à votre question naturellement.

Le temps où l'on faisait toute sa carrière dans le même emploi est révolu, chacun le sait. Mais pour pouvoir changer d'emploi, encore faut-il avoir une formation qui vous permette de le faire. C'est la raison pour laquelle j'ai fortement encouragé les négociations en cours -et j'espère qu'elles se termineront à l'automne- entre les organisations syndicales et patronales pour la création d'une véritable formation tout au long de la vie. Autrement dit, chaque travailleur en France doit pouvoir bénéficier d'un crédit de formation, doit pouvoir se voir affecter une capacité de formation qui, tout au long de la vie, lui permette de s'adapter. C'est le meilleur moyen de lutter contre le chômage et de bénéficier de la deuxième ou de la troisième chance dans sa vie.

Alors j'espère que cette négociation, à mes yeux, capitale, va se conclure convenablement à la rentrée, à l'automne. Si tel est le cas, le gouvernement proposera de ratifier l'accord par la loi et si tel n'est pas le cas, si les partenaires sociaux ne sont pas assez ambitieux dans ce domaine, eh bien le gouvernement prendra ses responsabilités et proposera, à ce moment-là, une disposition législative.

Et cela me conduit à la dernière réflexion qui, elle, est plus générale, plus philosophique. L'époque, je le répète, où l'Etat décidait tout, est révolue. Par conséquent, notamment dans le domaine du droit du travail, qui est un domaine infiniment sensible, humain, où les uns et les autres doivent être entendus, je souhaite que, dorénavant, il n'y ait plus de lois qui soient déposées par un gouvernement avant d'avoir été préalablement l'objet de négociations entre les organisations syndicales et professionnelles. Autrement dit, tout ce qui touche le droit du travail, dorénavant, fera l'objet d'une négociation et puis, au terme de cette négociation, ou bien on est arrivé à un accord qui manifestement est positif et à ce moment-là, la loi le pérennisera, ou bien on est pas arrivé à un accord et le gouvernement prendra ses responsabilités.

QUESTION - Y compris pour la réforme de l'Etat ?

LE PRÉSIDENT - Y compris pour la réforme de l'Etat qui est un autre problème, dans la mesure où la réforme de l'Etat suppose d'abord et avant tout une meilleure organisation de son travail et une amélioration du rapport coût/efficacité. Mais je vais revenir maintenant au problème que vous évoquiez sur le budget.

QUESTION - Mais sur l'impôt, vous allez continuer à baisser l'impôt tout en sachant que souvent l'Etat reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre ?

LE PRÉSIDENT - Je souhaite que le gouvernement continue à baisser les impôts. Vous savez, je vais vous dire, et cela répondra à M. PUJADAS, face à une période de crise, qui est une période de crise mondiale et européenne, qui s'exprime dans tous les pays -et nous ne sommes pas les plus touchés-, il y a là encore, une attitude que je refuse et qui consiste à l'attentisme, au repli sur soi. C'est-à-dire on baisse les dépenses et on augmente les impôts. C'est un chemin sans issue. Et je ne l'emprunterai pas. Je ne guiderai pas la France sur ce chemin.

QUESTION - Quitte à faire gonfler le déficit...

LE PRÉSIDENT - Par conséquent, je considère qu'on ne peut pas avoir en période de difficultés économiques de comportement récessif. Et donc tout doit être fait pour permettre, dans des limites raisonnables et naturellement de façon compatible avec nos engagements européens cela va de soi, la baisse des charges et des impôts pour redonner de l'oxygène.

QUESTION - Mais Monsieur le Président, on est à un déficit de 3,5 ou 4% même, selon le FMI, largement au-delà de ce qui est autorisé par la Commission européenne, par les autorités européennes, alors comment fait-on ?

LE PRÉSIDENT - C'est une rude question. Des difficultés, il faut choisir la moindre. Je voudrais vous rappeler que le pacte de stabilité que nous avons adopté sur le plan européen, s'imposait. On ne peut pas adhérer à une monnaie commune, la gérer ensemble et laisser les uns et les autres faire ce qu'ils veulent dans ce domaine. Il y a donc une discipline qui s'impose. Mais dès l'époque, on avait tout à fait observé qu'il y avait une contradiction entre la gestion en période de croissance ou en période normale et puis la gestion en période de crise. Et dès l'époque, à l'initiative d'ailleurs de la France -c'était il y a cinq ou six ans si j'ai bonne mémoire- on avait dit que ce n'est pas seulement un pacte de stabilité, c'est un pacte de stabilité et de croissance. C'est-à-dire que les exigences de la stabilité qui s'impose à tous, doivent être appréciées en fonction de la croissance. Alors c'est vrai de la France et elle n'est pas la seule, bien entendu, c'est vrai d'un certain nombre de nos partenaires...

QUESTION - Elle est un peu le mauvais élève de l'Europe de ce point de vue là.

LE PRÉSIDENT - L'un des, si on peut parler de mauvais élèves.

QUESTION - Entre guillemets !

LE PRÉSIDENT - Nous ne sommes pas, si j'ose dire, celui dont la situation budgétaire est la plus mauvaise, mais enfin, peu importe.

QUESTION - Et vous souhaitez que l'on relève ce seuil, justement des 3% ?

LE PRÉSIDENT - Non, il ne s'agit pas de modifier le pacte de stabilité. Il s'agit que les représentants des Etats, qui siègent à l'"eurogroupe", qui ont la gestion commune de ce bien qu'est l'euro, examinent ensemble quelles sont les modalités provisoires d'assouplissement, quelles sont les circonstances particulières de tel ou tel pays, compte tenu notamment de sa situation en Europe, de sa participation. Je prends par exemple cas de l'Allemagne qui est dans une situation difficile, mais qui est le plus gros contributaire à l'Europe. Il faut également tenir compte de tout cela. Donc, il faut que ces ministres ensemble discutent et trouvent une solution qui soit cohérente avec l'impératif de stabilité qui permette de ne pas diminuer la croissance.

QUESTION - Monsieur le Président, il nous reste un gros quart d'heure et beaucoup de sujets. On voulait tout de même vous demander un mot, quatorze mois après son entrée en fonction, treize mois, sur la façon dont le gouvernement conduit les choses. On a parlé des réformes, est-ce que vous êtes satisfait, par exemple de l'action de votre Premier ministre ?

LE PRÉSIDENT - Dans ma carrière j'ai vu beaucoup de gouvernements. J'ai même participé à de nombreux gouvernements. Et j'ai vu beaucoup de Premiers ministres, eh bien, je peux vous dire qu'aujourd'hui, tel que je vois l'action du Premier ministre et du gouvernement, j'en suis particulièrement heureux. Je trouve que c'est une action responsable dans une période très difficile. On n'est pas dans la période, je le répète, où l'argent arrivait à flot, c'est une période très différente. Et donc les contraintes sont beaucoup plus grandes. Et je trouve que la détermination, l'intelligence que met le gouvernement sous l'impulsion du Premier ministre à faire au mieux sont, pour ma part, très satisfaisantes.

QUESTION - Nicolas SARKOZY suscite beaucoup d'admiration à droite comme à gauche en raison de sa très grande activité. Est-ce que vous êtes épaté par Nicolas SARKOZY ?

LE PRÉSIDENT - Cher Monsieur PUJADAS, n'attendez pas de moi, après le Premier ministre, vous avez cité le ministre de l'Education nationale, vous citez le ministre de l'Intérieur, n'attendez pas de moi que je distribue des notes. Je constate que la situation dans le domaine de la sécurité s'est considérablement, ou en tous les cas substantiellement améliorée. C'est-à-dire le respect du droit, c'est-à-dire l'état de Droit. On le doit notamment à l'action du ministre de l'Intérieur et je lui en suis reconnaissant.

QUESTION - Cela dit, il y a quand même un domaine où le gouvernement a subi un échec, c'est le référendum en Corse. Beaucoup d'électeurs corses ont avoué après coup qu'ils n'avaient pas bien compris la question. Est-ce que cela n'aurait pas été plus simple de leur dire : "Est-ce que vous êtes d'accord pour rester ou non dans la République française ?" Ça, c'est une question qui a le mérite de la simplicité.

LE PRÉSIDENT - Je crois que ça aurait été un peu la facilité parce que personne ne doute que la très grande majorité des Corses sont et se sentent français. Ils ont participé si activement à notre histoire, à la construction de notre Etat, à l'image de la France et aux responsabilités de la France dans le monde que je ne pense pas qu'il y ait une majorité de Corses pour contester cette réalité.

QUESTION - Mais on a quand même vu dans le camp des oui, vos partisans, ceux de l'UMP, qui parfois traînaient des pieds, et puis les nationalistes qui eux...

LE PRÉSIDENT - Je vous dis qu'en Corse c'est complexe. Je vais vous dire, je regrette que le référendum n'ait pas été adopté, encore qu'on ne peut pas dire qu'on va consulter, et c'est une réforme constitutionnelle, pour plus de démocratie, les Français de telle ou telle région sur un sujet qui les concerne et immédiatement politiser la réponse. Sinon ce n'est pas la peine de poser la question. Je veux dire qu'il faut poser la question sans arrière-pensées : est-ce que vous voulez ceci, ou est-ce que vous voulez cela ? Dans le cas particulier, je crois que les Corses auraient trouvé là l'occasion de donner un élan nouveau au développement de la Corse. Bon ils ne l'ont pas voulu, le statu quo sera maintenu, c'est tout à fait normal, sauf naturellement le vote de la loi établissant en Corse la parité homme/femme pour les prochaines élections de 2004.

QUESTION - Mais au fond de vous-même vous pensiez que ce référendum était indispensable ou vous pensez que c'est suffisamment compliqué la Corse...

LE PRÉSIDENT - Je crois, je pense que la structure administrative de la Corse, dans le cadre des habitudes de cette région, était devenue inadaptée et qu'il fallait lui donner un nouvel élan et que la réforme des structures, la parité pouvaient peut-être le donner. Les Corses l'ont refusé. Très bien !

QUESTION - Quelle est la perspective qu'on peut offrir à la Corse, maintenant ?

LE PRÉSIDENT - La perspective, Monsieur PUJADAS, c'est la politique que mène le Gouvernement et qui s'articule autour de trois idées. La première c'est la répression de la violence. Je voudrais dire à ce sujet à la minorité corse, aux quelques Corses qui commettent ou qui soutiennent la violence, que la violence est sans issue, qu'elle ne fait que plonger les familles dans le drame, dans la douleur, et la Corse dans le malheur. Et que les Corses ont droit comme tous les Français à la paix civile. Donc l'une des vocations du gouvernement c'est d'abord de réprimer la violence et tout ce qui n'est pas conforme au droit.

Le deuxième élément capital, c'est d'accélérer le développement économique, social, culturel de la Corse. Nous avons pris du retard mais il faut le faire maintenant et de ce point de vue, la réforme des structures n'était pas inutile mais enfin, il faut accélérer le développement de la Corse dans son ensemble français, mais aussi dans son ensemble européen et méditerranéen.

Et enfin, il faut essayer, c'était l'idée du référendum, d'améliorer les structures de gestion de la Corse. Les Corses ne l'ont pas voulu, eh bien on fera avec.

QUESTION - Puisque nous sommes le 14 juillet, sur José BOVÉ, vous ne pouviez pas en faire davantage puisque beaucoup de gens disent : "il n'a ni tué ni volé, ce n'est qu'un militant syndical?"

LE PRÉSIDENT - Les militants syndicaux sont des Français comme les autres et ne doivent pas s'imaginer que cette vocation leur donne le droit d'enfreindre la loi. Je ne conteste pas à M. BOVÉ le droit de développer les thèses qui sont les siennes, notamment ses inquiétudes concernant la mondialisation ou les OGM, je suis tout à fait d'accord, et tant que c'était simplement l'expression d'une affirmation claire, je pouvais l'écouter et le cas échéant la discuter.

QUESTION - Vous êtes d'accord parfois avec ses thèses ?

LE PRÉSIDENT - Je me suis moi-même exprimé très souvent en ce qui concerne les excès de la mondialisation et la nécessité d'humaniser la mondialisation, dans des conditions qui n'ont pas été critiquées par M. BOVÉ ; mais agir de façon brutale, contraire à la loi et récidiver, ce n'est pas conforme à l'idée que je me fais d'un état de Droit.

J'ai pris la décision que vous connaissez. C'est l'expression du droit de grâce qui est un droit réservé au Président de la République, c'est vrai d'ailleurs dans tous les grands pays du monde, j'ai exercé ce droit de grâce en conscience, après réflexion et sans aucune pression d'aucune sorte, et je n'ai pas à faire d'autres commentaires.

QUESTION - On le disait au début de cet entretien, la dernière fois que vous aviez parlé, c'était juste avant la guerre d'Iraq où vous nous parliez à tous les deux, est-ce que vous pensez que les faits vous ont finalement donné raison, qu'il ne fallait pas que les Américains aillent là-bas, ou est-ce que vous vous dites qu'à tout prendre c'est mieux d'avoir un Iraq troublé qu'un Iraq avec Saddam HUSSEIN ?

LE PRÉSIDENT - Je ne crois pas que le problème se pose de cette façon. Je considère qu'aujourd'hui -on parlait de mondialisation- toute situation de crise, quelle qu'en soit la nature, sur un point du monde, concerne la totalité de la communauté internationale. Et par conséquent, doit relever d'une règle, d'une morale, d'une éthique, qui ne peut être que celle de l'ONU, c'est-à-dire de la communauté internationale organisée, quitte à apporter des modifications à l'ONU, naturellement, si on le veut, je ne suis pas contre. Mais il faut qu'il y ait une règle. L'unilatéralisme, c'est-à-dire la capacité pour un pays de prendre seul et à sa convenance des décisions, n'est plus aujourd'hui possible dans le monde, en tous les cas tel que je le vois et tel que je le souhaite. Nous avons besoin d'un état de Droit et qui favorise la paix avant tout. Je l'ai dit, je le répète, nous voulions désarmer l'Iraq et nous avions raison de le faire, je ne sais pas où sont les armes de destruction massive, enfin elles auraient pu exister en tous les cas...

QUESTION - Y a-t-il eu mensonge d'Etat, après l'aveu de la Maison Blanche ?

LE PRÉSIDENT - Je n'en ai aucune idée, la France n'a pas participé à cela, je vous le dis tout de suite... C'est très facile de dire les choses après coup.....

QUESTION - De la part des Américains ? Est-ce que vous êtes troublé de voir qu'aujourd'hui...

LE PRÉSIDENT - C'est très facile de dire les choses après coup. Moi j'ai dit une chose. Il y a ou il n'y a pas d'armes de destruction massive...

QUESTION - On n'en a pas trouvé ?

LE PRÉSIDENT - ... Il y a un processus pour s'en assurer qui est celui des inspecteurs de l'ONU. Ils ont engagé leur travail, de notoriété publique, de façon extrêmement positive et capable. Il faut leur laisser le temps de finir et on a pas voulu leur laisser le temps de finir. C'est la raison pour laquelle je ne me suis associé à cette affaire au nom des principes et du droit non pas par sympathie pour tel ou tel, ou antipathie pour tel ou tel.

QUESTION - Vous avez l'impression qu'à Londres ou à Washington on a forcé un peu le trait pour justifier cette guerre ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas à apporter de jugement dans ce domaine. Moi, j'ai dit que je ne savais pas s'il y avait ou non des armes de destruction massive, que je n'avais aucun élément de preuve. C'est ce que j'ai répété à l'époque et par conséquent il fallait laisser aux inspecteurs de l'ONU le choix de répondre à cette question, qu'ils étaient seuls capables de le faire.

QUESTION - Est-ce que la relation franco-américaine s'en trouve améliorée aujourd'hui ? On sent que vous ne souhaitez pas attiser les conflits ?

LE PRÉSIDENT - On a beaucoup glosé sur ce point. Les difficultés franco-américaines, je peux vous le dire, ont été essentiellement superficielles et médiatiques de la part de certains médias.

QUESTION - Il y avait quand même Donald RUMSFELD qui vous qualifiait représentant la "vieille Europe" tout comme d'ailleurs Gerhard SCHROEDER, ce n'était pas spécialement aimable ?

LE PRÉSIDENT - Il y a toujours des politiques qui sont un peu excessifs dans leurs propos. Mais ce n'est pas cela qui modifie la nature réelle des relations. J'ai toujours entretenu avec le Président des Etats-Unis des relations qui étaient ce qu'elles devaient être, c'est-à-dire de coopération et certainement pas de subordination.

QUESTION - Et vous vous félicitez aujourd'hui de voir les Etats-Unis s'engager dans le processus de paix au Proche-Orient et de tenter de faire bouger les lignes ?

LE PRÉSIDENT - Je m'en félicite beaucoup même si je ne suis pas très optimiste. Mais cette situation au Moyen-Orient est, à proprement parler, intolérable et je reconnais que les Etats-Unis ont une vocation particulière, compte tenu notamment de leur relation avec Israël et de leurs moyens, à apporter une contribution déterminante dans l'évolution de ce conflit. Mais elle ne peut pas être unique et je persiste à penser que l'Europe à encore beaucoup à faire dans ce domaine.

QUESTION - On les voit beaucoup dans le monde aujourd'hui, y compris en Afrique, une visite récente du Président BUSH, ce sont les nouveaux gendarmes du monde ?

LE PRÉSIDENT - La notion même de gendarme du monde est une notion qui appartient au passé. Nous avons, nous aussi, à un moment donné, été accusés d'être les gendarmes du monde, en tous les cas d'une partie du monde. C'est le passé. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous sommes dans un monde qui, s'il veut être respectueux des autres, s'il veut régler les problèmes fondamentaux et qui sont ceux de la misère, qui sont ceux du développement, qui sont ceux de l'environnement, eh bien, il faut une autorité mondiale. Je prends celui -tout le monde connaît les problèmes hélas- de la misère, de la faim, du sida dans le monde pour lesquels, on essaie de faire bouger les choses.

QUESTION - Une conférence à Paris ?

LE PRÉSIDENT - Notamment à Paris, actuellement. Je reçois tout à l'heure M. MANDELA qui a apporté une superbe contribution à cette cause de la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour faire reculer, pour vaincre le sida. Mais il y a un autre problème dont on ne parle pas assez dans le monde, qui est celui de l'environnement. Nous avons depuis la révolution industrielle, pas seulement en France, naturellement dans le monde, nous avons emprunté une voie qui n'était pas suffisamment responsable et qui conduit à la destruction à terme de notre planète. Je ne veux pas rentrer dans le détail, mais c'est extraordinairement dangereux et c'est totalement irresponsable et donc il est grand temps aujourd'hui de faire l'effort nécessaire pour infléchir notre modèle de développement, qui ne peut plus être le même que celui de la révolution industrielle. Il faut l'infléchir pour intégrer les éléments de l'environnement. C'est dans cet esprit que nous avons souhaité, que la France a souhaité, montrer l'exemple. Nous venons d'être chaleureusement félicités, je m'en réjouis, par le Directeur général du programme des Nations Unies pour l'environnement, en présentant la Charte de l'environnement, qui a été adoptée par le Conseil des ministres et qui sera définitive, je l'espère, avant la fin de l'année. Les objectifs sont la préservation de notre environnement mais peut-être plus encore que la préservation de l'environnement, cela consiste à rechercher une évolution de notre propre culture pour y intégrer un plus grand respect de ce qui est notre environnement c'est-à-dire de la nature au sens le plus large du terme. C'est une réforme tout à fait capitale et je remercie toutes celles et tous ceux qui se sont dévoués dans cette affaire, le ministre de l'Environnement, avec M. COPPENS...

QUESTION - Vous évoquiez l'Europe avant d'évoquer la Constitution, ce succès pour l'Europe. Un mot des débuts de la présidence italienne, est-ce que vous avez été surpris du ton, des premiers propos de Silvio BERLUSCONI et des polémiques qui s'en sont suivis avec l'Allemagne ?

LE PRÉSIDENT - N'attendez pas de moi un commentaire quelconque sur les propos du Président en exercice de l'Union européenne. Je n'ai aucun commentaire à faire. En revanche, je voudrais dire quelque chose sur l'Europe. Il y a la Convention qui a été conduite par Valéry GISCARD d'ESTAING pendant quinze ou vingt mois. On est arrivé à un résultat, je dirais, inespéré d'équilibre, de vision de l'avenir, d'intelligence. Nous avons donc maintenant la base de notre réforme qui va être discutée et adoptée au niveau de la conférence intergouvernementale c'est-à-dire des chefs d'Etat et de gouvernement. Je suis très admiratif du résultat auquel on est arrivé, je ne dis pas, naturellement, que tout ce que souhaitait la France se trouve dedans, mais je suis très admiratif de ce qui a été fait et naturellement très soucieux que ce soit la base même de la réforme qui sera adoptée par les gouvernement...

QUESTION - La France n'y touchera pas ?

LE PRÉSIDENT - ... Le Chancelier SCHROEDER a fait, il y a deux ou trois jours, une interview dans le Financial Times et dans lequel il exprimait son point de vue. J'ai exactement le même c'est-à-dire que, comme le Chancelier SCHROEDER, je souhaite que cette proposition de la Convention, ce projet, soit la base même de nos travaux.

QUESTION - Et soit approuvé peut-être par référendum en France ?

LE PRÉSIDENT - Cela, c'est une question qui doit être examinée, je l'ai déjà évoqué. Cela dépendra naturellement des résultats de cette Conférence.

QUESTION - Cet entretien s'achève, merci beaucoup...

LE PRÉSIDENT - Je regrette que l'on n'ait pas eu le temps de dire un mot sur trois sujets. Je ne les aborderai pas naturellement. Mais je voulais féliciter les Français pour l'effort qu'ils ont fait en matière de sécurité routière. C'était un de mes chantiers et il y a eu là tout de même un progrès sensible qui a été enregistré. Il faut continuer et je leur dis : on est en période de vacances, pensez à vous-même, pensez à votre famille, pensez à vos amis, pensez aux autres, soyez un peu prudents, soyez vigilants, c'était la première chose.

La deuxième, c'était sur le cancer, où je trouve que l'ensemble des parties prenantes à la lutte contre ce drame s'est vraiment mobilisé, les chercheurs, les médecins, les associations. Je me réjouis des progrès qui sont en chemin, nous avions du retard à rattraper aussi bien pour ce qui concerne la recherche que l'accompagnement et les soins des malades que le dépistage ou la prévention.

Le dernier, c'est sur le handicap. Je suis content que le gouvernement ait pris une série de mesure en faveur des handicapés pour l'accompagnement à domicile, pour la scolarisation des enfants, pour le nombre de places en établissement d'accueil ou en CAT. Mais il y a maintenant l'élaboration avec les associations de cette troisième et grande loi qui permettra, je l'espère d'améliorer sensiblement l'intégration des handicapés dans la vie économique et sociale et en se fondant sur le droit à compensation. Je suis fier, à un titre ou à un autre, d'avoir été un peu à l'origine des trois. Voilà les principales réflexions que je voulais faire sur ce point.

QUESTION - Merci beaucoup, Monsieur le Président, d'avoir répondu à nos questions.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-10-18 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité